Cour de cassation, Troisième chambre civile, 12 février 2003, 01-03.176

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2003-02-12
Cour d'appel d'Amiens (chambre solennelle)
2000-11-20
Cass
1996-03-27

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS 17 / M. Léon Marguet, 18 / Mme Raymonde Boucly, épouse Marguet, 19 / M. Roger Denecker, demeurant 13, rue du Pont, Wasnes-au-Bac, 59252 Marquette-en-Ostrevant, 20 / M. Ligny, demeurant 122, boulevard Schumann, 62110 Hénin-Beaumont, 21 / M. Paul de Broucker, 22 / Mme Simone Benjamin, demeurant 40, avenue de Saint-Mandé, 75012 Paris, en cassation du même arrêt rendu au profit : 1 / de la société Lilloise assurances et réassurances, 2 / de M. Jean-Pierre Denglos, 3 / de la SMABTP, 4 / de M. Gérard Sailly, repris par M. Soinne, syndic de la LB société anonyme Duclau Gonçalves, demeurant 57, boulevard Mariette, 62200 Boulogne-sur-Mer, pris en qualité de syndic à la liquidation des biens de la société anonyme Duclau Gonçalves, ledit syndic ayant cessé ses fonctions en conséquence du jugement du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer en date du 13 février 1990 qui a clôturé la liquidation des biens de la société anonyme Duclau Gonçalves pour insuffisance d'actif, défendeurs à la cassation ; Sur le pourvoi n° Y 01-03.176 : La société Lilloise d'assurances et de réassurances a formé, par un mémoire déposé au greffe le 28 septembre 2001, un pourvoi incident contre le même arrêt ; Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Sur le pourvoi n° Q 01-03.306 : Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur recours, quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Joint les pourvois n° Y 01-03.176 et n° Q 01-03.306 ;

Sur le premier moyen

du pourvoi n° Q 01-03.306 : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 20 novembre 2000) rendu sur renvoi après cassation (CIV.3, 27 mars 1996 n° 633 D), que des sociétés civiles immobilières (les SCI), maîtres de l'ouvrage, assurées suivant police dommages ouvrage par la société Lilloise d'Assurances et de Réassurances (SLAR), ayant entrepris la construction de deux immeubles sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, ont chargé du gros-oeuvre la société Duclau-Goncalves, depuis lors en liquidation judiciaire ayant M. Y... comme liquidateur, assurée par la société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) ; que des désordres étant apparus, des copropriétaires ont assigné en réparation la SLAR et M. X..., qui a formé une demande en garantie contre la SMABTP ; qu'un arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 3 janvier 1994 a été cassé le 27 mars 1996, quant au rejet des demandes de 18 copropriétaires, en réparation des désordres affectant les parties communes ;

Attendu que M. Z... et autres copropriétaires font grief à

l'arrêt de ne pas mentionner le nom du magistrat l'ayant prononcé et d'être signé d'une manière illisible, alors, selon le moyen, que ces carences ne permettent pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur la régularité de la procédure suivie ; qu'ainsi l'arrêt attaqué a violé les articles 452, alinéa 1er et 456 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

qu'il est mentionné dans l'arrêt, qu'il a été rendu par une formation présidée par un magistrat, président de chambre faisant fonction de premier président, dont le nom est précisé ; Qu'à défaut d'indication contraire, il est à présumer que c'est ce magistrat qui l'a prononcé et qui en a signé la minute ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen

du pourvoi principal n° Y 01-03.176 et le moyen unique du pourvoi incident de la société Lilloise d'assurances et de réassurances, réunis : Attendu que, M. X... et la SLAR font grief à l'arrêt d'accueillir les demandes dirigées contre eux, alors, selon le moyen : 1 ) qu'en décidant que, par son arrêt du 27 mars 1996 cassant partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 3 janvier 1994, en ce qu'il avait débouté dix-huit copropriétaires de leurs demandes à l'encontre de l'architecte et de la SLAR, la recevabilité de leurs demandes en réparation des parties communes était revêtue de la chose jugée, la cour d'appel de renvoi a violé les articles 623, 624 et 631 du nouveau Code de procédure civile et 1351 du Code civil ; 2 ) que sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé ; qu'en affirmant que la question de la recevabilité de l'action des copropriétaires tendant à la réparation des désordres des parties communes était revêtue de l'autorité de la chose jugée, tout en constatant que, par arrêt du 27 mars 1996, la Cour de Cassation avait renvoyé dix-huit copropriétaires devant la juridiction de renvoi pour connaître de leur demande indemnitaire à ce titre, la cour d'appel a violé les articles 623, 624, 625 et 631 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que 1351 du Code civil ; 3 ) qu'en l'état du rejet par l'arrêt de la Cour de Cassation du 27 mars 1996 du moyen dirigé par le syndicat de copropriété entre le chef de l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 3 janvier 1994, l'ayant déclaré irrecevable dans son action en réparation des désordres affectant les parties communes, cette action en réparation, qui n'appartenait qu'au syndic, ne pouvait être exercée par les copropriétaires agissant individuellement ; qu'en ne recherchant pas si chacun des copropriétaires dont l'action était déclarée recevable avait un intérêt légitime à agir en raison d'un préjudice personnel dans la jouissance ou la propriété soit des parties privatives comprises dans son lot, soit des parties communes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale, au regard des articles 15, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 et 31 du nouveau Code de procédure civile, à sa décision qui condamne l'architecte à la réparation de la totalité des désordres des parties communes de l'un et l'autre des bâtiments ; 4 ) que les copropriétaires sont admis à exercer seuls les actions concernant la propriété ou la jouissance de leurs lots, à l'exclusion de celle tendant à la sauvegarde de l'immeuble, notamment, à l'occasion d'atteintes portées aux parties communes ; qu'en faisant droit à l'action individuelle des copropriétaires sans vérifier que chacun d'eux se trouvait en mesure de justifier d'un intérêt légitime caractérisé par un préjudice qui leur aurait été personnel, c'est-à-dire distinct de celui collectif subi par l'ensemble de la copropriété, et qui aurait concerné les deux bâtiments, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 15, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 ; 5 ) qu'en portant condamnation à l'architecte à payer audits copropriétaires seuls déclarés recevables une somme correspondant aux réparations des parties communes à charge par ceux-ci de réaliser ou de faire réaliser les travaux nécessaires à la réfection de ces désordres, la cour d'appel a violé l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 ; 6 ) qu'en condamnant l'assureur dommages-ouvrage à payer à neuf copropriétaires, seuls déclarés recevables, une somme représentant le coût des travaux de réfection concernant uniquement les parties communes, prononçant ainsi une condamnation au profit de la copropriété dans son ensemble, la cour d'appel a violé l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 ;

Mais attendu

qu'ayant constaté que la Cour de Cassation avait seulement cassé l'arrêt de la cour d'appel de Douai, ayant déclaré recevable la demande en réparation des désordres affectant les parties communes qui avait été présentée par les consorts Z... et autres en leur qualité de copropriétaires, en ce qu'il avait rejeté cette demande, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à la recherche de la justification par ces copropriétaires, d'un intérêt légitime à agir que ses constatations rendaient inopérante, que la recevabilité était revêtue de l'autorité de la chose jugée et que M. X... et la SLAR devaient être condamnés in solidum à payer aux huit copropriétaires ayant justifié de la propriété de leurs lots une indemnisation, dont elle a souverainement apprécié le montant, à charge pour eux de faire réaliser les travaux nécessaires à la réparation des désordres ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen

du pourvoi principal n° Y 01-03.176 :

Attendu que M. X... fait grief à

l'arrêt de rejeter son appel en garantie contre la SMABTP, alors, selon le moyen, que la décision judiciaire, qui condamne un assuré à raison de sa responsabilité constitue pour l'assureur qui a garanti celle-ci dans ses rapports avec la victime la réalisation, tant dans son principe que dans son étendue, du risque couvert ; que la responsabilité de l'entreprise Duclau Goncalves, en liquidation, ayant été établie par un rapport d'expertise opposable à celle-ci et déclarée par le jugement pour l'ensemble des désordres, l'arrêt infirmatif attaqué, qui déclare recevable, mais non fondée, l'action de l'architecte contre l'assureur de cet entrepreneur, au seul motif que le rapport d'expertise serait inopposable audit assureur, a violé l'article L. 113-5 du Code des assurances ;

Mais attendu

qu'ayant constaté que la fixation du montant de la réparation des dommages et les condamnations qui avaient été prononcées contre l'architecte X..., avaient été fixés au vu des éléments contenus dans le rapport d'expertise judiciaire, la cour d'appel, qui a retenu que ce rapport n'était pas opposable à la SMABTP, puisqu'elle n'avait pas été convoquée à ses opérations et qu'il n'était pas davantage acquis aux débats qu'il lui avait été communiqué ou qu'il l'avait été à ses conseils, a pu en déduire que M. X... devait être débouté de l'appel en garantie dirigé à son encontre ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen

du pourvoi n° Q 01-03.306 :

Attendu que M. Z... et autres copropriétaires font grief à

l'arrêt de n'accueillir que partiellement leur demande, alors, selon le moyen : 1 ) que chacun des responsables d'un même dommage devant être condamné à le réparer en totalité, il n'y a pas lieu de tenir compte au préjudice de la partie lésée d'un quelconque partage de responsabilité entre le syndicat des copropriétaires et les constructeurs, qui n'affecte que les rapports entre les divers responsables ; 2 ) que la responsabilité personnelle des copropriétaires n'a pas été revendiquée par les conclusions d'appel des constructeurs et ne pouvait donc leur être opposée d'office, sans que les parties y aient été invitées à s'en expliquer ; 3 ) que la responsabilité des copropriétaires, dont l'arrêt relève qu'ils étaient au nombre de vingt-deux, ne pouvait être opposée à huit d'entre eux, déclarés seuls recevables en leur action ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé les articles 1382 du Code civil, 16, alinéa 3, et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

qu'ayant constaté que les désordres affectant les parties communes avaient été aggravés par une négligence fautive constituée par un défaut généralisé de maintenance, d'entretien et par le fait que les travaux préconisés par le premier expert n'avaient pas été réalisés en leur temps, la cour d'appel, qui a retenu que cette faute était également imputable aux copropriétaires, qui, bien qu'ayant connaissance du rapport d'expertise et de la nécessité de procéder à des travaux, ne s'étaient pas opposés à l'attitude passive du syndicat, a pu en déduire, sans être tenue d'inviter les parties à s'expliquer, spécialement sur un partage dont les éléments de fait et de droit étaient dans le débat, que, compte tenu de la gravité et de la persistance dans le temps de cette négligence, il convenait de dire que M. X... et la SLAR ne seraient tenus de réparer les conséquences des désordres, que dans une proportion qu'elle a souverainement définie ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen

du pourvoi n° Q 01-03.306 :

Attendu que M. Z... et les autres copropriétaires font grief à

l'arrêt de rejeter le surplus de leur demande sans aucun motif, alors, selon le moyen, que ce surplus de leurs prétentions concernait les dégâts intérieurs qu'ils avaient subis, au même titre que les désordres affectant les parties communes ;

Mais attendu

que la cour d'appel n'ayant pas statué, en dépit de la formule générale du dispositif disant le surplus des prétentions respectives des parties mal fondées et les en déboutant, sur les demandes présentées par les huit copropriétaires recevables, en réparation des désordres intérieurs et de leur trouble de jouissance, cette omission, qui peut être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du nouveau Code de procédure civile, n'ouvre pas la voie de la cassation ; D'où il suit que le moyen est irrecevable ;

Mais sur le troisième moyen

du pourvoi n° Q 01-03.306 :

Vu

l'article 1351 du Code civil ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande des copropriétaires autres que MM. A..., B..., C..., Mmes D..., Denise E..., Annick E..., F... et les époux G... H..., l'arrêt retient

que ceux-là, n'ayant pas justifié de leur qualité de propriétaires de lots dans les copropriétés en cause, ne prouvent pas qu'ils ont un intérêt à agir en réparation des désordres litigieux ;

Qu'en statuant ainsi

, alors que la cour d'appel de Douai avait, dans les dispositions propres et adoptées de son arrêt, confirmatives du jugement, retenant la recevabilité dans son dispositif et, ainsi, revêtues de l'autorité de la chose jugée, déclaré recevable l'action des dix-huit copropriétaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare les copropriétaires présents en la cause, autres que MM. A..., B..., C..., Mmes D..., Denis E..., Annick E..., F... et les époux G... H..., irrecevables en leurs demandes de réparation des désordres, l'arrêt rendu le 20 novembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ; Condamne, ensemble, M. X... et la société Lilloise assurances et réassurances aux dépens des pourvois ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toutes demandes de ce chef ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du douze février deux mille trois par M. Chemin conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.