LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre du ministre chargé de la sécurité sociale ;
Sur le premier moyen
, pris en sa seconde branche, et le second moyen, pris en sa première branche, réunis :
Vu les articles
R. 441-10 et
R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes qu'une caisse primaire d'assfurance maladie dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la déclaration d'accident du travail, pour statuer sur le caractère professionnel de celui-ci et que sous réserve des dispositions du second, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu, le caractère professionnel de l'accident est considéré comme établi à l'égard de la victime ; qu'aux termes du second, avant l'expiration du délai susmentionné, éventuellement augmenté de deux mois, après information des parties, lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la décision motivée de la caisse est notifiée à la victime ou à ses ayants droit sous pli recommandé avec demande d'avis de réception et en cas de refus de la prise en charge à titre professionnel, le double de la notification est envoyé pour information à l'employeur ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite des déclarations d'accident du travail effectuées successivement le 16 novembre 2009 par Mme X..., salariée de la société Darty Ouest, devenue la société Darty Grand Ouest (l'employeur), puis, le 18 novembre suivant, par ce dernier avec réserves, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne (la caisse) a, après instruction, notifié aux parties, le 9 février 2010, une première décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle, que l'employeur a contestée devant la commission de recours amiable, puis une seconde le 4 août 2010 annulant et remplaçant la précédente ; que l'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident litigieux, l'arrêt, après avoir constaté que la caisse a informé l'employeur de sa décision le 9 février 2010 en ces termes : « les éléments en ma possession me permettent de reconnaître le caractère professionnel du sinistre déclaré pour votre salarié (e) cité (e) en référence », retient que l'absence de motivation de la décision du 9 février 2010 entraîne son inopposabilité à l'égard de l'employeur, et que la tardiveté de la décision du 4 août 2010, laquelle, étant intervenue après l'expiration des délais prévus aux articles
R. 441-10 et R. 441-14, ne pouvait pas valablement annuler et remplacer celle du 9 février 2010, a les mêmes conséquences ;
Qu'en statuant ainsi, alors d'une part que l'employeur ne peut pas se prévaloir de l'inobservation du délai dans la limite duquel doit statuer la caisse, laquelle n'est sanctionnée que par la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident à l'égard de la victime, d'autre part, qu'il résultait de ses constatations que la caisse avait pris une décision, communiquée à l'employeur, comportant l'indication des raisons de la prise en charge, intervenue après enquête, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Darty Grand Ouest aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Darty Grand Ouest et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille seize.
MOYENS ANNEXES
au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, confirmant le jugement entrepris en y substituant ses motifs, il a déclaré inopposable à la société DARTY GRAND OUEST la décision de prise en charge par la CPAM, au titre de la législation professionnelle, de l'accident subi par Mme X...le 14 octobre 2009 ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« aux termes de l'article
R. 441-10 du code de la sécurité sociale, la caisse dispose d'un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle elle reçu la déclaration d'accident du travail et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ; sous réserve des dispositions de l'article
R 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans ce délai, le caractère professionnel de l'accident est reconnu. En vertu de l'article
R 441-14, lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête, la caisse doit en informer la victime et l'employeur avant l'expiration du délai prévu à l'article
R 441-10 par LRAR, à l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder 2 mois à compter de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident est reconnu (alinéa 1) ; la décision motivée de la caisse de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle est notifiée, avec mention des voies et délais de recours, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à l'employeur (alinéa 4, en sa rédaction issue du décret du 29 juillet 2009, en vigueur au 1er janvier 2010). Ce texte instaure une garantie de fond destinée à assurer le respect des droits de la défense : la sanction de l'absence ou de l'insuffisance de motivation est l'inopposabilité à l'employeur de la décision de la CPAM En l'espèce, la CPAM a reçu la déclaration d'accident du travail du 16 novembre 2009, le 19 novembre 2009 (cf. courrier du 20 novembre 2009, informant l'employeur d'une enquête). La CPAM a notifié à Mme X...et à la société DARTY GRAND OUEST sa décision relative à l'accident du 14 octobre 2009 par courrier du 9 février 2010 ainsi rédigé : " les éléments en ma possession me permettent de reconnaître le caractère professionnel du sinistre déclaré pour votre salarié (e) cité (e) en référence " ; suivait l'indication des voies et délais de recours. Après que la société DARTY GRAND OUEST ait, le 9 avril 2010, saisi la commission de recours amiable de la CPAM d'une contestation de cette décision, la caisse a adressé à la société DARTY GRAND OUEST un nouveau courrier du 4 août 2010 ainsi rédigé, " annulant et remplaçant " le précédent : " les éléments en ma possession me permettent de reconnaître le caractère professionnel du sinistre déclaré pour votre salarié (e) cité (e) en référence, En effet, vous avez été informé du fait qu'une instruction contradictoire avait été menée par questionnaire et/ ou enquête. Les éléments recueillis permettent d'établir que l'accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail conformément aux conditions posées par l'article
L 411-1 du CSS " ; suivait l'indication des voies et délais de recours. Or, si la décision du 9février 2010 mentionnait les voies et délais de recours, en revanche elle n'indiquait pas, même sommairement, les raisons de la prise en charge, en droit et en fait. La CPAM en avait d'ailleurs bien conscience puisqu'elle a rédigé la seconde décision du 4 août 2010, comportant les deux phrases sur l'instruction, les éléments recueillis et la référence à l'article
L 411-1 du code de la sécurité sociale ; néanmoins, la décision étant bien postérieure à l'échéance des délais prévus aux articles
R 441-10 et R 441-14, elle ne pouvait pas valablement'annuler et remplacer " la décision du 9 février 2010. Même si l'employeur a eu la possibilité de consulter le dossier avant que la CPAM ne prenne sa décision, il convient de juger que l'absence de motivation de la décision du 9février 2010 entraîne son inopposabilité à l'égard du dit employeur, et que la tardiveté de la décision du 4 août 2010 a les mêmes conséquences. Par suite, le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale sera confirmé » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, si, lorsqu'une décision prise par la CPAM a été régulièrement notifiée et qu'elle n'a donné lieu, dans les délais, à aucun recours contentieux, elle revêt un caractère définitif, la décision qui a fait l'objet d'une contestation peut être retirer et une nouvelle décision peut lui être substituée ; que cette nouvelle décision est réputée prise et prend effet à la date de la première décision ; qu'au cas d'espèce, une décision du 04 août 2010 s'était substituée à la décision du 09 février 2010, alors qu'un recours devant la Commission de recours amiable était pendant ; que cette nouvelle décision était réputée prise le 09 février 2010 et produisait ses effets à compter de cette date ; que dès lors, en considérant qu'elle était tardive, la Cour d'appel a violé l'article
R. 441-10 du code de la sécurité sociale, ensemble les règles gouvernant le retrait et la substitution des décisions ;
ET ALORS QUE DEUXIEMEMENT, en tout cas, en application de l'article
R. 441-10 du Code de la sécurité sociale, lorsqu'aucune décision de la CPAM n'intervient dans les six mois suivant une déclaration d'accident de travail ou de maladie professionnelle, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu ; que l'inobservation de ce délai n'est sanctionnée que par la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, à l'exclusion de l'inopposabilité de la décision de prise en charge à l'employeur, qui peut toujours contester son bien-fondé devant le juge ; qu'en décidant au contraire que la décision du 04 août 2010, intervenue tardivement au regard de l'article
R. 441-10 du Code de la sécurité sociale, était inopposable à l'employeur, la Cour d'appel a violé l'article
R. 441-10 du Code de la sécurité sociale ;
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, confirmant le jugement entrepris en y substituant ses motifs, il a déclaré inopposable à la société DARTY GRAND OUEST la décision de prise en charge par la CPAM, au titre de la législation professionnelle, de l'accident subi par Mme X...le 14 octobre 2009 ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« aux termes de l'article
R. 441-10 du code de la sécurité sociale, la caisse dispose d'un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle elle reçu la déclaration d'accident du travail et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ; sous réserve des dispositions de l'article
R 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans ce délai, le caractère professionnel de l'accident est reconnu. En vertu de l'article
R 441-14, lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête, la caisse doit en informer la victime et l'employeur avant l'expiration du délai prévu à l'article
R 441-10 par LRAR, à l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder 2 mois à compter de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident est reconnu (alinéa 1) ; la décision motivée de la caisse de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle est notifiée, avec mention des voies et délais de recours, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à l'employeur (alinéa 4, en sa rédaction issue du décret du 29 juillet 2009, en vigueur au 1erjanvier 2010). Ce texte instaure une garantie de fond destinée à assurer le respect des droits de la défense ; la sanction de l'absence ou de l'insuffisance de motivation est l'inopposabilité à l'employeur de la décision de la CPAM En l'espèce, la CPAM a reçu la déclaration d'accident du travail du 16 novembre 2009, le 19 novembre 2009 (cf courrier du 20 novembre 2009, informant l'employeur d'une enquête). La CPAM a notifié à Mme X...et à la société DARTY GRAND OUEST sa décision relative à l'accident du 14 octobre 2009 par courrier du 9 février 2010 ainsi rédigé : " les éléments en ma possession me permettent de reconnaître le caractère professionnel du sinistre déclaré pour votre salarié (e) cité (e) en référence " ; suivait l'indication des voies et délais de recours. Après que la société DARTY GRAND OUEST ait, le 9 avril 2010, saisi la commission de recours amiable de la CPAM d'une contestation de cette décision, la caisse a adressé à la société DARTY GRAND OUEST un nouveau courrier du 4 août 2010 ainsi rédigé, " annulant et remplaçant " le précédent : " les éléments en ma possession me permettent de reconnaître le caractère professionnel du sinistre déclaré pour votre salarié (e) cité (e) en référence, En effet, vous avez été informé du fait qu'une instruction contradictoire avait été menée par questionnaire et/ ou enquête. Les éléments recueillis permettent d'établir que l'accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail conformément aux conditions posées par l'article
L 411-1 du CSS " ; suivait l'indication des voies et délais de recours. Or, si la décision du 9 février 2010 mentionnait les voies et délais de recours, en revanche elle n'indiquait pas, même sommairement, les raisons de la prise en charge, en droit et en fait. La CPAM en avait d'ailleurs bien conscience puisqu'elle a rédigé la seconde décision du 4 août 2010, comportant les deux phrases sur l'instruction, les éléments recueillis et la référence à l'article
L 411-1 du code de la sécurité sociale ; néanmoins, la décision étant bien postérieure à l'échéance des délais prévus aux articles
R 441-10 et R 441-14, elle ne pouvait pas valablement'annuler et remplacer " la décision du 9 février 2010. Même si l'employeur a eu la possibilité de consulter le dossier avant que la CPAM ne prenne sa décision, il convient de juger que l'absence. de motivation de la décision du 9 février 2010 entraîne son inopposabilité à l'égard du dit employeur, et que la tardiveté de la décision du 4 août 2010 a les mêmes conséquences. Par suite, le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale sera confirmé » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, la décision du 09 février 2010 identifiait le nom de l'assuré, précisait la date de l'accident, fixait l'objet de la décision-à savoir la prise en charge de l'accident-et précisait enfin, que les circonstances de l'accident qui avait été déclaré permettaient « de reconnaitre le caractère professionnel du sinistre » ; que la décision devait dès lors être considérée comme motivée ; qu'aussi, les juges du fond, dès lors que la CPAM n'avait pas à procéder à d'autres constatations pour répondre à l'obligation de motivation, ont violé l'article
R. 441-14 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, à supposer par impossible que la décision de prise en charge de la caisse soit regardée comme non motivée, en tout état de cause, l'absence de motivation ne peut justifier l'inopposabilité de la prise en charge ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article
R. 441-14 du Code de la sécurité sociale, ensemble les règles gouvernant l'inopposabilité ;
ET ALORS QUE, TROISIEMEMENT, en tout cas, dès lors que la décision de la Commission de recours amiable, qui est motivée, se substitue à la décision de la Caisse, la saisine du juge ayant pour objet l'anéantissement de la décision de la Commission de recours amiable, il est exclu que la décision de la Caisse puisse être déclarée inopposable à raison d'un défaut de motivation ; que de ce point de vue, l'arrêt attaqué doit être censuré pour violation des articles
R. 142-1,
R. 142-18,
R. 441-11 et
R. 441-14 du Code de la sécurité sociale.