Tribunal judiciaire de Versailles, 29 mars 2024, 21/05784

Chronologie de l'affaire

Tribunal judiciaire de Versailles
29 mars 2024
Cour d'appel de Versailles
5 janvier 2021
Tribunal d'instance de Poissy
11 mai 2017

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal judiciaire de Versailles
  • Numéro de pourvoi :
    21/05784
  • Dispositif : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur
  • Décision précédente :Tribunal d'instance de Poissy, 11 mai 2017
  • Identifiant Judilibre :660719e182fd932d8c806ae1
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Résumé

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Texte intégral

Minute n° TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES Deuxième Chambre JUGEMENT DU 29 MARS 2024 N° RG 21/05784 - N° Portalis DB22-W-B7F-QHNO DEMANDEURS : Monsieur [B] [P], né le 5 Août 1959 à [Localité 7], de nationalité française,Demeurant : [Adresse 1], représenté par Maître Martine BAHEUX de la SELARL BAHEUX, avocats au barreau d'AVIGNON, avocats plaidant, Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant Madame [Y] [H] [R] [Z] épouse [P], née le 14 Juillet 1961 à [Localité 4], de nationalité française, Demeurant : [Adresse 1], représentée par Maître Martine BAHEUX de la SELARL BAHEUX, avocats au barreau d'AVIGNON, avocats plaidant, Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant DEFENDEUR : Monsieur [X], [W] [A], né le 5 juin 1957 à [Localité 5] (78), de nationalité française, exerçant sous l'enseigne FL IMMOBILIER, inscrit au RCS du Tribunal de commerce de VERSAILLES sous le n° 324 609 510, et domicilié [Adresse 3], représenté par Me Frédérique FARGUES, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant/postulant ACTE INITIAL du 28 Octobre 2021 reçu au greffe le 04 Novembre 2021. DÉBATS : A l'audience publique tenue le 14 Novembre 2023, les avocats en la cause ont été entendus en leurs plaidoiries par Madame RODRIGUES, Vice-Présidente, siégeant en qualité de juge rapporteur avec l'accord des parties en application de l'article 805 du Code de procédure civile, assistée de Madame SOUMAHORO Greffier, puis l'affaire a été mise en délibéré au 18 Janvier 2024, prorogé au 23 février 2024, puis au 29 Mars 2024. MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ : Madame LUNVEN, Vice-Présidente Madame RODRIGUES, Vice-Présidente Madame ANDRIEUX, Juge EXPOSE DU LITIGE : Monsieur [B] [P] et Madame [Y] [P] (ci-après les époux [P]) sont propriétaires d'un appartement de la Résidence « Les Rimes », sis [Adresse 2] à [Localité 6]. Suivant mandat de gestion du 24 septembre 2008, les époux [P] ont confié à Monsieur [X] [A], un mandat aux fins de mettre en location ledit appartement. L'appartement a été, par acte du 1er juin 2013, donné à bail à Madame [C] [U], Madame [V] [T] et Monsieur [D] [T]. En raison de loyers impayés, les époux [P] ont, par acte d'huissier en date du 8 août 2016, fait assigner les preneurs devant le tribunal d'instance de Poissy aux fins de résiliation du bail, expulsion des occupants et condamnation au paiement de la somme de 13.651 euros représentant l'arriéré de loyers et de charges. Par jugement réputé contradictoire du 11 mai 2017, le tribunal d'instance de Poissy a fait droit aux demandes formulées par les époux [P] et a notamment condamné les locataires à payer aux bailleurs, la somme de 20.707 euros. Par un arrêt rendu le 5 janvier 2021, la cour d'appel de Versailles a infirmé le jugement du tribunal en ce qu'il a condamné Monsieur [T] à payer la somme de 20.707 euros, a débouté les époux [P] de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre celui-ci, condamné Madame [C] [U] et Madame [V] [T] aux dépens de la première instance et condamné in solidum les époux [P], Madame [C] [U] et Madame [V] [T] à payer à Monsieur [T] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Considérant que Monsieur [A] avait commis des fautes dans l'exercice de son mandat de gestion, les époux [P] l'ont fait assigner par acte du 28 octobre 2021 devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins d'indemnisation de leurs préjudices. Aux termes de leurs dernières écritures notifiées par RPVA le 11 juillet 2023, Monsieur [B] [P] et Madame [Y] [P] sollicitent du présent tribunal de : « Vu l'article 1984 du Code Civil, Voir rejeter toutes les demandes de Monsieur [A], Voir condamner Monsieur [X] [A] à payer aux époux [P] la somme de 6 800€ qu'ils sont contraints de rembourser à Monsieur [T], Voir condamner Monsieur [X] [A] à payer aux époux [P] la somme de 1 500€ représentant le montant alloué à Monsieur [T] par la Cour d'Appel de Versailles au titre de l'article 700 du CPC, Condamner Monsieur [X] [A] à payer aux époux [P] la somme de 20 707 € correspondant à leur perte financière, Le condamner à leur payer la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêt en réparation de leur préjudice moral, Le condamner à leur payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du CPC, Voir ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, Condamner Monsieur [X] [A] aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Maître Mélina PEDROLETTI, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. » Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 mars 2023, Monsieur [X] [A] sollicite du présent tribunal de voir : « Débouter Monsieur et Madame [P] de l'ensemble de leurs demandes articulées contre Monsieur [X] [A], Subsidiairement, juger que le montant du préjudice des époux [P] susceptible d'être réparé ne peut correspondre qu'à la perte de chance de ne pas recouvrer ces sommes à l'encontre des locataires, laquelle ne peut être que résiduelle en l'absence de toute justification de tentative d'exécution forcée contre ces dernières dont l'insolvabilité n'est pas démontrée, Condamner les époux [P] à verser à Monsieur [A] la somme de 2 500 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître FARGUES, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du CPC ». Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs. La clôture est intervenue le 26 septembre 2023. L'affaire a été fixée à l'audience du 14 novembre 2023, et mise en délibéré au 18 janvier 2024 prorogé au 23 février 2024 puis au 29 mars 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre préliminaire, il est rappelé qu'en vertu de l'article 768 du Code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Par ailleurs, au regard de la date de signature du mandant, le présent litige sera résolu par application des dispositions antérieures à la réforme du droit des contrats opérée par l'ordonnance du 10 février 2016 et la loi du 20 avril 2018, le contrat liant les parties ayant été conclu avant l'entrée en vigueur de ces textes. Le juge étant tenu, en vertu de l'article 12 du code de procédure civile, de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, il sera le cas échéant restitué aux demandes des parties les fondements adéquats sans que la référence aux nouvelles dispositions n'ait pour effet de les rendre irrecevables ou infondées. Sur la responsabilité de Monsieur [A] : Les demandeurs font valoir que Monsieur [A] a manqué à son obligation de leur rendre compte en ce qu'il a entièrement initié et diligenté, de son propre chef et sans consigne de leur part, la procédure d'expulsion et ne les a informés ni du déroulement de la procédure devant la cour d'appel, ni des arguments développés par Monsieur [T], pas plus que des arguments développés en leur faveur par le conseil qu'il a désigné. Ils soulignent, encore, qu'il résulte de l'arrêt de la cour d'appel qu'en réalité Monsieur [T] n'a pas signé le bail, sa signature ayant été contrefaite par une des autres locataires et que si Monsieur [A] avait exécuté son mandat avec diligence en exigeant que les signatures soient apposées devant lui ou en s'assurant de l'accord de Monsieur [T], ils n'auraient pas été condamnés par la cour d'appel à restituer les sommes versées par celui-ci. Ils indiquent, également, que bien que l'agent immobilier leur ait fait souscrire une assurance en paiement des loyers pour laquelle ils acquittaient une cotisation de 17 euros par mois, Monsieur [A] n'a pas mis en œuvre cette assurance ; que Monsieur [A] est mal placé à leur reprocher leur inertie alors que c'est lui qui, en qualité de mandataire, a obtenu la décision de condamnation rendue par le tribunal d'instance de Poissy et n'a jamais entrepris la moindre mesure d'exécution à l'encontre de Madame [T] et de Madame [U]. Ils rappellent encore que l'agent immobilier doit s'assurer de l'efficacité de la convention qu'il rédige ; qu'en l'espèce, il résulte tant du jugement rendu par le tribunal d'instance de Poissy que de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles que la signature de Monsieur [T] figurant sur le bail n'est qu'une grossière imitation de sa signature et de son écriture ; qu'ainsi, Monsieur [A] ne pourra donc pas prétendre qu'il a procédé à une vérification de la signature apposée sur le bail alors qu'il reconnaît lui-même que Monsieur [T] n'était pas présent lors de la signature du bail, ce qui aurait dû le rendre, en sa qualité de mandataire professionnel, particulièrement vigilant. En défense, Monsieur [A] expose que Madame [S], sa collaboratrice, a fait visiter l'appartement des époux [P] à Madame [C] [U], Monsieur [D] [T] et leur fille Madame [V] [T] ; que dans le cadre de la vérification de sa solvabilité, Monsieur [T] a transmis à Madame [S] diverses pièces attestant de sa volonté de louer le bien. Il affirme, également, que contrairement à ce qu'affirment les époux [P], il n'y a pas d'obligation que le contrat soit signé en la présence des parties, dès lors qu'il n'y a pas de doute sur leur identité ; qu'en l'espèce, il était légitime à n'avoir aucun doute sur l'identité de Monsieur [T] dès lors que celui-ci avait manifesté son souhait de devenir locataire par sa présence lors de la visite des lieux et par la transmission de ses pièces de solvabilité et que la comparaison de la signature figurant sur le bail pour Monsieur [T] et celle figurant sur sa carte d'identité ne présentait aucune différence visible ou identifiable. S'agissant de son obligation de rendre compte du mandat à son mandant, Monsieur [A] souligne qu'il avait mandat pour engager la procédure de résiliation du bail et d'expulsion des locataires compte tenu de l'impayé de loyers ; qu'en tout état de cause, la prétendue absence d'information, qu'il conteste, est sans lien de causalité avec le préjudice de perte de loyer invoqué par les époux [P] ; qu'au demeurant, les époux [P] n'ont pu que constater l'absence de perception des loyers et l'existence de frais d'huissier et d'avocat figurant sur le relevé de gestion du compte. S'agissant de la procédure d'appel, Monsieur [A] affirme que la déclaration d'appel a été adressée par le greffe de la cour d'appel aux époux [P], qu'il en a été de même de l'assignation en référé devant le premier président de la cour d'appel de Versailles délivrée par huissier à la requête de Monsieur [T], qu'ils lui ont transmise par mail du 10 mai 2019. *** Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, et doivent être exécutés de bonne foi. L'article 1147 ancien du même code, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. L'article 1149 ancien du code civil énonce que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé. L'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. En application de ces dispositions, il incombe à celui qui entend engager la responsabilité de son co-contractant d'apporter la preuve d'un manquement contractuel ; si un tel manquement est établi, il appartient au débiteur de l'obligation inexécutée dont la responsabilité est recherchée d'apporter la preuve de l'absence d'imputabilité de l'inexécution, c'est-à-dire d'une cause étrangère telle la force majeure, la faute de la victime ou le fait du tiers qui en revêtiraient les caractères. Aux termes de l'article 1991 du code civil, le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution. De son côté, l'article 1992 dispose que « le mandataire répond non seulement du dol mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion : néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire ». Enfin, l'article 1993 précise que « tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration quand même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant ». Enfin, en vertu des règles de preuve, il appartient au mandant qui entend engager la responsabilité du mandataire de rapporter la preuve d'une faute de ce dernier dans l'exécution de ses obligations, qui constituent des obligations de moyens , d'un préjudice et d'un lien de causalité. Il est de jurisprudence établie que l'agent immobilier, négociateur d'une opération locative, est tenu, quelle que soit l'étendue de sa mission, de s'assurer de la solvabilité des candidats à la location à l'aide de vérifications sérieuses, réalisées dans les limites prévues par l'article 22-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, issu de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale. Il résulte des articles 1317 et suivants anciens du code civil que la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui qui l'appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. *** En l'espèce, Monsieur [A] ayant reconnu ne pas avoir exigé de l'ensemble des locataires qu'ils signent, en sa présence, le contrat de bail, rendant ainsi possible la contestation de leur écriture et de leur engagement, il est constant qu'il a failli à sa mission de mandataire rémunéré. En effet, en sa qualité de mandataire normalement prudent et diligent des époux [P], il lui appartenait de vérifier que les personnes qui signaient ce contrat étaient bien celles qui entendaient s'engager en qualité de locataires et ce, afin de garantir le paiement des loyers et l'éventuelle exécution d'un jugement de condamnation en cas de loyers impayés ou de dégradations locatives. A cet égard, au regard du risque qui existait en cas de dénégation de signature, le fait que Monsieur [T] ait visité le logement et que les pièces relatives à sa situation financière lui aient été remises, n'est pas de nature à exonérer Monsieur [A] de sa responsabilité de mandataire. S'agissant de l'obligation de rendre compte du mandat au mandant, quand bien même Monsieur [A] avait mandat pour engager la procédure de résiliation du bail et d'expulsion des locataires compte tenu de l'impayé de loyers, il n'était pas dispensé d'informer de cette procédure ses mandants. Or, force est de constater qu'il ne conteste pas ne pas avoir rendu compte de la procédure de résiliation du bail et d'expulsion des locataires, se contentant d'affirmer qu'il avait mandat pour ce faire. En conséquence, Monsieur [A] a engagé sa responsabilité contractuelle. Sur le préjudice : Les époux [P] réclament la condamnation de Monsieur [A] à leur payer la somme de 20.707 euros correspondant à la perte financière due à l'impossibilité désormais pour eux de récupérer les loyers impayés. Ils ajoutent que leur préjudice tient en la somme de 6 800 euros qu'ils sont contraints de rembourser à Monsieur [T], outre celle de 1 500 euros qui a été allouée par la cour d'appel de Versailles à Monsieur [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ils réclament, enfin, sa condamnation à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral. En réponse au moyen qui leur reproche de ne pas avoir entamer de poursuites à l'encontre des colocataires, à savoir Madame [V] [T] et Madame [U], lesquelles selon lui n'étaient pas dépourvues de revenus, les demandeurs soutiennent qu'il lui appartenait de le faire puisqu'il avait a charge du dossier. Monsieur [A] rétorque que les époux [P] ne sauraient réclamer le paiement à la fois de la somme de 20 707 euros correspondant à la perte financière constituée par les loyers impayés tels que retenus par le tribunal d'instance aux termes de son jugement du 11 mai 2017 et de celle de 6 800 euros qu'ils indiquent être contraints de rembourser à Monsieur [T], correspondant à la somme que ce dernier avait déjà versée au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement du tribunal d'instance, puisque la seconde correspond au paiement d'une partie de la première. Il souligne, également, s'agissant de la somme de 1 500 euros correspondant à la condamnation, en appel, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, que les époux [P] ont été condamnés à ce titre, in solidum avec Madame [C] [U] et avec Madame [V] [T] ; que l'examen de la dénonciation de la saisie-attribution effectuée le 15 mars 2022 à l'initiative de Monsieur [T] à l'encontre des époux [P] mentionne seulement la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que le montant réclamé à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral n'est démontré ni dans son principe, ni dans son montant. Il affirme, par ailleurs, que la demande présentée au titre de l'arriéré locatif de 20 707 euros ne peut s'analyser qu'en une perte de chance de recouvrer les loyers et ses accessoires, encore faut-il qu'il soit démontré que la perte d'une chance que l'événement favorable se réalise est réelle et sérieuse et que la chance ait réellement été perdue ;qu'en l'espèce, les époux [P] sont totalement taisants sur leurs tentatives de recouvrement de leur créance de loyer, pour laquelle ils bénéficient d'un titre définitif tant à l'encontre de Madame [C] [U] qu'à l'encontre de Madame [V] [T], alors que le dossier de solvabilité constitué au moment de la conclusion du bail démontre que la première n'était aucunement insolvable et permet une recherche FICOBA sans difficulté. Il reproche encore aux demandeurs de ne pas s'expliquer sur la question de l'exécution forcée et de dissimuler les résultats d'une exécution forcée aisée à mettre en place, puisqu'ils disposent d'un titre exécutoire, contre deux personnes dont au moins une est objectivement solvable. Il rappelle, par ailleurs, que si la preuve de la perte de chance n'était pas requise, cela permettrait aux bailleurs d'obtenir deux fois le paiement des loyers, une première fois à l'encontre de l'agent immobilier gestionnaire du bien, non subrogé dans les droits des bailleurs, et une seconde fois à l'encontre de ses anciens locataires, et donc de bénéficier ainsi d'un enrichissement sans cause. *** Conformément aux règles de preuve, il incombe à la victime, demanderesse à l'action en responsabilité, de rapporter la preuve, par tous moyens, de l'existence de son préjudice, en lien avec le manquement contractuel, et de fournir au tribunal les éléments propres à en permettre l'évaluation. La réparation du dommage doit obéir au principe de la réparation intégrale, qui implique de remettre la victime en l'état, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte, ni profit. La perte d'une chance se définit comme la disparition de la probabilité d'un événement favorable (en l'espèce, obtenir l'exécution de la condamnation au paiement des loyers) lorsque cette chance apparaît suffisamment sérieuse, c'est seulement cette perte qui est indemnisée par l'allocation de dommages et intérêts et nullement la totalité de ce que la chance, si elle s'était réalisée, aurait pu procurer à la victime. Spécialement, dans le cas de la perte d'une chance d'obtenir l'exécution d'une décision de justice, l'indemnité n'égalera pas la totalité de la somme à laquelle le demandeur aurait pu prétendre si cette chance s'était précisément réalisée, ce qui demeurera toujours incertain. En d'autres termes, la perte de chance implique toujours l'existence d'un aléa, le dommage étant constitué non pas par les sommes convoitées, mais seulement par l'espoir de les gagner. *** En l'espèce, c'est de manière pertinente que Monsieur [A] fait valoir que la somme de 6.800 euros que les époux [P] ont été contraints de rembourser à Monsieur [T] correspond à une partie de la condamnation au paiement de la somme de 20.707 euros qu'ils ont obtenue au titre des loyers impayés. Par ailleurs, s'agissant de l'exécution d'une décision de condamnation en paiement, le préjudice des époux [P] doit, effectivement, s'analyser en une perte de chance d'obtenir ce paiement, l'exécution d'une décision de justice étant toujours soumise à un aléa. En outre, il est constant qu'afin de prétendre à l'indemnisation de leur préjudice, il appartient aux époux [P] de rapporter la preuve de la réalité de cette perte de chance. En effet, si Monsieur [A] était condamné à les indemniser de leur perte de chance d'obtenir l'exécution du du jugement rendu 11 mai 2017 par le tribunal d'instance de Poissy alors même qu'ils conservent la possibilité de poursuivre l'exécution du titre exécutoire que constitue ce jugement, ils seraient susceptibles d'obtenir réparation de leur préjudice à deux reprises, à la fois auprès du mandataire et auprès des deux locataires condamnées, ce qui est contraire aux règles d'indemnisation ci-dessus rappelées. Dès lors, il incombe à Monsieur et Madame [P] d'établir que l'exécution du jugement rendu 11 mai 2017 par le tribunal d'instance de Poissy est, de fait, impossible, notamment en raison de l'insolvabilité de Madame [C] [U] et de Madame [V] [T]. Or, force est de constater qu'ils ne font valoir aucun élément de nature à établir qu'ils ont vainement tenté de procéder au recouvrement de la somme qui leur a été allouée par le tribunal. Ainsi, faute de rapporter la preuve de l'impossibilité d'obtenir le paiement de la somme à laquelle Madame [C] [U] et de Madame [V] [T] ont été solidairement condamnées, les époux [P] ne sont pas en mesure de démontrer qu'ils souffrent d'un préjudice en lien direct avec le manquement contractuel reproché à Monsieur [A]. En revanche, il résulte de l'examen de la dénonciation de saisie-attribution diligentée à leur encontre le 15 mars 2022 à la demande de Monsieur [T] que, dans le cadre de cette voie d'exécution, ils ont été contraints de régler à celui-ci la somme de 300 euros au titre de la condamnation prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Or, c'est bien parce que les époux [P] ont été déboutés de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de Monsieur [T], en raison de l'imitation de sa signature, qu'ils ont été condamnés in solidum avec Madame [C] [U] et de Madame [V] [T] à payer à celui-ci la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il apparaît, dès lors, qu'existe un lien de causalité entre le manquement de Monsieur [A] et cette obligation de paiement. En conséquence, Monsieur [A] doit être condamné à leur payer la somme de 300 euros. De même, ils sont fondés à invoquer un préjudice moral en raison de toutes les tracasseries, et en particulier de la saisie-attribution diligentée à leur encontre, que leur a causé cette situation. Dès lors, Monsieur [A] doit être condamné à leur payer la somme de 1.500 euros en réparation du préjudice moral. Sur les autres demandes : Il y a lieu de condamner Monsieur [A], qui succombe, aux dépens dont distraction ainsi qu'il sera précisé au dispositif de la présente décision. Aux termes de l'article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Monsieur [A], condamné aux dépens, devra verser à Monsieur et Madame [P] la somme de 2.500 euros. Enfin, il convient de rappeler que selon les dispositions de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Le présent jugement est donc assorti de l'exécution provisoire de plein droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, CONDAMNE Monsieur [X] [A] à payer à Monsieur [B] [P] et Madame [Y] [P] : • La somme de 300 euros au titre du préjudice matériel, • La somme de 1.500 euros au titre du préjudice moral ; CONDAMNE Monsieur [X] [A] aux dépens et DIT que Maître Mélina PEDROLETTI, pourra directement recouvrer ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ; CONDAMNE Monsieur [X] [A] à payer à Monsieur [B] [P] et Madame [Y] [P] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; RAPPELLE que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit ; REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires. Prononcé par Madame LUNVEN, Vice-Présidente, assistée de Madame SOUMAHORO greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement. LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
Note...

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