RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRET DU 12 Novembre 2009
(n°11, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04637
S 09/05391
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Avril 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 08/04926
DEMANDEUR AU CONTREDIT et APPELANT
Monsieur [U] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Nabil KEROUAZ, avocat au barreau de PARIS, P148 substitué par Me Tiziana TUMINELLI, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDERESSES AU CONTREDIT et INTIMÉES
SASU GROUPE TRILOG
[Adresse 2]
[Localité 3]
SAS TRILOG AUDI VISUEL
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentées par Me Isabelle D'AUBENTON, avocat au barreau de PARIS, G421 substituée par Me Emilie DURVIN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article
945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine CANTAT, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente
Madame Catherine BÉZIO, Conseillère
Madame Martine CANTAT, Conseillère
GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente
- signé par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente et par Mademoiselle Céline MASBOU, Greffière présente lors du prononcé.
LA COUR,
Statuant sur le contredit de compétence formé le 11 mai 2009 et sur l'appel interjeté le 25 juin 2009 par Monsieur [U] [Z], à l'encontre d'un jugement du conseil de prud'hommes de Paris rendu le 29 avril 2009, lequel s'est déclaré incompétent pour examiner sa demande tendant à voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail le liant aux SAS GROUPE TRILOG et TRILOG AUDIO VISUEL, au profit du tribunal de commerce de Paris.
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 25 septembre 2009, de Monsieur [U] [Z], demandeur au contredit, qui demande à la Cour de :
-infirmer le jugement
-constater l'existence d'un contrat de travail avec les SAS GROUPE TRILOG et TRILOG AUDIO VISUEL
-dire le conseil de prud'hommes de Paris compétent
-évoquer le fond du litige
-fixer à 4.765,5 euros le salaire brut mensuel
-fixer le taux de commissionnement au titre des affaires apportées à 10% de la rémunération annuelle
-condamner solidairement les SAS GROUPE TRILOG et TRILOG AUDIO VISUEL au paiement des sommes suivantes :
-74.961,66 euros à titre de rappel de salaires et accessoires
-57.186 euros au titre du travail dissimulé
-14.296,50 euros à titre d'indemnité de préavis
-1.429,65 euros au titre des congés payés y afférents
-28.593 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif
-5.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile
-autoriser les sociétés à déduire de ces condamnations la somme de 20.500 euros
-ordonner la remise des bulletins de paye de novembre 2006 à 2007, de l'attestation ASSEDIC et du certificat de travail conformes, sous astreinte de 50 euros par jour et par document.
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 25 septembre 2009, des SAS GROUPE TRILOG et TRILOG AUDIO VISUEL, défenderesses au contredit, qui demandent à la Cour de :
-déclarer l'appel irrecevable
-rejeter le contredit
-condamner Monsieur [U] [Z] au paiement de la somme de 4000 euros, au titre de l'article
700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
SUR CE, LA COUR
Considérant que
Monsieur [U] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 28 avril 2008, afin de se voir reconnaître la qualité de salarié des SAS GROUPE TRILOG et TRILOG AUDIO VISUEL et d'obtenir diverses sommes liées à sa prestation de travail et à la rupture de la relation contractuelle ;
Considérant que les sociétés intimées ont soulevé, in limine litis, l'incompétence de la juridiction prud'homale, au motif que les demandes de Monsieur [U] [Z] relevaient de la compétence exclusive du tribunal de commerce de Paris ;
Considérant que le conseil de prud'hommes de Paris, par jugement 29 avril 2009, s'est déclaré incompétent au motif que la relation contractuelle litigieuse était de nature exclusivement commerciale ;
Sur la jonction des procédures et l'irrecevabilité de l'appel
Considérant que Monsieur [U] [Z] a formé un contredit de compétence, le 11 mai 2009, à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes de Paris rendu le 29 avril 2009, lequel a été enregistré sous le n° RG 09/04637 ; qu'il a également interjeté appel de ce jugement, le 25 juin, après la notification de la décision faite le 25 mai 2009, lequel a été enregistré sous le n° RG 09/05591 ;
Considérant que la procédure qui devait être suivie était celle du contredit et non celle de l'appel, le conseil de prud'hommes de Paris s'étant déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris et ayant averti les parties, lors de la notification du jugement, que celui-ci pouvait faire l'objet d'un contredit ;
Qu'il y a lieu, en conséquence, de prononcer la jonction des dossiers portant les numéros RG 09/05391 et RG 09/04637 et de déclarer irrecevable l'appel formé par Monsieur [U] [Z] ;
Sur l'existence d'un contrat de travail
Considérant que la SAS GROUPE TRILOG est une société holding qui détient les titres de la SAS TRILOG AUDIO VISUEL, laquelle réalise des opérations d'ingénierie pédagogique et de communication, soit après appels d'offres, soit par présentation de projets à ses clients et prospects ; que TRILOG commercialise un concept de gestion de situations de crises sous la marque Eléas ;
Considérant que Monsieur [U] [Z] soutient qu'il a travaillé, à partir de 2006, pour les sociétés TRILOG, en étant lié à celles-ci par un lien de subordination, notamment dans le cadre de plusieurs projets développés par celles-ci et concernant la SNCF, la FONDATION ABBE [U], la société NATEXIS et les Avocats ;
Considérant que les sociétés TRILOG répondent que Monsieur [U] [Z] a toujours exercé des activités libérales, notamment de psychothérapie et de médiation, en étant immatriculé auprès de l'URSSAF, même lorsqu'il a commencé à effectuer des missions pour elles en 2006, en qualité de consultant indépendant, dans l'attente d'une association ; qu'elles ajoutent qu'il a créé une SARL unipersonnelle dénommée [U] [Z] CONSEIL, immatriculée le 18 avril 2007, et qu'il est devenu associé du GROUPE TRILOG en 2007 et président de TRILOG AUDIO VISUEL en 2008 ; qu'elles précisent, à la barre, sur interrogation de la Cour, que Monsieur [U] [Z] avait conclu avec elles un «contrat de prestation de service oral» pour lequel il établissait des factures ;
Considérant que l'existence d'un contrat de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leurs conventions, mais se caractérise par les conditions de faits dans lesquelles s'exerce l'activité professionnelle ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;
Considérant, par ailleurs, qu'il appartient à la partie qui entend se prévaloir de l'existence d'un contrat de travail de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de subordination ;
Qu'enfin, les dispositions de l'article
L8221-6 du code du travail prévoient que sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale, mais que l'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent directement des prestations à un donneur d'ordre dans les conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ;
Considérant qu'il ressort des documents versés aux débats que Monsieur [U] [Z] a commencé à collaborer avec ces deux sociétés en 2006, sans qu'aucun contrat ne soit signé pour formaliser cette relation et qu'il était immatriculé auprès de l'URSSAF ;
Que dans les documents édités par TRILOG pour ses clients potentiels, Monsieur [U] [Z] est présenté comme faisant partie des cinq personnes composant l'équipe de direction, en qualité de responsable de coordination et de formation, aux côtés de Madame [R] directrice, de Monsieur [L] directeur, de Monsieur [F] conseil en stratégie sociale, et de Monsieur [X] responsable développement, notamment dans les dossiers élaborés pour la SNCF, le CRIT, le CREDIT FONCIER DE FRANCE et MAC DONALD'S FRANCE ;
Que Monsieur [U] [Z] disposait de cartes de visite mentionnant sa qualité de responsable coordination et formation d'Eléas ;
Que divers courriels, de novembre 2006, font tout d'abord apparaître que Monsieur [U] [Z] a travaillé dans le cadre d'une convention, relative à l'accompagnement des situations sensibles, passée par TRILOG, sous sa marque Eléas, avec la SNCF, et que Madame [R], directrice, a fait appel à lui, en novembre 2006, pour qu'il recrute des psychologues ; que d'autres documents démontrent, qu'à partir de novembre 2006 et pendant plusieurs mois, il a participé aux réunions de travail, a rédigé les comptes-rendus de réunions et de rendez-vous, a exploité les statistiques des incidents survenus à la SNCF, a mis en place un réseau d'assistance à la SNCF consistant notamment à organiser un système d'astreintes pour lequel il a exercé une «action de coordination à raison de 15 jours par mois» selon les termes employés par Monsieur [M] [L], le directeur, dans un courriel du 22 janvier 2007 ;
Que plusieurs attestations de psychologues, qui ont fait partie du réseau Eléas dans le cadre du contrat avec la SNCF, déclarent que Monsieur [U] [Z] leur a été présenté comme un subordonné de Monsieur [M] [L] et confirment qu'il assurait, avec deux autres responsables, la coordination quotidienne matinale du réseau opérationnel des psychologues d'astreintes qui devaient le contacter par téléphone à 7 heures le matin, qu'il établissait les plannings mensuels des astreintes, qu'il réglait les problèmes au quotidien et qu'il recevait les éventuels comptes-rendus d'intervention des psychologues d'astreintes ;
Que d'autres documents révèlent qu'il a également participé, entre novembre 2006 et mars 2007, à un projet de convention devant être conclu entre TRILOG et la FONDATION ABBE [U], lequel mentionne que «la conception du dispositif sera assurée sous la responsabilité de [M] [L], en collaboration avec [U] [Z]», que «l'intervention sera réalisée par [U] [Z]», que «la note de synthèse sur le déroulement de la formation sera rédigée par [U] [Z], sous la responsabilité de [M] [L]» ; que, dans le cadre de ce projet il a participé aux réunions et a rédigé les comptes-rendus ;
Que le projet d'intervention en médiation réalisé sous la marque Eléas pour NATEXIS, qui est daté du 10 décembre 2006, mentionne que Monsieur [U] [Z], qui «dirige la médiation chez TRILOG/ELEAS», animera la formation de sensibilisation et effectuera éventuellement les interventions d'accompagnement et de médiation ;
Que d'autres documents font apparaître que Monsieur [U] [Z] a travaillé dans le cadre de nombreux autres dossiers, notamment relatifs aux projets «Avocats» en février 2007 et «Mac Donald's» en juillet 2007, qu'il a animé deux jours de formation FAP en mars 2007, qu'il a été sollicité pour participer à un cocktail de Lamy Excel, le 24 mai 2007 et qu'il a participé à des réunions en province ;
Que divers courriels révèlent que Monsieur [L] demandait à Monsieur [U] [Z] des comptes-rendus et des explications sur son activité, pouvait revoir ses comptes-rendus pour y apporter des éclaircissements et lui donnait des informations pour qu'il puisse travailler sur les projets en cours ;
Que d'autres échanges de courriels, font ressortir que Monsieur [U] [Z] percevait une rémunération en fonction des dossiers en cours, laquelle était unilatéralement fixée par Monsieur [M] [L] ; que pour le dossier SNCF, à partir de janvier 2007, il a perçu une rémunération forfaitaire mensuelle de 750 euros HT pour son action de coordination de 15 jours par mois, 750 euros HT pour son action de développement du réseau Eléas, un forfait de 50 euros pour couvrir ses dépenses téléphoniques et la prise en charge d'un coupon Fréquence 1ère classe France entière pour ses déplacements ; que pour le dossier «Avocats», en février 2007, les conditions de sa rémunération ont également été fixées de manière extrêmement précise par Monsieur [M] [L] ;
Que d'autres pièces font apparaître qu'il a établi des notes de frais pour se faire rembourser des coupons SNCF, des frais de taxi, des notes de restaurant jusqu'au début de l'année 2007, notamment en février 2007 et qu'il n'a établi des factures pour les prestations qu'il accomplissait pour les sociétés TRILOG, qu'à partir de la mi-avril 2007, date à laquelle il a créé une SARL ;
Considérant qu'il ressort de ces divers documents que Monsieur [U] [Z] a exercé, pendant plusieurs mois, des activités au sein des SAS GROUPE TRILOG et SAS TRILOG AUDIO VISUEL, sans avoir conclu de contrat écrit et en étant placé sous un lien de subordination vis-à-vis de Monsieur [M] [L], le directeur, lequel avait le pouvoir de lui donner des directives pour organiser ses activités, de contrôler l'exécution de ses tâches et de lui imposer des jours et des horaires de travail ; qu'il figurait dans l'organigramme comme faisant partie de l'équipe de direction et était présenté comme tel aux futurs clients ; qu'il a perçu pendant plusieurs mois, jusqu'en avril 2007, une rémunération mensuelle forfaitaire unilatéralement déterminée par Monsieur [M] [L], la facturation au nom de la SARL unipersonnelle dénommée [U] [Z] CONSEIL, n'étant intervenue qu'après l'immatriculation de celle-ci, le 18 avril 2007 ;
Que Monsieur [U] [Z] avait, ainsi, la qualité de salarié et que les différends relatifs à ses activités relèvent de la compétence du conseil de prud'hommes, conformément aux dispositions de l'article
L 1411-1 du code du travail ;
Que, dès lors, il y a lieu d'accueillir le contredit de compétence et de dire que le conseil de prud'hommes de Paris est compétent pour connaître de l'ensemble du litige opposant les parties ;
Sur l'évocation
Considérant que Monsieur [U] [Z] demande à la Cour d'évoquer le litige en raison, notamment, des délais de procédure qu'impliquerait un renvoi devant le conseil de prud'hommes ;
Considérant qu'il apparaît nécessaire, compte tenu de la complexité des demandes au fond de Monsieur [U] [Z] et du montant des sommes réclamées, que cette affaire fasse l'objet d'un double degré de juridiction ;
Que, dès lors, qu'il y a lieu de débouter Monsieur [U] [Z] de sa demande d'évocation devant la Cour et de renvoyer l'affaire devant le prud'hommes de Paris pour qu'il soit statué sur le fond du litige ;
Sur les frais irrépétibles et les frais de contredit
Considérant qu'il y a lieu de condamner solidairement la SAS GROUPE TRILOG et de la SAS TRILOG AUDIO VISUEL, qui succombent en leurs prétentions, au paiement à Monsieur [U] [Z] de la somme de 2.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile et au paiement des frais du contredit ;
PAR CES MOTIFS
PRONONCE la jonction des dossiers portant les numéros RG 09/0504637 et 09/05391
DÉCLARE irrecevable l'appel interjeté par Monsieur [U] [Z]
ACCUEILLE le contredit formé par Monsieur [U] [Z]
DIT le conseil de prud'hommes de Paris compétent
DÉBOUTE Monsieur [U] [Z] de sa demande d'évocation devant la Cour
RENVOIE les parties devant le prud'hommes de Paris pour qu'il soit statué sur le fond du litige
CONDAMNE solidairement la SAS GROUPE TRILOG et de la SAS TRILOG AUDIO VISUEL au paiement à Monsieur [U] [Z] de la somme de 2.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile
CONDAMNE solidairement la SAS GROUPE TRILOG et de la SAS TRILOG AUDIO VISUEL au paiement des frais du contredit.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE