Cour d'appel de Dijon, Chambre 1, 7 février 2023, 21/00978

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Dijon
  • Numéro de pourvoi :
    21/00978
  • Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :tribunal de grande instance de Dijon, 1 mars 2017
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/63e34f07500dc805de37d07d
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Dijon
2023-02-07
tribunal judiciaire de Dijon
2021-06-08
tribunal de grande instance de Dijon
2017-03-01

Texte intégral

VCF/IC S.A.R.L. CARRE ROUGE C/ MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le COUR D'APPEL DE DIJON 1ère chambre civile

ARRÊT

DU 07 FEVRIER 2023 N° RG 21/00978 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FX76 MINUTE N° Décision déférée à la Cour : jugement du 08 juin 2021, rendu par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 20/838 APPELANTE : S.A.R.L. CARRE ROUGE agissant poursuites et diligences de son représentant légal demeurant de droit au siège : [Adresse 3] [Localité 2] représentée par Me Pierre Henry BILLARD, membre de la SELARL PIERRE HENRY BILLARD AVOCAT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 36 INTIMÉE : MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES agissant poursuites et diligences par son représentant légal domicilié de droit au siège social : [Adresse 1] [Localité 4] représentée par Me Dominique HAMANN, membre de la SCP HAMANN - BLACHE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 56 COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 06 décembre 2022 en audience publique devant la cour composée de : Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, ayant fait le rapport, Sophie BAILLY, Conseiller, Leslie CHARBONNIER, Conseiller, qui en ont délibéré. GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 07 février 2023, ARRÊT : rendu contradictoirement, PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES A compter de décembre 2013, la SARL Carré Rouge a exploité un fonds de commerce de vente de vêtements, notamment de la marque Unkut, dans des locaux sis au [Adresse 3] à [Localité 2], qui lui étaient loués selon bail commercial. Le 28 décembre 2015, un incendie, manifestement d'origine criminelle mais dont les auteurs n'ont pas été identifiés, s'est déclaré dans ces locaux. La SARL Carré Rouge n'a pas repris son activité. Selon contrat ayant pris effet le 17 mars 2015, la SARL Carré Rouge avait souscrit auprès de la société MMA une assurance Pro-Pme couvrant notamment les risques incendie et pertes d'exploitation après incendie. Par ordonnance du 1er mars 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Dijon, saisi par la SARL Carré Rouge, a : - condamné les MMA à payer à la SARL Carré Rouge la somme de 6 772 euros à titre provisionnel, - ordonné une expertise confiée à M. [U] [X] [C], expert comptable, avec pour mission de fournir tous éléments techniques propres à permettre à la juridiction de déterminer la valeur du fonds de commerce exploité par la SARL Carré Rouge au jour du sinistre. M. [C] a déposé son rapport le 27 juillet 2017 en concluant à une non-valeur du fonds de commerce. Par acte du 10 novembre 2017, la SARL Carré Rouge a fait assigner les MMA devant le tribunal de grande instance de Dijon, en lui demandant essentiellement de : - fixer la valeur de son fonds de commerce à 44 370 euros, en application de la méthode d'évaluation retenue par l'administration fiscale ; subsidiairement, ordonner une nouvelle expertise comptable pour déterminer sa perte d'exploitation sur l'exercice du 1er janvier au 31 janvier 2016, déterminer la valeur de son fonds de commerce au jour du sinistre, et se prononcer sur tous autres préjudices financiers, - très subsidiairement, dire et juger que la compagnie d'assurances a commis une faute contractuelle et qu'il en est résulté un préjudice pour elle et en conséquence, condamner les MMA à lui payer des dommages-intérêts à hauteur de 57 500 euros - en toute hypothèse, condamner les MMA à lui verser la somme de 4 399,60 euros HT en réparation de son préjudice matériel resté à charge, déduction faite de la provision versée en référé. Par jugement du 8 juin 2021, le tribunal judiciaire de Dijon, après avoir rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la société MMA, a débouté la SARL Carré Rouge de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire, la société MMA étant déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. La SARL Carré Rouge a relevé appel de cette décision par déclaration du 21 juillet 2021. Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 20 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la SARL Carré Rouge demande à la cour, au visa du contrat d'assurance et de l'article 1147 du code civil, de : - confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé que son action était recevable, - la réformer pour le surplus,

En conséquence

, - dire et juger que la valeur de son fonds de commerce est de 44.370,00 euros en application de la méthode d'évaluation retenue par l'administration fiscale. Subsidiairement, - ordonner une expertise comptable confiée à tel expert qu'il plaira, avec mission de : - se faire remettre tous documents comptables et fiscaux utiles à sa mission, - se faire assister du sapiteur de son choix, et entendre au besoin tout sachant, - déterminer la perte d'exploitation qu'elle a subie sur l'exercice du 1er janvier au 31 janvier 2016, - déterminer la valeur du fonds de commerce au jour du sinistre, - se prononcer sur tous ses autres préjudices financiers - dire et juger que l'expertise se fera aux frais avancés du demandeur. Très subsidiairement, - dire et juger que la compagnie MMA a commis une faute dans l'exécution du contrat liant les parties et qu'il en est résulté un préjudice pour elle, - en conséquence, condamner la compagnie MMA à lui verser la somme de 57 500,00 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, - en toute hypothèse, condamner la compagnie MMA à lui verser la somme de 4 399,60 euros HT en réparation de son préjudice matériel resté à charge, déduction faite de la provision versée en référé, - condamner la compagnie MMA à lui verser la somme de 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner la compagnie MMA aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire. Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 10 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la société MMA IARD Assurances Mutuelles demande à la cour de : - confirmer le jugement entrepris, la SARL Carré Rouge étant mal fondée en son appel, - y ajoutant, condamner la SARL Carré Rouge aux dépens d'appel et à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La clôture de la procédure a été prononcée le 6 octobre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la demande principale tendant à la détermination de la valeur du fonds de commerce ou de la perte d'exploitation subie La SARL Carré Rouge demande à la cour de 'dire et juger' que la valeur de son fonds de commerce est de 44 370,00 euros en application de la méthode d'évaluation retenue par l'administration fiscale et au besoin, avant dire droit sur ce point et sur celui de la perte d'exploitation au mois de janvier 2016, d'ordonner une expertise judiciaire. Cette demande tendant à la détermination de la valeur de son fonds de commerce ou de la perte d'exploitation subie, ne constitue pas une prétention au sens des articles 4, 30 et 53 du code de procédure civile. D'ailleurs, la valeur du fonds de commerce est un fait dont pouvait dépendre la solution d'un litige, ce qui, à la demande de l'appelante, a conduit le juge des référés du tribunal de grande instance de Dijon à ordonner une expertise afin d'en établir la preuve, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. La détermination de la valeur du fonds de commerce ou de la perte d'exploitation subie ne pourrait constituer qu'un moyen susceptible de fonder une prétention tendant à la condamnation de la société MMA à payer à la SARL Carré Rouge, en exécution du contrat d'assurance qu'elle avait souscrit, une indemnité égale à la valeur de son fonds de commerce ou à la perte d'exploitation subie. Sur ce point, la cour observe qu'il résulte effectivement des conditions générales et particulières du contrat, qu'au titre de la garantie pertes d'exploitation après incendie, - des indemnités peuvent être servies sauf si l'assuré ne reprend pas son activité (cf ci-dessous) - la perte de la valeur vénale du fonds de commerce peut être indemnisée sous certaines conditions dont la société MMA soutient à juste titre qu'elles ne sont pas toutes remplies ; il en est ainsi de l'obligation faite à l'assuré de ne pas accepter la résiliation du bail commercial sans l'accord de l'assureur. En l'espèce, aucune prétention tendant à la condamnation de la société MMA à payer à la SARL Carré Rouge une indemnité compensant la perte de la valeur vénale de son fonds de commerce ou la perte d'exploitation subie - n'a été formée et n'a donc été tranchée en première instance, même si dans sa déclaration d'appel, la SARL Carré Rouge demande l'infirmation de la décision entreprise en qu'elle a été déboutée de sa demande 'tendant à voir MMA Iard condamnée contractuellement à lui verser au principal une indemnisation de 44 370 euros en réparation de son préjudice économique' - n'est soumise à la cour. En conséquence, la cour n'étant tenue de statuer que sur les prétentions des parties, elle n'examinera pas la demande principale de la société Carré Rouge. Sur la demande subsidiaire tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société MMA Selon les conditions générales du contrat liant les parties, aucune indemnité pour perte d'exploitation après incendie n'est due en cas de cessation d'activité après sinistre, sauf si cette cessation résulte d'un événement postérieur au sinistre et indépendant de la volonté de l'assuré. La SARL Carré Rouge reproche à la société MMA de lui opposer cette clause alors que si elle a été contrainte de cesser son activité, c'est en raison de l'absence de versement par l'intimée des indemnités, ne seraient-ce que provisionnelles, auquel elle était tenue, indemnités qui lui auraient permis de disposer de la trésorerie utile pour acheter de nouveaux vêtements afin de poursuivre l'exploitation de son fonds de commerce et de prendre position, à l'égard du propriétaire des locaux, en faveur de la poursuite du bail commercial. Pour que l'action en responsabilité contractuelle engagée par la SARL Carré Rouge prospère, il lui appartient d'établir que la société MMA a commis une faute en lien de causalité avec le préjudice dont elle demande réparation. ' Sur la faute La cour constate que la SARL Carré Rouge ne justifie d'aucune démarche positive auprès de son assureur aux fins d'indemnisation entre le 4 mars 2016, date du courrier par lequel la société MMA l'a informée qu'elle attendait les conclusions de l'enquête pénale avant de prendre position sur la prise en charge du sinistre, et le 10 janvier 2017, date de saisine du juge des référés aux fins notamment de paiement d'une provision. La SARL Carré Rouge n'a notamment pas pris attache avec la société MMA à l'automne 2016, lorsqu'elle a été avisée que les travaux dans les locaux de la bailleresse allaient être terminés et qu'elle pourrait en reprendre l'exploitation à compter du 1er novembre 2016. Par ailleurs, ce n'est qu'à compter du rapport de la SAS Texa daté du 13 décembre 2016 que la société MMA aurait pu utilement 'revenir vers' son assurée ainsi qu'elle s'y était engagée dans son courrier du 4 mars 2016. Or, moins d'un mois après ce rapport, elle a été assignée en référé expertise et provision. Ce délai ne peut pas être considéré comme déraisonnable, surtout à cette époque de l'année. Ainsi aucune négligence dans le traitement du dossier ne peut être imputée à la société MMA, étant rappelé que dans le cadre de l'instance en référé, elle ne s'est pas opposée au versement d'une provision à hauteur de l'évaluation des dommages telle qu'elle ressortait du rapport de la SAS Texa, sous déduction de la franchise contractuelle. ' Sur le lien de causalité La question de la poursuite de l'activité commerciale ne s'est en l'espèce réellement posée que lorsque les locaux de la bailleresse ont été remis en état soit à l'automne 2016. Il ressort du courrier du conseil de la bailleresse au gérant de la SARL Carré Rouge en date du 28 octobre 2016, que celle-ci avait allégué ne plus pouvoir assumer la location du local commercial en raison d'un manque de trésorerie. Cette circonstance est également invoquée pour soutenir que l'achat de nouveaux vêtements n'était pas possible. Ce manque de trésorerie n'est toutefois manifestement pas imputable à une faute de la société MMA. En effet il ressort des éléments comptables tels que l'expert judiciaire les a justement analysés que le manque de trésorerie de la SARL Carré Rouge est lié au fait que ses associés ont, au cours de l'exercice comptable 2015, obtenu le remboursement de leur compte courant à hauteur de 17 500 euros. Cette opération qui ne peut pas être regardée comme indépendante de la volonté de l'assurée, n'est intervenue que pour partie seulement postérieurement à l'incendie, à hauteur d'une somme globale supérieure à celle des achats de marchandises de toute l'année 2015 (10 081 euros). En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Carré Rouge de sa demande indemnitaire, la responsabilité contractuelle de la société MMA n'étant pas engagée. Sur la demande en réparation du préjudice matériel Déduction faite de la provision de 6 772 euros que la société MMA a réglée, la SARL Carré Rouge réclame la somme de 4 399,60 euros correspondant à la perte d'une caisse enregistreuse qu'elle justifie avoir d'une part acquise le 14 novembre 2013, selon facture émise par l'entreprise Caisse Online.Com et d'autre part mise à jour selon facture émise le 5 janvier 2015 par la SARL LP Com Phoneo. Toutefois, aucun vestige de ce matériel n'a été retrouvé sur les lieux postérieurement à l'incendie et par ailleurs, l'expert judiciaire a relevé qu'un tel outil n'était manifestement pas utilisé pour la tenue des comptes de la société Carré Rouge en 2015. En conséquence, il convient également de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Carré Rouge de cette demande. Sur les frais de procès Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a mis les dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise judiciaire, à la charge de la société Carré Rouge, qui devra également supporter les dépens d'appel. Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu'en faveur de la société MMA qui ne demande pas l'infirmation de la disposition du jugement déféré ayant rejeté la demande qu'elle avait présentée en première instance sur le fondement de ce texte. Au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel, il est alloué à l'intimée la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

, La cour, Constate que la demande de la SARL Carré Rouge de 'dire et juger', au besoin après une expertise, que la valeur de son fonds de commerce est de 44 370,00 euros, ne la saisit d'aucune prétention, Confirme le jugement dont appel, Y ajoutant, Condamne la SARL Carré Rouge : - aux dépens d'appel, - à payer à la société MMA Iard assurances mutuelles la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Le Greffier, Le Président,