Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 avril 2018, 18-80.371, Publié au bulletin

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2018-04-10
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles
2018-01-09

Résumé

Les délais relatifs à la durée de la détention provisoire prévus aux articles 145-1 à 145-3 du code de procédure pénale ne sont plus applicables lorsque le juge d'instruction a rendu son ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement, même en cas d'appel formé contre cette ordonnance, l'article 186-5 du même code ne distinguant pas selon que la chambre a ou non prescrit un supplément d'information

Texte intégral

N° H 18-80.371 -P+B N° 1109 VD1 10 AVRIL 2018 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ Sur le rapport de M. le conseiller LAVIELLE, les observations de la société civile professionnelle MARLANGE et DE LA BURGADE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CROIZIER ; REJET du pourvoi formé par M. Hassan Z..., contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 9 janvier 2018, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, de vol avec arme, association de malfaiteurs et séquestration, a rejeté sa demande de mise en liberté ; Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen

unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 144, 145-3, 591 et 593 du code de procédure pénale : "en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté et ordonné le maintien en détention de M. Z... ; "aux motifs que, le 6 mars 2015 vers 2 heures, des malfaiteurs ont pénétré dans un entrepôt Fedex sis à [...] (Yvelines), et rassemblé le personnel sur la plate-forme de livraison, l'un d'eux menaçant les employés avec un fusil à pompe en les tenant en respect ; qu'un camion de type fourgonnette Renault immatriculé [...] qui s'avérait volé à la société Derichebourg entre le 4 et le 5 mars 2015 à [...] (Seine-Saint-Denis), puis faussement immatriculé, était chargé de divers colis (téléphones mobiles et objets hi-teck) ; que selon les descriptions faites par les employés séquestrés, quatre malfaiteurs étaient présents, trois habillés de noir et porteurs d'une cagoule, un quatrième arrivé 30 minutes après au volant de la fourgonnette ; que l'individu porteur du fusil à pompe avait aussi une bombe lacrymogène dans sa poche, un autre individu, celui qui aidait à charger le camion avait une arme de poing, et un troisième, le plus calme qui semblait donner des ordres, utilisait un pied de biche pour ouvrir les cartons, dont il semblait connaître le contenu ; que selon le témoignage des employés, à 3 h 15, deux malfaiteurs auraient quitté les lieux, et à 3 h 20 un individu vêtu de sombre faisant vraisemblablement partie des malfaiteurs serait parti à bord d'un véhicule particulier, en empruntant le parking voisin, laissant le dernier malfaiteur surveiller seul les captifs ; que, pour prendre la fuite, à 4 heures, le malfaiteur décrit comme porteur du fusil, resté en dernier sur les lieux, a dérobé le véhicule Renault Scénic immatriculé [...] d'un employé présent, M. A... ; que le 6 mars 2015, à 4 h 25, soit dans un temps voisin de la commission des faits précités, dans le département de la Seine-Saint-Denis, à [...], au niveau de la RN2 à la sortie de la bretelle d'autoroute, la police municipale a interpellé M. Z..., qui conduisait la fourgonnette ; qu'une partie seulement de la marchandise a alors été récupérée ; que lors de l'interpellation de M. Z..., un véhicule Volkswagen Golf a foncé en direction d'un policier qui avait sorti son arme pour l'arrêter, et qui n'a pas été percuté par le véhicule uniquement parce qu'il avait eu le réflexe de se jeter sous la camionnette en stationnement ; que la Golf VW est parvenue à prendre la fuite tous feux éteints et à vive allure en direction de [...] ; que toujours le 6 mars 2015, à 12 h 30, également à [...], le véhicule Renault Scénic, volé à l'issue de la séquestration des employés de Fedex, a été découvert totalement incendié, dans un parking extérieur situé face au [...] ; qu'un ADN identifié à M. Z... a été découvert à partir d'une trace de sang sur deux morceaux des cartons, et d'un mélange sur une caisse métallique ; que sur le pied de biche découvert dans la fourgonnette et sur la caisse métallique saisie dans les entrepôts Fedex, une autre trace d'ADN a été découverte, identifiée à M. B... ; considérant que la participation de M. Z... aux faits de vol en bande organisée et de séquestration ressort des déclarations de M. B... mais, également de la quasi-concomitance de son interpellation avec la commission des faits, sachant qu'il était au volant de la camionnette ayant servi à transporter les marchandises dérobées ; qu'il a déclaré qu'un certain "Mohamed" lui avait demandé de conduire ce véhicule dont il ne connaissait pas le contenu jusqu'à la cité Emmaüs ; que pour autant il n'a pas été en mesure de fournir une quelconque information permettant l'identification de cette personne et son audition ; que de plus son ADN a été retrouvé sur les cartons contenant les objets multimédia dérobés alors qu'il a affirmé ne pas les avoir touchés, et également sur la même caisse métallique que celle porteuse de l'ADN de M. B..., ce qui tend à prouver qu'il est entré dans l'entrepôt ; que par ailleurs, les investigations menées en matière de téléphonie laissent penser que les faits de séquestration et de vol ont été précédés de repérage par MM. B... et Z..., et mettent en cause également M. Mustapha C..., selon un détail repris dans les motifs de l'arrêt du 10 octobre 2017 ; qu'il ressort des éléments de téléphonie développés toujours dans cet arrêt que MM. B... et Z... se sont retrouvés à plusieurs reprises les jours précédant la commission des faits mais également le jour même quelques heures auparavant et se sont rendus sur les lieux pour effectuer des repérages ; qu'il ressort des éléments de l'enquête et de l'information que la fourgonnette utilisée par les malfaiteurs pour transporter la marchandise dérobée a été fournie a été volée la nuit précédant la commission du vol ; qu'il ressort également de la procédure que ce véhicule a été faussement immatriculé pour commettre ce vol ; que d'ailleurs M. B... a reconnu avoir participé au changement des plaques d'immatriculation avec M. Z... ; qu'il importe de souligner que M. Z... a été appréhendé à [...] au volant de la fourgonnette à 4 heures 20 ; que le conducteur du véhicule Golf présent lors de son interpellation et qui failli renverser un policier n'a pu être identifié ; que les trois mis en cause seuls identifiés à ce stade de l'information sont MM. Z..., B... et C... ; que selon l'appréciation faite par l'arrêt de la chambre de l'instruction l'ensemble des infractions reçoivent une qualification criminelle à l'exception de la mise en circulation du véhicule faussement plaqué constitue un délit connexe, outre le délit d'association de malfaiteurs ; que dès lors en cas de renvoi devant la juridiction criminelle et de verdict de culpabilité M. Z... encourt une lourde peine ; que compte tenu de ses liens familiaux avec le Maroc tout laisse penser qu'il pourrait plus qu'un autre bénéficier de facilités pour être hébergé et ainsi se soustraire à ses juges, mû par la crainte du verdict criminel ; que l'enquête de personnalité a mis en exergue l'absence de motivation de M. Z... dans la réalisation des démarches et de questionnement sur son avenir ; que son incarcération s'est accompagnée de plusieurs incidents et non d'efforts en vue d'une insertion socio-professionnelle ; qu'ainsi en dépit de l'absence d'antécédents judiciaires de l'intéressé et à supposer établis les faits reprochés, le risque de réitération de faits similaires est indéniable, compte tenu du caractère lucratifs des méfaits ; que ni les contraintes d'une assignation à résidence avec surveillance électronique, ni celles d'un contrôle judiciaire ne permettraient de prévenir avec certitude les risques énoncés plus haut et de garantir la présence du mis en examen, en passe d'être accusé, à tous les actes de la procédure ; qu'en effet, ces mesures, quelles qu'en soient les modalités, ne présentent pas un degré de coercition suffisant pour atteindre ces finalités ; que ces mesures ne permettraient pas d'éviter avec certitude une réitération des faits ; que seule la détention est de nature à parvenir à ces objectifs ;

qu'il y a lieu

en conséquence de rejeter la demande de mise en liberté et d'ordonner le maintien en détention de M. Z... ; "1°) alors que, lorsque la durée de la détention provisoire excède un an en matière criminelle, les décisions ordonnant sa prolongation ou rejetant les demandes de mise en liberté doivent comporter les indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure ; qu'en rejetant la demande de mise en liberté de M. Z... et en ordonnant son maintien en détention provisoire qui durait depuis plus de un an, sans préciser les circonstances particulières qui auraient justifié la poursuite de l'information, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ; "2°) alors que, lorsque la durée de la détention provisoire excède un an en matière criminelle, les décisions ordonnant sa prolongation ou rejetant les demandes de mise en liberté doivent comporter les indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure ; qu'en rejetant la demande de mise en liberté de M. Z... et en ordonnant son maintien en détention provisoire qui durait depuis plus de un an, sans préciser la durée prévisible d'achèvement de la procédure, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Z..., détenu depuis le 7 mars 2015, a interjeté appel de l'ordonnance de mise en accusation rendue par le juge d'instruction le 13 juin 2017 ; que, par arrêt du 10 octobre suivant, la chambre de l'instruction a ordonné un supplément d'information ; que, le 29 décembre 2017, M. Z... a saisi cette juridiction d'une demande de mise en liberté, conformément aux dispositions des articles 148-1 et 148-2 du code de procédure pénale ; Attendu que le requérant ne saurait se faire un grief de ce que la chambre de l'instruction, pour rejeter sa demande de mise en liberté, n'a pas satisfait aux exigences de motivation prévues par l'article 145-3 du code de procédure pénale, dès lors qu'en application de l'article 186-5 du même code, les délais relatifs à la durée de la détention provisoire prévus aux articles 145-1 à 145-3 ne sont plus applicables lorsque le juge d'instruction a rendu son ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement, même en cas d'appel formé contre cette ordonnance, ce texte ne distinguant pas selon que la chambre a ou non prescrit un supplément d'information ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Lavielle, conseiller rapporteur, MM. Pers, Straehli, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Durin-Karsenty, Schneider, Ingall-Montagnier, MM. Bellenger, Cathala, Ricard, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, MM. Barbier, Talabardon, Mme Guého, conseillers référendaires ; Avocat général : M. Croizier ; Greffier de chambre : Mme Hervé ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.