Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 mars et 30 mai 2022, M. A B, représenté par Me Conein, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 11 mars 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait interdiction temporaire d'exercer les fonctions de l'article
L. 212-1 du code du sport pendant une durée de six mois ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de renouveler sa carte professionnelle ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B soutient que :
-la décision est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de saisine de la commission et alors que la préfète ne justifie pas de l'urgence à édicter la mesure contestée ;
-la mesure porte atteinte à la présomption d'innocence ;
-elle méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2022, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code du sport ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendues au cours de l'audience publique du 27 juin 2024 :
- le rapport de Mme Merri, première conseillère,
- les conclusions de M. Boutot, rapporteur public,
- et les observations de M. C, représentant la préfète du Bas-Rhin.
Considérant ce qui suit
:
1. M. A B, titulaire du brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport, ainsi que du certificat de qualification professionnelle Animateur de loisirs sportifs, exerce en tant qu'éducateur sportif au sein de plusieurs établissements depuis le 6 août 2018. Le 7 février 2022, il a présenté une demande renouvellement de sa carte professionnelle. Par un arrêté du 11 mars 2022, notifié le 19 mars suivant, la préfète du Bas-Rhin a pris à son encontre une mesure d'interdiction temporaire d'exercer les fonctions de l'article
L. 212-1 du code du sport pendant une durée de six mois. Par la présente requête, ce dernier demande l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision du 11 mars 2022 :
2. Aux termes de l'article
L. 212-13 du code du sport, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées aux articles
L. 212-1, L. 223-1 ou L. 322-7 ou d'intervenir auprès de mineurs au sein des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1. / () Cet arrêté est pris après avis d'une commission comprenant des représentants de l'Etat, du mouvement sportif et des différentes catégories de personnes intéressées. Toutefois, en cas d'urgence, l'autorité administrative peut, sans consultation de la commission, prononcer une interdiction temporaire d'exercice limitée à six mois. Dans le cas où l'intéressé fait l'objet de poursuites pénales, la mesure d'interdiction temporaire d'exercer auprès de mineurs s'applique jusqu'à l'intervention d'une décision définitive rendue par la juridiction compétente. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. "
3. Il résulte de ces dispositions que pour assurer la protection des pratiquants d'une activité physique ou sportive, l'autorité administrative peut interdire à une personne d'exercer une activité d'enseignement, d'animation ou d'encadrement d'une telle activité, une mission arbitrale, une activité de surveillance de baignade ou piscine ouverte au public, ou d'exploiter un établissement dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives, lorsque son maintien en activité " constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants "..
4. Les mesures d'interdiction prises sur le fondement de cet article, qui tendent à assurer le respect de l'ordre public et répondent à la nécessité de prévenir des risques pour la santé et la sécurité des personnes, ne constituent pas une sanction ayant le caractère de punition mais des mesures de police administrative.
5. En premier lieu, M. B conteste le caractère d'urgence de la situation, propre à permettre à l'autorité administrative d'adopter de telles mesures conservatoires sans consultation préalable de la commission prévue par les dispositions précitées.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin n'a été avisée de sa mise en examen qu'au cours de la vérification de son honorabilité dans le cadre de l'instruction de sa demande de renouvellement de carte professionnelle, présentée le 7 février 2022. Le délai écoulé entre la date à laquelle l'autorité administrative a été informée et la date à laquelle la décision contestée a été émise n'est pas de nature à contredire l'existence d'une situation d'urgence.
7. D'autre part, si le requérant soutient qu'aucune mesure urgente de suspension n'était nécessaire, dès lors qu'il était déjà, à la date de la décision contestée, placé sous contrôle judiciaire assorti d'une interdiction d'entrer en contact avec des mineurs, il n'est pas établi que la préfète du Bas-Rhin, qui n'avait, comme le rappelle M. B dans ses écritures, aucun accès au dossier de l'instruction, ait eu connaissance de ces mesures.
8. Dès lors, M. B n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.
9. En deuxième lieu, la décision contestée ne constituant pas une sanction ayant le caractère d'une punition, mais une mesure de police administrative tendant à assurer le maintien de l'ordre public et de la sécurité, ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre d'une telle mesure les principes constitutionnels et conventionnels régissant la matière répressive dont le principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen que présente le requérant en ce sens ne peut donc qu'être écarté.
10. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour prendre sa décision d'interdiction provisoire d'exercice à l'encontre de M. B, la préfète s'est fondée sur la mise en examen de l'intéressé pour des faits de viol sur mineure par personne ayant autorité, et sur son inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes. Au regard de la particulière gravité des faits qui lui sont reprochés, la situation du requérant est bien de nature à justifier légalement la décision prise. La seule circonstance, alléguée par M. B, que le contrôle judiciaire dont il faisait déjà l'objet lui interdisait d'entrer en contact avec des personnes mineures ne suffit pas établir que son maintien en activité ne porterait pas atteinte à la santé et à la sécurité des pratiquants, y compris majeurs, qu'il serait conduit à encadrer dans le cadre de ses activités professionnelles. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit donc être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté.
12. Les conclusions qu'il présente à cette fin doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité, ses conclusions à fin d'injonction, et ses conclusions présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques. Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024 à laquelle siégeaient :
M. Rees, président,
Mme Merri, première conseillère,
Mme Dobry, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.
La rapporteure,
D. MERRILe président,
P. REES La présidente,
C. Van Muylder
La greffière,
V. IMMELÉ
La République mande et ordonne à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,