Cour d'appel de Paris, Chambre 5-5, 14 septembre 2017, 15/19950

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    15/19950
  • Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Paris, 17 juillet 2015
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/60332a0d85645f9b5f0f9e64
  • Avocat(s) : Maître Catherine VANNELLE, Maître Guillaume HENRY du Cabinet SZLEPER HENRY AVOCATS
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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2018-12-12
Cour d'appel de Paris
2017-09-14
Tribunal de grande instance de Paris
2015-07-17

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT

DU 14 SEPTEMBRE 2017 (n° , 7 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 15/19950 Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juillet 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/13700 APPELANTS Monsieur [V] [P] [R] [E] né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 1] demeurant [Adresse 1] [Adresse 2] Représenté par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125 Assisté de Maître Catherine VANNELLE, avocat au barreau de LILLE substituant Maître René DESPIEGHELAERE, avocat au barreau de LILLE, toque : 287 Madame [W] [G] [T] épouse [E] née le [Date naissance 2] 1936 à [Localité 2] demeurant [Adresse 1] [Adresse 2] Représentée par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125 Assistée de Maître Catherine VANNELLE, avocat au barreau de LILLE substituant Maître René DESPIEGHELAERE, avocat au barreau de LILLE, toque : 287 INTIMÉE SAS LA FRANÇAISE AM FINANCE SERVICES ayant son siège social [Adresse 3] [Adresse 2] N° SIRET : 326 .817.467 prise en la personne de son représentant légal Représentée par Maître Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148 Assistée de Maître Guillaume HENRY du Cabinet SZLEPER HENRY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R017 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mai 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère, chargée du rapport, et Madame Anne DU BESSET, Conseillère. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère faisant fonction de Présidente Madame Anne DU BESSET, Conseillère Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère appelée d'une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l'article R.312-3 du Code de l'Organisation Judiciaire, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Julie PERRETIN ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Hortense VITELA, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. **** FAITS ET PROCÉDURE : Le 11 juillet 1986, Monsieur [E] a acquis, pour le compte de la communauté des époux [E] et par l'intermédiaire du Crédit Mutuel qui était à l'époque la Banque Française de l'agriculture et du Crédit Mutuel, une 'uvre d'art au prix de 430.000 Francs intitulée « Etude pour le poisson volant, 1954 » attestée par Monsieur [S], membre de la chambre syndicale des experts professionnels, comme étant une 'uvre authentique de Marc Chagall. Le 15 juillet 1986, deux factures ont été remises à Monsieur [E] par la société Banque Française de l'agriculture et du crédit mutuel pour un montant de 430.000 francs pour l''uvre d'art et 25.800 francs pour les honoraires d'expert, attestant que l'Union Française de Gestion, devenue la Française AM, qui agissait pour un vendeur non identifié, avait procédé à ladite cession. Le 24 mai 2002, Monsieur [E], souhaitant négocier cette 'uvre, a sollicité son authentification auprès du comité de Marc Chagall, lequel a écrit à Monsieur [U], expert en tableaux modernes, pour constater que ladite 'uvre était une reproduction. Les experts habilités ont indiqué que cette 'uvre ne pouvait correspondre à un original de Marc Chagall mais à une reproduction de type Jacomet réalisée en 1958. C'est dans ces conditions que le 19 septembre 2012, les consorts [E] ont fait assigner la Fédération des caisses de crédit mutuel île de France et la société Française AM, qui elles mêmes ont assigné en la cause Monsieur [S], aux fins de voir prononcer la résolution de la vente et condamner les défendeurs in solidum à leur payer la somme de 65.553,08 euros ainsi que la somme de 3.933,18 euros de frais de vente, outre les intérêts légaux à compter du 11 juillet 1986, avec anatocisme, et 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à l'impossibilité de disposer de leur capital depuis le 11 juillet 1986. Ils ont mis en cause la société Crédit Agricole Consumer Finance. Par jugement rendu le 17 juillet 2015, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Paris a : ' dit que les demandes formées par Monsieur [E] et Madame [T] épouse [E] sont recevables ; ' mis hors de cause les sociétés la Française AM et la Fédération des caisses de crédit mutule d'ile de France ; ' débouté Monsieur [E] et Madame [T] épouse [E] de leurs demandes dirigées contre la société CA Consumer France ; ' condamné la société Française AM Finance Service à payer à Monsieur [E] et Madame [T] épouse [E] la somme de 69.486,26 euros avec intérêts de retard aux taux légal à compter du 19 septembre 2012 ; ' dit qu'en application de l'article 1154 du code civil les intérêts de retard dus pour une année entière à compter du 19 septembre 2012 pourront être capitalisés ; ' débouté Monsieur [E] et Madame [T] épouse [E] de leur demande en paiement d'une somme de 20.000 euros de dommages et intérêts ; ' dit que l'action en garantie de la société Française AM Finance Service contre Monsieur [S] est recevable ; ' condamné Monsieur [S] à garantir la société Française AM Finance Service de la condamnation prononcée ci-dessus en principal et intérêts au profit de Monsieur et Madame [T] épouse [E] ; ' condamné in solidum la société Française AM Finance Service et Monsieur [S] à payer à Monsieur et Madame [T] épouse [E] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; ' rejeté toutes les autres demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ; ' condamné la société Française AM Finance Service et Monsieur [S] aux dépens avec la possibilité de recouvrement direct en application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître MAYA-AVRIL ; ' ordonné l'exécution provisoire de la décision ; ' rejeté toute autre demande des parties Vu l'appel interjeté le 8 octobre 2015 par Monsieur [E] et Madame [T] épouse [E] à l'encontre de cette décision, limité au visa des articles 564 du code de procédure civile ; Vu les dernières conclusions signifiées le 7 avril 2016 par [H] [E] et Madame [T]épouse [E] par lesquelles il est demandé à la cour de : ' déclarer les époux [E] recevables et bien fondés en leur appel ; ' fixer et condamner au paiement la société Française AM Finance Service le montant du préjudice subi à 203.596 € outre la somme de 4.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; ' condamner la société Française AM Finance Service aux entiers frais et dépens, dont la distraction au profit de Maître TEYTAUD qui pourra les recouvrer par application de l'article 699 du code de procédure civile. Vu les dernières conclusions signifiées le 6 juin 2016 par la société Française AM Finance Service par lesquelles il est demandé à la cour :

Vu les articles

1109 et suivants, 1137, 1147 et 1382 du code civil, Vu les articles 563 et suivants du code de procédure civile, A titre principal, ' dire et juger que la demande de condamnation de la société la Française AM Finance Service à 203.031€ de dommages-intérêts est irrecevable devant la Cour comme s'entendant au-delà de l'objet de l'appel et comme étant une prétention nouvelle ; A titre subsidiaire, ' dire et juger les consorts [E] mal fondés en leur appel ; ' confirmer le jugement du 17 juillet 2015 du Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a débouté les consorts [E] de leur demande de dommages-intérêts supplémentaires ; En toute hypothèse, ' condamner les consorts [E] à payer à la société Française AM Finance Service la somme de 4.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; ' condamner les consorts [E] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître HENRY, avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. *** Les consorts [E] ont limité leur appel aux seules dispositions du jugement qui ont rejeté leurs prétentions relatives à l'indemnisation complémentaire à titre de dommages et intérêts. Ils estiment ne pas avoir été intégralement indemnisés eu égard à l'investissement qu'ils avaient réalisé à l'époque et reprochent aux premiers juges d'avoir mal évalué leur préjudice. Ils rappellent que dans les années 80, les banques se sont entichées d'art parce que les 'uvres d'art constituaient des investissements financiers et ont été présentées comme telles aux clients habituels dans le cadre de la gestion de leur patrimoine. Les consorts [E] affirment qu'il s'agissait pour eux d'un investissement avec un rendement financier en perspective. Ils estiment que cette demande est recevable sur le fondement des articles 564 et suivants du code de procédure civile. Ils soutiennent que le préjudice lié à l'immobilisation de la somme investie sous forme d'une 'uvre d'art qui s'est avérée faussement attribuée à Chagall plusieurs années après la vente, doit être fixé sur la base d'un investissement financier et non d'un mécénat, qu'en comparant cet investissement à un placement PEP pendant la même période, pour une somme de 69.486 euros investie, ils auraient pu percevoir une somme de 203.596 euros, que de même si l'on pratique l'anatocisme sur la base de l'intérêt légal, la somme obtenue serait de 180.513,89 euros, qu'en conséquence le préjudice doit être réévalué sur ces bases, que la société Union Française de gestion avait pour rôle principal de conseiller l'acquisition d''uvres d'art à ses clients. La société Française AM Finance Service fait valoir que la demande majorée est irrecevable, que l'appel est limité à la seule infirmation de la décision en ce qu'elle a débouté les consorts [E] de leur demande en paiement d'une somme de 20.000€ de dommages et intérêts, formée en première instance, que si en application des articles 564 et suivants du code de procédure civile les demandes complémentaires de dommages-intérêts sont admises en cause d'appel, ces demandes doivent nécessairement être fondées sur une aggravation du préjudice entre la date du jugement de première instance et la date à laquelle la cour d'appel statue, qu'en l'espèce les consorts [E] ne rapportent pas la preuve d'une aggravation de leur préjudice qu'ils avaient eux-mêmes évalué à 20.000 euros, à savoir l'immobilisation de leur capital, mais d'une simple nouvelle méthode d'évaluation qui aboutit à un résultat dix fois supérieur au calcul initial, qu'en réalité les époux [E] demandent non pas réparation du préjudice lié à l'immobilisation de leur capital dans une 'uvre d'art, mais plutôt de la perte de chance de réaliser un placement sur un compte s'ils n'avaient pas investi dans une 'uvre d'art, que cette demande nouvelle est irrecevable.

Sur le

fond, la société Française AM Finance Service rappelle que le principe en cas de nullité d'une vente est la restitution du prix de vente et de la chose. En l'espèce, le prix de vente ainsi que les frais de vente s'élèvent à une somme de 69.486,26 euros. En outre, il est de principe que le taux d'intérêt légal ne peut s'appliquer qu'à compter de la demande en justice, c'est-à-dire à la date de l'assignation. Dès lors, elle indique que la demande de condamnation par les époux [E] au versement des intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 1986, date de la vente, est mal fondée, qu'en outre, l'allocation de l'intérêt légal à compter de l'assignation répare le préjudice lié à l'immobilisation du capital. Par ailleurs, elle soutient que les consorts [E] ne démontrent pas l'existence d'une faute de la société Union Française de gestion c'est-à-dire de la connaissance du défaut d'authenticité de l''uvre au moment de la vente. Or, en l'absence de faute, les consorts [E] ne peuvent demander des dommages-intérêts supplémentaires. En ce qui concerne le mode de calcul aboutissant à un devis de 203.031€, la société Française AM Finance Service soutient qu'il n'est pas possible de comparer un investissement hautement spéculatif sur le marché de l'art et un placement financier classique. Elle rappelle qu'en 1986, Monsieur [E] voulait investir dans l'art et non ouvrir un compte en banque producteur d'intérêts que les époux ont par ailleurs reconnu en affirmant avoir choisi d'investir dans une 'uvre d'art « pour allier l'esthétique à la finance ». Ainsi, elle en déduit que si les consorts n'avaient pas acheté une 'uvre de Chagall, ils auraient investi dans une autre 'uvre. Elle précise qu'en l'absence de lien de causalité entre le défaut d'authenticité du tableau et les intérêts qu'aurait rapporté un compte rémunéré sur une même période, les époux ne peuvent prétendre avoir subi un préjudice à hauteur du montant de ces intérêts d'un compte rémunéré entre 1986 à 2016 puisque que Monsieur [E] n'aurait pas placé cette somme sur un compte. La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée, et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile; Sur ce la Cour, Considérant que si l'article 564 du code de procédure civile ne permet pas aux parties de soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, l'article 565 du même code ne considère pas comme nouvelles les prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; Qu'il est constant que les prétentions nouvelles tendant à la même fin d'indemnisation du préjudice subi ne sont pas irrecevables même si elles ont été majorées ou minorées en cause d'appel ; Que la survenance d'un fait nouveau n'est pas exigée dans ce cas ; Considérant qu'en l'espèce, les époux [E] ont réévalué leur demande de dommages-intérêts en appel en se fondant sur un mode de calcul différent ; Qu'alors qu'ils avaient demandé, en première instance, le paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à l'impossibilité de disposer de leur capital depuis le 11 juillet 1986, ils ont reformulé leur demande d'indemnisation en appel à ce titre à la somme de 203.596 € ; Que cette demande ne constituait que la reformulation, sur un mode de calcul différent, de la demande formée devant le premier juge et tendant à l'octroi d'une indemnité ; Qu'elle est dès lors recevable; Sur le fond, Considérant que la cour n'est saisie que de l'indemnisation du préjudice supplémentaire qu'auraient subi les consorts [E], résultant de l'immobilisation de leur capital depuis le 11 juillet 1986, l'annulation de la vente et la restitution du prix étant acquises ; Qu'ainsi que l'ont très justement relevé les premiers juges, par des motifs que la cour adopte, les époux [E] ne démontrent pas que la société Union Française de Gestion aux droits de laquelle se trouve la société Française AM Finance Service ait commis une faute et que cette faute soit en lien de causalité avec le préjudice financier sollicité ; Qu'ils ne contestent pas la décision des premiers juges qui a prononcé la résolution de la vente et ordonné le remboursement du prix, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ; Qu'ils ne démontrent pas et ne le soutiennent au demeurant pas, que la société Française AM Finance Service ait eu connaissance de l'absence d'authenticité de l'oeuvre ; Qu'ils ne soutiennent pas plus qu'elle n'ait pas respecté son obligation de conseil ; Qu'en l'absence de faute, le débat sur les méthodes de calcul du préjudice subi est sans objet ; Que les époux [E] doivent être déboutés de leur demande de dommages et intérêts supplémentaires ; Que la décision des premiers juges sera dès lors confirmée ; Que la décision sera également confirmée au regard de la condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sans qu'il y ait lieu d'allouer d'indemnisation supplémentaire à ce titre en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

STATUANT publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, DÉCLARE la demande d'indemnisation des consorts [E] recevable, CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, CONDAMNE Monsieur [E] et Madame [T]épouse [E] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Benoit HENRY, avocat au barreau de Paris, en application de l'article 699 du code de procédure civile. La GreffièreLa Conseillère faisant fonction de Présidente Hortense VITELA Fabienne SCHALLER