INPI, 21 octobre 2021, OP 21-1463

Mots clés produits · BOSS · société · renommée · presse · risque · signe · vêtements · terme · pages · enregistrement · opposition · opposante · similaires · international

Synthèse

Juridiction : INPI
Numéro affaire : OP 21-1463
Domaine de propriété intellectuelle : OPPOSITION
Marques : BOSSA NOVA ; BOSS
Numéros d'enregistrement : 1573612 ; 49221
Parties : HUGO BOSS TRADE MARK MANAGEMENT GmbH & Co KG (Allemagne) / OBSHCHESTVO S OGRANICHENNOY OTVETSTVENNOSTYU "MASHUK"

Texte

OPP 21-1463 Le 21/10/2021

DECISION

STATUANT SUR UNE OPPOSITION

LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE ;

Vu l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques révisé du 14 avril 1891, le Protocole relatif à cet Arrangement adopté le 27 juin 1989 et le règlement d'exécution du 1 er avril 1996 ;

Vu le règlement (UE) n° 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 ;

Vu le code de la propriété intellectuelle et notamment ses articles L 411-4, L 411-5, L 712-3 à L 712-5-1, L 712-7, L-713-2, L 713-3, R 411-17, R 712-13 à R 712-19, R 712-21, R 712-26 et R 718-2 à R 718-5 ;

Vu l’arrêté du 24 avril 2008 modifié, relatif aux redevances de procédure perçues par l'Institut national de la propriété industrielle ;

Vu la décision modifiée n° 2014-142 bis du Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle relative aux conditions de présentation et au contenu du dossier des demandes d'enregistrement de marques ;

Vu la décision n° 2019-158 du Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle relative aux modalités de la procédure d’opposition à enregistrement d’une marque.

I.-

FAITS ET PROCEDURE



La société OBSHCHESTVO S OGRANICHENNOY OTVETSTVENNOSTYU "MASHUK" est titulaire de l’enregistrement international n° 1573612 portant sur le signe complexe BOSSA NOVA.

Le 2 avril 2021, la société HUGO BOSS TRADE MARK MANAGEMENT GmbH & Co KG (société à responsabilité limitée de droit allemand) a formé opposition à l’enregistrement de cette marque sur la base de la marque de l’Union européenne verbale BOSS déposée le 1 er avril 1996, enregistrée sous le n°49221 et régulièrement renouvelée, sur le fondement d’une atteinte à sa renommée.

L'opposition a été notifiée à l’OMPI pour qu’elle la transmettre au titulaire de l’enregistrement international contesté. Cette notification l’invitait à présenter des observations en réponse à l'opposition dans un délai de deux mois suivant les quinze jours de son émission.

Aucune observation en réponse à l'opposition n'ayant été présentée à l'Institut dans le délai imparti, la phase d’instruction a pris fin, ce dont les parties ont été informées. 2

II.- DECISION

Sur le fondement de l’atteinte à une marque de renommée

Le titulaire d’une marque jouissant d’une renommée en France ou, dans le cas d'une marque de l'Union européenne, d'une renommée dans l'Union, peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque lorsque la marque postérieure est identique ou similaire à la marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou les services soient identiques, similaires ou non similaires, et lorsque l’usage de cette marque postérieure sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou leur porterait préjudice.

Cette protection élargie accordée à la marque de renommée suppose la réunion des conditions suivantes : premièrement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée, deuxièmement, l’identité ou la similitude des marques en conflit et, troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice ; que ces trois conditions sont cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffisant à rendre inapplicable ce régime de protection.

Sur la renommée de la marque antérieure

La renommée implique un seuil de connaissance qui n'est atteint que lorsque la marque antérieure est connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services qu'elle désigne. Le public au sein duquel la marque antérieure doit avoir acquis une renommée est celui concerné par cette marque, c'est-à-dire selon le produit ou service commercialisé, le grand public ou un public plus spécialisé.

Afin de déterminer le niveau de renommée de la marque, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir.

En l’espèce, la société opposante invoque la renommée de la marque de l’Union européenne n° 49221, portant sur la dénomination BOSS.

La renommée est invoquée au regard des produits suivants : « Vêtements pour hommes, femmes et enfants; bas; chapellerie; sous-vêtements; vêtements pour la nuit; vêtements de bain; peignoirs de bain; ceintures; ceintures en cuir; châles; accessoires, à savoir fichus, foulards, châles, pochettes; cravates; gants; chaussures ».

A cet égard, la société opposante indique que la marque antérieure BOSS est « une marque de renommée, en particulier pour les vêtements et pour leurs accessoires. Elle bénéficie, en outre, d’une très bonne image liée à la mode, à l’énergie et au succès ».

Afin de démontrer la renommée de sa marque antérieure, la société opposante fournit des documents répartis dans différentes annexes, dont notamment :

« - Pièce 3 : Pièces relatives aux partenariats sportifs Hugo Boss : - Extraits du site internet Hugo Boss et articles de presse liés aux partenariats en matière de Formule 1, Tennis, golf (10 pages) - Extraits du site internet Hugo Boss, communiqué de presse Hugo Boss et articles de presse liés aux partenariats dans le cadre de grands évènements nautiques (14 pages) - Extraits du site internet Hugo Boss, articles de presse liés aux partenariats en matière de Football (5 pages) 3

- Extraits du site internet Hugo Boss communiqué de presse Hugo Boss, articles de presse liés aux partenariats en matière de Formule E (12 pages)

- Pièce 8 : Articles de presse relatifs au succès de la marque Hugo Boss : - Article de presse relatif à l’image de marque Hugo Boss (3 pages) - Classement international Interbrand de 2015 (5 pages–Voir pages 1 et 5) - Classements nationaux sur les marques préférées des français: Challenge (2018 et 2019) et Capital (2019) (11 pages–Voir pages 1, 2, 3, 4, 6, 11)

- Pièce 9 : Décision de la chambre des recours de l’EUIPO du 4 mai 2020, reconnaissant la renommée de la marque BOSS (N° R1525/2019-2 CITY BOSS (fig.) / Boss) (25 pages–Voir en particulier pages15, 16, 17, 18, 19) ».

Il n’est pas contesté par le titulaire de l’enregistrement international contesté que les pièces fournies établissent une certaine renommée de la marque antérieure dans le domaine des vêtements.

En conséquence, il convient d’examiner l’atteinte portée par le signe contesté à la renommée de la marque antérieure en ce qui concerne les produits précités.

Sur la comparaison des signes en cause

L’enregistrement international contesté porte sur le signe complexe BOSSA NOVA, ci-dessous reproduit :

Ce signe a été déposé en couleurs.

La marque antérieure porte sur le signe verbal BOSS.

La société opposante soutient que les signes en cause sont similaires.

L'appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants.

Il convient également de tenir compte du fait que le consommateur moyen des produits ou services en cause n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire.

Il résulte d’une comparaison globale et objective des signes en présence, que le signe contesté est composé de deux éléments verbaux dans une certaine calligraphie en couleurs et la marque antérieure d’une dénomination unique.

Si les signes en présence présentent tous deux la séquence BOSS-, seul élément constitutif de la marque antérieure, ils produisent toutefois dans l’esprit du consommateur une impression d’ensemble différente excluant tout risque de confusion.

En effet, visuellement, les signes diffèrent par leur longueur et leur structure (deux termes dans une calligraphie particulière en couleur totalisant neuf lettres dans le signe contesté, un terme de quatre 4

lettres dans la marque antérieure), par la séquence médiane –A et par la présence du terme NOVA dans le signe contesté, ce qui leur confère une physionomie d’ensemble distincte.

Phonétiquement, les signes en présence se distinguent tant par leur rythme (prononciation en quatre temps pour le signe contesté contre un seul temps pour la marque antérieure), que par leurs sonorités finales par la présence de la séquence [a] et du terme [no-va] au sein du signe contesté, ce qui leur confère également d’importantes différences de prononciation.

Enfin et surtout, intellectuellement, au sein du signe contesté le terme BOSSA est étroitement lié au terme NOVA qui sera immédiatement perçu par le consommateur comme « un genre musical né au Brésil », comme le souligne elle-même la société opposante, évocation insolite et particulièrement distinctive au regard des produits en cause, alors que la marque antérieure fera référence au mot anglais « boss » signifiant « chef ».

A cet égard, si l’expression BOSSA NOVA constitutive du signe contesté « s’orthographie en réalité en un mot «bossanova» ou avec la présence d’un trait-d’union entre «bossa» et «nova» », cette différence d’orthographe risque fort probablement d’échapper à l’attention au consommateur qui percevra ce signe comme faisant référence immédiatement à une expression d’origine latine désignant un « style de danse brésilien ».

Ainsi, les différences conceptuelles existant entre les signes sont de nature à exclure tout risque que le consommateur perçoive une référence à la marque antérieure BOSS dans le signe contesté, cette séquence étant fondue dans l’expression BOSSA NOVA.

Il en résulte donc une impression d’ensemble différente entre les signes.

Le signe complexe contesté BOSSA NOVA n’est donc pas similaire à la marque antérieure BOSS, dont il ne saurait apparaître « comme une nouvelle gamme et ou une déclinaison des collections précédentes » contrairement à ce que soutient la société opposante.

Sur le lien entre les signes dans l’esprit du public

Afin d’établir l’existence d’un risque de préjudice, il convient d’établir que, compte tenu de tous les facteurs pertinents, le public concerné établira un lien entre les signes.

Les critères pertinents sont notamment le degré de similarité entre les signes, la nature des produits et des services (y compris le degré de similarité ou de dissemblance de ces produits et services) ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, (afin de déterminer si celle-ci s’étend au-delà du public visé par cette marque), le degré de caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l’usage de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion s’il en existe un.

En l’espèce, l’opposition fondée sur l’atteinte à la marque de renommée antérieure BOSS est dirigée à l’encontre de la totalité des produits de l’enregistrement international contesté, à savoir les « Sous- vêtements; bérets; combinaisons; culottes pour l'habillement; pantalons; jambières; gilets; maillots de sport; articles de bonneterie; collants; combinaisons [vêtements de dessus] ; costumes; vestes; leggings [pantalons]; débardeurs de sport; bavoirs, autres qu'en papier; chaussettes; vêtements de dessus; vêtements de prêt-à-porter; uniformes; vêtements; pardessus; gants [vêtements]; pyjamas; robes; layettes [vêtements]; chandails; chemises; robes pulls; chandails; pull-overs; vêtements en maille; slips; coiffures; tee-shirts; peignoirs; peignoirs de bain; chapeaux [coiffures]; bonnets de bain; écharpes; culottes pour bébés [vêtements]; sous-pieds; jupes; jupons; jupes-shorts ».

Comme indiqué précédemment, la marque antérieure jouit d'une certaine renommée dans le domaine des vêtements. Par ailleurs, les produits en cause apparaissent identiques et similaires. Toutefois, les signes sont si éloignés l’un de l’autre que le signe contesté ne risque pas d’évoquer la marque antérieure dans l’esprit du public concerné. 5

En conséquence, eu égard à l’ensemble des facteurs pertinents du cas d'espèce et après appréciation de ces derniers, il apparaît improbable que le public concerné établisse une connexion mentale entre les signes en conflit, c'est-à-dire qu’il établisse un lien entre ceux-ci. Dès lors, l’atteinte à la renommée de la marque antérieure ne peut pas être reconnue au sens de l’article L 711-3 I 2° du code de la propriété intellectuelle.

L’existence d’un lien entre les marques dans l’esprit du public étant une des conditions nécessaires à l’application de la protection des marques de renommée, l’opposition n’apparaît pas bien fondée sur le fondement de l’atteinte à la renommée de la marque antérieure pour les produits précités.


CONCLUSION


En conséquence, le signe complexe contesté BOSSA NOVA peut être adopté en France comme marque pour désigner des produits identiques ou similaires, sans porter atteinte à la renommée de la marque antérieure de la société opposante.

PAR CES MOTIFS

DECIDE

Article unique : L'opposition est rejetée.