Cour d'appel de Paris, 25 février 2011, 2009/22635

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2009/22635
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : LESTRA DESIGN FJORD ; FJORD LESTRA
  • Classification pour les marques : CL20 ; CL22 ; CL24
  • Numéros d'enregistrement : 92410512 ; 3687597
  • Parties : LESTRA SA / DODO SAS
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Paris, 9 septembre 2009
  • Président : Monsieur GIRARDET
  • Avocat(s) : Maître Valérie P plaidant pour Maître Marc S, Maître Laurent Z de la SELARL Z
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2011-02-25
Tribunal de grande instance de Paris
2009-09-09

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARIS ARRET DU 25 FEVRIER 2011 Pôle 5 - Chambre 2(n° 055, 8 pages)Numéro d'inscription au répertoire général : 09/22635. Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2009 Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 3ème Section RG n° 07/17032. APPELANTE :S.A. LESTRAprise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège socialZI Poujeaux,boulevard de l'Industrie37530 NAZELLES- NEGRON, représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour, assistée de Maître Valérie P plaidant pour Maître Marc S, avocat au barreau de PARIS, toque D 1840. INTIMÉE :S.A.S. DODOprise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social[...]57500 SAINT-AVOLD,représentée par la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoués à la Cour assistée de Maître Laurent Z de la SELARL Z, avocat au barreau de METZ. COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 - 1er alinéa du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 janvier 2011, en audience publique, devant Monsieur GIRARDET, Président, magistrat chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Monsieur GIRARDET, président, Madame REGNIEZ, conseillère, Madame NEROT, conseillère. Greffier lors des débats : Monsieur NGUYEN.

ARRET

: -prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. -signé par Monsieur GIRARDET, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé. La société Lestra, spécialisée dans le commerce d'articles de literie, crée, fabrique et commercialise des modèles de couettes. Elle a individualisé une gamme dénommée 'Fjord' en y apposant la représentation d'un ourson blanc, vu de face, en couleurs, déposée le 16 mars 1992 à titre de marque française sous le n° 92 420 512, et dûment renouvelée, pour désigner, notamment, des couettes. Elle est par ailleurs titulaire d'une marque communautaire figurative présentant un ours vu de côté, tournant la tête vers l'observateur, déposée le 1er mars 2004 sous le n° 3 687 597, pour désigner également des couettes. Sa communication commerciale (publicités, catalogues, emballages) est axée sur l'association d'ours polaires, déclinés en diverses tailles et diverses positions. Ayant constaté que la société DODO , distribuait dans les magasins à l'enseigne Auchan des couettes 'Grand Nord' dont les emballages supportaient la représentation d'ours blancs, dont un ourson blanc vu de face, elle assigna la société Dodo en contrefaçon et en concurrence déloyale devant le tribunal de grande instance de Paris. Par jugement en date du 9 septembre 2009, le tribunal déclara irrecevables les demandes formées sur le fondement de la marque communautaire, dont la publication était intervenue postérieurement au procès verbal de saisie-contrefaçon, débouta la société Lestra de l'ensemble de ses demandes et rejeta la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive. Vu les dernières écritures en date du 13 janvier 2011, date de la clôture, de la société Lestra qui demande à la cour de rejeter des débats les pièces communiquées tardivement par la société Dodo (n° 20 , 22, 23, 25, 32 à 36), le courrier confidentiel (n°31), et celle (n° 37) qui n'est pas communiquée en original, de constater l'irrégularité du jugement pour violation de l'article 447 du Code de procédure civile, de déclarer irrecevable et subsidiairement mal fondée la demande en déchéance de ses droits sur la marque française, de dire que la société DODO a commis des actes de contrefaçon des marques française et communautaire précitées, et a commis en outre des actes de concurrence déloyale et parasitaire en reprenant le thème et la représentation de l'ours polaire pour commercialiser des produits concurrents, d'ordonner les mesures d'interdiction et de publication d'usage ainsi que des mesures de confiscation et de destruction et de condamner la société Dodo à lui verser les sommes de 250 000 euros et de 350 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation des actes, respectivement, de contrefaçon et de concurrence déloyale ; Vu les dernières écritures en date du 6 janvier 2011 de la société Dodo qui sollicite le prononcé de la déchéance pour inexploitation des droits de la société Lestra sur la marque française précitée, la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles l'ayant déboutée de sa demande reconventionnelle, de condamner la société Lestra à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'ordonner la publication du présent arrêt

; SUR CE,

Sur la recevabilité des dernières écritures de la société Lestra et celle des dernières pièces communiquées par la société Dodo : Considérant que les dernières écritures de la société Lestra signifiées le 13 janvier 2011, ajoutent aux précédentes un commentaire sur la date de prise d'effet de la déchéance demandée par la société Dodo ; Qu’il n’est d’ailleurs pas soutenu par l’intimée qu’elles contiennent des moyens nouveaux auxquels elle n’aurait pas été en mesure de répliquer; Considérant que les pièces communiquées par la société Dodo les 29 et 30 décembre 2010 en appui de ces écritures doivent demeurer aux débats, la société Lestra ayant eu le temps de les commenter, ce qu'elle a d'ailleurs fait (page 32) dans ses conclusions ; Considérant que la pièce 31 est une correspondance purement formelle entre avocats de l'intimée (postulant et plaidant) dont la société Lestra ne mentionne pas ce qui pourrait en empêcher la communication ; Considérant enfin, qu'il n'y a pas lieu de révoquer la date de clôture pour accueillir la production par la société Dodo des deux pièces (n°3 9 et 40) qu'elle a communiquées le 18 janvier 2011 et qu'il lui était largement loisible de communiquer antérieurement. Sur la validité du jugement : Considérant que le jugement énonce que l'audience des plaidoiries a été tenue le 12 mai 2009 devant Elisabeth Belfort, juge rapporteur, qui sans opposition des avocats, a tenu seule l'audience et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile. Considérant cependant qu'en première page, le jugement précise : > Considérant que les dispositions des articles 447, 454 et 458 du Code de procédure civile prescrivent à peine de nullité que le jugement porte l'indication du nom des juges qui ont délibéré de l'affaire ; Considérant qu'en l'espèce, le jugement contient des mentions contradictoires sur la composition de la formation devant laquelle l'affaire a été débattue et, plus encore, ne porte aucune indication sur le nom des magistrats qui en ont effectivement délibéré ; Considérant que par application des dispositions sus-visées, sa nullité sera prononcée ; Que l'annulation du jugement emporte en application de l'article 562 al 2 du Code de procédure civile, dévolution à la cour de l'ensemble des moyens soumis aux premiers juges tels que repris dans le cadre de la présente instance ; Sur la déchéance de la marque française n° 92 410 5 12 : Considérant que la société Dodo conclut au prononcé de la déchéance des droits de la société Lestra sur cette marque aux motifs qu'elle n'en aurait pas fait un usage sérieux au sens de l'article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle, plus de cinq ans s'étant écoulés depuis le dernier acte d'exploitation remontant à l'année 1993. Considérant ceci rappelé, qu'aux termes de l'article 564 du Code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre en cause d'appel des prétentions nouvelles si ce n'est pour faire écarter les prétentions adverses ; Que tel est le cas de la demande en déchéance des droits de la société Lestra, formée par la société Dodo, défenderesse à l'action en contrefaçon, qui constitue un moyen de défense au fond susceptible d'être soulevé en tout état de la procédure ; Que la demande est en conséquence recevable ; Considérant au fond, que l'article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle énonce que le titulaire d'une marque encourt la déchéance de ses droits s'il n'en a pas fait un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans ; Que la société Dodo souligne que les derniers actes d'exploitation témoignant d'un usage sérieux remontent à décembre 1993, pour en conclure au prononcé de la déchéance à compter de décembre1998 ; Considérant cependant, que la marque semi-figurative se présente sous la forme de la photographie de la tête d'un ourson vue de face, entourée des mentions 'couettes- oreillers' déclinées en demi-cercle et, placée dans un cartouche situé sous la tête de l'ourson et en gros caractères, la dénomination ' FJORD' associée à une signature ; Considérant qu'aux termes de l'article précité, 'l'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif' est assimilé à un usage sérieux ; Considérant qu'il résulte des pièces produites (n° 6, 51, 73, 93) que la photographie de l'ourson, dans la même présentation que celle précitée (à l'exception de la mention 'couettes-oreillers' non distinctive) était apposée sur les catalogues de 2004 et 2006, ainsi qu'en témoignent la facture d'impression et une attestation de Madame L, gérante de la société Antirouille Communication, qui déclare avoir réalisé la plaquette de présentation de la gamme 'FJORD' ; Considérant que ce faisant, la société Lestra justifie d'une exploitation sérieuse de sa marque, dans une forme qui n'en modifie pas le caractère distinctif, dans les cinq années qui ont précédé la demande en déchéance de la marque ; Que cette demande sera dès lors rejetée ; Sur la marque communautaire n° 3 687 597 : Considérant que le 1er mars 2004, la société Lestra a déposé la marque complexe associant au signe FJORD la représentation d'un ours polaire allongé ; Considérant que la publication de la demande n'est intervenue que le 4 janvier 2005 et la marque a été enregistrée le 12 août 2005 ; Considérant que les faits incriminés ici sont ceux constatés par l'huissier instrumentaire dans le cadre des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 23 décembre 2004 ; Considérant que le droit conféré par la marque communautaire n'est opposable aux tiers selon l'article 9, 3 du Règlement CE 40/94 du 20 décembre 1993, qu'à compter de la publication de l'enregistrement de la marque. Qu'il suit que l'appelante est irrecevable à agir en contrefaçon de sa marque communautaire ; qu'elle est tout autant irrecevable à se prévaloir de sa demande de marque dans la mesure où la publication de cette dernière est intervenue postérieurement aux faits litigieux; Sur la contrefaçon de la marque française : Considérant que le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 23 décembre 2004 établit que sur l'emballage des couettes argué de contrefaçon, figure une représentation de deux oursons blancs autour d'un ours blanc de taille adulte, serrés les uns contre les autres, sur la banquise. Considérant que, comme rappelé ci-dessus, la marque est composée de la représentation de la seule tête d'un ourson blanc, vue de face, inscrite sur un fond noir et associée à diverses dénominations, notamment celles de 'couettes-oreillers' et, en gros caractères, de 'FJORD' ; Que la représentation litigieuse ne reprend aucune des dénominations précitées, mais seulement un groupe de trois ours polaires dont deux oursons ; Considérant que s'il est constant que la représentation de l'ourson entrant dans la composition de la marque est porteuse de distinctivité en elle même, indépendamment des dénominations qui l'accompagnent, il demeure que le droit qu'elle confère à la société Lestra ne saurait s'étendre à toute représentation d'ours polaires quels que soient leur nombre, leur position ou leur environnement ; Considérant que le consommateur de produits de literie ne peut en effet à la seule vue d'une photographie d'ours polaires dans l'environnement naturel qui est le leur et auquel il a l'habitude de les voir associés, se méprendre sur l'origine des couettes litigieuses et les associer à celle des couettes commercialisées par l'appelante sous un signe constitué de la seule vue de face d'un très jeune ourson ; Que la seule communauté d'évocation intellectuelle est manifestement insuffisante pour faire naître un risque de confusion en l'absence de toute similitude visuelle, quand bien même les produits en cause sont-ils identiques ; Que l'action en contrefaçon de la société Lestra ne peut qu'être rejetée ; Sur l'action en concurrence déloyale : Considérant que la société Lestra démontre qu'il y a une vingtaine d'années, elle a commencé à utiliser le thème des ours polaires comme vecteur de sa communication publicitaire pour assurer la promotion des couettes qu'elle commercialise et plus spécialement de celles de sa ligne FJORD ; Qu'elle soutient que la reprise par la société DODO du même thème (ours blancs sur la banquise) tout à fait distinctif pour ce type de produits, est de nature à exposer les consommateurs à un risque de confusion d'autant plus aisé qu'elle a mené sur plusieurs années des campagnes publicitaires intensives ; Mais considérant que la référence au Grand Nord pour commercialiser des produits dont la qualité première est de protéger du froid, n'est pas propre à fonder une identité visuelle ; que la société DODO justifie que d'autres couettes étaient commercialisées sur le marché en jouant sur le même registre (ligne IGLOO et couettes Alaska de la société Caux Tons) ; Considérant par ailleurs que la société Lestra ne justifie pas de sa constance dans l'utilisation de la référence aux ours polaires, l'essentiel de ses efforts promotionnels s'étant manifesté en 1992/1993 et un peu en 2000, mais apparemment pas après cette dernière date ; Considérant qu'il suit que la reprise en 2004, sur des emballages de couettes, du thème des ours blancs polaires n'est pas suffisante pour générer un risque de confusion dans l'esprit du public ; Que pas plus, l'utilisation des termes 'Grand Nord' qui ont le même pouvoir évocateur que le terme 'Fjord' ne peut-elle être incriminée au titre du parasitisme, car les sociétés en présence sont en situation de concurrence directe et qu'au surplus l'utilisation d'une commune évocation intellectuelle n'est pas de nature, pour les motifs sus exposés, à faire naître un risque de confusion ; Que les prétentions que la société Lestra forme sur le fondement de la concurrence déloyale et le parasitisme commercial seront également rejetées; Sur la demande reconventionnelle : Considérant que la société Lestra a pu se méprendre sur l'exacte portée de ses droits ; Que la saisie-contrefaçon à laquelle elle a fait procéder était fondée sur des droits de marque dont elle est titulaire et n'a pas été entreprise avec une légèreté blâmable ; Que la société Dodo ne justifie d'aucun préjudice causé par les conditions dans lesquelles les opérations ont été menées ; Qu'en revanche, elle précise qu'à la suite des opérations de saisie-contrefaçon, elle a annulé toute l'opération commerciale qu'elle projetait de réitérer sur les points de vente des magasins Auchan ; Mais considérant que ce préjudice, à le supposer démontré ce que les pièces produites n'établissent pas, est la conséquence du choix que la société Dodo a cru devoir faire et n'est pas la conséquence de la saisie descriptive opérée en sorte que la demande reconventionnelle sera également rejetée ; Que les circonstances de l'espèce ne justifient pas de prononcer une mesure de publication ; Sur l'article 700 du Code de procédure civile : Considérant que l'équité commande de condamner la société Lestra à verser à la société Dodo la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

, Dit n'y avoir lieu à rejeter des débats les pièces communiquées par la société Dodo les 29 et 30 décembre 2010, Annule le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 9 septembre 2009, Rejette la demande en déchéance des droits de la société Lestra sur sa marque française n°92 41 0512, Déclare irrecevable l'action en contrefaçon engagée par la société Lestra sur le fondement de sa marque communautaire n° 3 687 597, Déboute la société Lestra de l'ensemble de ses demandes, Déboute la société Dodo de ses demandes reconventionnelles, Condamne la société Lestra à verser à la société Dodo la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés dans les formes de l'article de l'article 699 du même code.