Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 et 28 juin 2023, la société
France Maccaferri, représentée par Me
Rouchon, demande au juge des référés :
1°) d'annuler, sur le fondement des dispositions de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative, la procédure de passation n° 22-AOR-F003 mise en œuvre par la société
Expertise France relative à un accord-cadre ayant pour objet la fourniture et la livraison de gabions au profit du Togo ;
2°) d'enjoindre à
Expertise France de reprendre la procédure de passation de l'accord-cadre au stade de l'analyse des offres ;
3°) de mettre à la charge d'
Expertise France la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les capacités techniques, financières et professionnelles de la société attributaires sont insuffisantes ;
Expertise France n'a pas procédé à l'appréciation de ces capacités ; ce manquement l'a lésée ;
- le délai de validité des offres n'a pas été respecté ; la décision de rejet du 30 mai 2023 intervient à une date postérieure à ce délai fixé au 25 mai 2023 ;
- l'écart de prix ne peut s'expliquer que par le fait que les fournitures émanent d'un pays tiers à l'accord sur les marchés publics ;
- l'offre de la société attributaire était irrégulière ; les fournitures ne respectent pas les normes NF EN10244-2 concernant la galvanisation et NF EN10223-8 concernant les soudures ; la norme STANAG 2280 doit faire l'objet d'une certification non obtenue par la société attributaire ; l'allongement des fils doit être de 5 à 10 % maximum dont il n'est pas établi que la société attributaire le respecte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2023, la société Marck et Balsan, représentée par Me
Levain, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société
France Maccaferri la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative est incompétente ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2023, la société
Expertise France, représentée par Me
Boda, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société
France Maccaferri la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la société requérante ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 ;
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme Le Roux, vice-présidente de section, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Roux,
- et les observations de Me
Rouchon, représentant la société
France Maccaferri, de Me
Boda, représentant la société
Expertise France et de Me
Levain, représentant la société Marck et Balsan.
La société requérante a précisé, à l'audience, qu'elle abandonnait le moyen tiré de ce que l'écart de prix ne peut s'expliquer que par le fait que les fournitures émanent d'un pays tiers à l'accord sur les marchés publics.
Considérant ce qui suit
:
1. la société
France Maccaferri, dont l'offre a été rejetée, demande au juge des référés, d'annuler, sur le fondement des dispositions de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative, la procédure de passation n° 22-AOR-F003 mise en œuvre par la société
Expertise France relative à un accord-cadre ayant pour objet la fourniture et la livraison de gabions au profit du Togo.
2. Aux termes de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ".
3. Aux termes de l'article
L. 6 du code de la commande publique : " S'ils sont conclus par des personnes morales de droit public, les contrats relevant du présent code sont des contrats administratifs () ". Il résulte des termes mêmes de l'article
L. 6 du code de la commande publique que les contrats relevant de ce code ne sont des contrats administratifs que s'ils sont conclus par des personnes de droit public. Les contrats conclus entre personnes privées sont en principe des contrats de droit privé, hormis le cas où l'une des parties agit pour le compte d'une personne publique ou celui dans lequel ils constituent l'accessoire d'un contrat de droit public.
4. Aux termes de l'article
12 de la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat : " I. - L'établissement public dénommé : " Agence française d'expertise technique internationale " est transformé en société par actions simplifiée dénommée : "
Expertise France " à la date de la publication du décret fixant les statuts initiaux de la société, qui intervient dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Son capital est public. A la date de sa transformation, il est entièrement détenu par l'Agence française de développement./La société
Expertise France est soumise au présent article et, dans la mesure où elles ne lui sont pas contraires, aux dispositions du chapitre Ier du titre Ier ainsi qu'aux dispositions législatives applicables aux sociétés par actions simplifiées et à celles applicables aux sociétés dans lesquelles l'Etat détient directement ou indirectement une participation.// II.-La société
Expertise France exerce une mission de service public en concourant à la promotion de l'assistance technique et de l'expertise internationale publique françaises à l'étranger, sur financements bilatéraux et multilatéraux. Elle inscrit son action dans le cadre de la politique extérieure de coopération au développement, d'influence et de diplomatie économique de la France, en relation avec les ministères et les organismes concernés par la mise à disposition ou le détachement d'experts publics et dans le cadre des orientations stratégiques définies par l'Etat. Elle appuie les collectivités territoriales et leurs groupements, en particulier celles et ceux d'outre-mer, dans la mise en œuvre de leurs actions en matière de politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.// ".
5. Il résulte de ces dispositions que la société
Expertise France, établissement public industriel et commercial a été transformé en société par actions simplifiée le 1er janvier 2022, date de publication du décret du 30 décembre 2021 portant approbation des statuts de la société
Expertise France. Si cette société est soumise au contrôle économique et financier de l'Etat, elle est une personne de droit privé. Il ne résulte pas de l'instruction, au vu notamment des statuts de cette société et du contrôle exercé sur elle par l'Etat, qu'une ou des personnes publiques contrôlerait, seule ou conjointement avec d'autres personnes publiques, son organisation et son fonctionnement dans des conditions telles que la société devrait être regardée comme " transparente ". Il ne résulte pas de l'instruction que la société
Expertise France aurait agi, pour la passation du marché en cause, au nom et pour le compte d'une personne publique et non, en son nom et pour son propre compte. Ce contrat ne constitue pas, par ailleurs, l'accessoire du contrat de droit public. La circonstance que le contrat emporterait participation à un service public est sans aucune incidence sur sa qualification. Il suit de là que la juridiction judiciaire est compétente pour connaître du présent litige relatif à la procédure de passation, par cette société, avec une autre personne privée, d'un marché ayant la nature d'un contrat de droit privé.
6. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société
France Maccaferri doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
7. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la société
France Maccaferri au titre des frais de l'instance soit mise à la charge de la société
Expertise France, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société
France Maccaferri la somme que demandent les sociétés
Expertise France et Marck et Balsan sur le fondement des mêmes dispositions.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la société
France Maccaferri est rejetée comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : Les conclusions présentées par les parties à l'instance sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société
France Maccaferri, à la société
Expertise France et à la société Marck et Balsan.
Fait à Paris, le 5 juillet 2023.
Le juge des référés,
M.-O. Le Roux
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.