Avis juridique important
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61993C0012
Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 26 avril 1994. - Bestuur van de Nieuwe Algemene Bedrijfsvereniging contre V. A. Drake. - Demande de décision préjudicielle: Centrale Raad van Beroep - Pays-Bas. - Sécurité sociale - Validité de l'annexe VI, lettre I (actuellement J), point 4, du règlement (CEE) nº 1408/71. - Affaire C-12/93.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-04337
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1. Par la demande préjudicielle qui fait l' objet de la présente procédure, le Centrale Raad van Beroep demande à la Cour de se prononcer sur la compatibilité avec l' article 51 du traité CEE du point 4, lettre J (Pays-Bas), de l' annexe VI du règlement (CEE) n 1408/71, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté (1) (ci-après le "règlement"). La prétendue incompatibilité résiderait dans le fait que la disposition en question peut impliquer que, afin d' obtenir des prestations d' invalidité sur la base de la législation d' un État membre, un (ex) travailleur salarié soit soumis, en vertu du droit national, à une condition supplémentaire (en l' espèce, revenus du travail d' un certain montant, perçus au cours de l' année ayant précédé le début de l' incapacité de travail), qui ne vaut pas pour l' application de la législation nationale à laquelle le travailleur en question est censé être encore assujetti aux termes de l' article 45, paragraphe 4, dudit règlement n 1408/71.
En somme, donc, la question posée par le juge national met en cause la validité du point 4, lettre J, de l' annexe VI du règlement n 1408/71.
2. Pour comprendre les termes de la question soulevée, il convient en premier lieu de rappeler le contexte normatif national.
Le système de sécurité sociale néerlandais est régi par deux lois: l' Algemene Arbeidsongeschiktheidswet (2) (loi générale relative à l' incapacité de travail,° ci-après l' "AAW") et la Wet op de Arbeidsongeschiktheidsverzekering (3) (loi relative à l' assurance contre l' incapacité de travail ° ci-après la "WAO"). L' AAW, entrée en vigueur le 1er octobre 1976, est une assurance sociale dont relèvent, en principe, tous les résidents. L' acquisition du droit aux prestations ainsi que leur calcul ne sont soumis à aucune condition en ce qui concerne la durée des périodes d' assurance. Aux fins de l' octroi d' une prestation sur la base de cette loi, il est toutefois demandé, à la suite d' une modification introduite le 1er janvier 1980, que, au cours de l' année précédant le début de l' incapacité de travail, l' assuré ait perçu des revenus d' un certain montant provenant d' un travail effectué dans la vie économique et professionnelle ou en relation avec ce travail (article 6). A cet égard, il y a lieu de préciser que les prestations en remplacement du salaire sont considérées comme un revenu au sens de l' AAW, ce qui ne vaut pas pour les revenus perçus au titre de l' assistance sociale.
La WAO, entrée en vigueur le 1er juillet 1967, régit l' assurance sociale obligatoire contre l' incapacité de travail pour les travailleurs salariés. Pour percevoir les prestations correspondantes, les intéressés doivent être assujettis à la législation en question, c' est-à-dire qu' ils doivent exercer une activité salariée au moment de la survenance du risque assuré. L' acquisition du droit à prestation et son calcul ne sont par contre soumis à aucune condition quant à la durée des périodes d' assurance. Peuvent bénéficier de la WAO les assurés qui ont été dans l' incapacité de travailler pendant une période ininterrompue de 52 semaines; le montant de la prestation est calculé en fonction du degré d' invalidité et du montant du salaire journalier.
A l' époque des faits du litige, en cas de demande simultanée des deux prestations en question, la prestation due au titre de la WAO n' était versée que si son montant dépassait celui de la prestation due au titre de l' AAW. Toutefois, le bénéficiaire des prestations WAO qui, pour une raison quelconque, ne pouvait pas se prévaloir des prestations AAW, avait droit à la totalité des prestations WAO.
3. Et nous en venons à la réglementation communautaire pertinente. Comme on le sait, l' article 51 du traité impose au Conseil d' adopter dans le domaine de la sécurité sociale les dispositions nécessaires, en particulier pour assurer aux travailleurs migrants "la totalisation, pour l' ouverture et le maintien du droit aux prestations, ainsi que pour le calcul de celles-ci, de toutes périodes prises en considération par les différentes législations nationales" [lettre a]. Et c' est précisément sur cette base que le Conseil a adopté le règlement n 1408/71, qui a pour principal objectif de coordonner les différentes législations nationales en la matière, de façon à garantir que la libre circulation des travailleurs ne se traduise pas par un désavantage pour les travailleurs qui s' en prévalent par rapport à ceux qui exercent leur activité dans un seul État membre.
En ce qui concerne, plus particulièrement, les prestations en matière d' invalidité, la réglementation communautaire vise, entre autres, à garantir la coexistence entre des régimes fondés sur l' acquisition du droit à prestation par suite de la réalisation du risque assuré (c' est le cas du régime néerlandais) et les régimes fondés, au contraire, sur la constitution progressive du droit à prestation, donc liés à la durée des périodes d' assurance. A cet égard, l' article 45, paragraphe 4 (paragraphe 3 à l' époque des faits de l' espèce), du règlement revêt une importance particulière, en disposant que "si la législation d' un État membre qui subordonne l' octroi des prestations à la condition que le travailleur salarié soit assujetti à cette législation au moment de la réalisation du risque n' exige aucune durée d' assurance ni pour l' acquisition du droit, ni pour le calcul des prestations, tout travailleur salarié qui a cessé d' être assujetti à cette législation est censé l' être encore au moment de la réalisation du risque, aux fins de l' application des dispositions du présent chapitre, s' il est assujetti à la législation d' un autre État membre au moment de la réalisation du risque ou, à défaut, s' il peut faire valoir des droits à prestations en vertu de la législation d' un autre État membre" (4). Le paragraphe 6 du même article contient des dispositions identiques en ce qui concerne les travailleurs indépendants, à la seule différence que la seconde partie de l' alternative que nous venons de souligner n' y figure pas.
L' annexe VI du règlement n 1408/71 contient, en outre, à la lettre J, point 4, qui est la disposition litigieuse en l' espèce, des modalités particulières d' application de la législation néerlandaise sur l' incapacité de travail. Pour ce qui nous intéresse ici, il suffit de souligner que la disposition en question prévoit que pour l' application de l' article 46, paragraphe 2, du règlement (disposition sur la liquidation des prestations), l' institution compétente fixe le montant des prestations en espèces conformément aux dispositions de la WAO "si l' intéressé, au moment où s' est produite l' incapacité de travail avec l' invalidité qui en est résultée, était un travailleur salarié au sens de l' article 1er, sous a), du règlement" [lettre a]; et conformément aux dispositions de l' AAW "si l' intéressé, au moment où s' est produite l' incapacité de travail avec l' invalidité qui en est résultée, n' était pas un travailleur salarié au sens de l' article 1er, sous a), du règlement" [lettre b]. Il n' est pas superflu d' ajouter que ces modalités d' application ont été modifiées, dans le sens indiqué, à l' occasion de l' extension aux travailleurs indépendants du domaine d' application du règlement n 1408/71 (5); et donc, en particulier, dans le but de soumettre aussi à la réglementation communautaire les prestations accordées au titre de l' AAW.
4. Venons en aux faits qui sont à l' origine du présent litige. M. Drake, citoyen tchécoslovaque naturalisé néerlandais par une loi du 20 mai 1975, a accompli des périodes d' assurance sous l' empire de la WAO pour un total de trois ans et douze jours entre le 24 octobre 1968 et le 5 novembre 1971. Du 30 novembre suivant au 23 octobre 1980, il a ensuite été affilié au régime d' assurance invalidité allemand, en raison de l' activité qu' il exerçait en Allemagne. Il résulte de l' ordonnance de renvoi que, à partir de cette date et jusqu' au 1er juillet 1984, M. Drake n' a plus exercé d' activité professionnelle ni bénéficié d' aucune prestation en remplacement de son salaire. L' ayant déclaré invalide par décision du 24 mars 1986, les autorités compétentes allemandes lui ont octroyé, avec effet au 1er juillet 1984, une Erwerbsunfaehigkeitsrente (pension d' invalidité) calculée sur la base des périodes d' assurance accomplies en Allemagne.
A la suite d' une demande en ce sens introduite également aux Pays-Bas, l' institution néerlandaise chargée de la mise en oeuvre de la réglementation, la Nieuwe Algemene Bedrijfsvereniging (ci-après la "NAB"), a examiné si M. Drake avait droit aux prestations d' invalidité sur la base de son assurance néerlandaise, en parvenant à la conclusion qu' il devait être considéré comme inapte au travail au sens tant de la WAO que de l' AAW. La demande de M. Drake a néanmoins été rejetée, par décision du 18 novembre 1986, dans la mesure où, ne s' agissant pas d' un travailleur salarié au moment de la survenance de l' incapacité de travail, il ne pouvait pas prétendre à des prestations WAO. La NAB excluait, en outre, que M. Drake puisse bénéficier des prestations AAW: et ce parce qu' il n' avait perçu aucun revenu durant l' année qui avait précédé le début de l' incapacité de travail.
M. Drake a attaqué cette décision devant le Raad van Beroep te Amsterdam, qui a fait droit à ses conclusions. A son tour, la NAB a fait appel de cette décision devant le Centrale Raad van Beroep qui a jugé opportun, aux fins de la solution à donner au litige, de poser une question préjudicielle. Comme nous l' avons déjà dit, cette dernière appelle la Cour à se prononcer sur la validité de l' annexe VI, lettre J, point 4, du règlement.
5. Cela étant, il s' agit donc d' établir si une disposition (celle de l' annexe) qui, au moins à première vue, limite la portée de l' article 45, paragraphe 4, du règlement, est légitime et surtout si une telle disposition, dans la mesure où elle empêcherait la totalisation des droits revenant en principe à l' ex-travailleur, est incompatible avec l' article 51 du traité et donc invalide.
Il est bon de commencer par rappeler que, en réalité, l' article 45, paragraphe 4, du règlement ne fait rien d' autre que d' instaurer une "fiction": et ce justement pour tenir compte du fait que l' octroi des prestations WAO n' est pas subordonné à la durée des périodes d' assurance mais bien à la réalisation du risque assuré, dans le but donc d' éviter les effets négatifs qui pourraient en résulter pour les travailleurs qui, au cours de leur activité professionnelle, ont été soumis aux deux régimes. Cette fiction, comme nous l' avons déjà dit, repose sur le fait que chaque travailleur qui a cessé d' être assujetti à une législation fondée sur le risque, est considéré comme y étant encore soumis au moment de la réalisation du risque si, à cette date: a) il est assujetti à la législation d' un autre État membre; ou b) il peut faire valoir des droits à prestation sur la base de la législation d' un autre État membre. L' application d' une telle règle au cas de M. Drake conduirait à la conclusion que, dans la mesure où il bénéficie de prestations d' invalidité sur la base de la législation d' un autre État membre, il aurait également droit aux prestations WAO. Et il est constant que c' est ce qui se serait passé avant le 1er juillet 1982, étant donné que jusqu' à cette date il suffisait, pour avoir droit aux prestations accordées sur la base de la WAO, de remplir les deux conditions prévues par l' article 45, paragraphe 4, du règlement.
A partir du 1er juillet 1982, en revanche, la modification de l' annexe en question, qui est intervenue à la suite de l' élargissement aux travailleurs non salariés de l' applicabilité du règlement n 1408/71, a changé les termes de la situation. Et, en effet, les dispositions de l' annexe prévoient maintenant que seuls les travailleurs salariés "en activité" au moment de la réalisation du risque assuré ont droit aux prestations WAO. Tous les autres ne peuvent par contre se prévaloir que des prestations AAW, à condition ° bien entendu ° qu' ils remplissent la condition de revenu, c' est-à-dire qu' ils aient bénéficié de revenus d' un travail (ou en relation avec ce travail) au cours de l' année précédant le début de l' incapacité de travail. M. Drake se retrouve donc dans l' impossibilité de se prévaloir, d' une part, de la WAO, dans la mesure où il ne travaillait pas au moment où le risque est survenu, et, d' autre part, de l' AAW, dans la mesure où il ne remplit pas la condition de revenu, comme le prescrit l' article 6 de cette même AAW.
6. Une fois les termes de la question ainsi simplifiés, le problème majeur est celui du rapport entre les dispositions pertinentes du règlement concerné et celles contenues dans l' annexe VI de ce dernier; il s' agit en particulier de savoir si la disposition de l' annexe peut légitimement limiter la portée de l' article 45, paragraphe 4, du règlement. A cet égard, nous rappelons à titre préliminaire que, comme la Cour l' a affirmé, "les dispositions du règlement n 1408/71, et plus particulièrement celles de son annexe VI, prises en application de l' article 51 du traité, doivent être interprétées à la lumière de l' objectif de cet article, qui est de contribuer à l' établissement d' une liberté aussi complète que possible de la libre circulation des travailleurs migrants" (6). Il résulte, à notre avis, d' une telle affirmation qu' il n' existe pas de hiérarchie entre ces dispositions: l' important est qu' elles soient interprétées, si possible, conjointement et ° surtout ° de manière à ne pas aller à l' encontre du but de l' article 51 du traité.
Or, s' il est vrai, ainsi qu' il résulte d' une jurisprudence constante de la Cour, que l' article 51 du traité envisage une coordination et non pas une harmonisation des législations et laisse donc subsister des différences entre les régimes de sécurité sociale des États membres, "il est toutefois constant que le but des articles 48 à 51 du traité ne serait pas atteint si, par suite de l' exercice de leur droit de libre circulation, les travailleurs migrants devaient perdre des avantages de sécurité sociale que leur assure la législation d' un État membre" (7). Une telle conséquence pourrait, en effet, dissuader le travailleur communautaire d' exercer son droit à la libre circulation et constituerait donc un obstacle à cette liberté (8). Dans cette optique, la Cour a précisé qu' il y aurait, par exemple, discrimination si le législateur national définissait les conditions d' accès ou de maintien du droit aux prestations de manière à ce qu' elles puissent, en pratique, n' être remplies que par les travailleurs de l' État membre intéressé, ou s' il définissait les conditions relatives à la déchéance ou à la suspension de ce droit de façon à être plus faciles à remplir pour les ressortissants d' autres États membres que pour ceux de l' État membre dont relève l' institution compétente (9).
7. A l' évidence, tel n' est pas le cas en l' espèce. En effet, une personne qui a exercé son activité économique exclusivement aux Pays-Bas et qui a cessé de travailler avant la réalisation du risque assuré, se trouverait dans les mêmes conditions que M. Drake et, plus généralement, que ceux qui se sont prévalus de la liberté de circulation et qui, à l' époque, ont été assujettis tant à un régime fondé sur le risque qu' à un régime fondé sur la constitution progressive des droits. Autrement dit, la situation dans laquelle se trouve M. Drake n' est pas due au fait qu' il invoque la liberté de circulation des travailleurs telle que garantie par le traité, mais elle est plutôt déterminée par l' arrêt de toute activité professionnelle longtemps avant le début de l' incapacité de travail.
L' affaire qui nous occupe se différencie donc de l' affaire Blottner (10), à laquelle le gouvernement hellénique s' est référé pour soutenir l' invalidité du point 4, lettre J, de l' annexe VI du règlement n 1408/71 dans la mesure où, s' il est vrai que l' applicabilité à la requérante au principal de l' article 45, paragraphe 3, de ce règlement y était contestée, la raison en était qu' elle avait accompli des périodes d' assurance avant l' entrée en vigueur dudit règlement et sur la base d' un régime différent de celui applicable à cette date. A juste raison, donc, la Cour a affirmé dans cette affaire que la requérante avait droit aux prestations WAO.
8. Le juge de renvoi s' interroge, en outre, dans la même optique, sur la légitimité de l' introduction d' une condition supplémentaire (intervenue après la période au cours de laquelle l' intéressé était assujetti à la législation en question), telle que celle concernant la perception de revenus d' un certain montant tirés du travail au cours de l' année précédant le début de l' incapacité de travail, étant donné qu' une telle condition n' est pas requise pour l' application de la législation nationale à laquelle le travailleur en question est censé être encore assujetti en vertu de l' article 45, paragraphe 4, du règlement.
A cet égard, il suffit d' observer que, conformément à une jurisprudence constante, l' article 51 du traité et le règlement n 1408/71 ne visent que la totalisation des périodes d' assurance accomplies dans des États membres différents et ne régissent pas les critères pour la constitution de ces périodes; il appartient, en effet, à la législation de chaque État membre de déterminer les conditions du droit ou de l' obligation de s' affilier à un régime de sécurité sociale, à condition, bien entendu, qu' aucune discrimination ne soit opérée entre les ressortissants de l' Etat d' accueil et ceux des autres États membres. Il s' ensuit qu' en principe le droit communautaire ne s' oppose pas à la faculté du législateur national de modifier et de rendre éventuellement plus rigoureuses les conditions d' octroi d' une pension d' invalidité, pourvu que les conditions posées n' entraînent aucune discrimination ostensible ou dissimulée entre travailleurs communautaires (11).
Or, la condition de revenu posée par le législateur néerlandais pour bénéficier d' une prestation au titre de l' AAW, condition à laquelle le juge de renvoi fait référence dans la question préjudicielle, constitue en soi une condition objective, qui s' applique indistinctement aux travailleurs nationaux et à ceux des autres États membres; elle ne paraît donc pas critiquable du point de vue du droit communautaire.
9. En définitive, il ne nous semble pas possible de nourrir des doutes quant à la validité de l' annexe VI, lettre J, point 4, du règlement, dans la mesure où la non-obtention des prestations en question est déterminée par des conditions objectives imposées par la législation nationale et appliquées de la même manière aussi à ceux qui ont exercé leur activité professionnelle uniquement dans l' État membre en question, ce qui signifie, en particulier, que la situation qui en résulte pour les travailleurs qui se sont prévalus de la libre circulation n' est pas contraire à la finalité des articles 48 à 51 du traité.
10. Enfin, il reste à examiner l' hypothèse marginale évoquée par la Commission dans ses observations, à savoir que dans certaines circonstances spécifiques il pourrait arriver que l' intéressé n' ait pas droit aux prestations WAO bien qu' il ait exercé une activité salariée au moment de la réalisation du risque assuré: et ce pour la seule raison qu' il a été déclaré inapte au travail d' abord dans l' État membre où s' applique un régime de constitution progressive des droits. Dans ce cas, en effet, la personne en question n' aurait plus la qualité de travailleur salarié au moment où son incapacité de travail est reconnue dans l' État membre doté d' un régime fondé sur le risque; peut-être avec cette autre conséquence que, ne remplissant pas la condition de revenu, il ne pourrait pas non plus prétendre à des prestations AAW.
L' hypothèse en question est évidemment profondément différente de celle qui nous occupe, puisqu' il s' agirait effectivement dans ce cas d' un travailleur salarié "en activité" au moment où survient le risque assuré. Il est donc clair qu' une application de la réglementation en question, par les autorités néerlandaises compétentes, qui ferait abstraction des circonstances mises en évidence, serait trop restrictive et fondée sur une interprétation excessivement formelle. A cet égard, il nous paraît suffisant de souligner que la disposition litigieuse en l' espèce, qui doit en tout état de cause être interprétée à la lumière de l' article 45, paragraphe 4, du règlement et ° de manière plus générale ° de l' objectif poursuivi par l' article 51, ne peut en aucun cas être interprétée de manière à pénaliser les personnes qui se sont prévalues de la liberté de circulation par rapport à celles qui ont été assujetties à un seul régime de sécurité sociale dans un seul État membre.
11. A la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons donc de répondre comme suit à la question préjudicielle posée par le Centrale Raad van Beroep te Utrecht:
"L' examen de la question préjudicielle n' a mis en lumière aucun élément de nature à affecter la validité de l' annexe VI, lettre J (Pays-Bas), point 4, du règlement n 1408/71."
(*) Langue originale: l' italien.
(1) - Dans la version codifiée du règlement (CEE) n 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6).
(2) - Loi du 11 décembre 1975, Stbl. 674.
(3) - Loi du 18 février 1966, Stbl. 84.
(4) - C' est nous qui mettons en italique.
(5) - Voir règlement (CEE) n 1390/81 du Conseil, du 12 mai 1981, étendant aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille le règlement (CEE) n 1408/71 (JO L 143, p. 1).
(6) - Arrêt du 2 mai 1990, Winter-Lutzins (C-293/88, Rec. p. I-1623, point 13). Dans le même sens, voir arrêt du 30 mars 1993, De Wit (C-282/91, Rec. p. I-1221, point 16).
(7) - Voir, entre autres, arrêt du 4 octobre 1991, Paraschi (C-349/87, Rec. p. I-4501, point 22).
(8) - Dans ce sens voir en dernier lieu arrêt du 9 décembre 1993, Lepore et Scamuffa (C-45/92 et C-46/92, Rec. p. I-6497, point 21).
(9) - En ce sens voir arrêt Paraschi, précité, point 23.
(10) - Arrêt du 9 juin 1977 (109/76, Rec. p. 1141, points 11-12 et 15-17). L' affaire Blottner portait également sur l' applicabilité de l' article 45, paragraphe 4 (à l' époque 3), du règlement n 1408/71 à une personne qui avait cessé de travailler avant la survenance du risque assuré.
(11) - Voir à cet égard arrêt Paraschi, précité, points 15 et 16.