Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème Chambre, 16 décembre 2021, 19LY02555

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
  • Numéro d'affaire :
    19LY02555
  • Type de recours : Fiscal
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Lyon, 7 mai 2019
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000044552943
  • Rapporteur : Mme Pascale DECHE
  • Rapporteur public :
    M. VALLECCHIA
  • Président : M. BOURRACHOT
  • Avocat(s) : DEGROUX BRUGERE & ASSOCIES - DBA
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Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Lyon
2021-12-16
Tribunal administratif de Lyon
2019-05-07

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure La société par actions simplifiée (SAS) Citya Bourguignon Palluat a demandé au tribunal administratif de Lyon : - à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 et des pénalités correspondantes ; - à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la seule cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011. Par un jugement n° 1701862 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 juillet 2019 et 16 juillet 2020, la SAS Citya Bourguignon Palluat, représentée par Me Ballet, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 mai 2019 ; 2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions et pénalités susmentionnées, et à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la seule cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la créance de la banque BNP Paribas Fortis qui ne pouvait se voir opposer la mention de l'abandon de créance figurant dans le protocole du 6 septembre 2010 continuait d'exister en janvier 2011 et la rémunération versée à la société Ulysse Investissement en contrepartie de son intervention constituait bien une charge déductible tant dans son principe que dans son montant, de son résultat fiscal en 2011 ; - en tout état de cause, le profit exceptionnel constaté en 2011 n'a pas été rattaché au bon exercice ; - la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé la charge litigieuse est déductible et l'administration ne pouvait réintégrer les sommes versées à ce titre, dans le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée due, entraînant ainsi un rehaussement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises injustifié ; - les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées. Par un mémoire enregistré le 20 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la requérante ne produit aucun élément permettant de justifier de la réalité et de la matérialité de la prestation rendue par la société Ulysse Investissement, alors que le protocole du 6 septembre 2010 prévoit l'abandon de la créance litigieuse et ce protocole a été homologué le 30 septembre 2010 par jugement du tribunal de commerce de Nanterre ; - à titre subsidiaire, le montant de la rémunération accordée à la société Ulysse Investissement paraît disproportionné ; - les pénalités pour manquement délibéré sont justifiées ; - le bilan d'ouverture de l'exercice 2011, premier exercice non prescrit, étant intangible, il ne peut être fait droit à la demande de la requérante de rattachement du profit exceptionnel à un exercice antérieur ; - compte tenu de ce qui a été dit, la demande de la requérante concernant la taxe sur la valeur ajoutée et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises doit être rejetée. Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure, - les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public, - et les observations de Me Ballet, représentant le SAS Citya Bourguignon Palluat ;

Considérant ce qui suit

: 1. La SAS Citya Bourguignon Palluat, qui exerce une activité de gestion et d'administration d'immeubles et de transactions immobilières a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. A l'issue de ce contrôle, par une proposition de rectification du 16 décembre 2014, l'administration a notamment remis en cause, au titre de l'exercice clos en 2011, le caractère déductible de sommes correspondant à la rémunération de prestations réalisées par la société Ulysse Investissement pour un montant de 2 911 157 euros. La SAS Citya Bourguignon Palluat relève appel du jugement du 7 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 et des pénalités correspondantes. 2. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. 3. Il ressort du protocole de conciliation relatif aux conditions de reprise du réseau Urbania, dont la SAS Citya Bourguignon Palluat fait partie, par la société IPE Gestion, par le biais de sa filiale Ulysse Investissement qui a été signé le 6 septembre 2010 et homologué par le tribunal de commerce de Nanterre le 30 septembre 2010 que les établissements financiers devaient accorder des abandons de créances aux filiales du groupe Urbania. La requérante fait valoir que ce protocole ne concernait pas la créance d'un montant de 9 547 902 euros qu'elle avait contractée auprès de la banque BNP Paribas Fortis, dès lors que cette banque n'était pas partie au protocole de conciliation et que le 11 janvier 2011, elle a signé une convention de prestation de services avec la société Ulysse Investissement aux termes de laquelle cette dernière devait engager les discussions, négocier et obtenir de la part de la banque BNP Paribas Fortis un accord formalisé et écrit concernant l'abandon de la créance qu'elle avait contracté auprès de cet établissement en contrepartie d'une rémunération égale à 30 % de l'abandon formellement consenti. Pour remettre en cause le caractère déductible de la charge exceptionnelle d'un montant de 2 911 157 euros, correspondant à la rémunération versée à la société Ulysse Investissement en contrepartie de sa prestation et comptabilisée par la requérante au titre de l'exercice clos en 2011, l'administration a estimé que l'abandon de créance litigieux avait été consenti par la banque BNP Paribas Fortis dès la date de signature du protocole du 6 septembre 2010 en se fondant notamment sur son article 5.3 qui indique que " Le solde de la créance BNP Paribas Fortis a été abandonné sous la réserve de l'Homologation Définitive du Protocole " et sur le jugement d'homologation du 30 septembre 2010 qui indique qu'" aux termes du protocole d'accord, la créance BNP FORTIS est abandonnée sous réserve de l'homologation du plan ". L'administration en a déduit que la rémunération versée à la société Ulysse Investissement ne pouvait avoir pour objet l'obtention d'un abandon de créance qui avait déjà été acquis. La requérante soutient à juste titre que le protocole de conciliation du 6 septembre 2010 n'était juridiquement pas opposable à la banque BNP Paribas Fortis qui ne l'avait pas signé et que la créance litigieuse n'a été effectivement abandonnée par cette banque que le 20 décembre 2011 ainsi qu'il ressort du relevé bancaire produit à l'instance. Toutefois, et alors que l'administration pouvait prendre en compte le protocole précité du 6 septembre 2010 comme un indice de la réalisation de l'abandon de créance litigieux, la requérante n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité et la matérialité de la prestation rendue par la société Ulysse Investissement. Ainsi, l'administration qui démontre l'absence de réalité et de matérialité de la prestation rendue par la société Ulysse Investissement concernant l'abandon de la créance litigieuse établit l'absence de contrepartie au versement de la somme de 2 911 157 euros à cette société. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé d'accepter la déduction de cette somme. 4. En deuxième lieu, la circonstance que la société Ulysse Investissement aurait acquitté l'ensemble de la taxe sur la valeur ajoutée sur la facture correspondant à la prestation litigieuse n'ouvre pas droit à déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée pour la société requérante, dès lors que cette facture avait un caractère fictif. 5. En dernier lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004 applicable à l'espèce : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation./ 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit./ Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé./ Les corrections des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résultat imposable lorsqu'elles affectent l'actif du bilan. (...) ". 6. Dans l'hypothèse où, en application des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209, le bénéfice imposable d'un exercice a été déterminé par différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice et où son montant a servi de base à une imposition qui est devenue définitive en raison de l'expiration du délai de répétition, les erreurs qui ont entraîné une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net ressortant du bilan de clôture dudit exercice peuvent être ultérieurement corrigées, à l'initiative du contribuable ou à celle de l'administration à la suite d'une vérification, dans les bilans des exercices non couverts par la prescription et par suite dans les bilans d'ouverture de ces exercices à l'exception du premier. 7. La requérante reproche à l'administration de ne pas avoir tiré les conséquences de ses rectifications et demande que le profit exceptionnel constaté à hauteur de 2 911 157 euros soit rattaché à son exercice clos en 2010. Il est constant que la somme de 2 911 157 euros figurait au bilan de l'exercice contrôlé clos en 2011. En application de la règle d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit mentionnée au 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, cette anomalie ne pouvait être rectifiée, au titre de l'exercice antérieur prescrit au cours duquel l'abandon de créances était intervenu, mais au titre de ce premier exercice non prescrit. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a refusé de rattacher à l'exercice clos en 2010, le profit né de l'abandon de créances précité. Sur les pénalités : 8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". 9. Pour justifier de l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue par ces dispositions l'administration a estimé que la requérante ne pouvait ignorer l'absence de contrepartie au versement en 2011 de la somme de 2 911 157 euros au profit de la société Ulysse Investissement en rémunération de la négociation d'un abandon de créance acquis dès 2010 du fait d'un accord où elle était représentée. Si la société requérante renvoie à son argumentation précédemment exposée concernant l'absence d'opposabilité du protocole de conciliation du 6 septembre 2011 à la banque BNP Paribas Fortis qui ne l'avait pas signé, et la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée de faire appel à la société Ulysse Investissement pour obtenir l'abandon de créance litigieux, compte tenu de ce qui a été dit précédemment concernant l'absence d'élément permettant d'établir la réalité et la matérialité de la prestation par la société Ulysse Investissement, ainsi que du caractère significatif du montant rectifié, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'existence d'un manquement délibéré. 10. Il résulte de ce qui précède que la SAS Citya Bourguignon Palluat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Citya Bourguignon Palluat est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Citya Bourguignon Palluat et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021 à laquelle siégeaient : M. Bourrachot, président de chambre, Mme Dèche, présidente assesseure, Mme Le Frapper, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 décembre 2021. 4 N° 19LY02555 ar