Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Paris (18e Chambre, Section D) 10 janvier 2000
Cour de cassation 12 juin 2002

Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2002, 00-41287

Mots clés contrat de travail, rupture · licenciement · faute du salarié · faute lourde · intention de nuire · constatations suffisantes · société · pourvoi · procédure civile · salarié · contrat · preuve · employeur

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 00-41287
Dispositif : Cassation partielle
Textes appliqués : Code du travail L223-14
Décision précédente : Cour d'appel de Paris (18e Chambre, Section D), 10 janvier 2000
Président : Président : M. CHAGNY conseiller
Rapporteur : Mme Trassoudaine-Verger
Avocat général : M. Fréchède

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris (18e Chambre, Section D) 10 janvier 2000
Cour de cassation 12 juin 2002

Texte

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Jean-Marc Y..., demeurant ... Edificio Tamarana 13 andar, 04002-003 Sao Paulo (Brésil),

en cassation d'un arrêt rendu le 10 janvier 2000 par la cour d'appel de Paris (18e Chambre, Section D), au profit de la société Virbac, dont le siège social est 1re Avenue 2065 M X..., 06515 Carros,

défenderesse à la cassation ;

La société Virbac a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 29 avril 2002, où étaient présents : M. Chagny, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire rapporteur, M. Bailly, conseiller, Mme Lebée, conseiller référendaire, M. Fréchède, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. Y..., de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Virbac, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. Y... a été engagé par la société Virbac, le 20 octobre 1980, en qualité de vétérinaire ; qu'à compter du 1er janvier 1987, il été détaché en qualité de directeur des activités Virbac au sein de la filiale brésilienne ; qu'ayant été licencié pour faute lourde le 13 janvier 1997, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen

du pourvoi principal :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2000) d'avoir rejeté ses demandes consécutives à la rupture de son contrat de travail et sa demande de rappel de salaire pour la durée de sa mise à pied, alors, selon le moyen :

1 / que la rupture du contrat de travail consécutive au refus par l'employeur d'exécuter ses obligations contractuelles, est illicite et constitue un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si la rupture du contrat de travail n'était pas intervenue lorsque le salarié avait pris acte, par lettre du 14 octobre 1996, de la violation par l'employeur d'une clause du contrat de travail l'obligeant à reclasser l'intéressé à l'issue de sa période d'expatriation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1134 et 1184 du Code civil et L. 122-4 du Code du travail ;

2 / que la faute lourde implique la mise en oeuvre de la procédure de licenciement dans un délai restreint après que l'employeur en a eu connaissance ; qu'en ne recherchant pas à quel moment l'employeur avait eu connaissance des fautes lourdes qu'il a imputées au salarié, quelques jours après que celui-ci eut refusé son reclassement à un emploi de moindre importance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 223-14 du Code du travail ;

3 / que l'intention de nuire qui caractérise la faute lourde du salarié ne peut se déduire du seul fait de concurrence envers l'employeur ; qu'en se bornant à déclarer que le salarié avait commis des actes de concurrence envers l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 223-14 du Code du travail ;

4 / qu'à supposer même qu'un acte de concurrence soit constitutif, en soi, d'une faute lourde, la cour d'appel ne pouvait, sans priver sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 223-14 du Code du travail, se borner à déclarer que le salarié avait débauché du personnel et dénigré son employeur, en s'abstenant de préciser sur quels faits elle se fondait ;

5 / que les juges du fond ne peuvent fonder leur décision sur des éléments de preuve obtenus illégalement ; que la cour d'appel a considéré que le développement par M. Y... d'une activité à titre personnel quand il était encore salarié de la société Virbac SA résultait du "mandat extrêmement complet qu'il recevait le 28 octobre 1996 de la société Micro exports en Inde, fournisseur de Virbac Do Brazil", document au sujet duquel le salarié soutenait dans ses écritures qu'il avait été obtenu par interception illégale des documents qu'il recevait sur le fax situé à son domicile ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux conclusions du salarié sur ce point, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

6 / que la cour d'appel s'est fondée, pour dire que le comportement du salarié avait été déloyal, sur le numéro, en langue anglaise, du 18 décembre 1998 de la revue "Animal pharm", publié près de deux années après le licenciement du salarié intervenu au mois de janvier 1997 ; qu'en statuant ainsi au vu d'un document inopérant à établir la réalité du comportement incriminé à l'époque des faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 223-14 du Code du travail ;

7 / que pour juger que le salarié s'était livré à un dénigrement systématique de la société mère et n'avait pas hésité à inviter les salariés de Virbac Do Brazil à venir travailler avec lui dans sa propre affaire, la cour d'appel s'est bornée à viser les "pièces versées aux débats", sans préciser quels étaient les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, ni procéder à l'analyse même sommaire de ces pièces ;

qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une recherche qui, contrairement aux énonciations de la première branche du moyen, ne lui était pas demandée ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de l'arrêt que le salarié se soit prévalu de la tardiveté de la procédure de licenciement devant les juges du fond ;

Attendu, en troisième lieu, que la cour d'appel, appréciant la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis par les parties, a constaté que le salarié exerçait, à l'insu de son employeur, une activité concurrente de celle de la filiale brésilienne de la société Virbac par l'entremise d'une société paraguyenne qu'il avait créée à cette fin, qu'il avait détourné au profit de cette société des dossiers d'autorisation de mise sur le marché de produits de pointe de la société Virbac, qu'il se livrait à un dénigrement systématique de la société Virbac et qu'il avait débauché le personnel de la société Virbac Do Brazil dont il avait également détourné les fournisseurs ; qu'elle a pu déduire de ses constatations et énonciations que le comportement de l'intéressé, directeur des activités de la filiale brésilienne de la société qui l'employait, était caractéristique de l'intention de nuire à l'employeur et qu'il constituait une faute lourde ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen

du pourvoi principal :

Attendu que M. Y... fait encore grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Virbac à lui payer la somme de 35 047,27 francs au titre de la participation et d'avoir rejeté sa demande en paiement de cotisation de retraite pour la période postérieure au 31 décembre 1996, alors, selon le moyen :

1 / que les juges du fond doivent préciser les pièces sur lesquelles ils se fondent et procéder à leur analyse, même succincte ;

qu'en se bornant à se référer aux pièces versées aux débats, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que M. Y... faisait valoir qu'ayant été licencié le 13 janvier 1997, la SA Virbac ne pouvait arrêter le paiement des cotisations de retraite au 30 décembre 1996 ; qu'en énonçant que la société Virbac avait à bon droit cessé le versement à compter du 13 janvier 1997 des cotisations retraite, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposant, a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, sous couvert des griefs non fondés de violation de la loi et de dénaturation, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion les éléments de fait et de preuve souverainement appréciés par les juges du fond ; qu'il ne saurait être accueilli ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner la société Virbac à payer à M. Y... les sommes au titre de prime 1996 et de treizième mois, la cour d'appel a énoncé que ces demandes ne font pas l'objet de discussion ;

Qu'en se déterminant par ces seuls motifs, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait conclu à l'infirmation du jugement concernant ces condamnations, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

:

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que la cour d'appel a condamné la société Virbac à payer à M. Y... des sommes à titre de prime 1996 et de treizième mois, l'arrêt rendu le 10 janvier 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille deux.

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