Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 septembre 2022 et le 6 mars 2024, M. A B, représenté par Me Sabatté, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 11 juillet 2022 par laquelle le président de " Toulouse Métropole " a prononcé sa révocation à compter du 1er août 2022 ;
2°) de mettre à la charge de " Toulouse Métropole " la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision a été signée par une autorité incompétente pour ce faire ;
- elle est entachée d'un vice de procédure le privant de garanties résultant de la méconnaissance des droits de la défense, du respect du principe du contradictoire et du principe d'impartialité ; ses observations n'ont été ni sollicitées ni recueillies lors de la rédaction du rapport de saisine ni pendant la phase disciplinaire en méconnaissance des dispositions de des articles 4 et 5 du décret n° 89-667 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ; ce rapport comporte plusieurs témoignages à charge émanant de collègues qui, pour la grande majorité d'entre eux, n'étaient pas présents lors de l'altercation à l'origine de la procédure disciplinaire ; " Toulouse Métropole " ne pouvait évoquer, sans méconnaitre les dispositions de l'article 23 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie la sanction disciplinaire qui lui a été infligée par le passé et qui a été effacée de son dossier disciplinaire ;
- elle est fondée sur des faits matériellement inexacts ; l'autorité disciplinaire a occulté les circonstances précises et complètes ayant menées à l'agression physique reprochée ; les faits reposent sur des témoignages incohérents, sans lien direct avec l'agression physique reprochée, émanant de personnes qui éprouvent une animosité certaine à son égard ;
- la sanction de révocation est disproportionnée dès lors que c'est en réalité le collègue à qui il a asséné le coup de poing qui est à l'origine de l'altercation, que la gravité du geste de violence doit être relativisée, que ses fonctions d'agent d'entretien n'impliquent pas d'exemplarité particulière, qu'il n'a aucun passif disciplinaire et que ses évaluations font état d'une exemplarité professionnelle ; son état de santé n'a pas été pris en compte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2022, " Toulouse Métropole ", représentée par Me Lonqueue, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 avril 2024 à 12 heures.
Vu la décision attaquée et les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Péan,
- les conclusions de Mme Carvalho, rapporteure publique,
- et les observations de Me Sabatté, représentant M. B.
Considérant ce qui suit
:
1. M. B, adjoint technique territorial principal de 2ème classe, a été affecté en dernier lieu au sein du service entretien ménager des locaux (EML) de " Toulouse Métropole " et exerçait des fonctions d'agent d'entretien sur le site de la médiathèque José Cabanis. A la suite d'une altercation physique survenue le 24 mars 2022 avec l'un de ses collègues, M. B a été suspendu à titre conservatoire, par un arrêté du même jour du président de " Toulouse Métropole ". Une procédure disciplinaire a été engagée le 27 avril 2022. Après avoir recueilli l'avis du conseil de discipline le 20 juin 2022, le président de " Toulouse Métropole " a prononcé, par un arrêté du 11 juillet 2022, la révocation de M. B à compter du 1er août 2022. Par la présente requête, le requérant demande au tribunal d'annuler cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En premier lieu, M. C D, membre du bureau, a reçu délégation de signature du président de " Toulouse Métropole ", par un arrêté temporaire de délégation de fonctions du 31 mai 2022, à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives à la situation administrative des agents. Par suite, M. B n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente. 2.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés. A sa demande, une copie de tout ou partie de son dossier est communiqué à l'agent dans les conditions prévues par l'article 14 du décret n° 2011-675 du 15 juin 2011 relatif au dossier individuel des agents publics et à sa gestion sur support électronique ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Lorsqu'il y a lieu de saisir le conseil de discipline, le fonctionnaire poursuivi est invité à prendre connaissance, dans les mêmes conditions, du rapport mentionné au septième alinéa de l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984 précitée et des pièces annexées à ce rapport. "
4. D'une part, M. B fait valoir qu'il a été privé au cours de la procédure disciplinaire de garanties en raison de la méconnaissance des droits de la défense, du respect du principe du contradictoire et du principe d'impartialité. Il soutient qu'il n'a été ni entendu, ni invité à présenter ses observations préalablement à la rédaction du rapport de saisine du conseil de discipline et que ce rapport ne contient que des éléments à charge. Toutefois, il résulte des dispositions citées au point précédent que le rapport de saisine a seulement pour objet d'exposer les faits qui sont reprochés à l'intéressé et qui justifient l'engagement d'une procédure disciplinaire. Et aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'impose à l'autorité territoriale de soumettre la rédaction de ce rapport à une procédure contradictoire, notamment en recueillant les éventuelles observations de l'agent préalablement à sa rédaction ou à sa transmission au conseil de discipline lorsque celui-ci doit être saisi au vu du quantum de sanction recherché, dès lors notamment, que l'agent poursuivi se voit communiquer ce rapport préalablement à son audition par le conseil de discipline, la procédure suivie devant cette instance étant contradictoire.[VFC1] Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. B a été informé, par un courrier daté du 27 avril 2022, de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre et de son droit à consulter son dossier, cette consultation concernant également le rapport de saisine adressé au conseil de discipline. D'autre part, M. B fait valoir que son dossier disciplinaire mentionne une sanction effacée de son dossier et ce, en méconnaissance des dispositions de l'article 23 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie. Toutefois, il ne ressort ni du rapport circonstancié établi après l'altercation survenue le 24 mars 2022, ni d'aucune pièce du dossier disciplinaire, ni des débats devant le conseil de discipline, ni enfin de la décision attaquée que cette sanction, au demeurant absente de son dossier tel qu'il ressort de la présente instance, aurait été évoquée à un quelconque moment de la procédure. Dans ces conditions, M. B n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie du respect des droits de la défense, de la mise en œuvre d'une procédure contradictoire ou encore du défaut d'impartialité de la procédure disciplinaire. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure disciplinaire ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article
L. 533-1 du code général de la fonction publique : " Les sanctions disciplinaires pouvant être infligées aux fonctionnaires sont réparties en quatre groupes : / () / 4° Quatrième groupe : / a) La mise à la retraite d'office ; / b) La révocation. ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont établis, s'ils constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
6. D'une part, " Toulouse Métropole " reproche à M. B d'avoir, le 24 mars 2024, agressé physiquement l'un de ses collègues en lui assénant un coup de poing au visage. Il ressort des pièces du dossier que le jour dit, vers 7 heures du matin, à la suite d'un différend portant sur l'organisation de la médiathèque, M. B et l'un de ses collègues ont eu une altercation verbale. Si M. B fait valoir qu'il a ensuite été agressé par son collègue, il n'apporte aucun élément permettant de l'établir. Au contraire, il ressort de la plainte déposée le 4 avril 2022 par ce collègue que M. B était menaçant et s'approchait de lui et qu'il a dû le " repousser avec [ses] mains afin de garder [ses] distances ". En outre, il ressort du témoignage d'une autre collègue, témoin directe des faits, et il n'est pas contesté par le requérant que ce dernier, dans les suites de cette altercation verbale, a asséné un coup de poing au visage de son collègue à qui la violence de ce coup a fait perdre l'équilibre et dont la tête a heurté le sol. Ainsi, en se bornant à soutenir que les circonstances de cette altercation n'ont pas été prises en compte, M. B ne conteste pas avoir adopté un comportement particulièrement violent envers son collègue. Le requérant soutient par ailleurs qu'il n'a jamais eu l'intention de porter des coups de pied à son collègue, mais qu'il voulait lui porter secours. Il ressort néanmoins des indications précises du témoin direct précité que, voyant M. B s'avancer vers la victime et " faisant mine de vouloir le frapper au sol ", elle a dû s'interposer " plusieurs minutes ", que M. B l'a insultée et que face à son insistance il " a fini par s'écarter ". La victime de cette altercation physique confirme, dans la plainte qu'il a déposée, que M. B " a tenté de lui donner des coups de pieds, en vain, car une collègue est intervenue ". Dans ces conditions, la matérialité des faits de violence physique est établie.
7. D'autre part, " Toulouse Métropole " reproche à M. B son attitude menaçante et agressive envers ses collègues à l'origine d'un climat anxiogène et inspirant la crainte au sein de l'équipe des agents d'entretien dont il fait partie depuis septembre 2018. Il ressort des témoignages concordants recueillis par " Toulouse Métropole " que M. B a tenu des propos injurieux et moqueurs envers les membres de l'équipe de nettoyage, a adopté un comportement agressif à l'encontre de ses collègues masculins et des propos misogynes. Plus particulièrement, au cours de l'année 2020, M. B a insulté et menacé physiquement l'un de ses collègues et a levé la main pour le frapper. C'est déjà l'interposition d'un autre collègue qui a permis d'éviter la survenance de violences. De même, au cours du dernier trimestre 2021, M. B a crié sur l'un de ses collègues puis a saisi un banc d'écolier au-dessus de sa tête pour " [lui] montrer qu'il allait [lui] jeter à la tête ". Là encore, seule l'intervention de deux autres collègues a permis de mettre fin à l'incident sans violence physique. Si M. B fait valoir qu'il a été victime de propos discriminatoires, il n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité de ces faits. Enfin, il ressort des pièces du dossier que compte tenu des relations conflictuelles qu'il entretient avec ses collègues, M. B a été rappelé à l'ordre le 22 mars 2021, lors d'un entretien au cours duquel il a signalé à ses supérieurs hiérarchiques avoir des difficultés à maitriser ses accès de violence.
8. Ainsi l'ensemble des faits reprochés à M. B sont matériellement établis et constituent des manquements à ses obligations professionnelles. Ces faits ainsi établis présentent donc un caractère fautif de nature à justifier une sanction.
9. En quatrième lieu, pour contester le caractère proportionné de la sanction prise à son encontre, M. B se prévaut de ses évaluations professionnelles. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'attention de M. B a été appelée à plusieurs reprises sur l'importance de veiller à son savoir-être dans ses relations avec l'équipe de nettoyage. A cet égard, les comptes-rendus de ses entretiens professionnels mentionnent qu'il doit " faire des efforts de communication " et " qu'il doit être plus respectueux de ses collègues " mais " qu'il souhaite faire évoluer son relationnel avec l'équipe via un travail personnel d'introspection ". En outre, M. B a déjà été invité par ses supérieurs hiérarchiques, au cours de l'entretien précité du 22 mars 2021 à mieux se maitriser. M. B se prévaut également de sa fragilité psychologique, survenue suite au décès de sa mère en 2019. Il produit à ce titre notamment un certificat médical établi le 12 juin 2022 par un psychologue qui mentionne que suite à un premier entretien, réalisé le 25 mai 2022, son état nécessite une prise en charge psychologique et que " la problématique présentée semble être en lien direct avec la dépression vécue suite au décès de sa mère survenue en 2019 ". Toutefois, alors que les éléments médicaux produits sont tous postérieurs à la mise en œuvre de la procédure disciplinaire, il ne ressort d'aucun élément du dossier que M. B aurait alerté sa hiérarchie quant à son état de santé, ni qu'il aurait sollicité une assistance des services sociaux ou de médecine de prévention, ni enfin qu'il aurait bénéficié d'arrêt de travail en raison de troubles dépressifs. En tout état de cause, une telle fragilité psychologique ne saurait justifier le comportement inadapté qu'il a adopté de manière générale à l'égard de ses collègues. Cette fragilité ne saurait non plus amoindrir le caractère fautif du comportement particulièrement agressif et violent dont il a fait preuve le 24 mars 2022 à l'encontre de son collègue, dont il n'est pas établi qu'il aurait pu relever de l'autodéfense, la victime de cette agression ayant subi un traumatisme crânien léger, une plaie à la lèvre ayant nécessité deux points de sutures et une ecchymose labiale. Dans ces conditions, compte tenu de la nature et de la gravité des faits reprochés et en dépit de l'absence d'autres sanctions figurant au dossier de M. B et de la nature de ses fonctions exercées, le président de " Toulouse Métropole ", en retenant la sanction de révocation n'a pas pris une décision disproportionnée aux faits qu'elle a pour objet de réprimer.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 11 juillet 2022 présentées par M. B doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de " Toulouse Métropole ", qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, quelle que somme que ce soit au titre des frais exposés par M. B et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par " Toulouse Métropole " sur le fondement de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de " Toulouse Métropole " tendant à l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et à " Toulouse Métropole ".
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Viseur-Ferré, présidente,
Mme Préaud, conseillère,
Mme Péan, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 janvier 2025.
La rapporteure,
C. PÉAN
La présidente,
C. VISEUR-FERRÉLa greffière,
F. DEGLOS
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
[VFC1]C'est la même chose, non '