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Cour d'appel de Metz, 23 janvier 2024, 21/01961

Mots clés
Contrats • Vente • Autres demandes relatives à la vente • immobilier • société • sci • vente • préjudice • preuve • mandat • prêt • tiers • condamnation • rapport • réparation • signature • risque • subsidiaire

Synthèse

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Résumé

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Partie défenderesse
S.A.R.L. NENICH IMMOBILIER A L'ENSEIGNE PRO COMM
défendu(e) par RIGO François

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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS N° RG 21/01961 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FRZS Minute n° 24/00017 S.C.I. GPV INVEST C/ S.A.R.L. NENICH IMMOBILIER A L'ENSEIGNE PRO COMM, S.A.S. TRANSGOURMET IMMOBILIER FRANCE Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 26 Mai 2021, enregistrée sous le n° 17/02528 COUR D'APPEL DE METZ 1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT

DU 23 JANVIER 2024 APPELANTE : S.C.I. GPV INVEST représentée par son représentant légal [Adresse 4] [Localité 3] Représentée par Me Patrick VANMANSART, avocat au barreau de METZ S.A.S. TRANSGOURMET IMMOBILIER FRANCE, représentée par son représentant légal [Adresse 2] [Localité 5] Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Christine LUSSAULT, avocat plaidant du barreau de PARIS INTIMÉES : S.A.R.L. NENICH IMMOBILIER A L'ENSEIGNE PRO COMM, représentée par son représentant légal [Adresse 1] [Localité 3] Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ S.A.S. TRANSGOURMET IMMOBILIER FRANCE Prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège [Adresse 2] [Localité 5] Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Christine LUSSAULT, avocat plaidant du barreau de PARIS DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 14 Novembre 2023 tenue par Madame Laurence FOURNEL, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 23 Janvier 2024. GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Véronique FELIX COMPOSITION DE LA COUR : PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère Mme BIRONNEAU, Conseillère ARRÊT : Contradictoire Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE La SCI GPV Invest exerce une activité d'investisseur immobilier. Le 26 janvier 2016, elle a émis par l'intermédiaire de la SARL Nenich Immobilier exerçant sous l'enseigne Pro Comm, une offre d'achat, valable jusqu'au 4 février 2016, portant sur des locaux professionnels situés sur la zone d'activité de Lauvallière à [Localité 6] (57), mis en vente par la SARL Transgourmet Immobilier France. Le vendeur n'a pas donné suite à cette offre, et la vente a finalement été conclue avec un autre acquéreur. Exposant avoir constaté que la vente précitée avait été conclue pour un prix inférieur de 100.000 € à celui qu'elle proposait, et estimant que la société Pro Comm s'était volontairement abstenue de transmettre son offre au vendeur afin de favoriser un autre candidat acquéreur, la SCI GP Invest a, dans un premier temps assigné devant le tribunal de grande instance de Metz la SARL Pro Comm, puis régularisé ultérieurement ses conclusions à l'encontre de la SARL Nenich Immobilier intervenante volontaire, en demandant la condamnation de cette société à lui payer une somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour perte d'une chance. Par conclusions déposées le 1er avril 2019 la SAS Transgourmet Immobilier France est intervenue volontairement à la procédure en soutenant n'avoir jamais été destinataire de l'offre émanant de la SCI GPV Invest, en reprochant à la société Nenich Immobilier d'avoir gravement manqué à ses obligations, et en lui réclamant également 100.000 € à titre de dommages et intérêts. La SARL Nenich Immobilier s'est opposée aux demandes en soutenant, notamment, que l'offre d'achat formulée par la SCI GPV Invest n'apparaissait nullement sérieuse, de sorte qu'elle n'avait pas, compte tenu de ses obligations d'agent immobilier, à la transmettre à la société Transgourmet et qu'aucune faute ne pouvait lui être reprochée, que ce soit vis à vis de la société GPV Invest ou vis à vis de son mandant. Elle a en outre contesté la réalité des pertes de chance alléguées. Par jugement du 26 mai 2021 le tribunal judiciaire de Metz a : Donné acte à la SARL Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm de son intervention volontaire aux débats, Donné acte à la SAS Transgourmet Immobilier France de son intervention volontaire aux débats, Débouté la SCI GP Invest de ses demandes, Débouté la SAS Transgourmet Immobilier France de ses demandes, Condamné la SCI GP Invest et la SAS Transgourmet Immobilier France à payer chacune à la SARL Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, Condamné la SCI GP Invest et la SAS Transgourmet Immobilier France aux dépens. Pour statuer ainsi, le tribunal, après avoir rappelé que les relations entre la société Transgourmet et la SARL Nenich Immobilier, titulaire d'un mandat de vente, était de nature contractuelle et qu'elles étaient de nature délictuelle entre les sociétés GPV Invest et Nenich Immobilier, a précisé que contrairement aux affirmations de la demanderesse, aucun des éléments du dossier n'établissait l'existence de liens entre l'agent commercial de la société Nenich Immobilier et la société acquéreuse des locaux litigieux. Il a ensuite rappelé que l'agent immobilier titulaire d'un mandat a notamment pour mission de rechercher l'efficacité de l'opération, et à ce titre doit présenter à son mandant un candidat dont il s'est assuré de la solvabilité réelle et du sérieux, de sorte qu'il ne peut lui être reproché d'écarter une offre qu'il estime fantaisiste ou insusceptible d'aboutir. Il a considéré qu'il appartenait à la SCI GPV Invest de faire la preuve de ce qu'elle avait une chance au moins minime de conclure la vente, et a constaté que sur ce point la société GPV Invest ne produisait aucune pièce à l'exception d'un document « projet Transgourmet » établi par ses soins détaillant un vague projet de réaménagement, sans y joindre aucun devis ou projet d'architecte, aucune étude chiffrée même approximative, ni même la preuve de ce qu'elle aurait eu un contact avec un architecte ou des autorités administratives en vue de vérifier la faisabilité du projet, ni aucune preuve d'un contact avec une banque en vue d'un financement. Il en a conclu qu'il n'était pas établi que la SCI GPV Invest avait un réel projet au soutien de son offre d'acquisition, ni même qu'elle avait un réel dessein d'acheter et était en mesure de payer le prix et d'obtenir le financement prévu. Il en a également conclu que l'agent commercial de la SARL Nenich Immobilier était dans son rôle en considérant que cette offre était manifestement problématique et en l'écartant comme peu sérieuse, quels que soient les prétextes ultérieurement donnés à la société GPV Invest pour justifier que son offre n'ait pas été retenue. Le tribunal a de même considéré qu'il ne suffisait pas à la société Transgourmet de reprocher à la société Nenich Immobilier de ne pas lui avoir transmis l'offre de la SCI GPV Invest, pour soutenir avoir perdu une chance un tant soit peu sérieuse de percevoir 100.000 € de plus dans la vente. Devant l'absence de sérieux de l'offre présentée par cette société, le tribunal en a conclu que la SARL Nenich n'avait commis aucune faute en ne transmettant pas cette offre à son mandant, dont il résulterait pour celui-ci la perte d'une chance, même minime, de percevoir la somme de 100.000€ réclamée. *** Par déclaration du 29 juillet 2021 la SCI GP Invest a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a : débouté la SCI GP Invest de sa demande de dommages et intérêts, Condamné la SCI GP Invest à payer à la SARL Nenich Immobilier la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamné la SCI GP Invest aux dépens Par déclaration du 09 août 2021 la SAS Transgourmet Immobilier France a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a:-débouté la SAS Transgourmet Immobilier France de ses demandes tendant à la condamnation de la société Nenich Immobilier à lui verser la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du chef des violations des articles 1991,1104 et 1231-1 du code civil, -débouté la SAS Transgourmet Immobilier France de sa demande au titre de l'article 700 du CPC, - débouté la SAS Transgourmet Immobilier France de sa demande au titre des dépens, - Condamné la SAS Transgourmet Immobilier France à payer à la SARL Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamné la SAS Transgourmet Immobilier France aux dépens. Les deux procédures issues de ces appels ont été jointes par ordonnance du 26 novembre 2021.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions du 28 octobre 2021 la SCI GP Invest demande à la cour de : « Dire et juger l'appel recevable et bien fondé. Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCI GPV Invest de sa demande de dommages et intérêts et en ce qu'il a condamné la SCI GPV Invest à payer à la SARL Nenich Immobilier la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance. Statuant à nouveau, Vu les articles 1382 et suivants du Code de Procédure Civile, Condamner la SARL Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm à payer à la SCI GPV Invest une somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts. Condamner la SARL Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm à payer à la SCI GPV Invest une somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC. Condamner la SARL Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm aux entiers dépens de première instance et d'appel ». Au soutien de son appel, la société GPV Invest maintient qu'elle a été victime d'une fraude. Elle rappelle que la SARL Nenich Immobilier détenait un mandat simple aux fins de vendre le bien de la société Transgourmet, au prix de 650.000 € outre 24.000 € de commission d'agence, que suite aux contacts qu'elle a eus avec M. [Y], pour le compte de la société Nenich, cette société a préparé le 26 janvier 2016, au nom de GPV Invest, une offre d'achat au prix de 650.000 € net vendeur avec versement d'un acompte de 10 % à la signature du compromis, et condition suspensive d'obtention d'un prêt de 1.500.000 €, ayant une durée de validité jusqu'au 4 février 2016. La société GPV Invest expose qu'elle a été ultérieurement informée par M. [Y] qu'une offre à hauteur de 830.000 € avait été effectuée par une société Transport Logistic, et que celui-ci n'avait rien pu faire, de sorte qu'elle a renoncé à son projet, avant d'apprendre qu'en réalité la vente avait été conclue au prix de 550.000 € avec une SCI AS Lauvallière. La société GPV Invest estime que cette dernière SCI est en lien avec M. [Y], au regard notamment des initiales de la SCI, et souligne que la SARL Nenich lui a menti en lui annonçant une prétendue offre à 830.000 €. Quant au prétendu manque de sérieux de son offre, ayant justifié qu'elle soit écartée, la société GPV Invest fait valoir que c'est l'agence immobilière elle-même qui a rédigé l'offre en ces termes, après voir suggéré à la société GPV Invest de s'intéresser à ce bâtiment pour le transformer en salle des fêtes ce qui supposait des travaux importants. Elle en conclut que la SARL Nenich Immobilier ne pouvait qualifier cette offre de peu sérieuse, d'autant moins qu'elle avait déjà auparavant réalisé de nombreuses affaires avec cette société. Quant aux arguments tirés de la présence d'une condition suspensive et du paiement préalable d'un acompte, la société GPV Invest objecte que la même condition suspensive d'obtention d'un prêt se retrouvait dans l'offre ayant emporté l'accord du vendeur, que l'acompte de 65.000 € n'a jamais été sollicité par l'agence immobilière et devait en tout état de cause être payé lors de la signature du compromis de vente. Elle estime que compte tenu du mensonge de la SARL Nenich Immobilier, qui lui a fait croire à l'existence d'une offre à 830.000 €, la fraude commise par cette société est établie. Elle affirme avoir subi un préjudice du fait de la non réalisation de cette vente, dès lors que, sur les suggestions de la société Nenich Immobilier elle avait envisagé un projet pour le réaménagement des locaux et considère que la perte de chance d'acquérir l'ensemble immobilier moyennant un prêt inférieur de 100.000 € à l'offre qu'elle avait rédigée, n'est guère discutable. Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 14 septembre 2023 la SAS Transgourmet Immobilier France conclut à voir : « Infirmer le jugement rendu le 26 mai 2021 par la 1ère Chambre du Tribunal Judiciaire de Metz en ce qu'il a : débouté la société Transgourmet Immobilier France de ses demandes dirigées à l'endroit de la société Nenich Immobilier et tendant à la condamnation de la société Nenich Immobilier à lui verser la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du chef des violations des articles 1991, 1104 et 1231-1 du Code Civil, débouté la SAS Transgourmet Immobilier France de sa demande au titre de l'article 700 du CPC, débouté la SAS Transgourmet Immobilier France de sa demande au titre des dépens ; condamné la SAS Transgourmet Immobilier France à payer à la SARL Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm la somme de 1.500 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de Procédure civile, condamné la SAS Transgourmet Immobilier France aux dépens. Et statuant à nouveau, Vu les dispositions des articles 1991 et suivants du Code civil Vu les dispositions de l'article 1104 et de l'article 1231-1 du même Code Dire et juger que la société Nenich Immobilier a gravement manqué aux obligations qui étaient les siennes en qualité de mandataire de la société Transgourmet Immobilier France Condamner en conséquence la société Nenich Immobilier à verser à la société Transgourmet Immobilier France la somme de 100 000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du chef de ces violations Condamner la société Nenich Immobilier à payer à la société Transgourmet Immobilier France la somme de 10000 Euros par application de l'article 700 du Code de Procédure civile Condamner cette dernière aux entiers dépens de première instance et d'appel. » La société Transgourmet Immobilier France précise tout d'abord, eu égard au moyen d'irrecevabilité soulevé par la société Nenich Immobilier en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, que ses premières conclusions avaient pour objet de solliciter l'infirmation totale du jugement entrepris, la déclaration d'appel étant parfaitement précise quant aux chefs du jugement critiqué. Elle expose n'avoir ajouté, dans ses conclusions ultérieures, une demande spécifique tendant à l'infirmation des dispositions du jugement critiqué quant aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, qu'en réponse aux conclusions de la société Nenich Immobilier qui sollicitait la confirmation sur ce point. Elle en conclut par conséquent, en application du 2eme alinéa de l'article 910-4 du code de procédure civile, que ses demandes d'infirmation concernant les dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, sont recevables. Au fond elle rappelle que le mandat simple de vente qu'elle avait confié à la SARL Nenich Immobilier prévoyait pour les biens litigieux un prix de vente de 650.000 € ainsi qu'une commission de 24.000 € au bénéfice de l'agence immobilière soit un prix total de 674.000 €. Elle expose avoir été informée le 29 janvier 2016 d'une offre d'acquisition formulée par M. [T], lequel constituera ultérieurement la SCI AS Lauvallière, pour un prix de 550.000 €. Elle indique avoir alors fait savoir au représentant de la société Nenich Immobilier que ce prix était insuffisant, mais expose que cette société lui a indiqué qu'elle n'avait aucun retour sérieux de la part d'autres clients, et a insisté pour qu'elle accepte l'offre émanant de M. [T]. La société Transgourmet expose qu'en revanche, l'offre émanant de la société GPV Invest ne lui a jamais été communiquée, et soutient que c'est suite à l'insistance de la société Nenich Immobilier qu'elle a finalement accepté l'offre de M. [T]. Elle considère que la société Nenich Immobilier a gravement manqué à ses obligations, en n'accomplissant pas les diligences qui lui incombaient, et notamment en ne l'informant pas de l'offre faite par la société GPV Invest, alors que seule cette offre correspondait au prix de vente qu'elle avait fixé. Elle estime qu'il n'appartenait pas à l'agent immobilier de décider à sa place si l'offre était sérieuse ou non, et considère qu'il lui appartenait de transmettre cette offre, en faisant part à son client de toute réserve éventuelle quant à son sérieux en exécution de son devoir d'information et de conseil, mais que la société Nenich ne pouvait pas en occulter purement et simplement l'existence. En outre elle estime que rien ne permettait de considérer qu'une telle offre n'aurait pas été sérieuse, alors que son prix était proche de celui indiqué au mandat, qu'elle émanait d'une société ancienne avec laquelle la SARL Nenich avait déjà travaillé, et que M. [T] n'avait pas, au stade de son offre, fourni davantage d'éléments d'ordre financier ou administratif permettant d'avoir la certitude qu'il pouvait valablement financer l'acquisition. Elle en conclut que l'offre de M. [T] ne paraissait pas plus sérieuse que celle de GPV Invest, et que chacune présentait un intérêt. Elle observe encore que la société Nenich n'a même pas discuté avec la société GPV Invest le sérieux de son offre, qu'elle a établie elle-même, que certaines modalités et notamment le montant de l'acompte ont été imposées par la société Nenich Immobilier qui a réclamé un acompte de 10 %, plus élevé que celui de 5 % réclamé à M. [T], et qu'il est contradictoire de prétendre que l'offre de M. [T] aurait été conforme au prix du marché, après avoir exigé de GPV invest un prix de 650.000 €. Elle souligne encore l'attitude de la société Nenich Immobilier qui n'a pas hésité à mentir à la société GPV Invest. La société Transgourmet estime dès lors avoir subi un préjudice, qui ne saurait être évalué à une somme inférieure à la différence entre l'offre faite par la société GPV Invest et le prix auquel elle a finalement cédé son bien. Aux termes de ses dernières conclusions du 24 octobre 2023, la SARL Nenich Immobilier, à l'enseigne Pro Comm, demande à voir, au visa des articles 1382 et suivants anciens du code civil, 1147 ancien et 1991 du code civil : « A titre principal : Confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Metz le 26 mai 2021 en toutes ses dispositions, Par conséquent, Débouter la SCI GPV Invest de l'ensemble de ses fins, moyens et prétentions formulés à l'encontre de la société Nenich Immobilier ; Débouter la SAS Transgourmet Immobilier France de l'ensemble de ses fins, moyens et prétentions formulées à l'encontre de la société Nenich Immobilier A titre subsidiaire, en cas d'infirmation de la décision, Constater l'absence de faute commise par la SARL Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm ; Constater l'absence de préjudice indemnisable invoqué par la société GPV Invest, Constater l'absence de lien de causalité entre le préjudice allégué par la SCI GPV Invest et la prétendue faute de la SARL Nenich Immobilier, Constater l'absence de lien de causalité entre le préjudice allégué par la SAS Transgourmet Immobilier France et la prétendue faute de la SARL Nenich Immobilier, En conséquence, Débouter la SCI GPV Invest et la SAS Transgourmet Immobilier France de l'ensemble de leurs fins, moyens et prétentions formulées à l'encontre de la société Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm ; A titre infiniment subsidiaire, Faire application du principe de la perte de chance, Ramener les montants sollicités par la SCI GPV Invest à titre de dommages et intérêts à de plus justes Proportions ; Ramener les montants sollicités par la SAS Transgourmet Immobilier France à titre de dommages et intérêts à de plus justes Proportions ; En tout état de cause, Écarter les demandes de la société Transgourmet visant à infirmer la décision rendue le 26 mai 2021 en ce qu'elle l'a condamnée à verser à la société Nenich Immobilier la somme de 1.500 € ainsi qu'aux entiers dépens, en ce qu'elles n'ont pas été formulées dès les premières écritures à hauteur d'appel. Condamner les sociétés GPV Invest et Transgourmet à verser à la SARL Nenich Immobilier la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur d'appel conformément à l'article 700 du CPC, Les Condamner en tous les frais et dépens de la présente Procédure ». La SARL Nenich Immobilier réplique, s'agissant de la demande formée par la SCI GPV Invest, qu'elle n'a commis aucune faute en ne transmettant pas à son mandant l'offre formulée par cette société. Elle soutient que plusieurs éléments en révélaient l'absence de caractère sérieux, à savoir sa durée de validité très réduite, l'absence de tout justificatif concernant les chances de la société GPV Invest d'obtenir un prêt et de même l'absence de tout justificatif concernant son éventuel apport personnel. Elle souligne surtout l'importance de l'emprunt envisagé par rapport au prix de vente du bien et le fait qu'il n'était apporté aucun justificatif quant à la nécessité d'effectuer un tel emprunt. Ainsi elle relève qu'il n'est pas davantage produit à hauteur d'appel d'éléments justifiant la réalité du projet de la SCI GPV Invest, de sorte que le montant de l'emprunt envisagé, en l'absence de tout projet établi, permettait de douter du sérieux de l'offre présentée. Elle fait valoir qu'il lui appartenait en tant qu'agent immobilier de vérifier la solvabilité d'un acquéreur avant de transmettre son offre à son mandant, et que de longs mois auraient été nécessaires pour s'assurer de la faisabilité des travaux allégués et surtout de la possibilité pour l'acquéreur d'obtenir l'emprunt prévu, générant ainsi un risque d'immobilisation prolongée et inutile du bien concerné, de sorte qu'elle a rempli son obligation en ne communiquant pas à la société Transgourmet l'offre de la SCI GPV Invest. Elle précise à cet égard que ce n'est pas la présence d'une condition suspensive dans l'offre émise par GPV Invest qui a motivé son choix, mais le montant très important du prêt envisagé par rapport à la valeur du bien, alors que la demande de financement de M. [T] était bien plus en rapport avec le montant de la vente. Elle conteste toutes les affirmations de la société GPV Invest quant au rôle qu'elle lui prête, indiquant qu'aucun lien n'existe entre elle et la SCI AS Lauvallière et affirme que la fausse indication d'une offre d'achat à 830.000 € était effectivement un mensonge « diplomatique » afin de ne pas nuire aux autres dossiers en cours entre la société Nenich Immobilier et la SCI GPV Invest. Subsidiairement et si une faute était retenue à son encontre la SARL Nenich fait encore valoir que la SCI GPV Invest ne fait preuve d'aucun préjudice indemnisable, dès lors qu'elle ne démontre nullement avoir souscrit un emprunt, et que celle-ci ne justifie d'aucune dépense en lien avec son prétendu projet. De même il n'est pas établi qu'en conditionnant l'offre d'achat à la souscription d'un emprunt de 1.400.000 € la cession aurait été possible. A titre infiniment subsidiaire elle conclut à la réduction du montant réclamé, en l'absence de toute preuve du montant du préjudice subi. Vis à vis de la SAS Transgourmet la SARL Nenich immobilier maintient également qu'elle n'a commis aucune faute, qu'elle a fait les diligences nécessaires en rapport avec le mandat qui lui avait été confié, et ne lui a pas transmis l'offre de GPV Invest en raison de son caractère peu sérieux. Elle reprend sur ce point son argumentation antérieure. En réponse à la société Transgourmet elle précise que ce n'est qu'après que l'offre de la société GPV Invest a été finalisée que M. [Y] a pu en apprécier le caractère fantaisiste, ce qui explique qu'il n'ait pas discuté antérieurement cette offre avec la candidate acquéreuse. Subsidiairement elle allègue également de l'absence de lien de causalité entre sa prétendue faute et le préjudice invoqué par la société Transgourmet, dès lors qu'il était loisible à celle-ci de ne pas accepter l'offre de M. [T], et qu'il n'existe aucune preuve de ce qu'une offre sérieuse au-dessus de 550.000 € aurait pu être trouvée. Elle conclut également à la réduction du montant réclamé, observant que la société Transgourmet ne peut se prévaloir que d'une perte de chance, et que la chance pour que le bien soit vendu à la SCI GPV Invest était particulièrement improbable, eu égard au montant de l'emprunt sollicité et de l'absence de preuve de tout apport personnel ou de tout élément à l'appui d'une demande de financement. Enfin elle considère que les dernières conclusions de la société Transgourmet contiennent des demandes nouvelles au regard des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, dès lors que l'appelante conclut à présent à l'infirmation du jugement dont appel en ce qu'il l'a condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors que ces demandes ne figuraient pas dans les conclusions justificatives d'appel de la société Transgourmet. En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour observe à titre liminaire que dans son acte d'appel, la SCI GPV invest n'a pas indiqué faire appel du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que la cour n'est pas saisie de ce point. I- Sur la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Nenich à l'encontre de la SAS Transgourmet Immobilier France Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs de jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ». En l'espèce, la SAS Transgourmet avait énuméré dans son acte d'appel l'ensemble des dispositions du jugement de première instance qu'elle critiquait, parmi lesquelles figuraient les dispositions l'ayant condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la SARL Nenich immobilier une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Dans ses conclusions justificatives d'appel la SAS Transgourmet n'a effectivement sollicité l'infirmation du jugement de première instance, que « en ce qu'il a débouté la société TRANSGOURMET IMMOBILIER FRANCE de ses demandes dirigées à I 'endroit de la société NENICH IMMOBILIER » et contrairement à ce qu'elle indique, ces termes ne pouvaient permettre à la cour de considérer qu'elle sollicitait l'infirmation du jugement dont appel dans l'intégralité de ses dispositions. Sa demande visant à l'infirmation de la décision en ce qu'elle a condamné la société Transgourmet aux dépens et l'a en outre condamnée à verser à la société Nenich Immobilier une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, n'a été formalisée que dans des conclusions ultérieures du 29 avril 2022. Cependant les demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles engendrés par la procédure ne constituent pas des demandes sur le fond mais des demandes accessoires aux demandes au fond constituant l'objet du litige. Dès lors, l'omission, dans les conclusions justificatives d'appel, de la demande tendant à l'infirmation des dispositions de première instance relativement à la charge des dépens et à une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, n'encourt pas la sanction prévue à l'article 910-4 du même code. La fin de non-recevoir est donc rejetée. II- Au fond Ainsi que rappelé par le premier juge, la SARL Nenich Immobilier en tant qu'agent immobilier titulaire d'un mandat de vente, engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de son mandant la société Transgourmet. Elle engage également sa responsabilité délictuelle à l'égard des tiers, et plus particulièrement à l'égard d'un tiers impliqué dans le processus d'achat du bien immobilier. Ce tiers est fondé à se prévaloir de la défaillance contractuelle fautive de l'agence immobilière, si celle-ci lui a causé un préjudice. Cette responsabilité suppose en tout état de cause la preuve d'une faute, en lien de causalité avec le préjudice subi par le mandant ou le tiers qui s'en prévaut. En l'occurrence, les agissements fautifs dénoncés tant par le mandant que par la société GPV Invest, tiers à la relation contractuelle, sont les mêmes, et tiennent à l'inexécution d'une obligation contractuelle par l'agence immobilière, à savoir ne pas avoir transmis l'offre de la SCI GPV Invest à son mandant. Aux termes de l'ancien article 1315 du code civil, applicable à la cause compte tenu de la date des faits, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, et réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Il appartient donc à la SCI GPV Invest et à la SAS Transgourmet de faire la preuve de ce que la SARL Nenich se trouvait en possession d'une offre d'achat qu'elle aurait dû transmettre conformément à ses obligations, et à la SARL Nenich de faire la preuve des circonstances qui la dispensaient de transmettre cette offre. Sur la faute reprochée à la SARL Nenich Il est constant ainsi que rappelé par le premier juge, que l'obligation essentielle de l'agent immobilier est de rechercher l'efficacité de l'opération dont la réalisation lui a été confiée. A ce titre il lui incombe de procéder à certaines vérifications concernant la qualité des parties à l'acte éventuel d'acquisition, leur solvabilité, la consistance matérielle et juridique du bien mis en vente. Sa responsabilité peut effectivement être engagée vis à vis de son mandant s'il n'a pas respecté une obligation de diligence dans la recherche d'un acquéreur, et notamment s'il n'a pas vérifié la solvabilité de celui-ci. Il est également tenu en tant que professionnel d'un devoir d'information, de conseil voire de mise en garde, lui faisant obligation d'informer son mandant des risques ou des doutes relatifs à la candidature d'un acquéreur potentiel. A ces divers titres, il lui incombe donc de vérifier le sérieux d'une offre qui lui est faite, ce qui peut le conduire à considérer cette offre comme fantaisiste. Par ailleurs il est également tenu en sa qualité de professionnel, aussi bien vis à vis de son mandant que vis à vis des tiers intéressés par l'opération projetée, d'une obligation de loyauté, et d'impartialité. En l'espèce il résulte des pièces versées aux débats, que la SAS Transgourmet a confié à la SARL Nenich un premier mandat simple en date du 06 août 2015 concernant la vente des biens situés à [Localité 6], d'une durée de 3 mois prévoyant un prix de vente de 650.000 € et une commission d'agence de 24.000 € TTC. Un second mandat d'une durée de trois mois a été signé le 15 décembre 2015, faisant cette fois mention d'un prix de vente de 990.000 € net vendeur, outre une commission à la charge de l'acquéreur de 48.000 € TTC. Enfin un dernier mandat était signé le 10 février 2016, mentionnant cette fois un prix de vente de 550.000 € net vendeur, majoré d'une commission d'agence de 24.000 € TTC à la charge de l'acquéreur. Il résulte par ailleurs des mails échangés, que des contacts ont eu lieu entre la SCI GPV Invest et M. [Y], employé de la SARL Nenich, dès le début du mois de janvier 2016. Ainsi dans un mail du 9 janvier 2016, M. [Y] transmettait à M. [F] « les éléments nécessaires à l'étude du dossier », puis dans un mail du 14 janvier 2016 M. [Y] indique à Mme [W] de la société Transgourmet, que « son client » a visité le local la semaine dernière, et « aimerait bien faire d'autres visites avec des entreprises du bâtiment pour chiffrer les travaux ». Il résulte également des mails échangés le 26 janvier 2016, avant établissement de l'offre, que M. [Y] avertissait M. [F], gérant de la SCI GPV Invest, de ce que le client d'un de ses collègues allait « probablement faire une offre entre 800.000 et 830.000 € », et que M. [F] se plaignait alors en retour d'une telle annonce, alors qu'il avait proposé de « faire une offre immédiatement » et était en train d'engager des frais. Il demandait alors à son interlocuteur « d'envoyer mon offre telle que nous l'avions dessinée ensemble à ton client avec paiement d'un acompte de 10 % comme tu me l'avais indiqué ». L'offre litigieuse, rédigée sur un document à en-tête de « Pro Comm, cabinet d'affaire Nenich » était alors rédigée, sur la base d'un prix de vente de 650.000 € net vendeur outre 30.000 € TTC au titre de la commission d'agence, à la charge de l'acquéreur. Elle prévoyait le versement d'un acompte de 10 % soit 65.000 € « versé au notaire avant la signature du compromis », et mentionnait que la vente ne pourrait avoir lieu que sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt bancaire professionnel de 1.500.000 € auprès d'un organisme bancaire, au taux maximum de 3,2 % l'an sur 15 ans assurances comprises », le proposant déclarant sur l'honneur que « rien dans sa situation juridique et financière ne fait obstruction à l'obtention de ce prêt ». Il est ainsi établi que la SARL Nenich a bien été destinataire d'une offre comprenant les divers renseignements ou mentions nécessaires à sa validité et à l'information de l'agence immobilière et du vendeur. Aucun des termes de l'offre ne permet de penser qu'il aurait été immédiatement exigé du proposant qu'il fournisse à ce stade de plus amples justificatifs. Le mandat confié à la SARL Nenich lui faisait à priori obligation de transmettre cette offre, sauf à celle-ci à démontrer que l'offre n'était manifestement pas sérieuse. S'agissant du court délai de validité de l'offre, la SARL Nenich n'expose pas en quoi un pareil délai pouvait augurer d'un caractère non sérieux. De même à propos de l'acompte prévu à l'offre et de la condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt, la SARL Nenich n'apporte aucune preuve de ce qu'elle aurait demandé à la candidate acquéreuse de lui fournir, dès ce stade, des preuves de sa solvabilité, de l'existence d'un apport personnel dont il n'est pas fait mention à l'offre, ou de ses chances d'obtenir un crédit. Alors que la SARL Nenich était informée depuis au plus tard le 14 janvier 2016 du fait que la SCI GPV Invest envisageait des travaux importants dans les lieux, elle n'a à aucun moment sollicité davantage de précisions ou d'assurances de la part de la SCI GPV Invest, et n'a nullement cherché à la mettre en garde sur ces divers points, alors pourtant que dès le 26 janvier 2016 elle lui indiquait faussement disposer d'une offre pour un prix bien supérieur au sien. Il apparaît ainsi que dès cette date, la SARL Nenich cherchait à décourager la SCI GPV Invest de se porter acquéreuse, sans pour autant lui opposer les contestations ou réticences dont elle fait état aujourd'hui. Ainsi la SARL Nenich Immobilier indiquait au conseil de la société GPV Invest, dans un courrier du 21 septembre 2016 justifiant sa position : « M. [F] n'ayant pu fournir une attestation de sa banque justifiant d'un apport personnel... », mais ne fournit aucune preuve de ce qu'une telle attestation lui aurait été demandée. Quant à la présence d'une condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt, celle-ci ne peut en tant que telle être présentée comme une preuve du caractère peu sérieux de l'offre, et seul le montant de l'emprunt envisagé peut prêter à discussion. Si effectivement le montant de cet emprunt était particulièrement important puisque représentant plus du double du prix de vente des biens, la SARL Nenich en connaissait cependant les raisons, à savoir les importants travaux qu'envisageait M. [F], gérant de la SCI, auxquels M. [Y] faisait référence dès son mail du 14 janvier 2016. Pour autant le problème posé par l'importance de cet emprunt n'a jamais donné lieu à des observations ou des demandes de justificatifs supplémentaires auprès de la SCI GPV Invest, alors pourtant que l'offre de celle-ci était conforme en termes de prix au premier mandat de vente signé par la SAS Transgourmet. A cet égard la cour observe que la SARL Nenich indiquait à son mandant le 29 janvier 2016 qu'elle « n'avait pas de retour des autres clients », alors pourtant qu'elle avait établi trois jours auparavant l'offre de la société GPV Invest, et n'avait adressé à celle-ci aucune demande particulière nécessitant un retour. De même la SARL Nenich indiquait le 10 février 2016 que « le prix proposé au mandat ne correspond plus au marché local », alors pourtant que le second mandat de vente signé faisait passer le prix de vente de 650.000 à 990.000 €, prix dont on peut supposer qu'il avait reçu l'aval de la SARL Nenich. Quant à l'argument selon lequel les conditions posées par la SCI GPV Invest n'auraient été connues de la SARL Nenich que postérieurement à l'offre, les termes des mails précités laissent au contraire penser que cette offre a bien été rédigée par le préposé de la SARL Nenich lui-même, et aux conditions antérieurement discutées ainsi que le lui demandait M. [F] dans son mail du 26 janvier 2016. A ce mail M. [Y] répondait en effet « je vais te préparer l'offre d'achat ». M. [Y] était donc avant cette date informée des conditions de l'offre que souhaitait faire la SCI GPV Invest, ce qui ne l'a pas conduit, malgré l'obligation de conseil à laquelle il est tenu en sa qualité de professionnel, à émettre des réserves aussi bien à destination de sa mandante que de la société GPV Invest. En tout état de cause et ayant pris connaissance des termes de l'offre, celle-ci n'a suscité aucune réaction de la part de l'agent immobilier, alors que ses obligations générales d'investigation, d'impartialité et de loyauté vis à vis des parties auraient dû la conduire à une telle initiative. Enfin, il est exact que l'emprunt envisagé par M. [T], et mentionné dans son offre à titre de condition suspensive, était d'un montant bien moindre que celui escompté par la SCI GPV Invest, puisque s'élevant à la somme de 600.000 €. Pour le surplus cependant cette offre ne prévoyait pas de délai plus court pour l'établissement de l'acte de vente notarié (courant juin 2016 dans les deux cas), et la SARL Nenich n'établit pas qu'à l'occasion de l'émission de cette offre elle aurait demandé et obtenu de M. [T] plus d'assurances que celles fournies par la SCI GPV Invest. Il est notoire en revanche que la SAS Transgourmet a fait part de ses réticences pour l'acceptation d'une telle offre, inférieure au prix envisagé au mandat, et a d'ailleurs demandé à sa mandataire de lui transmettre « les éléments de solvabilité financière et juridique de votre client et tout autre élément utile pour que nous puissions nous positionner sur l'offre », preuve que la recherche de tels éléments faisait bien partie des obligations de la SARL Nenich au stade de la transmission de l'offre. Ainsi et alors qu'il lui appartenait d'effectuer à minima certaines vérifications auprès de la candidate acquéreuse, avant de considérer son offre comme fantaisiste, il apparaît que la SARL Nenich n'en a rien fait. Le simple fait qu'un emprunt lui ait paru trop important, voire disproportionné, est insuffisant pour établir que, contrairement à l'obligation qu'elle avait, la SARL Nenich pouvait se dispenser sans plus d'investigations de transmettre cette offre, et la SARL Nenich n'explique pas la raison pour laquelle elle n'a pas informé la SCI GPV Invest de la difficulté posée par le montant extrêmement important de l'emprunt qu'elle envisageait, ce d'autant qu'il résulte des mails versés aux débats que la SARL Nenich était déjà antérieurement en relation d'affaires avec la SCI GPV Invest, l'a encore été ultérieurement, et que rien n'établit que cette société aurait été d'une solvabilité douteuse. Elle n'établit pas davantage qu'une pareille abstention aurait été conforme à son obligation d'assurer l'efficacité de l'opération projetée, alors qu'il lui était loisible de transmettre cette offre en informant expressément sa mandante de ses réticences, notamment au regard de l'importance de l'emprunt envisagé et du risque d'immobilisation sur une longue période du bien mis en vente. Sur ce point la cour observe que l'obligation incombant à l'agent immobilier doit s'apprécier à la date à laquelle il aurait dû transmettre l'offre à son mandant, et en fonction des informations dont il disposait (ou qu'il avait recherchées) à cette date, et non en fonction de l'appréciation ultérieure de la perte de chance éventuelle dont pourrait justifier le candidat non retenu, ceci constituant un autre aspect du litige. En l'état par conséquent des éléments transmis, la cour retiendra que la SARL Nenich était en possession d'une offre qu'elle s'est abstenue de transmettre à son mandant. Elle ne fait pas la preuve de l'existence d'obstacles, ni du caractère improbable du financement envisagé, et globalement du caractère fantaisiste de l'offre émise par la SCI GPV Invest à la date à laquelle elle aurait dû la transmettre au vendeur, et n'a pas cherché à obtenir d'explications ou de documents supplémentaires de la part de la proposante. En outre il n'est pas contesté qu'elle a délibérément menti à la SCI GPV Invest en faisant état d'une proposition de prix qui n'existait pas, violant ainsi l'obligation de loyauté à laquelle elle était tenue. L'existence de relations commerciales antérieures ne justifiait nullement ce mensonge, dont la SARL Nenich pouvait se dispenser en exposant clairement ses réticences à la candidate acquéreuse ainsi qu'à son mandant. Il doit donc être considéré que la SARL Nenich a commis une faute vis à vis aussi bien de la SCI GPV Invest que de la SAS Transgourmet en ne transmettant pas l'offre qui lui était faite et en faisant état faussement d'une proposition d'un montant supérieur, et doit en répondre sous réserve de la preuve d'un préjudice en lien de causalité avec celle-ci. Sur le préjudice allégué par la SCI GPV Invest La preuve du préjudice subi incombe à la SCI GPV Invest, qui fait état de la perte d'une chance de contracter un emprunt de 1.400.000 € au lieu des 1.500.000 € prévus. La cour observe cependant que de toute évidence la SCI GPV Invest n'a souscrit aucun emprunt, ou pour le moins n'en apporte aucunement la preuve, de sorte qu'elle n'a perdu aucune chance d'en contracter un d'un montant inférieur à ce qu'elle envisageait. En outre la transmission de son offre d'achat n'aurait nullement abouti à faire baisser le prix de vente de 650.000 à 550.000 €, de sorte que rien ne permet d'envisager qu'elle aurait été privée, par le fait de la SARL Nenich, d'une possibilité de négocier un emprunt d'un montant moindre. La SCI GPV Invest ne fait état d'aucune autre préjudice ou perte de chance. En tout état de cause aucun des documents qu'elle produit ne fait preuve de ce qu'elle aurait engagé à perte des frais en prévision de l'achat qui ne s'est pas réalisé. Enfin, une perte de chance de ne pas acquérir n'est pas en elle-même génératrice d'un préjudice certain, puisqu'une telle opération suppose avant tout de débourser un montant conséquent, et que la perte d'une chance de gain n'existe que s'il est fait preuve de ce qu'un retour positif sur investissement pouvait être escompté. En l'état une telle circonstance n'est ni alléguée ni établie, la SCI GPV Invest ne produisant au titre de son « projet » que quelques photos et une estimation de la superficie des futures et éventuelles installations envisagées, sans aucune démonstration d'un projet abouti et du gain qu'il aurait pu procurer. La SCI GPV Invest ne fait donc preuve d'aucun préjudice financier découlant de la faute commise par la société Nenich et pouvant laisser envisager une perte de chance, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de sa demande. Sur le préjudice allégué par la SAS Transgourmet La société Transgourmet demande réparation de son préjudice sans procéder à une évaluation de la perte de chance qu'elle aurait subie. Pour autant cette notion a bien été mise dans les débats par la SARL Nenich, quoique la société Transgourmet n'y ait pas répondu. La transmission par la SARL Nenich de l'offre de la SCI GPV Invest, aurait permis le cas échéant à la SAS Transgourmet de l'accepter et de percevoir un prix de vente net de 650.000 € au lieu de 550.000 €. Il existe donc un lien de causalité entre l'abstention fautive précitée, et l'absence de conclusion théorique d'une vente entre les sociétés Transgourmet et GPV Invest. La société Transgourmet ne peut cependant se prévaloir que d'une perte de chance de ne pas avoir conclu la vente avec la société GPV Invest, ce qui nécessite l'évaluation de la chance réelle de conclure une telle vente. Or il est exact que la conclusion de cette vente dépendait de la réalisation d'une condition suspensive portant sur l'obtention d'un emprunt d'un montant particulièrement élevé. En l'état des documents produits, la possibilité pour la SCI GPV Invest d'obtenir un tel emprunt n'est nullement établie, et si, au stade de l'offre d'achat, de tels justificatifs n'ont pas été demandés, ils l'auraient été nécessairement par la suite. Par ailleurs, si l'offre de la société GPV Invest avait été transmise à la société Transgourmet, la SARL Nenich aurait alors également fait part de ses doutes sur le sérieux de l'offre ainsi qu'elle l'expose dans la présente instance, ce qui pouvait influer sur la décision de sa mandante. Enfin et ainsi qu'observé par la SARL Nenich, la vendeuse pouvait se détourner de cette offre à raison du risque d'immobilisation en pure perte de son bien sur une assez longue période, dans l'attente de l'obtention éventuelle de l'emprunt sollicité. A l'inverse, il sera relevé que l'acte notarié de vente passé avec la SCI AS Lauvallière a été dressé en juin 2016, ce qui était également le terme retenu dans l'offre émise par la SCI GPV Invest. Au vu de ces éléments, la cour retiendra que la SAS Transgourmet avait raisonnablement 30 % de chance de conclure finalement la vente litigieuse avec la SCI GPV Invest. Son préjudice représente dès lors 30 % de la différence entre le prix de vente final perçu soit 550.000 € et le prix de vente offert par la SCI GPV Invest, soit 650.000 €. Elle est dès lors en droit de prétendre à une somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts. Il convient dès lors d'infirmer sur ce point le jugement dont appel, et de condamner la SARL Nenich à payer à la SAS Transgourmet Immobilier France la somme de 30.000 €. III- Sur les dépens et les frais irrépétibles. La SARL Nenich, qui succombe vis à vis de la SAS Transgourmet, supportera les dépens de première instance et d'appel nés de l'instance introduite entre elle-même et la SAS Transgourmet. La SCI GPV Invest supportera les dépens de première instance et d'appel nés de l'instance introduite à l'encontre de la SARL Nenich. Eu égard aux circonstances de la cause, l'équité n'impose pas de mettre à la charge de la SCI GPV Invest tout ou partie des frais irrépétibles exposés par les sociétés Nenich et Transgourmet. Le jugement dont appel sera donc infirmé sur ce point, et la SARL Nenich sera déboutée de ses demandes à l'encontre de la SCI GPV Invest au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel. Il est équitable d'allouer à la SAS Transgourmet Immobilier France, en remboursement de ses frais irrépétibles, une indemnité de 6.000 €, à raison de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Nenich Immobilier et déclare recevables les demandes de la SAS Transgourmet Immobilier France tendant à voir infirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la SARL Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI GPV Invest de sa demande en dommages et intérêts, L'infirme pour le surplus, Statuant à nouveau et ajoutant, Condamne la SARL Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm à payer à la SAS Transgourmet Immobilier France une somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance, Condamne la SARL Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm aux entiers dépens de première instance et d'appel nés de l'instance introduite à son encontre par la SAS Transgourmet Immobilier France, Condamne la SCI GPV Invest aux entiers dépens de première instance et d'appel nés de l'instance introduite par elle à l'encontre de la SARL Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm, Déboute la SARL Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile formées en première instance à l'encontre de la SCI GPV Invest et de la SAS Transgourmet Immobilier France, Déboute la SARL Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile formées à hauteur d'appel, Condamne la SARL Nenich Immobilier à l'enseigne Pro Comm, à payer à la SAS Transgourmet la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile soit 3.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et 3.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel. La Greffière La Présidente de chambre

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