Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Chambéry 18 novembre 2008
Cour de cassation 02 février 2010

Cour de cassation, Chambre commerciale, 2 février 2010, 09-11293

Mots clés prescription · révision · société · nullité · remboursement · taxes · procédure civile · action · loyers · foncières · renonciation · transmission · soumise · indices

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 09-11293
Dispositif : Cassation partielle
Décision précédente : Cour d'appel de Chambéry, 18 novembre 2008
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Chambéry 18 novembre 2008
Cour de cassation 02 février 2010

Texte

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société des téléphériques de Val d'Isère (la société) a donné en location-gérance à M. X... un fonds de commerce de bar-restaurant, moyennant le paiement d'un loyer indexé successivement sur plusieurs indices ; qu'après que la société ait mis fin au contrat de location-gérance, M. X... l'a assignée en remboursement du produit des indexations de loyers pour illicéité des indices choisis et du montant des taxes foncières qu'il avait acquittés pendant toute la période où il a exploité le fonds ;

Sur les deuxième et troisième moyens

:

Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais

sur le premier moyen

, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 145-60 du code de commerce ;

Attendu que pour dire prescrites les demandes en révision du montant des loyers pour la période du 3 mai 1979 au 10 août 2004 formées par M. X..., l'arrêt retient que par son objet qui concerne la révision rétroactive du montant du loyer, l'action de ce dernier, même fondée sur la nullité de la clause d'indexation conventionnelle qui ne constitue que le moyen invoqué à son soutien, est soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'action de M. X... en nullité des clauses d'indexation appliquées par la société pour illicéité des indices retenus qui, étant fondée sur l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, n'entrait pas dans le champ d'application de la prescription biennale de l'article L. 145 -60 du code de commerce, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y a ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré prescrites les demandes de M. X... en révision du montant des loyers pour la période du 3 mai 1979 au 10 août 2004, l'arrêt rendu le 18 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la Société des téléphériques de Val-d'Isère aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société des téléphériques de Val-d'Isère à payer à M. X... la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille dix.

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt

Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour M. X....


PREMIER MOYEN DE CASSATION


L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré prescrites les demandes en révision du montant des loyers pour la période du 3 mai 1979 au 10 août 2004 formées par M. Jean-Pierre X... ;

AUX MOTIFS QUE « sur les demandes en restitution des sommes versées par application des clauses d'indexation du loyer et sur la prescription, pour s'opposer à l'exception de prescription fondée sur l'article L.145-60 du Code du commerce, Jean-Pierre X... soutient que la contestation qu'il a formée ne s'analyse pas en une action en réajustement ou fixation de loyer, mais tend à constater la nullité des clauses d'indexation appliquées, et qu'en outre cette contestation ne concerne pas un bail commercial mais un contrat de location-gérance non soumis au décret du 30 septembre 1953 ; que cependant, si elle est fondée sur la nullité de la clause d'indexation pour illicéité de l'indice retenu au regard de l'article L.112-2 du Code monétaire et financier, la contestation porte sur le montant du loyer fixé par application de ladite clause dont Jean-Pierre X... sollicite donc rétroactivement la révision du montant ; qu'en vertu de l'article L.144-12 du Code du commerce issu de la loi du 20 mars 1946, l'action en révision du loyer d'une location-gérance est introduite et jugée conformément aux dispositions prévues en matière de révision du prix des baux à loyer d'immeubles ou locaux à usage commercial et industriel ; que toutefois, en vertu de l'article L.145-60 dudit code, toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre, en l'occurrence le chapitre V intitulé « du bail commercial », se prescrivent par deux ans ; qu'il s'ensuit que par son objet, à savoir la révision du montant du loyer, la présente action, même fondée sur la nullité de la clause d'indexation conventionnelle, laquelle constitue le moyen invoqué au soutien de l'action, est soumise à la prescription biennale de l'article L.145-60 précité ; que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté cette exception en qualifiant la demande d'action en répétition de l'indu alors que la restitution sollicitée ne constitue qu'une conséquence de l'admission de l'action en révision du loyer pour annulation de la clause d'indexation ; que compte tenu de la date de l'assignation, l'action en révision du montant du loyer n'est donc recevable qu'au titre des loyers versés entre le 10 août 2004 et le 30 septembre 2006 ; que, sur le bien fondé des demandes non prescrites, au cours de cette période les loyers de location-gérance étaient indexés sur « la moyenne de l'augmentation des forfaits 1 jour et 7 jours, comparée à l'année précédente », étant précisé à l'acte, à savoir le courrier de la STVI du 29 novembre 1991 approuvé par le locataire-gérant, que pour la saison 1991/1992, l'augmentation était de 5,31 % ; que si Jean-Pierre X... est fondé à faire valoir qu'en sa qualité d'exploitant des remontées mécaniques de la station, la STVI intervient dans la fixation du prix des forfaits qu'elle délivre, c'est à juste titre que le premier juge a écarté la clause de nullité tirée de l'article 1174 du Code civil après avoir constaté, à l'examen des procès-verbaux des délibérations du conseil municipal de la commune de VAL D'ISERE, que si la STVI, en qualité de concessionnaire, établissait les propositions tarifaires pour la saison à venir, celles-ci étaient soumises à la commission « Concertation et des Tarifs » qui les examinait avant de les soumettre au conseil municipal pour approbation, en sa qualité d'autorité concédante ; que Jean-Pierre X... sera donc débouté de sa demande en réduction des loyers portant sur cette période comme non fondée ; que, sur la demande en remboursement des taxes foncières et sur la prescription, portant sur l'exigibilité des charges locatives payables annuellement que constituent les taxes et impositions que la convention fait supporter au locataire-gérant, la contestation soulevée de ce chef est soumise à la prescription abrégée de l'article 2277 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 janvier 2005, la cause interruptive du délai invoquée par Jean-Pierre X... étant radicalement inopérante dès lors que la détermination de la taxe litigieuse ne dépend pas de la transmission d'informations par le débiteur ; qu'il s'ensuit que la demande n'est recevable qu'au titre des taxes payées sur les années 2001 à 2005 ;
que, sur le bien fondé de la demande non prescrite, ayant apposé la mention « lu et approuvé » suivie de sa signature au pied du courrier date du 29 novembre 1991 que la Société STVI lui a adressé et qui énonce : « b) la taxe foncière sera à la charge du restaurateur comme les années précédentes », Jean-Pierre X..., qui s'est toujours acquitté de cette charge a non seulement manifesté clairement sa volonté réitérée d'assumer cette charge financière mais en a assuré le paiement chaque année en parfaite connaissance de la nature de cette imposition ; que c'est donc à juste titre que, par application de l'article 1134 du Code civil selon lequel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise », le premier juge a rejeté sa contestation comme non fondée ; que, sur les autres demandes, Jean-Pierre X... a renoncé en appel à sa demande relative aux « primes de panier » ; que, succombant en toutes ses prétentions, il ne peut prétendre à l'allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'il n'est pas inéquitable pour autant de laisser à la STVI la charge des frais qu'elle a exposés pour assurer sa représentation en justice, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande qu'elle a formée sur le même fondement (…) » (arrêt, p. 3 à 5) ;

ALORS QUE, premièrement, la prescription biennale de l'article L.145-60 du Code de commerce ne concerne que les actions résultant des articles L.145-1 et suivants de ce Code ; que par suite, l'action en nullité d'une clause d'indexation pour illicéité de l'indice retenu fondée sur les dispositions de l'article L.112-2 du Code monétaire et financier n'entre pas dans le champ d'application de la prescription biennale de l'article L.145-60 du Code de commerce ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L.145-60 du Code du commerce ;

Et ALORS QUE, deuxièmement et en toute hypothèse, la sanction de la violation des dispositions relatives aux clauses d'indexation d'ordre public est soumise à une prescription trentenaire et ne saurait être tenue en échec par la prescription biennale exercée en vertu de l'article L.145-60 du Code du commerce dont les dispositions ont vocation à ne protéger que des intérêts privés ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L.112-2 du Code monétaire et financier, ensemble les articles 6 et 1134 du Code civil.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION


L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a débouté M. Jean-Pierre X... de sa demande de révision des loyers se rapportant à la période postérieure au 10 août 2004 ;

AUX MOTIFS QUE « sur le bien fondé des demandes non prescrites, au cours de cette période les loyers de location-gérance étaient indexés sur « la moyenne de l'augmentation des forfaits 1 jour et 7 jours, comparée à l'année précédente », étant précisé à l'acte, à savoir le courrier de la STVI du 29 novembre 1991 approuvé par le locataire-gérant, que pour la saison 1991/1992, l'augmentation était de 5,31 % ; que si Jean-Pierre X... est fondé à faire valoir qu'en sa qualité d'exploitant des remontées mécaniques de la station, la STVI intervient dans la fixation du prix des forfaits qu'elle délivre, c'est à juste titre que le premier juge a écarté la clause de nullité tirée de l'article 1174 du Code civil après avoir constaté, à l'examen des procès-verbaux des délibérations du conseil municipal de la commune de VAL D'ISERE, que si la STVI, en qualité de concessionnaire, établissait les propositions tarifaires pour la saison à venir, celles-ci étaient soumises à la commission « Concertation et des Tarifs » qui les examinait avant de les soumettre au conseil municipal pour approbation, en sa qualité d'autorité concédante ; que Jean-Pierre X... sera donc débouté de sa demande en réduction des loyers portant sur cette période comme non fondée (…) » (arrêt, p. 4, § 3 à 6) ;

ALORS QUE, premièrement, M. X... rappelait dans ses conclusions d'appel que si la Société STVI, en qualité de concessionnaire, établissait des propositions tarifaires soumises à l'approbation du Conseil municipal de Val d'Isère, celui-ci n'était chargé en réalité que de valider les tarifs des remontées mécaniques fixés par la Société STVI qui n'excédaient pas les variations de l'indice BIPE du prix des services privés (conclusions d'appel, p. 13 et 14) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur le point de savoir si le rôle du Conseil municipal ne se résumait pas ainsi à entériner les grilles de tarifs qui lui étaient soumises par la Société STVI sans disposer d'aucun véritable pouvoir sur ces propositions tarifaires , les juges du fond ont entaché leur décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé, ce faisant, l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Et ALORS QUE, deuxièmement, en ne répondant pas aux conclusions par lesquelles M. X... démontrait que les différents avenants conclus entre la Société STVI et la Commune de VAL D'ISERE soumettaient le prix des forfaits à des indices nuls puisque n'ayant pas de relation directe avec l'activité exercée dans le cadre des contrats de location-gérance qui lui avaient été consentis (conclusions d'appel, p. 16, §3), les juges du fond ont, de nouveau, violé l'article 455 du Code de procédure civile.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION


L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclarées prescrites les demandes en remboursement des taxes foncières afférentes aux années 1987 à 2000 incluse et débouté M. Jean-Pierre X... de sa demande en remboursement des taxes foncières des années 2001 à 2005 comme non fondée ;

AUX MOTIFS QUE « sur la demande en remboursement des taxes foncières et sur la prescription, portant sur l'exigibilité des charges locatives payables annuellement que constituent les taxes et impositions que la convention fait supporter au locataire-gérant, la contestation soulevée de ce chef est soumise à la prescription abrégée de l'article 2277 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 janvier 2005, la cause interruptive du délai invoquée par Jean-Pierre X... étant radicalement inopérante dès lors que la détermination de la taxe litigieuse ne dépend pas de la transmission d'informations par le débiteur ; qu'il s'ensuit que la demande n'est recevable qu'au titre des taxes payées sur les années 2001 à 2005 ; que, sur le bien fondé de la demande non prescrite, ayant apposé la mention « lu et approuvé » suivie de sa signature au pied du courrier date du 29 novembre 1991 que la Société STVI lui a adressé et qui énonce : « b) la taxe foncière sera à la charge du restaurateur comme les années précédentes », Jean-Pierre X..., qui s'est toujours acquitté de cette charge a non seulement manifesté clairement sa volonté réitérée d'assumer cette charge financière mais en a assuré le paiement chaque année en parfaite connaissance de la nature de cette imposition ; que c'est donc à juste titre que, par application de l'article 1134 du Code civil selon lequel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise », le premier juge a rejeté sa contestation comme non fondée (…) » (arrêt, p. 4, antépénultième, avant-dernier et dernier §) ;

ALORS QUE, premièrement, la prescription de cinq ans prévue par l'article 2277 du Code civil pour tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui, en particulier, doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire ; qu'en l'espèce, la détermination de la taxe foncière susceptible d'être réclamée à M. X... dépendait d'éléments détenus par la seule société STVI, en sa qualité de propriétaire ; que pour déclarer prescrites les demandes de M. X... en remboursement de la taxe foncière, les juges du fond ont énoncé : « la détermination de la taxe litigieuse ne dépend pas de la transmission d'informations par le débiteur » (arrêt, p. 4, antépénultième §) ; qu'en procédant par voie de simple affirmation sans énoncer les règles ou les principes sur lesquels ils s'appuyaient pour procéder à une telle affirmation, les juges du fond ont violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Et ALORS QUE, deuxièmement, la renonciation tacite ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en l'espèce, en se bornant à rejeter les demandes en remboursement des taxes foncières des années 2001 à 2005 formées par M. X... au seul motif que ce dernier s'était « toujours acquitté de cette charge » quand le règlement par le locataire gérant des sommes qui lui étaient réclamées par la société STVI n'emportait pas renonciation de sa part à faire valoir ses droits, les juges du fond ont violé l'article 1134 du Code civil, ensemble les règles régissant la renonciation tacite.