Vu la procédure suivante
:
Par une requête et des mémoires enregistrés les 10 novembre 2021, 26 septembre 2022 et 1er février 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Ingenica Management Holding, représentée par Me Dumez, demande au tribunal :
1°) de prononcer la restitution du reliquat du montant du crédit d'impôt recherche dont elle estime avoir droit au titre de l'année 2020, à hauteur de 186 419 euros ;
2°) d'assortir cette somme d'intérêts moratoires à compter du 14 septembre 2021 ;
3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens de l'instance ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- la dotation à l'amortissement du prototype " Steromask ", d'un montant de 22 719 euros, constitue des dépenses de recherche au sens des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts ; elle se prévaut sur ce point du paragraphe n°90 de l'instruction publiée au bulletin officiel des finances publiques - impôts le 13 juillet 2021 sous la référence BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 ;
- c'est à tort que le service a refusé de prendre en compte pour le calcul du crédit d'impôt recherche en cause, la rémunération de six salariés alors que ceux-ci disposent d'une formation utile au projet de recherche en cause, qu'ils ont pris part dans une certaine mesure aux opérations de recherche, et que le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a proposé de retenir la rémunération de quatre d'entre eux à hauteur de 20%.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 mars 2022, 21 novembre 2022 et 23 février 2023, le directeur départemental des finances publiques des Yvelines doit être regardé, dans le dernier état de ses écritures, comme concluant au non-lieu à statuer sur les conclusions tendant au remboursement du crédit d'impôt recherche à hauteur de 99 748 euros, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- compte tenu des justificatifs produits par la société requérante et les deux avis des 30 mai et 16 septembre 2022 du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, le crédit d'impôt recherche auquel peut prétendre la société requérante pour sa filiale intégrée SAS Ingenica Lli au titre de l'année 2020, s'élève à 99 748 euros ;
- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une lettre du 11 mai 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires en l'absence de litige né et actuel relatif à un refus de paiement de ceux-ci.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mathé, rapporteure,
- et les conclusions de M. Armand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
:
1. Le 25 mars 2021, la société par actions simplifiée (SAS) Ingenica management holding a déposé une demande de remboursement portant sur un crédit d'impôt recherche pour l'année 2020, en tant que société mère d'un groupe intégré fiscalement au sens des dispositions des articles 223 A et suivants du code général des impôts, pour elle-même ainsi que pour la SAS Ingenica Lli, sa filiale, à hauteur respectivement de 3 913 euros et de 186 419 euros. Par une décision du 14 septembre 2021, le service a fait droit à sa demande la concernant et a rejeté le surplus de la demande qui concernait sa filiale. Par sa requête, la SAS Ingenica management holding demande au tribunal de lui accorder la restitution du reliquat du montant du crédit d'impôt recherche dont elle estime avoir droit au titre de l'année 2020.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 22 février 2023, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques des Yvelines a accordé à la SAS Ingenica management holding le remboursement du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2020 en litige, pour un montant de 99 748 euros. Les conclusions de la société requérante étant, dans cette mesure, devenues sans objet, il n'y a ainsi plus lieu d'y statuer.
Sur le surplus des conclusions tendant à la restitution du crédit d'impôt recherche :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales () imposées d'après leur bénéfice réel () peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. () / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou d'installations pilotes. () / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. () " Aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe 3 au même code : " Le personnel de recherche comprend : / 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. / 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. / Notamment : / Ils préparent les substances, les matériaux et les appareils pour la réalisation d'expériences ; / Ils prêtent leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des expériences ou les effectuent sous le contrôle de ceux-ci ; / Ils ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement expérimental. / Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche. "
4. Il résulte de ces dispositions qu'ouvrent droit au crédit d'impôt recherche les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique. En particulier, ouvrent droit au crédit d'impôt les dépenses de personnel afférentes notamment aux salariés qui, sans posséder un diplôme d'ingénieur, se livrent à des opérations de recherche et ont acquis, au sein de leur entreprise, des compétences les assimilant, par le niveau et la nature de leurs activités, aux ingénieurs impliqués dans la recherche. En outre, peuvent être qualifiés de techniciens de recherche les salariés qui réalisent des opérations nécessaires aux travaux de recherche ou de développement expérimental éligibles au crédit d'impôt recherche, sous la conduite d'un ou plusieurs chercheurs qui les supervisent, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'ils ne disposeraient pas d'un diplôme ou d'une qualification professionnelle dans le domaine scientifique.
5. Par ailleurs, il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts. S'il se prononce au vu des éléments avancés par l'une et l'autre partie, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.
S'agissant des dotations aux amortissements des immobilisations affectées à la recherche :
6. Il résulte de l'instruction que le service a notamment exclu des bases du calcul du crédit d'impôt recherche prévu par l'article 244 quater B du code général des impôts au titre de l'année 2020, les dotations aux amortissements du prototype " Steromask " élaboré par la SAS Ingenica Lli, qui consiste en l'utilisation de rayons ultraviolets C pour la désinfection d'objets infectés par le virus Covid-19, pour un montant de 22 719 euros. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il résulte de ces dispositions que le crédit impôt recherche, s'il concerne les dépenses de recherche telles que les dotations aux amortissements des immobilisations affectées à des opérations de recherche pour la conception de prototypes, ne s'applique pas à l'amortissement du prototype lui-même. Par suite, les dépenses ainsi exposées par la SAS Ingenica Lli ne constituent pas des dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt au sens et pour l'application de ces mêmes dispositions.
S'agissant des dépenses de personnel :
7. Il résulte de l'instruction que le service a notamment exclu des bases de calcul du crédit d'impôt recherche prévu par l'article 244 quater B du code général des impôts au titre de l'année 2020, les dépenses de personnel concernant six salariés, M. D, M. C, M. A G, M. B, M. E et M. F. Si la société requérante soutient que ces six salariés disposent d'une formation utile au projet de recherche en cause et qu'ils ont pris part, dans une certaine mesure, aux opérations de recherche, il résulte de l'instruction, et notamment des deux avis consultatifs rendus le 30 mai et 14 septembre 2022 par la direction générale de la recherche de l'innovation du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, et n'est d'ailleurs pas contesté par la société requérante, que ces salariés ne sont pas des chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique au sens et pour l'application du II de l'article 244 quater B et de l'article 49 septies G de l'annexe 3 du code général des impôts, et que les coûts représentés par ceux-ci sont pris en charge au travers de frais de fonctionnement fixés forfaitairement. Dans ces conditions, et alors même que les deux experts du ministère, dans le cadre d'avis consultatifs que l'administration fiscale n'était pas tenue de suivre, ont proposé de considérer quatre salariés comme étant " dans l'environnement nécessaire au développement expérimental sous la forme de 20% de l'activité déclarée ", les dépenses de personnel correspondantes ne constituent pas des dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt au sens et pour l'application de ces mêmes dispositions.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. La décision refusant de rembourser un crédit d'impôt ne constituant ni un rehaussement d'imposition ni un redressement, la société requérante ne peut utilement se prévaloir du paragraphe n°90 de l'instruction publiée au bulletin officiel des finances publiques - impôts le 13 juillet 2021 sous la référence BOI-BIC-RICI-10-10-10-20.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le surplus des conclusions à fin de restitution du crédit d'impôt recherche auquel la SAS Ingenica management holding estime avoir droit au titre de l'année 2020, doit être rejeté.
Sur les intérêts moratoires :
10. En l'absence de litige né et actuel relatif à un refus de paiement des intérêts moratoires dus au contribuable au titre de l'article
L. 208 du livre des procédures fiscales, les conclusions de la société requérante tendant au paiement de ces intérêts ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
Sur les frais du litige :
11. La société requérante ne justifiant d'aucuns dépens, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article
R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande la société requérante au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SAS Ingenica management holding dans la limite du dégrèvement visé au point 2.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Ingenica management holding est rejeté.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société par actions simplifiée Ingenica management holding et au directeur départemental des finances publiques des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ouardes, président,
- M. de Miguel, premier conseiller,
- Mme Mathé, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
La rapporteure,
Signé
C. Mathé
Le président,
Signé
P. OuardesLa greffière,
Signé
C. Benoit-Lamaitrie
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.