Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée le 8 avril 2021, M. A C D, représenté par la SCPI Albarede avocats, demande au tribunal :
1°) d'annuler les trois arrêtés du 1er décembre 2020 par lesquels le recteur de l'académie de Toulouse l'a placé en disponibilité d'office du 1er septembre au 31 décembre 2020, du 1er janvier au 31 janvier 2021 et du 1er février au 28 février 2021, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en l'absence de production de la délégation de signature consentie à l'autorité signataire de l'acte, il y a lieu de considérer que les décisions en litige ont été signées par une autorité incompétente au vu des dispositions de l'article 42 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
- les décisions en litige sont entachées d'un défaut de motivation dès lors qu'elles ne font pas état des motifs pour lesquels il est impossible de prononcer son reclassement et qu'aucune information n'est donnée quant à la durée des congés de maladie prévus par l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le recteur de l'académie de Toulouse a méconnu les dispositions de l'article 43 du décret n° 85-986 dès lors qu'il ne démontre pas que ses droits à congé de maladie étaient épuisés et qu'il n'a reçu aucune proposition de reclassement, alors même qu'il a été reconnu apte partiellement à l'exercice de ses fonctions sur un poste aménagé par le comité médical.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2022, le recteur de l'académie de Toulouse conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 21 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 23 mai 2022 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 alors en vigueur ;
- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
- l'arrêté du 9 août 2004 portant délégation de pouvoirs du ministre chargé de l'éducation aux recteurs d'académie en matière de gestion des personnels enseignants, d'éducation, d'information et d'orientation de l'enseignement du second degré ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B ;
- et les conclusions de M. Farges, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
:
1. A la date des décisions attaquées, M. C D était professeur de lycée professionnel en économie et gestion au lycée Louis Rascol à Albi (Tarn). Par trois arrêtés en date du 1er décembre 2020, le recteur de l'académie de Toulouse a prononcé son placement en disponibilité d'office du 1er septembre au 30 décembre 2020, du 1er janvier au 31 janvier 2021 et du 1er février au 28 février 2021 en raison de l'épuisement de ses droits à congé de maladie. Par un courrier du 8 décembre 2020, le requérant a introduit un recours administratif tendant à sa réintégration ou à son maintien en disponibilité. Le silence gardé par l'administration sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Par la présente requête, M. C D demande l'annulation des trois arrêtés pris par le recteur de l'académie de Toulouse 1er décembre 2020, ensemble la décision implicite de rejet de son recours administratif.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Aux termes de l'article
R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " Aux termes de l'article
L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. / Lorsque dans le délai initial du recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision, sont exercés contre cette décision un recours gracieux et un recours hiérarchique, le délai du recours contentieux, prorogé par l'exercice de ces recours administratifs, ne recommence à courir à l'égard de la décision initiale que lorsqu'ils ont été l'un et l'autre rejetés. "
3. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 8 décembre 2020, réceptionné par le rectorat de l'académie de Toulouse le lendemain, soit dans le délai de recours contentieux de deux mois ouvert contre les décisions en litige, le requérant a sollicité sa réintégration dans ses fonctions sur un poste adapté ou son maintien en position de disponibilité. Cette demande doit être regardée comme un recours gracieux au sens des dispositions de l'article
L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le silence gardé par l'administration sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet le 9 février 2021. Il suit de là que la requête de M. C D, enregistrée le 8 avril 2021, a été présentée dans le délai de recours contentieux de deux mois prévu par les dispositions de l'article
R. 421-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 42 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive des fonctions : " La disponibilité est prononcée par arrêté ministériel, soit d'office, soit à la demande de l'intéressé. " Aux termes de l'article
R. 911-82 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'éducation peut déléguer par arrêté aux recteurs d'académie tout ou partie de ses pouvoirs en matière de recrutement et de gestion des personnels titulaires, stagiaires, élèves et non titulaires de l'Etat qui relèvent de son autorité. " Selon l'article 1 de l'arrêté du 9 août 2004 portant délégation de pouvoirs du ministre chargé de l'éducation aux recteurs d'académie en matière de gestion des personnels enseignants, d'éducation, d'information et d'orientation de l'enseignement du second degré : " Délégation permanente de pouvoirs du ministre chargé de l'éducation est donnée aux recteurs d'académie : / I.- Pour prononcer à l'égard des personnels enseignants () les décisions relatives : / () 8. A la mise en disponibilité, sauf lorsque l'avis du comité médical supérieur est requis ; ". Il résulte de ces dispositions qu'une délégation de pouvoir permanente est consentie par le ministre de l'éducation au bénéfice des recteurs d'académie, en ce qui concerne notamment la mise en disponibilité d'un membre du corps enseignant.
5. Par un arrêté du 16 octobre 2020 publié au recueil des actes administratifs spécial du préfet de la région Occitanie le 28 octobre 2020, le recteur de l'académie de Toulouse a consenti une délégation de signature à M. Vincent Denis, secrétaire général de l'académie de Toulouse, à l'effet de signer, notamment, " tous les actes administratifs, arrêtés, marchés, conventions, contrats, circulaires, propositions, lettres relevant de l'administration de l'académie de Toulouse à l'exclusion des actes administratifs relatifs à l'organisation des établissements d'enseignement supérieur. " Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.
6. En deuxième lieu, les décisions litigieuses comportent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent, dès lors qu'elles visent les textes applicables à la situation de M. C D ainsi que l'avis du comité médical et qu'elles évoquent la circonstance qu'il a épuisé ses droits statutaires à congé de maladie ou la circonstance que ce placement en disponibilité d'office doit être renouvelé. L'obligation de motivation n'impose pas au rectorat de l'académie de Toulouse, contrairement à ce que soutient le requérant, d'exposer les raisons pour lesquelles il n'a pas été reclassé, ni des informations quant à la durée des congés de maladie prévus par l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat Par suite et à supposer que le moyen tiré du défaut de motivation soit opérant dans le cadre du présent litige, il doit en tout état de cause être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive des fonctions : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues à l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. " Aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat alors en vigueur : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps, en exécution de l'article 26 ci-dessus et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. / Il peut être procédé au reclassement des fonctionnaires mentionnés à l'alinéa premier du présent article par la voie du détachement dans un corps de niveau équivalent ou inférieur. Dès qu'il s'est écoulé une période d'un an, les fonctionnaires détachés dans ces conditions peuvent demander leur intégration dans le corps de détachement. "
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement de l'avis du comité médical en date du 30 juin 2020, que M. C D avait épuisé, à la date des décisions attaquées, ses droits au congé de longue maladie. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait méconnu l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive des fonctions en ne démontrant pas qu'il avait épuisé ses droits à congé de maladie.
9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le comité médical saisi pour émettre un avis sur l'octroi d'un congé de longue durée au bénéfice du requérant le 30 juin 2020 a reconnu que l'intéressé était inapte de façon totale et définitive à toutes fonctions à compter du 1er septembre 2020. Toutefois, le comité médical saisi pour émettre un avis sur l'inaptitude aux fonctions le 20 octobre 2020 a reconnu que l'intéressé était partiellement apte à l'exercice de ses fonctions et qu'à défaut d'un poste susceptible de lui être aménagé, il devra être placé en disponibilité d'office à compter du 1er septembre 2020. Le comité médical a dès lors émis un avis défavorable à l'inaptitude du requérant à ses fonctions, et il s'agit du dernier avis du comité médical rendu avant l'édiction des décisions attaquées. Dès lors que le comité médical s'est prononcé dans le sens d'une aptitude partielle du requérant et de la nécessité de lui aménager un poste, il appartenait au rectorat de l'académie de Toulouse de lui proposer un poste aménagé ou, a minima, de démontrer qu'il avait entrepris des démarches en ce sens. C'est seulement face à l'impossibilité avérée d'aménager un poste que le placement en disponibilité d'office pouvait être prononcé. Or, l'administration se borne à faire valoir en défense qu' " après avoir constaté l'absence de poste aménageable, l'agent a été placé en disponibilité d'office ", sans toutefois apporter d'éléments circonstanciés de nature à démontrer qu'elle aurait entrepris des démarches pour aménager un poste au bénéfice de M. C D. Par suite, cette branche du moyen tiré de l'erreur de droit doit être accueillie.
10. Il résulte de ce qui précède que M. C D est fondé à demander l'annulation des arrêtés du 1er décembre 2020 prononçant son placement en disponibilité d'office, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Sur les frais de l'instance :
11. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 000 euros à M. C D au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative. L'intéressé ne justifiant en revanche d'aucun frais exposé au titre des dépens, les conclusions présentées sur ce point ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les arrêtés du 1er décembre 2020 par lesquels le recteur de l'académie de Toulouse a placé M. C D en position de disponibilité d'office sont annulés, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Article 2 : L'Etat versera à M. C D la somme de 1 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A C D et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Toulouse
Délibéré après l'audience du 8 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Sorin, président,
M. Simon Hecht, premier conseiller,
Mme Pétri, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.
La rapporteure,
M. PETRI
Le président,
T. SORINLa greffière,
M. E
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme :
La greffière en chef,