AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 septembre 1994 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), au profit de la société Roy, travaux publics, société anonyme, dont le siège est ... Dange-Saint-Romain,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article
L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 16 avril 1996, où étaient présents : M. Lecante, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Carmet, conseiller rapporteur, MM. Boubli, Brissier, conseillers, Mme Girard-Thuilier, conseiller référendaire, M. de Caigny, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. le conseiller Carmet, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X..., de Me Odent, avocat de la société Roy, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 septembre 1994), que M. X..., chef de chantier au service de la société Roy depuis le 5 janvier 1959, a été licencié pour faute grave le 6 mai 1992;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes d'indemnité de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que la lettre de licenciement fixe les limites du litige; qu'il était reproché au salarié, dans la lettre du 28 avril 1992, d'avoir dérobé un niveau à une entreprise qui travaillait sur le chantier; que la cour d'appel, qui a retenu pour dire le licenciement pour faute grave justifié non seulement un détournement de matériel concernant le niveau litigieux, mais aussi l'appropriation de tréteaux soustraits à la société Roy et plus généralement la "récupération" d'outillage et de matériaux et a qualifié l'ensemble de ces faits "d'indélicatesses" caractérisant la faute grave, a méconnu les limites du litige et violé les articles
L. 122-14-2 et
L. 122-14-3 du Code du travail; alors, surtout, que le salarié affirmait avoir été licencié sous un fallacieux prétexte; que la cour d'appel, qui a tenu pour certain le détournement de matériel concernant le niveau à bulle dérobé en l'absence évidente d'intention de le restituer sans préciser les éléments retenus pour former sa conviction, a procédé par voie de simple affirmation et entaché sa décision d'un défaut de motifs en violation de l'article
455 du nouveau Code de procédure civile; alors, enfin, qu'en l'absence de toute relation des circonstances de fait relatives au détournement du matériel litigieux, la Cour de Cassation n'est pas en mesure d'exercer son contrôle de qualification de la faute; que la décision de la cour d'appel est, dès lors, privée de toute
base légale au regard des articles
L. 122-8 et
L. 122-9 du Code du travail;
Mais attendu que l'employeur, dans la lettre de licenciement du 6 mai 1992, ayant fait grief au salarié d'avoir détourné du matériel trouvé après perquisition à son domicile, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a pu décider que ces agissements, dont il était coutumier, inadmissibles de la part d'un chef de chantier, rendaient impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis, et constituaient une faute grave; que le moyen n'est pas fondé;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Rejette également les demandes présentées sur le fondement de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile;
Condamne M. X..., envers la société Roy, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé à l'audience publique du douze juin mil neuf cent quatre-vingt-seize par M. Carmet, conformément à l'article
452 du nouveau Code de procédure civile.