COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 2ème Chambre ARRÊT AU FOND DU 6 AVRIL 2011
Rôle N° 10/05173 Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 24 février 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 2007F00 322
APPELANTS
S.A.R.L. CIE B MARLIN agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice dont le siège social est sis 429 rocade des Playes 83140 SIX-FOURS-LES-PLAGES
Monsieur Jean Luc D'H représentés par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par Me Laurent C, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE S.A.R.L. COMPAGNIE BLEUE EMERAUDE prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est sis Les Flots Bleus [...] 83140 SIX-FOURS-LES-PLAGES
représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour, plaidant par Me Philippe M, avocat au barreau de TOULON
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 7 mars 2011 en audience publique. Conformément à l'article
785 du Code de procédure civile, Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller Monsieur André JACQUOT, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 6 avril 2011.
ARRÊTContradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 6 avril 2011
Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS - PROCEDURE - DEMANDES :
Monsieur Frédéric LE GOASCOZ a le 15 octobre 2003 déposé à l'Institut National de la Propriété Industrielle de MARSEILLE, sous le numéro 03 3251479, la marque semi-figurative <ROYAL NAUTISME>.
Monsieur Jean-Luc D'H a signé le 20 août 2005 une <attestation de remise de documents> par la S.A.R.L. COMPAGNIE BLEUE EMERAUDE ayant pour enseigne <ROYAL NAUTISME>.
Le 22 septembre 2005 la compagnie BLEUE EMERAUDE ayant pour gérant Monsieur A N a : - conclu avec Monsieur D'H 'ayant pour activité professionnelle : Directeur Exploitation' un <pré-contrat de réservation> pour une durée de 5 mois afin d'exploiter en exclusivité la marque ROYAL NAUTISME pour la zone géographique de BANDOL-SANARY, avec stage de formation d'une semaine;
- facturé à Monsieur D'H la <réservation d'un précontrat de concession ROYAL NAUTISME pour le secteur de BANDOL-SANARY> au prix de 7 623,00 euros H.T. soit 9 117,11 euros.
La compagnie BLEUE EMERAUDE représentée par son directeur Monsieur LE GOASCOZ a conclu : - le 10 février 2006 avec Monsieur D'H 'ayant pour activité professionnelle : création d'une société de vente et de location de bateau' un <contrat de licence de marque> pour exploiter en exclusivité pendant 5 années la marque ROYAL NAUTISME en ce qui concerne les achat, vente, location et gestion de bateaux neufs et d'occasion à l'agence de BANDOL dont dépendent les 3 ports de Bandol, de Sanary sur Mer et de la Coudoulière totalisant 2 695 places;
- le 30 mars 2006 avec Monsieur D'H 'ayant pour activité professionnelle : gérant de la société BLUE MARLIN à l'enseigne commerciale ROYAL NAUTISME' une <convention d'assistance commerciale, technique et administrative> pendant 5 ans, moyennant une rémunération forfaitaire de 36 600,00 euros T.T.C.;
- le 1er avril 2006 avec Monsieur D'H 'ayant pour activité professionnelle : gérant de la société BLUE MARLIN exerçant son activité sous l'enseigne ROYAL NAUTISME' une <convention de collaboration>, jusqu'au 31 décembre de la même année, pour l'exploitation par cette société de la zone géographique de l'île des Embiez.Le 13 juin 2006 a été constituée la S.A.R.L. CIE B MARLIN ayant pour gérant Monsieur D'H.
A l'initiative de ce dernier les relations entre les parties ont cessé en mars 2007.
La compagnie BLUE MARLIN a le 22 mai 2007 assigné la compagnie BLEUE EMERAUDE, puis cette dernière a le 13 mars 2008 assigné Monsieur D'H; le Tribunal de Commerce de TOULON, par jugement du 24 février 2010, a : * débouté la compagnie BLUE MARLIN de l'ensemble de ses demandes, fautes de violation de l'article
L. 330-3 du Code de Commerce, et de vice du consentement ;
* condamné la même et Monsieur D'H in solidum à payer à la compagnie BLEUE EMERAUDE la somme de 27 708,99 euros pour factures impayées, avec intérêts au taux légal et anatocisme à compter du jugement;
* débouté la compagnie BLEUE EMERAUDE de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi;
* condamné in solidum la compagnie BLUE MARLIN et Monsieur D'H à restituer à la compagnie BLEU E EMERAUDE, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard, la bible ainsi que tous les signes distinctifs et documents remis lors de la signature des différentes conventions;
* condamné in solidum la compagnie BLUE MARLIN et Monsieur D'H à cesser toute utilisation de l'enseigne et des signes distinctifs ROYAL NAUTISME, sous astreinte de 500,00 euros par infraction constatée;
* condamné in solidum la compagnie BLUE MARLIN et Monsieur D'H à payer à la compagnie BLEUE EMERAUDE la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article
700 du Code de Procédure Civile;
* ordonné avec caution bancaire l'exécution provisoire du jugement, dont l'arrêt a été refusée par le Premier Président de cette Cour dans une ordonnance du 1 er octobre 2010.
La S.A.R.L. CIE B MARLIN et Monsieur Jean-Luc D'H ont régulièrement interjeté appel le 16 mars 2010. Par conclusions du 22 juillet 2010 ils soutiennent notamment que : - la première a exécuté loyalement ses obligations contractuelles vis-à-vis de la compagnie BLEUE EMERAUDE et n'a pas ménagé sa peine; l'exploitation de la marque ROYAL NAUTISME s'est rapidement révélée non rentable, compte tenu de la potentialité du secteur concédé et des conditions financières imposées par cette compagnie, ainsi que du défaut d'informations préalables permettant d'apprécier les perspectives de rentabilité économique;
- le Tribunal de Commerce a condamné Monsieur D'H au mépris du deuxième alinéa de l'article
L. 210-6 du Code de Commerce : pour les 3 contrats celui-ci n'a agi que pour le compte de la société en formation BLUE MARLIN et non à titre personnel; cette société a repris tous ces engagements, avec effet rétroactif depuis l'origine; en outre les factures et courriers émanant de la compagnie BLEUE EMERAUDE sontuniquement au nom de la compagnie BLUE MARLIN, laquelle a seule émis des chèques sur son compte; et si la personne de Monsieur D'H a été un élément important pour la compagnie BLEUE EMERAUDE, c'est bien la compagnie BLUE MARLIN qui est cocontractante;
- Monsieur LE GOASCOZ s'est toujours présenté à eux comme représentant légal de la compagnie BLEUE EMERAUDE et a signé tous les contrats et courriers; or le gérant de cette société est Monsieur Amet N, tandis que Monsieur LE GOASCOZ n'a jamais justifié avoir le pouvoir et la procuration d'engager la compagnie BLEUE EME- RAUDE et n'est devenu que récemment gérant de droit de cette dernière;
- la compagnie BLEUE EMERAUDE, bien qu'ayant prétendu dans le contrat de licence être titulaire du droit exclusif d'exploitation de la marque <ROYAL NAUTISME>, n'avait aucun droit sur celle-ci déposée par Monsieur LE GOASCOZ à titre personnel; leur adversaire ne verse pas sur ce droit une convention entre Monsieur LE GOASCOZ et la compagnie BLEUE EMERAUDE ayant date certaine et opposable; enfin seuls les tiers peuvent revendiquer l'existence du mandat apparent lorsqu'ils ont pu croire légitimement au pouvoir du signataire ;
- le document du 20 août 2005 signé par Monsieur D'H ne mentionne pas de DVD; la compagnie BLEUE EMERAUDE n'a pas remis les documents exigés par les alinéas 2 et 3 de l'article
L. 330-3 du Code de Commerce, et par l'article 1er du décret n°91-337 du 4 avril 1991, qui fournissent les infor mations essentielles; ont été cachées les perspectives de rentabilité économique alors qu'ont été imposés des quotas de chiffre d'affaires minimum à réaliser; il est indiqué que le port des EMBIEZ contient 3 500 places alors qu'il n'en compte que 700; la liste des membres du réseau (27) sur les papiers à en-tête de la compagnie BLEUE EMERAUDE est excessive par rapport à la réalité; le délai de communication avant signature et paiement n'a pas été respecté; le consentement de la compagnie BLUE MARLIN a été vicié; en 2006 elle a subi un déficit de 9 371,00 euros; la zone géographique présentée comme enviable et attractive était en réalité soumise à très fort concurrence; Monsieur D'H était un profane dans le domaine du nautisme;
- la compagnie BLEUE EMERAUDE a la charge de prouver avoir rempli son obligation de délivrer des informations précises, ce qu'elle ne fait pas alors qu'elle est soumise aux règles en matière de réseau de franchises; les documents précontractuels communiqués le 20 mai 2008 ne l'ont jamais été auparavant, datent de l'automne 2006 soit après le contrat du 10 février 2006, mentionnent le chiffre d'affaires de 2005 qui n'existait pas lors du contrat de réservation du 22 septembre 2005, indiquent 2 licenciés qui ne le sont devenus qu'après 2005, reproduisent le nouveau site internet mis en place en février 2007;
- le préjudice allégué par la compagnie BLEUE EMERAUDE n'est pas démontré, notamment pour l'atteinte à l'image de marque.
Les appelants demandent à la Cour, vu les articles
L. 330-3 du Code de Commerce, 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 [devenu
R. 330-1 du Code de Commerce],
1108,
1116,
1126 et
1131 du Code Civil, d'infirmer le jugement et de :
* à titre principal :- dire et juger que Monsieur LE GOASCOZ n'avait pas le pouvoir d'engager la compagnie BLEUE EMERAUDE; - dire et juger que tous les contrats litigieux sont nuls, et que tous les versements de sommes effectués sont dépourvus de cause; - condamner la compagnie BLEUE EMERAUDE à restituer à la compagnie BLUE MARLIN la somme de 34 427,00 euros; - condamner la même à payer à la même la somme de 50 000,00 euros à titre de dommages et intérêts; - dire et juger que les intérêts des sommes qui seront dues pour une année entière sa capitaliseront par application de l'article
1154 du Code Civil; - condamner la compagnie BLEUE EMERAUDE à payer à la compagnie BLUE MARLIN la somme de 5 000,00 euros au titre de l'article
700 du Code de Procédure Civile;
* en toute hypothèse dire et juger que le contrat de licence de marque est nul ; - dire et juger que le précontrat de réservation, le contrat d'assistance du 30 mars 2006 et le contrat de collaboration du 1er avril 2006 sont nuls ; - condamner la compagnie BLEUE EMERAUDE à restituer à la compagnie BLUE MARLIN la somme de 34 427,00 euros; - condamner la même à payer à la même la somme de 50 000,00 euros à titre de dommages et intérêts; - dire et juger que les intérêts des sommes qui seront dues pour une année entière sa capitaliseront par application de l'article
1154 du Code Civil; - condamner la compagnie BLEUE EMERAUDE à payer à la compagnie BLUE MARLIN la somme de 5 000,00 euros au titre de l'article
700 du Code de Procédure Civile ;
* à titre subsidiaire dire et juger que le contrat d'assistance du 30 mars 2006 est nul ; - condamner la compagnie BLEUE EMERAUDE à restituer à la compagnie BLUE MARLIN la somme de 14 000,00 euros; - dire et juger que les intérêts des sommes qui seront dues pour une année entière sa capitaliseront par application de l'article
1154 du Code Civil;
* condamner la compagnie BLEUE EMERAUDE à payer à la compagnie BLUE MARLIN la somme de 5 000,00 euros au titre de l'article
700 du Code de Procédure Civile.
Concluant le 26 novembre 2010 la S.A.R.L. COMPAGNIE BLEUE EMERAUDE répond notamment que : - Monsieur LE GOASCOZ lui a concédé la marque ROYAL NAUTISME le 15 décembre 2003 ;
- elle a le 20 août 2005 remis divers documents confidentiels à Monsieur D'H, lequel en a accusé réception et a en outre reçu d'autres le 22 septembre suivant lors du contrat de réservation pour participer à un stage d'une semaine; la convention d'assistance a été conclue à la demande de Monsieur D'H; la convention de collaboration concerne le local d'elle-même aux EMBIEZ, suite au refus bancaire du local de BANDOL appartenant à un tiers; elle a mis à disposition ses navires et ceux de ses mandants pour gestion, ainsi que tous les mandats de vente des bateaux d'occasion (une quarantaine) sur les EMBIEZ; mais la politique commerciale deMonsieur D'H n'a pas été à la hauteur des exigences de la profession, et il entretenait une ambiance exécrable au sein de l'agence et à l'égard des clients ;
- les différentes conventions ont été signées par Monsieur D'H à titre personnel, et seul lui-même peut invoquer un vice du consentement; si certains actes mentionnent qu'il est gérant d'une société en formation, la reprise de ses engagements par la compagnie BLUE MARLIN est inopposable à elle-même faute pour l'intéressé de s'être engagé au nom et pour le compte de celle-ci; et cette reprise date du 30 janvier 2008 soit après la résiliation du contrat et après l'assignation;
- seuls elle-même et Monsieur LE GOASCOZ pourraient remettre en cause la concession par le second à la première de la marque ROYAL NAUTISME datée du 15 décembre 2003, ce qu'ils ne font pas;
- Monsieur D'H est rompu aux affaires, et ne s'est engagé qu'au terme d'un long processus d'informations et de formation sur le savoir-faire; il a reçu la bible à la signature du contrat de licence; la prétendue violation des obligations de l'article
L. 330-3 du Code de Commerce ne suffit pas à entraîner la nullité du contrat pour vice du consentement; Monsieur D'H n'indique pas en quoi son consentement a été vicié, et n'a invoqué cet élément lorsqu'il a résilié le contrat ;
- les manoeuvres dolosives invoquées par Monsieur D'H ne sont absolument pas prouvées, celui-ci ayant reçu documents et formation;
- Monsieur D'H n'a à l'époque jamais effectué la moindre réclamation sur le contrat d'assistance;
- la rupture anticipée unilatérale et infondée du contrat a occasionné à elle-même un préjudice considérable : perte des royalties, immobilisation du secteur géographique sans exploitation, dégradation de son image de marque (elle est le premier réseau français d'agences de location et de vente de bateaux neufs et d'occasion) par le comportement de Monsieur D'H, local et bateaux laissés par celui-ci dans un état lamentable.
L'intimée demande à la Cour de : - réformer le jugement en ce qu'il n'a pas statué sur sa demande d'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir de la compagnie BLUE MARLIN;
- vu les articles
31 et
1165 du Code de Procédure Civile dire et juger que celle-ci n'a pas qualité à agir en nullité des conventions signées entre Monsieur D'H et la compagnie BLEUE EMERAUDE, et déclarer irrecevable l'action de la compagnie BLUE MARLIN;
- en tout état de cause confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la compagnie BLUE MARLIN, et a condamné à hauteur de 27 708,99 euros, à restitution et cessation et au titre de l'article
700 du Code de Procédure Civile;
- réformer le jugement pour le surplus, et : . dire et juger que Monsieur D'H a résilié abusivement la convention de licence de marque et d'assistance;. condamner in solidum la compagnie BLUE MARLIN et Monsieur D'H au paiement d'une somme de 150 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, avec intérêts au taux légal et anatocisme à compter <du jugement> à venir; . condamner in solidum les mêmes au paiement d'une somme de 5 000,00 euros sur le fondement de l'article
700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles engagés en appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 février 2011.
MOTIFS DE L'ARRET :
Sur les problèmes autres que de fond :
Il ressort de l'article
L. 210-6 du Code de Commerce que la personne ayant agi au nom d'une société en formation est tenue responsable des actes ainsi accomplis, à moins que la société une fois constituée et immatriculée ne reprennent les engagements souscrits, lesquels sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par celle-ci.
Les conventions souscrites par Monsieur D'H, et surtout le contrat de licence de marque du 10 février 2006, la convention d'assistance du 30 mars 2006, et la convention de collaboration du 1er avril 2006, précisent clairement que l'intéressé agit pour la compagnie BLUE MARLIN en cours de création, dont il va le 13 juin 2006 soit rapidement devenir le gérant c'est-à-dire le représentant légal, et Monsieur D'H a clairement signé la deuxième convention 'Pour la Société en création', et la troisième 'POUR LA COMPAGNIE BLUE MARLIN'. Par ailleurs la compagnie BLEUE EME- RAUDE a adressés ses factures et correspondances à la société/compagnie BLUE MARLIN, même si le nom de cette dernière est précédé ou suivi de celui de Monsieur D'H. Enfin le procès-verbal de la réunion de l'assemblée générale ordinaire de la compagnie BLUE MARLIN du 30 janvier 2008 précise en page 2 que cette société 'décide de voter la reprise de ces trois contrats' conclus pour le compte d'elle- même par Monsieur D'H.
Aucun délai n'est prévu par l'article
L. 210-6 précité pour la reprise par une société formée des engagements pris lors de sa formation; le fait que la compagnie BLUE MARLIN ait décidé cette reprise au bout de presque 2 ans, après avoir assigné la compagnie BLEUE EMERAUDE mais avant que cette dernière n'assigne Monsieur D'H, ne suffit pas à écarter l'application de ce texte.
C'est donc à tort que le Tribunal de Commerce a condamné Monsieur D'H à titre personnel, ce qui conduira la Cour à infirmer le jugement sur ce point.
Monsieur LE GOASCOZ représentait la compagnie BLEUE EMERAUDE lors de la signature des contrats conclus par celle-ci avec la compagnie BLUE MARLIN, alors qu'il n'en était pas le gérant, ce dernier étant Monsieur N; mais la première société n'a jamais mis en cause ni même critiqué cette représentation, qui a existé également pour les courriers adressés à la compagnie BLUE MARLIN laquelle ne les conteste pas, et s'est toujours considérée, implicitement mais nécessairement, comme engagée par Monsieur LE GOASCOZ; le pouvoir de ce dernier de représenter lacompagnie BLEUE EMERAUDE ne peut donc être critiqué par la compagnie BLUE MARLIN.
Il est exact que la marque ROYAL NAUTISME dont l'exploitation a été consentie à la compagnie BLUE MARLIN par la compagnie BLEUE EMERAUDE appartient non à cette dernière mais à Monsieur LE GOASCOZ personnellement, puisque seul celui-ci a déposé cette marque le 15 octobre 2003; cependant dès le 15 décembre suivant Monsieur LE GOASCOZ a par <contrat de licence de marque> concédé à la compagnie BLEUE EMERAUDE la licence d'exploitation exclusive de cette marque, et le fait que ce contrat puisse ne pas avoir date certaine et opposable ne peut être invoqué que par ses parties dans la mesure où Monsieur LE GOASCOZ n'a jamais contesté les droits de la compagnie BLEUE EMERAUDE à exploiter la marque ROYAL NAUTISME. C'est par suite sans raison valable que la compagnie BLUE MARLIN critique les droits de son cocontractant la compagnie BLEUE EMERAUDE à lui concéder par le contrat du 10 février 2006 l'exploitation de ladite marque, d'autant que la seconde société était alors représentée par Monsieur LE GOASCOZ.
Sur le fond :
Le contrat du 10 février 2006, par lequel la compagnie BLEUE EMERAUDE a accordé l'exploitation exclusive de sa marque ROYAL NAUTISME pendant 5 ans sur le secteur géographique de Bandol-Sanary sur Mer-la Coudoulière à la compagnie BLUE MARLIN rend applicable l'article
L. 330-3 du Code de Commerce en vertu duquel la première société 'est tenue, préalablement à la signature de tout contrat (...), de fournir à [la seconde] un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause. Ce document, dont le contenu est fixé par [l'article
R. 330-1 du même Code], précise notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités. (...) Le document (...) ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat ou (...) avant le versement [d'une somme préalablement à la signature du contrat]'. En outre il appartient à la compagnie BLEUE EMERAUDE de rapporter la preuve qu'elle a rempli l'obligation qui pèse sur elle de fourni ces document et projet de contrat à la compagnie BLUE MARLIN.
L'attestation de remise des documents ROYAL NAUTISME signée le 20 août 2005 par la compagnie BLUE MARLIN mentionne les 'documents strictement confidentiels' suivants : - plaquette de présentation de la compagnie [BLEUE EMERAUDE] , - sommaire de la formation, - pré-contrat de réservation, - catalogue compagnie BLEUE EMERAUDE, - dépliant compagnie BLEUE EMERAUDE, - compte d'exploitation d'une agence, - publicité du hors-série de l'EXPRESS (2005);mais effectivement pas le DVD ROYAL NAUTISME que conteste avoir reçu la compagnie BLUE MARLIN.
Le pré-contrat de réservation signé le 22 septembre 2005 mentionne en page 2 que la compagnie
BLEUE EMERAUDE remet à Monsieur D'H divers éléments relatifs à elle-même.
La pièce n° 31 communiquée par cette compagnie, int itulée <documents précontractuels remis dans le cadre d'un projet d'ouverture d'agence de nautisme sous contrat de licence de marque ROYAL NAUTISME>, avec visa de l'article 1 de la loi du 31 décembre 1989 devenu l'article
L. 330-3 précité, contient notamment les éléments suivants : - identité de cette société avec son Kbis au 7 septembre 2006, ses chiffres d'affaires de 2002 à 2005 et l'évolution de son réseau de licenciés de 2004 à 2006, - contrat de licence de marque du 15 décembre 2003 entre Monsieur LE GOASCOZ et la compagnie BLEUE EMERAUDE, - comptes de résultat de celle-ci pour les 3 années 2003-2004-2005, - perspectives de développement sur le plan national, avec le détail des 48 agences possibles (dont 16 ouvertes et 3 réservées) et des ports en dépendant, - présentation du marché de la plaisance, - réseau des 17 licenciés sous contrat de marque ... dont Monsieur D'H, - chiffre d'affaires minimum à réaliser au titre de l'exploitation, - pré-contrat de réservation, - sommaire de la formation détaillé sur 5 pages, - contrat de licence de marque, - convention d'assistance, avec sommaire de la formation liée détaillé sur 4,5 pages, - site internet et logiciel ROYAL NAUTISME, - charges visuelles liées à l'usage de la marque dont les extérieur et intérieur de l'agence, - supports de communications, - chronologie des étapes avant ouverture.
Il est évident que certains de ces documents de la compagnie BLEUE EMERAUDE (comptes de résultat pour l'année 2005, Kbis au 7 septembre 2006, réseau de licenciés pour 2005 et 2006) n'ont été communiqués à la compagnie BLUE MARLIN qu'après l'attestation de remise du 20 août 2005 et le pré-contrat de réservation comme la facture de ce dernier du 22 septembre suivant, dans la mesure où ils font état de faits postérieurs; cependant Monsieur D'H ne s'est pas plaint de ces anomalies lorsqu'en mars 2007 il a décidé de résilier unilatéralement ses relations contractuelles avec la compagnie BLEUE EMERAUDE.
En outre le même ne démontre pas que lesdites anomalies aient eu pour effet de vicier son consentement lors de sa signature du contrat principal du 10 février 2006 ; de plus la Cour constate que : - les membres du réseau ROYAL NAUTISME étaient au nombre de 16 (dont 5 antérieurs à cette date) et pas de 27 comme le soutient la compagnie BLUE MARLIN ;- le nombre de places indiquée pour le port des EMBIEZ est bien de 750 (les 3 500 sont mentionnées par la compagnie BLEUE EMERAUDE en raison d'une erreur purement matérielle);
- celle-ci a communiqué ses résultats pour 2 années antérieures (2003 et 2004) aux premières signatures avec Monsieur D'H comme l'exige l'article
R. 330-1 du Code de Commerce ;
- aucune société n'a concurrencé la compagnie BLUE MARLIN pour l'agence de Bandol ;
- les différences entre le pré-contrat de réservation type et celui signé sont minimes ;
- Monsieur D'H n'a pas critiqué la formation contractuellement dispensée par la compagnie BLEUE EMERAUDE.
Le fait que l'activité de la compagnie BLUE MARLIN durant la première année ait abouti à un résultat déficitaire (9 371,00 euros pour 43 376,00 euros de produits d'exploitation), comme celle d'autres licenciés tels que les sociétés WILLBEST, PLAISIR D'O, PLAISIR EN MER, DREAM BOAT et ATLANTIDE YACHTING, ne caractérise pas une violation de l'obligation d'information puisque le contrat de licence de marque ne peut garantir un bénéfice dès le premier exercice comptable.
Par suite c'est à bon droit que le Tribunal de Commerce a écarté la violation de l'article
L. 330-3 du Code de Commerce par la compagnie BLEUE EMERAUDE et le vice du consentement de la compagnie BLUE MARLIN, laquelle n'est pas fondée à demander en appel la nullité des contrats par lesquels elle s'est engagée, que ce soit celui de licence de marque, la convention d'assistance et la convention de collaboration.
Le jugement sera en conséquence confirmé pour avoir débouté la compagnie BLUE MARLIN de l'ensemble de ses demandes, ainsi que pour l'avoir condamnée à payer la somme de 27 708,99 euros pour factures impayées, et pour avoir prescrit les restitution de documents et matériels ainsi que la cessation d'usage de ROYAL NAUTISME.
Début mai 2007 soit un peu plus d'un mois après avoir rompu avec la compagnie BLEUE EMERAUDE, la compagnie BLUE MARLIN a prévenu leurs clients qu'elle cessait son activité et qu'ils devaient s'adresser à l'agence ROYAL NAUTISME voisine à St Mandrier sur Mer. Si les clients AUTRET, DEPREZ et RENUCCI ont attesté ne pas avoir été satisfaits de Monsieur D'H, tout comme ses successeurs DAREY et FRUGIER, le préjudice que prétend en avoir subi la compagnie BLEUE EMERAUDE n'est pas justifié; il en est de même pour la dégradation de l'image de marque de cette société, et pour la perte des royalties et l'immobilisation du secteur géographique sans exploitation dans la mesure où ce successeur DAREY s'est installé en août 2007 soit rapidement après le départ de la compagnie BLUE MARLIN. Enfin le caractère abusif de la résiliation des contrats par cette dernière n'est pas démontré.Le jugement sera donc également confirmé pour avoir débouté la compagnie BLEUE EMERAUDE de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi.
Enfin la situation économique de l'appelante fait obstacle à la demande de l'intimée au titre des frais irrépétibles d'appel.
DECISION
La Cour, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire et prononcé par mise à disposition au Greffe.
Infirme le jugement du 24 février 2010 uniquement pour avoir condamné Monsieur Jean-Luc D'H à titre personnel, et confirme tout le reste du jugement. Rejette toutes autres demandes.
Condamne la S.A.R.L. CIE B MARLIN aux dépens d'appel, avec droit pour les Avoués de la cause de recouvrer directement ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article
699 du Code de Procédure Civile.