Vu la requête
, enregistrée au greffe de la cour le 17 mars 1993, présentée pour M. et Mme Joseph X..., demeurant à MARSEILLE (13015), Résidence Les Fabrettes, Bâtiment A2, par Me Y..., avocat ;
M. et Mme X... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 14 janvier 1993 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre des années 1981, 1982, 1983 et 1984 et de contribution de 1 % établi à leur nom au titre des années 1982 et 1983 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de dix mille francs au titre de l'article
L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 1994 :
- le rapport de Mme HAELVOET, conseiller,
- et les conclusions de M. COURTIAL, commissaire du gouvernement ;
Sur la
régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que M. et Mme X..., qui s'étaient abstenus, dans leur demande de première instance, de critiquer les redressements relatifs aux revenus d'origine indéterminée, ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a rejeté leurs conclusions afférentes à ce chef de redressement, alors même que la contestation, sur ce point, a été déclarée irrecevable, bien qu'en fait elle n'était assortie d'aucun moyen permettant d'en apprécier la pertinence ;
Considérant, en second lieu, que le moyen selon lequel les premiers juges auraient dû invoquer d'office l'erreur commise dans la qualification juridique des revenus doit en tout état de cause être rejeté dès lors que les sommes dont l'origine n'a pas été justifiée ont été rattachées au revenu global et non pas assimilées à des bénéfices commerciaux et que si les redressements afférents à ces derniers revenus ont été inclus dans les disponibilités dégagées de la balance de trésorerie, une telle prise en compte ne signifie nullement qu'ils ont été imposés en tant que revenus d'origine indéterminée ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la vérification de comptabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition n'oblige l'administration à désigner, sur l'avis de vérification visé par l'article
L.47 du livre des procédures fiscales, les impôts sur lesquels le vérificateur se propose de faire porter le contrôle envisagé ; que, si les requérants entendent se prévaloir des recommandations contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, ce document n'a été rendu opposable à l'administration que par l'article
8 de la Loi n°87-502 du 8 juillet 1987, soit postérieurement à l'engagement de la vérification en cause ; que, par ailleurs, cette charte qui est un simple document d'information du contribuable, ne constitue pas une instruction au sens de l'article
1er du décret 83-1025 du 28 novembre 1983 et ne peut donc être opposée à l'administration sur le fondement dudit décret ;
Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme X..., le vérificateur pouvait procéder à l'examen au fond des documents comptables dès sa première intervention sur place, effectuée près de quinze jours après la notification de l'avis de vérification, dès lors que les restrictions prévues par l'article
L. 47 du livre précité ne sont applicables qu'aux contrôles inopinés ;
En ce qui concerne les redressements résultant de la vérification de comptabilité :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la notification de redressements, établie le 12 novembre 1985 selon la procédure de rectification d'office, indiquait notamment les modalités de détermination de la marge brute et des achats qui n'avaient pas été comptabilisés ; qu'ainsi elle était suffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article L. 76 du livre susvisé ;
En ce qui concerne les redressements résultant de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.16 du livre précédemment cité, l'administration peut demander " ... des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ..." ; que, dans le cas où l'administration se fonde sur l'existence d'un déséquilibre entre les ressources connues et une évaluation des disponibilités engagées, il incombe au juge de s'assurer que le solde ainsi établi présente un caractère significatif et ne résulte pas, notamment, d'une évaluation arbitraire des dépenses de train de vie ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si les soldes créditeurs, soit respectivement 62 599 francs, 56 391 francs, 87 541 francs et 55 626 francs, des balances de trésorerie des années 1981, 1982, 1983 et 1984, décrites dans la demande de justifications, adressée à M. et Mme X... le 22 novembre 1985, étaient suffisamment importants par rapport aux revenus déclarés, d'un montant de 56 070 francs au titre de 1981, de 59 530 francs au titre de 1982, de 35 550 francs au titre de 1983 et de 37 080 francs au titre de 1984, ils provenaient essentiellement, au titre de la seule année 1984, d'une évaluation arbitraire des dépenses de train de vie ; qu'ainsi, pour cette année, l'administration ne saurait se fonder sur ces écarts, afin de justifier de la régularité de la demande en cause, alors même que l'évaluation de ces dépenses, proposée par le contribuable dans sa réponse, et acceptée par le service, conservait audit solde un caractère significatif ; qu'il suit de là que les impositions de l'année 1984, relatives aux revenus d'origine indéterminée, ont été établies au terme d'une procédure irrégulière ; qu'il convient, par suite, d'en prononcer la décharge ; qu'en revanche, la procédure prévue par l'article L.16 susvisé à été régulièrement diligentée au titre des autres années en litige ;
Considérant, en second lieu, qu'en réponse à la demande de justifications du 22 novembre 1985, M. et Mme X... ont proposé de nouvelles balances rectifiées faisant état notamment de remboursements de prêts familiaux et d'une participation d'un enfant aux dépenses de train de vie, tout en admettant que les soldes créditeurs subsistants devaient être rattachés à l'activité commerciale ; qu'à la suite de cette réponse, le service a adressé aux intéressés une nouvelle demande les invitant à justifier de la présence de leur enfant sous leur toit et de ses capacités financières, ainsi que de la réalité des prêts familiaux allégués ; qu'il n'est pas contesté qu'aucune réponse n'a alors été formulée ; qu'ainsi, en application de l'article L.16 du livre susvisé, l'administration était fondée à recourir à la procédure de taxation d'office ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :
Considérant, d'une part, que les requérants, qui supportent la charge de la preuve de l'exagération des rehaussements des bénéfices industriels et commerciaux, dont la prescription a été régulièrement interrompue par une notification suffisamment motivée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ne sauraient soutenir utilement que le coefficient de marge brute déterminé par le vérificateur ne tient pas compte des conditions de l'exploitation, dès lors qu'il résulte de l'instruction que cette marge a été déterminée après rapprochement des prix de vente et des factures d'achats de l'année 1984, en l'absence de présentation des tarifs pratiqués au cours des exercices antérieurs, puis pondérée en fonction de l'importance relative des recettes issues de la restauration et de l'exploitation du bar ; que la référence, dans la notification de redressements, aux coefficients moyens constatés dans des commerces similaires, n'avait d'autre objet que de conforter les résultats obtenus par le vérificateur après analyse des données propres à l'entreprise ;
Considérant, d'autre part, que si M. et Mme X... suggèrent une autre méthode que celle du service pour reconstituer les achats commercialisés, ils n'ont fourni, à l'appui de leur mémoire, aucun document relatant l'évaluation annoncée ; qu'ainsi ils ne peuvent être regardés comme apportant la preuve exigée ;
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
Considérant qu'en se bornant à alléguer que les disponibilités dégagées incluses dans les balances devaient être majorées des prélèvements financiers et en nature effectués dans l'entreprise, les requérants, régulièrement taxés d'office, n'apportent pas la preuve de l'exagération des impositions qui leur incombe, dès lors, d'une part, qu'il résulte des pièces du dossier que l'administration a pris en compte les prélèvements comptabilisés et, d'autre part, qu'il n'est pas justifié qu'une somme supérieure aurait dû être retenue à ce titre ;
Sur les pénalités :
Considérant, d'une part, que les intérêts de retard visés par l'article
1728 du code général des impôts alors en vigueur sont dus de plein droit, dès lors que l'insuffisance des chiffres déclarés excède le dixième de la base d'imposition ; qu'ils n'impliquent ainsi aucune appréciation par l'administration fiscale du comportement du contribuable et n'ont pas, ainsi, le caractère d'une sanction au sens de l'article
1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; que par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les intérêts de retard dont ont été assorties les impositions en litige n'avaient pas à être motivés ;
Considérant, d'autre part, que M. et Mme X... invoquent, sur le fondement des dispositions de l'article
1er du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983, deux instructions administratives publiées en 1981 qui recommanderaient aux agents de l'administration d'informer les contribuables de la nature et des motifs de l'application des pénalités de bonne foi ; que, toutefois, en admettant que cette doctrine ait la portée que lui prêtent les intéressés, de telles dispositions, qui fixent des règles nouvelles en matière de motivation des sanctions fiscales, ont ainsi une valeur réglementaire ; qu'en l'absence de disposition législative ou réglementaire conférant au ministre chargé du Budget le pouvoir d'édicter de telles règles générales, les instructions dont s'agit émanent d'une autorité incompétente et, par suite, sont irrégulières ; que les requérants ne peuvent donc, en tout état de cause, utilement les invoquer ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article
L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant, que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser une somme quelconque à M. et Mme X... ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X... sont partiellement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la totalité de leur demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre des années 1981, 1982, 1983 et 1984 et de contribution de 1 % établi à leur nom au titre des années 1982 et 1983 ;
Article 1er
: La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. et Mme X... au titre de l'année 1984 est réduite d'une somme de 30 717 francs ;
Article 2 : M. et Mme X... sont déchargés des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 14 janvier 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X... est rejeté.