Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 janvier et 16 janvier 2023, Mme F B et M. E C, agissant au nom et pour le compte de leur enfant mineur D C, et représentés par Me
Krzisch, demandent au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution des décisions du Service interacadémique des examens et concours (SIEC), en date du 28 mars 2022 et du 27 septembre 2022, portant refus d'aménagement (tiers-temps supplémentaire) au titre des épreuves anticipées du baccalauréat général, organisées en 2022, à l'intention de leur enfant, D C ;
2°) à titre principal, d'enjoindre au ministre de l'éducation d'accorder le tiers-temps au bénéfice de leur enfant pour les examens du baccalauréat, à partir de mars 2023 ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre de l'éducation, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, de réexaminer la demande de tiers-temps de leurs fils, dans un délai d'une semaine à compter du présent jugement ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
Sur l'urgence :
- cette condition est remplie dès lors que la décision litigieuse, en date du 27 septembre 2022, empêche leur enfant de connaître le régime sous lequel il composera lors des épreuves du baccalauréat (régime classique ou tiers-temps), ce qui ne lui permet pas de préparer de manière adéquate ces épreuves, dont les premières auront lieu en mars 2023 ; en outre, le jugement de la requête à fin d'annulation n'est pas programmée à brève échéance.
Sur le
doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées :
- elles sont insuffisamment motivées ;
- elles sont entachées d'une erreur de droit, les obligations de prise en compte du handicap de Virgile C, résultant des dispositions du code de l'éducation, n'ont pas été prises en compte ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de Virgile C.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2023, le directeur du SIEC conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie, d'une part, que les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, de l'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation sont infondés, d'autre part.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la requête, enregistrée le 23 septembre 2022 sous le numéro 2219752, par laquelle Mme B et M. C demandent d'annuler décisions litigieuses.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- code de justice administrative.
Le président du tribunal administratif a désigné M. Rohmer, vice-président de section, pour statuer sur les demandes en référés.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique du 17 janvier 2023, tenue en présence de Mme Gaonach-Nee, greffière d'audience, ont été entendus :
- M. Rohmer, juge des référés, qui a lu son rapport ;
- les observations de Me
Krzisch, pour Mme B et M. C, reprend et développe les écritures des requérants ;
- les observations de M. A, représentant le Service interacadémique des examens et concours (SIEC), qui reprend et développe les éléments du mémoire en défense.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que Virgile C, fils de G F B et de M. E C, est actuellement scolarisé au sein du lycée Jules Ferry (75009), au titre de l'année 2022-2023. Par une décision en date du 28 mars 2022, prise après avis médical du 7 janvier 2022, le Service interacadémique des examens et concours (SIEC) a refusé d'octroyer à Virgile C des aménagements supplémentaires, notamment le tiers-temps, dans le cadre des épreuves anticipées du baccalauréat, au titre de la session 2022, tout en confirmant le bénéfice de trois aménagements consistant en un temps compensatoire pour les pauses, l'utilisation d'un ordinateur et l'utilisation de logiciels. Par une décision en date du 27 septembre 2022, remplaçant une première décision du 13 juin 2022, le SIEC a rejeté le recours gracieux de Mme B et de M. C. Par la requête susvisée, les requérants demandent au juge des référés d'ordonner la suspension de l'exécution des décisions des 28 mars et 27 septembre 2022 en tant qu'elles refusent à Virgile C toute majoration du temps d'épreuve dans le cadre des épreuves du baccalauréat, sur le fondement de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. "
En ce qui concerne la condition tenant à l'urgence :
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications apportées par le requérant, si les effets de l'acte en litige sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
4. Pour établir l'urgence, Mme B et M. C font valoir que les décisions litigieuses perturbent la préparation des épreuves des épreuves du baccalauréat par Virgile, alors que ces épreuves débuteront au mois de mars 2023 et que la requête à fin d'annulation des décisions attaquées ne pourra être jugée d'ici cette date par le tribunal. Eu égard aux conséquences des décisions en litige sur les conditions dans lesquels Virgile C passera ces épreuves, la condition d'urgence au sens de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.
En ce qui concerne le doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :
5. Aux termes de l'article
L. 112-1 du code de l'éducation : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent (), le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants et aux adolescents () présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants et adolescents () en situation de handicap ". L'article
L. 112-4 de ce code dispose que : " Pour garantir l'égalité des chances entre les candidats, des aménagements aux conditions de passation des épreuves orales, écrites, pratiques ou de contrôle continu des examens () de l'enseignement scolaire (), rendus nécessaires en raison d'un handicap ou d'un trouble de la santé invalidant, sont prévus par décret. Ces aménagements peuvent inclure notamment l'octroi d'un temps supplémentaire et sa prise en compte dans le déroulement des épreuves, la présence d'un assistant, un dispositif de communication adapté, la mise à disposition d'un équipement adapté ou l'utilisation, par le candidat, de son équipement personnel ". Aux termes de l'article D. 311-13-1 du même code : " Les candidats aux examens () de l'enseignement scolaire qui disposent d'un plan d'accompagnement personnalisé au titre d'un trouble du neuro-développement peuvent bénéficier d'aménagements et adaptations dans les mêmes conditions que celles définies à l'article D. 351-27 et suivants. Ces aménagements et adaptations sont en cohérence avec les mesures pédagogiques mises en œuvre dans le cadre du plan d'accompagnement personnalisé ". L'article D. 351-27 de ce code dispose que : " Les candidats aux examens () de l'enseignement scolaire qui présentent un handicap peuvent bénéficier d'aménagements portant sur : () 2° Une majoration du temps imparti pour une ou plusieurs épreuves, qui ne peut excéder le tiers du temps normalement prévu pour chacune d'elles ".
6. Il résulte de l'instruction qu'eu égard aux troubles qui le handicapent dans le cadre de l'apprentissage et de la composition, Virgile C a bénéficié, depuis la classe de quatrième et après avis d'un médecin de l'éducation nationale, d'un plan d'accompagnement personnalisé dont les aménagements impliquaient le bénéfice d'un tiers-temps et l'usage d'un ordinateur pour l'écriture. Par ailleurs, les conclusions des deux bilans d'ergothérapie effectués par l'élève, en février 2019 et mars 2022, font état d'un diagnostic de dyspraxie et de dysgraphie, se traduisant par une vitesse d'exécution des tâches réduite. Il résulte également de l'instruction que les temps de récupération des pauses autorisés par la décision du 28 mars 2022 citée au point 1 sont justifiés par une pathologie chronique dont souffre l'élève, distincte de ses difficultés de composition. Dans ces circonstances, les moyens tirés de ce que le SIEC, en refusant le bénéfice de toute majoration du temps d'épreuve au motif que l'utilisation de l'ordinateur suffisait à compenser le handicap de composition de M. C, a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation de la situation de l'élève au regard des exigences posées par les dispositions du code de l'éducation visées au point 8, sont propres, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées.
7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'exécution des décisions des 28 mars et 27 septembre 2022 du SIEC, en tant qu'elles refusent à Virgile C toute majoration du temps d'épreuve dans le cadre des épreuves du baccalauréat, doit être suspendue jusqu'à qu'il soit statué sur la requête susvisée tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. Eu égard à l'office du juge des référés ainsi qu'aux pouvoirs dont il est investi par les dispositions de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, lesquels sont limités à la prise de mesures provisoires et ne peuvent s'étendre au prononcé d'injonctions qui auraient des effets identiques à ceux qui résulteraient de l'annulation pour excès de pouvoir de la décision litigieuse, il doit être seulement enjoint au Service interacadémique des examens et concours (SIEC) de procéder au réexamen de la demande de majoration du temps d'épreuve présentée par Mme B et M. C pour le compte de leur fils D C dans le cadre des épreuves du baccalauréat, dans un délai de trois semaines à compter de la notification de la présente décision et sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte. Le surplus des conclusions à fin d'injonction est rejeté.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au profit des requérants au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : L'exécution des décisions du Service interacadémique des examens et concours de la maison des examens du 28 mars 2022 et du 27 septembre 2022, en tant qu'elles refusent à Virgile C toute majoration du temps d'épreuve dans le cadre des épreuves du baccalauréat, est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint au directeur du Service interacadémique des examens et concours (SIEC) de procéder au réexamen de la demande de majoration du temps d'épreuve présentée par Mme B et M. C pour le compte de leur fils D C dans le cadre des épreuves du baccalauréat, dans un délai de trois semaines à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à Mme F B et M. E C une somme de 1 200 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme F B, à M. E C, et au directeur du Service interacadémique des examens et concours de la maison des examens.
Fait à Paris, le 1er février 2023.
Le juge des référés,
B. ROHMER
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne ou à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. / 1
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