MINUTE N° 24/606
Copie exécutoire
aux avocats
le 2 août 2024
La greffière
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRÊT
DU 02 AOÛT 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/01448 -
N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ74
Décision déférée à la Cour : 31 mars 2022 par la formation paritaire du conseil de prud'hommes de Saverne
APPELANT et INTIMÉ SUR APPEL INCIDENT :
L'Association [3]
pris en la personne de son représentant légal
ayant siège [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Olivier PHILIPPOT, Avocat au barreau de Strasbourg
INTIMÉ et APPELANT SUR APPEL INCIDENT :
Monsieur [I] [V]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Caroline BENSMIHAN, Avocat au barreau de Strasbourg
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par M. PALLIERES, Conseiller, en l'absence du Président de Chambre empêché,
- signé par M. PALLIERES, Conseiller, et Mme ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [I] [V] a été engagé par l'Association [3] en qualité d'entraîneur animateur à compter du 1er septembre 2014.
Monsieur [I] [V] a été placé en arrêt maladie du 14 septembre 2020 au 4 octobre 2020.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 octobre 2020, l'Association [3] l'a convoqué à un entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement, avec notification d'une mise à pied conservatoire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 octobre 2020, l'Association [3] lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Par requête du 19 février 2021, Monsieur [I] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Saverne, section activités diverses, de demandes de nullité de son licenciement, de réintégration, et de rappel de salaires, notamment pour heures supplémentaires, et, subsidiairement, de reconnaissance d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux fins d'indemnisations subséquentes, outre d'indemnisation pour procédure de licenciement vexatoire et humiliante.
Par jugement du 31 mars 2022, le conseil de prud'hommes a :
- dit que le licenciement était abusif,
- condamné l'Association [3] à payer à Monsieur [I] [V] les sommes suivantes :
* 15 556,80 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif,
* 5 000 euros au titre de l'indemnité pour la mise à pied conservatoire annulée le 28 octobre 2020,
* 5 000 euros au titre du préjudice moral pour la procédure de licenciement vexatoire et humiliante,
* 2 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- débouté Monsieur [I] [V] du surplus de ses demandes,
- débouté l'Association [3] de ses « demandes reconventionnelles »,
- déclaré le jugement exécutoire par provision,
- condamné l'Association [3] aux dépens.
Par déclaration du 12 avril 2022, l'Association [3] a interjeté appel du jugement limité aux dispositions relatives au licenciement, aux indemnités subséquentes, à l'indemnité pour procédure de licenciement vexatoire et humiliante, aux dispositions relatives à l'article
700 du code de procédure civile et au rejet des demandes reconventionnelles.
Par écritures transmises par voie électronique le 15 janvier 2024, l'Association [3] sollicite l'infirmation du jugement entrepris sur les mêmes bases, et que la cour, statuant à nouveau :
déboute Monsieur [I] [V] de l'ensemble de ses demandes,
À titre subsidiaire,
limite les dommages et intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse à
3 mois de salaire,
déboute Monsieur [I] [V] de ses autres demandes,
En tout état de cause,
condamne Monsieur [I] [V] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile et les dépens.
Par écritures transmises par voie électronique le 12 janvier 2024, Monsieur [I] [V], sollicite la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le rejet du surplus de ses demandes, notamment au titre des heures supplémentaires, en ce qu'il a limité l'indemnité en compensation du licenciement abusif, l'indemnité au titre du préjudice moral pour procédure de licenciement vexatoire humiliante, et l'indemnité au titre de l'article
700 du code de procédure civile, et que la cour, statuant à nouveau,
condamne l'Association [3] à lui payer la somme de 26 668,80 euros en compensation du licenciement abusif,
rejette l'attestation n°46, produite par l'employeur, comme non conforme à l'article
202 du code de procédure civile,
« très subsidiairement »,
ramène « ce montant » à la somme de 15 556, 80 euros,
condamne l'Association [3] à lui payer les sommes suivantes :
* 10 000 euros pour procédure abusive,
* 10 000 euros au titre du préjudice moral pour procédure de licenciement vexatoire et humiliante,
* 6 669,25 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées en 2019,
* 2 222,84 euros titre des heures supplémentaires accomplies en 2020,
* 5 000 euros de l'article
700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel.
L'ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 16 janvier 2024.
En application de l'article
455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, outre aux notes en délibéré des parties.
Par soit transmis du 26 mars 2024, la cour a invité les parties à s'expliquer sur la saisine de la cour d'appel au regard du formalisme du dispositif des écritures de Monsieur [I] [V] et de l'article
954 du code de procédure civile, et, plus précisément, sur les demandes principales et les demandes subsidiaires.
Vu les notes en délibéré des 10 et 18 avril 2024 de Monsieur [I] [V],
Vu la note en délibéré du 5 avril 2024 de l'Associati
MOTIFS
Le
Selon l'article
954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Lorsque l'appelant principal, ou l'appelant incident, ne demande au dispositif de ses écritures ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, mais le fait de solliciter : « confirmer' sauf en ce que' » s'interprète comme une demande d'infirmation des chefs exclus de la demande de confirmation.
Toutefois, la cour relève que, dans le dispositif de ses écritures, Monsieur [I] [V] ne formule, comme demandes principales, relatives à son appel incident, que l'augmentation de l'indemnité pour licenciement abusif à 26 668, 80 euros et le rejet de la pièce de l'Association [3] n°46 ; aucune prétention
n'est formulée, à titre principal, s'agissant du rappel de salaire pour heures supplémentaires, de l'indemnité pour préjudice moral pour procédure de licenciement vexatoire et humiliante, et de l'indemnité au titre de l'article
700 du code de procédure civile, alors qu'au regard de la clôture de l'instruction, Monsieur [I] [V] ne pouvait valablement modifier ses prétentions, dans sa note en délibéré du 10 avril 2024.
En conséquence, les demandes subsidiaires ne seront examinées que si la cour ne fait pas droit, même partiellement, aux demandes principales.
Sur la demande de Monsieur [I] [V] de rejet de pièce
La pièce n° 46 de l'employeur, constituée par une attestation dactylographiée de Madame [D] [L], est confirmée par une attestation de témoin, sur modèle réglementaire avec copie d'une pièce d'identité, de telle sorte que Monsieur [I] [V] sera débouté de sa demande, à hauteur d'appel, de rejet de cette pièce.
Sur le licenciement et l'indemnité pour licenciement abusif
Sur la prescription des faits fautifs
Selon l'article 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Monsieur [I] [V] soutient que les faits fautifs, antérieurs au 2 août 2020, qui lui sont reprochés, dans la lettre de licenciement, sont prescrits.
Si en cas de fait ayant plus de 2 mois depuis l'engagement de la procédure de licenciement, l'employeur doit rapporter la preuve de sa connaissance depuis moins de 2 mois de cet engagement, une faute, de plus de 2 mois depuis l'engagement des poursuites, peut faire l'objet d'une sanction, si elle s'inscrit dans un phénomène répétitif et qu'un des faits a été commis depuis moins de 2 mois de l'engagement de la procédure de licenciement.
La procédure de licenciement a été engagée le 2 octobre 2020.
En l'espèce, si un litige entre Monsieur [R] [F], directeur technique, et Monsieur [I] [V] était connu de l'employeur (cf, notamment, pièce employeur n° 10 : attestation de témoin de Madame [M] [O]), et avait fait l'objet d'une médiation au mois de mai et juin 2020, l'employeur justifie, par la lettre recommandée avec accusé de réception du 2 octobre 2020, et le courriel du même jour, du conseil de Mesdames [U] [J], [X] [C] [Y], et [M] [O], et de Monsieur [TD] [H] (4 salariés sur 6 de l'Association [3], les 2 autres étant Monsieur [R] [F], directeur technique, et Monsieur [V]), n'avoir été informé que le 2 octobre 2020 de la constance d'un comportement déplacé de Monsieur [I] [V] à l'encontre des autres salariés, comportement caractérisé, par le conseil des plaignants, de provocation, dédain d'opposition et critiques constantes et infondées.
Ainsi, postérieurement à la médiation du mois de mai à juin 2020, Madame [B] [PK] atteste qu'au cours d'un entraînement de l'été 2020, Monsieur [I] [V] s'est montré très critique envers sa collègue (salariée) [U] [J] affirmant qu'elle n'avait pas les compétences requises pour entraîner un groupe d'enfants compétiteurs.
En outre, il résulte de l'attestation de témoin de Monsieur [R] [F], directeur technique, que le 17 juillet 2020, ce dernier a indiqué aux salariés de l'association, par courriel, l'obligation du port du masque à partir du moment où ils sont dans l'enceinte des établissements recevant du public, et qu'il a constaté que les 3 et 4 août 2020, Monsieur [I] [V] ne portait pas de masque dans l'enceinte de la piscine de Mutzig, lors de ses heures de travail.
Le rappel, à Monsieur [I] [V], de veiller au respect des règles sanitaires, compte tenu de la période Covid 19, est également confirmé par Messieurs [E] et [N].
Il en résulte que les faits fautifs reprochés de comportement déplacé de Monsieur [I] [V], à l'égard des autres salariés de l'association, et de défaut de respect, par Monsieur [I] [V], des directives du comité directeur ou du supérieur hiérarchique, Monsieur [R] [F], se sont poursuivis au cours de l'été 2020, et que Monsieur [I] [V] a renouvelé un comportement d'obstruction aux directives de Monsieur [F], directeur technique, qui a perduré au moins jusqu'au 4 août.
En conséquence, compte tenu de l'existence de faits fautifs dans le délai de 2 mois précédant l'engagement de la procédure disciplinaire, les faits reprochés, antérieurs au 2 août 2020, ne sont pas prescrits.
Sur les faits reprochés
La lettre de licenciement, dont les termes fixent le débat sur l'appréciation des motifs du licenciement, est motivée par :
- comportement agressif et véhément à l'égard de ses collègues créant une ambiance délétère, plusieurs salariés ayant contacté un avocat qui a mis en demeure le président de l'association de prendre des mesures pour que cesse la politique de provocation, de dédain, d'opposition et critiques constantes et infondées en vue d'assurer la santé la sécurité des autres salariés,
- attitude irrespectueuse à l'égard des autres interlocuteurs de l'association, et tenue de propos insultants lors d'un repas du 9 novembre 2019,
- comportement d'insubordination en permanence, notamment le 24 juin 2020, avec absence de respect des consignes du 5 août 2020,
- critique en termes insultants et déplacés des décisions du comité, propos insultants à l'égard de membres du comité directeur, et comportement d'insubordination et attitude d'opposition systématique aux ordres donnés par le comité, notamment le 1er août 2020, défaut de respect des consignes sanitaires rappelées par le comité sur le port du masque,
- délaissement des nageurs moins bons avec découragement des nageurs les moins talentueux ou prometteurs, notamment exclusion de 2 groupes de nageurs le 1er août 2020,
- menace de son supérieur hiérarchique par le biais d'un tiers de révélations à sa compagne d'une relation extraconjugale, menace d'appel de nageurs au boycott de compétition, et menace de pousser des maîtres nageurs salariés de la ville de Molsheim à monter une école de natation concurrente,
- le 28 septembre 2020, entraînement dans une piscine à [Localité 4] d'une équipe de triathlon alors que le salarié était en arrêt maladie. À cette occasion, altercation avec un entraîneur d'un club concurrent en lui faisant un doigt d'honneur devant les enfants.
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres motifs, s'agissant d'un comportement d'insubordination et une attitude d'opposition systématique aux ordres qui sont donnés par le comité, et les critiques des décisions qui sont prises en comité en des termes insultants,
Selon attestation de témoin de Monsieur [T] [G], produite par l'employeur, lors d'une réunion du comité de direction, Monsieur [I] [V] a fait savoir qu'il lui était difficile de recevoir des conseils ou des directives de son directeur technique (Monsieur [F]), son supérieur hiérarchique, qu'il n'avait nullement besoin d'avoir une personne à ses côtés pour lui dire ce qu'il avait à faire, et que les décisions, qui ont été prises, en accord avec le comité le directeur technique, étaient dépassées et inadéquates.
Selon attestation de témoin de Madame [B] [PK], produite par l'employeur, lors de la réunion du 24 juin 2020, Monsieur [I] [V] a indiqué qu'il souhaitait avoir un référent au moins jusqu'à la fin de l'année pour l'aider dans sa communication, et qu'il ne souhaitait pas recevoir d'instruction directement de la part de son directeur technique car il n'avait pas besoin qu'on lui dise ce qu'il devait faire ; Madame [PK] ajoute que, de façon générale, Monsieur [I] [V] est souvent en désaccord avec son directeur technique et ne suit pas les consignes qui lui sont données.
Ces attestations sont partiellement contredites, pour les faits du 24 juin 2020, par l'attestation de témoin de Madame [A] [Z], et l'attestation de témoin de Monsieur [K] [S], tous deux membres du comité directeur, produites par le salarié, aux termes desquelles ils n'ont constaté aucun acte d'insubordination, lors de la réunion du 24 juin 2020.
Selon attestation de témoin de Monsieur [W] [N], produite par l'employeur, à l'issue de la procédure de médiation, le comité directeur a procédé à l'audition de Monsieur [I] [V] et de Monsieur [F], le directeur technique, et Monsieur [I] [V] a précisé que s'il acceptait que Monsieur [F] soit le directeur technique et s'occupe des parties administratives, en aucun cas ce dernier ne supervisera son travail d'entraîneur.
Cette volonté, de Monsieur [I] [V], de contrôle, uniquement, partiel de ses activités professionnelles, par son supérieur hiérarchique Monsieur [F], est d'ailleurs, elle-même, confirmée par Madame [Z], qui indique, dans son attestation de témoin : « Monsieur [V] a ajouté, à plusieurs reprises, qu'il savait qu'il avait un supérieur hiérarchique et qu'il devait lui référer une partie de son travail ».
Le refus, par Monsieur [I] [V], de l'autorité hiérarchique de Monsieur [F], directeur technique, résulte clairement des propres écritures de Monsieur [I] [V], aux termes desquelles : « les difficultés survenues entre les deux salariées sont parfaitement légitimes dès lors que la promotion de Monsieur [F] est intervenue sans que soit préalablement définie l'articulation de son contrat et de celui de Monsieur [V] de sorte, notamment, que le nouveau directeur technique a décidé, de son propre chef, de rétrograder Monsieur [V] en lui attribuant les équipes loisirs plutôt que le pôle compétition ».
La cour relève que les modifications de l'organisation de l'association avaient, pourtant, été validées par le comité directeur de l'association.
Il résulte, par ailleurs, de :
- l'attestation de témoin de Monsieur [P] [E] que le 1er août 2020 une journée de cohésion a été proposée par Monsieur [I] [V], et qu'il a été demandé par le comité directeur à Monsieur [I] [V] de faire respecter les gestes barrières, s'agissant d'une période de crise sanitaire Covid 19, à savoir le port du masque et le respect de la distanciation sociale, et que des photographies de l'événement ont été publiées sur plusieurs réseaux sociaux témoignant du non-respect des gestes barrières,
- l'attestation de témoin de Madame [M] [O], salariée de l'Association [3], que, depuis début d'année 2020, il est impossible de travailler avec Monsieur [I] [V], qui refuse l'autorité de Monsieur [R] [F] (directeur technique), son supérieur hiérarchique, ce qui se traduit par un comportement d'obstruction à la dynamique collective que Monsieur [F] tente d'insuffler au sein de l'équipe des salariés (au nombre total de 6), ce qui est particulièrement visible lors des réunions d'équipe de salariés organisées et animées par Monsieur [F].
Madame [O] ajoute que, quel que soit le sujet, Monsieur [I] [V] n'est jamais d'accord avec les idées de Monsieur [F], et veut toujours imposer son avis.
Elle précise que le comité de direction a pris conscience des difficultés relationnelles entre Monsieur [I] [V] et Monsieur [F], en début d'année 2020, et malgré une médiation, conduite par des professionnels, pour améliorer les relations entre les deux, rien ne s'est amélioré et le conflit s'est généralisé entre Monsieur [I] [V] et les entraîneurs.
- l'attestation de témoin de Monsieur [W] [N], que la situation avec Monsieur [I] [V] devenait de plus en plus conflictuelle, provenant non des capacités de Monsieur [I] [V] à entraîner, mais de sa capacité à collaborer au sein de l'équipe des salariés et à respecter les consignes données par le directeur technique (Monsieur [R] [F]) ou par le comité directeur.
Monsieur [N] ajoute que, le 10 juillet 2020 en la présence du directeur technique, et du tuteur de Monsieur [I] [V] (Monsieur [DS]), à l'annonce de la réorganisation de l'association, Monsieur [I] [V] a déclaré : « vous êtes des incompétents. Si je ne me retenais pas, je vous mettrais une patate' [R] ([F]), tu n'as pas de couilles ».
Cette attestation confirme, pour l'essentiel, celle de Monsieur [F], sur ces déclarations de Monsieur [I] [V], Monsieur [F] ajoutant que Monsieur [I] [V] a indiqué « j'ai juste une envie, c'est de vous mettre une patate et de me barrer ».
Par ailleurs, Monsieur [N] indique que, pour la journée de cohésion du 1er août 2020, il a envoyé à Monsieur [I] [V] un courriel pour lui rappeler qu'il fallait favoriser la distanciation et les mesures barrières, et que des photos ont été publiées sur les réseaux sociaux montrant que Monsieur [I] [V] n'a pas respecté les consignes de distanciation et de port du masque.
De même, lors de la reprise des entraînements, il a constaté que, malgré les directives sur le port du masque, Monsieur [I] [V] a dû être rappelé à l'ordre pour absence de port du masque et que ce dernier a invoqué un problème respiratoire.
Ainsi, il est établi que Monsieur [I] [V] a refusé l'autorité hiérarchique de Monsieur [R] [F], nommé directeur technique au mois de septembre 2019, et entendu agir comme bon lui semblait, allant même à l'encontre des directives du comité directeur de l'association.
Monsieur [I] [V] ne saurait arguer de l'exercice de sa liberté d'expression, alors que les termes injurieux et particulièrement agressifs tenus en présence de Messieurs [N] et [F], et à l'encontre de ce dernier, dépassent les limites de la liberté d'expression et en constituent un abus.
La cour relève que sur 6 salariés de l'association, dont Monsieur [V], les 5 autres salariés se plaignent du comportement de Monsieur [I] [V], au regard des attestations de témoin et de la lettre du 2 octobre 2020 reçue par le président de l'Association [3].
Hors la précision quant aux attestation de témoin de Monsieur [S] et de Madame [Z], les nombreuses attestations de témoin, produites par le salarié, louant le comportement de ce dernier, ne permettent pas d'écarter la force probante des attestations de témoin précitées produites par l'employeur, étant précisé qu'au regard du nombre peu important de salariés (6), ces derniers et les membres du comité directeur sont plus à même de constater le comportement de Monsieur [I] [V], que ce soit, pour les salariés, notamment, lors des réunions de salariés, et, pour tous, dans ses rapports avec Monsieur [R] [F], directeur technique.
Le refus de l'autorité d'un supérieur hiérarchique et des directives, de ce dernier, et du comité directeur de l'association, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur [I] [V] était abusif, et en ce qu'il a condamné l'employeur à payer une indemnité pour licenciement abusif.
La cour, statuant à nouveau, dira que le licenciement pour cause réelle et sérieuse est justifié et déboutera le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Sur l'indemnité pour mise à pied à titre conservatoire
Il est un fait constant que la mise à pied à titre conservatoire a été annulée par l'employeur, le 28 octobre 2020, de telle sorte que le salarié a perçu la rémunération correspondant à la période de mise à pied à titre conservatoire.
Une mise à pied, à titre conservatoire dans l'attente de la décision de l'employeur, ne constitue pas, en soi, un manquement de l'employeur à ses obligations.
Or, le refus de l'autorité d'un supérieur à hiérarchique et des directives, de ce dernier et du comité directeur de l'association, caractérise un acte d'insubordination susceptible de justifier un licenciement pour faute grave, de telle sorte qu'il ne saurait reprocher à l'employeur d'avoir notifié une mise à pied à titre conservatoire.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer des dommages et intérêts, pour mise à pied conservatoire annulée, et la cour, statuant à nouveau, déboutera le salarié de sa demande à ce titre.
Sur l'indemnité en réparation du préjudice moral pour procédure de licenciement vexatoire et humiliante
Il résulte des motifs supra que l'employeur a respecté la procédure de licenciement, et que la notification d'une mise à pied à titre conservatoire, dans l'attente de la décision de l'employeur, n'apparaît pas fautive, nonobstant sa durée de 26 jours, une telle mise à pied ne revêtant pas, en elle-même, un caractère vexatoire, ni même ne présentant, en soi, un caractère brutal.
Par ailleurs, il résulte également, du présent arrêt, qu'une partie, au moins, des motifs invoqués dans la lettre de licenciement, est établie et justifie de l'existence d'une cause réelle et sérieuse.
Monsieur [I] [V] n'établissant pas le caractère vexatoire et humiliant de la procédure et de la décision de licenciement, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer au salarié une indemnité en réparation d'un préjudice moral, et la cour, statuant à nouveau, déboutera le salarié de la demande à ce titre.
Sur les demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires, et d'indemnité de congés payés y afférents
En application de l'article
L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (
).
Sur les éléments présentés par le salarié
En l'espèce, Monsieur [I] [V] sollicite le paiement d'heures supplémentaires pour les années 2019 et 2020.
Il produit un planning couvrant la période du 3 septembre 2018 au 26 juillet 2019.
Ce planning fait état des prénoms « [R], [I], [U] », comporte des noms de groupes de nageurs, et des horaires sans qu'il puisse être déterminé quels sont les groupes suivis par Monsieur [I] [V].
Ce dernier précise, dans ses écritures, qu'il avait la charge de la plupart des groupes, puis, qu'il avait la charge des groupes Elite, Promo, Performance, et Jeune.
Il produit, par ailleurs, :
un calendrier des manifestations 2018-2020 et un second décompte couvrant la période de janvier 2019 au 23 juillet 2019,
des pièces relatives à des déplacements pour compétition,
un décompte, qu'il a établi, couvrant la période du 1er janvier 2019 au 31 juillet 2019 (le décompte ne fait apparaître aucune heure de travail après le 23 juillet).
Ces éléments partiels apparaissent suffisamment précis, pour l'année 2019, pour que l'employeur puisse y répondre.
Pour l'année 2020, Monsieur [I] [V] produit un décompte couvrant la période du 1er janvier au 14 mars 2020.
Les premiers juges, analysant ces décomptes, ont retenu que le salarié fournissait un planning pour les mois de janvier, février et mars 2020, ne comportant pas son nom.
Il importe peu que le nom de Monsieur [I] [V] ne soit pas présent, ces décomptes constituant des éléments suffisamment précis, pour la période en cause, pour permettre à l'employeur d'y répondre.
Sur les éléments apportés par l'employeur
S'agissant de l'année 2019, l'employeur, qui a l'obligation de contrôler la durée de travail du salarié, ne produit, en ses pièces n° 35 à 38, que des éléments partiels sur le contrôle du temps de travail du salarié, et, ce, alors même que, comme relevé par le salarié, la convention collective nationale du sport impose, à l'employeur, l'établissement, pour chaque salarié, d'un relevé des heures effectuées.
Toutefois, l'employeur réplique que :
le contrat de travail stipule, en son article 4, conformément aux dispositions de la convention collective du sport, que le salarié sera soumis à une annualisation de son temps de travail, soit 1575 heures + 7 heures au titre de la journée de solidarité,
des plannings étaient fournis au salarié, qui n'avait en aucun cas besoin d'effectuer des heures supplémentaires,
le recours aux heures supplémentaires a toujours été proscrit au sein de l'association, selon attestation de témoin de Monsieur [TD] [H], salarié, produite,
Monsieur [I] [V] ne respectait pas, à nouveau, les instructions de ses supérieurs et l'organisation du temps de travail, en se trouvant au bord du bassin alors qu'il était censé se reposer à la suite des week-ends de compétition,
le décompte journalier, produit par Monsieur [I] [V] pour l'année 2019, fait apparaître la réalisation de 1191 heures de travail sur une période de 8 mois,
le décompte de Monsieur [I] [V] est mensonger.
En application de l'article 4 du contrat de travail, le salarié est embauché sur la base d'un horaire moyen annuel de 35 heures (par semaine) de travail effectif, et conformément à la convention collective du sport, il est soumis à une annualisation de son temps de travail dans les conditions conventionnelles en vigueur, soit une durée annuelle de travail effectif de 1582 heures.
Dès lors qu'il résulte du décompte 2019 (arrêté au 31 juillet), produit par Monsieur [I] [V], la réalisation, selon ce dernier, de 1191 heures de travail, il n'est pas établi que Monsieur [I] [V] ait réalisé, au titre de l'année 2019, des heures supplémentaires.
S'agissant de l'année 2020, de même, il n'est pas établi que Monsieur [I] [V] ait réalisé des heures supplémentaires, dès lors que Monsieur [I] [V] met en compte 502,12 heures de travail sur une période d'un peu moins de 3 mois.
Le dépassement de la durée annuelle de travail effectif de 1582 heures n'est, dès lors, pas réalisé.
Synthèse
Il résulte de l'analyse des éléments produits par les parties que le salarié n'a pas effectué d'heures supplémentaires impayées.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [I] [V] de sa demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires impayées.
Sur la demande, à hauteur d'appel, de Monsieur [I] [V] d'indemnisation pour procédure abusive
Il résulte des motifs supra que le droit d'ester en justice, de l'Association [3], n'a pas dégénéré en abus, et que la résistance de l'Association [3] aux prétentions de Monsieur [I] [V], était bien fondée.
En conséquence, Monsieur [I] [V] sera débouté de sa demande d'indemnité pour procédure abusive.
Sur les demandes annexes
Le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens, sauf le rejet de la demande de l'Association [3] au titre des frais irrépétibles, étant rappelé, par ailleurs, qu'une telle demande n'est pas une demande reconventionnelle.
Succombant pour toutes ses prétentions, Monsieur [I] [V] sera condamné aux dépens d'appel et de premier ressort.
Sa demande, au titre de l'article
700 du code de procédure civile, tant pour les frais exposés en première instance que ceux exposés à hauteur d'appel, sera rejetée.
En application de l'article
700 du code de procédure civile, Monsieur [I] [V] sera condamné à payer à l'Association [3] la somme de 1 000 euros, au titre des frais exposés à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME, dans les limites de l'appel principal et de l'appel incident, le jugement du 31 mars 2022 du conseil de prud'hommes de Saverne SAUF en ce qu'il a :
débouté Monsieur [I] [V] de sa demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires tant pour l'année 2019 que pour l'année 2020,
débouté l'Association [3] de sa demande au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
DÉBOUTE Monsieur [I] [V] de sa demande de « rejet » de la pièce n° 46 produite par l'Association [3] ;
DIT que le licenciement de Monsieur [I] [V] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
DÉBOUTE Monsieur [I] [V] de sa demande d'indemnité pour licenciement abusif ;
DÉBOUTE Monsieur [I] [V] de sa demande d'indemnité pour mise à pied conservatoire annulée ;
DÉBOUTE Monsieur [I] [V] de sa demande d'indemnité en réparation d'un préjudice moral pour procédure de licenciement vexatoire et humiliante ;
DÉBOUTE Monsieur [I] [V] de sa demande d'indemnité pour procédure abusive ;
DÉBOUTE Monsieur [I] [V] de sa demande au titre de l'article
700 du code de procédure civile pour les frais exposés tant en première instance qu'à hauteur d'appel ;
CONDAMNE Monsieur [I] [V] à payer à l'Association [3] la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article
700 du code de procédure civile pour les frais exposés à hauteur d'appel ;
CONDAMNE Monsieur [I] [V] aux dépens d'appel et de première instance.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 2 août 2024 et signé par Monsieur Edgard PALLIERES, Conseiller, en l'absence du Président de chambre empêché, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière.
La Greffière, Le Conseiller, pour le Président empêché,