Cour d'appel de Paris, 31 mars 2015, 2014/11263

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2014/11263
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : MERCK ; Merck
  • Classification pour les marques : CL01 ; CL02 ; CL03 ; CL04 ; CL05 ; CL06 ; CL09 ; CL17 ; CL19 ; CL29 ; CL30 ; CL33
  • Numéros d'enregistrement : 1537463 ; 279186
  • Parties : INTERVET SAS ; LABORATOIRES MERCK SHARP & DOHME CHIBRET SAS ; MSD FRANCE SAS / MERCK SA ; MERCK CHIMIE SAS ; MERCK KGaA (Allemagne) ; MERCK MÉDICATION FAMILIALE SASU ; MERCK SERONO SAS ; MERCK SANTÉ SASU
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Paris, 10 avril 2014
  • Président : Monsieur Benjamin RAJBAUT
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2017-06-13
Tribunal de grande instance de Paris
2015-12-17
Cour d'appel de Paris
2015-03-31
Tribunal de grande instance de Paris
2014-04-10

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARIS

ARRÊT

DU 31 MARS 2015 Pôle 5 - Chambre 1 (n°068/2015, 7 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 14/11263 Décision déférée à la Cour : Ordonnance du juge de la mise en état du 10 Avril 2014 -Tribunal de Grande Instance de Paris - 3ème chambre - 4ème section - RG n° 13/11815 APPELANTES SAS INTERVET Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d'Angers sous le numéro 331 377 960 [...] de Serres 49070 BEAUCOUZE Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044 et ayant pour avocats plaidants Me Marie-aimée DE D du PUK HOGAN L (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J033, et Me Pauline D, avocat au barreau de PARIS, toque : J030 SAS LABORATOIRES MERCK SHARPE & DOHME CHIBRET Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 316 331 065 34, avenue Léonard de Vinci 92400 COURBEVOIE Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044 et ayant pour avocats plaidants Me Marie-aimée DE D du PUK HOGAN L (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J033, et Me Pauline D, avocat au barreau de PARIS, toque : J030 SAS M.S.D FRANCE Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 417 890 589 [...] de Vinci 92400 COURBEVOIE Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044 et ayant pour avocats plaidants Me Marie-aimée DE D du PUK HOGAN L (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J033, et Me Pauline D, avocat au barreau de PARIS, toque : J030 INTIMÉES SA MERCK SA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège [...] 69008 Lyon (France) Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 et ayant pour avocat plaidant Me Arnaud MICHEL de l GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 SAS MERCK CHIMIE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège [...] 94120 Fontenay sous Bois (France) Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 et ayant pour avocat plaidant Me Arnaud MICHEL de l GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 Société MERCK KGAA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège [...] 64293 Darmstadt Hessen (Allemagne) Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 et ayant pour avocat plaidant Me Arnaud MICHEL de l GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 SASU MERCK MEDICATION FAMILIALE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège [...] 69008 Lyon (France) Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 et ayant pour avocat plaidant Me Arnaud MICHEL de l GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 SAS MERCK SERONO prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège [...] 69008 Lyon (France) Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 et ayant pour avocat plaidant Me Arnaud MICHEL de l GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 SASU MERCK SANTE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège [...] 69008 Lyon (France) Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 et ayant pour avocat plaidant Me Arnaud MICHEL de l GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mars 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie AUROY, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre Madame Anne-Marie GABER, Conseillère Mme Nathalie AUROY, Conseillère Greffier, lors des débats : Madame Marie G ARRÊT : • contradictoire. • par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. • signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier présent lors du prononcé. Vu l'ordonnance rendue le 10 avril 2014 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, Vu l'appel interjeté le 26 mai 2014 par les sociétés MSD France, Laboratoires Merck Sharp & Dohme-Chibret et Intervet (ci-après les sociétés MSD France et a.), Vu les dernières conclusions de la société MSD et a. transmises le 23 janvier 2015, Vu les dernières conclusions des sociétés Merck KgaA, Merck S.A., Merck Médication Familiale, Merck Chimie, Merck Santé et Merck Serono (ci-après les sociétés Merck KgaA et a.) transmises le 4 février 2015,

MOTIFS

DE L'ARRÊT Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; Qu'il suffit de rappeler que le groupe pharmaceutique et chimique allemand Merck et le groupe pharmaceutique américain Merck Sharph & Dome, qui partagent un héritage commun, ont conclu des accords relatifs aux modalités de leur coexistence, et en dernier lieu l'accord du 1er janvier 1970, complété en 1975, (ci-après l'Accord de coexisence) en vertu duquel, notamment, le groupe américain a le droit de détenir des marques Merck aux Etats-Unis et au Canada, le groupe allemand ayant le même droit pour le reste du monde ; Que par acte du 1er août 2013, les sociétés Merck KgaA et a. ont fait assigner les sociétés MSD France et a. devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de leurs marques française et internationale désignant la France et concurrence déloyale ; Que précédemment, le 8 mars 2013, la société Merck KgaA a initié une procédure au Royaume-Uni contre les sociétés américaines Merck Sharph & Dohme Corp. et Merck & Co. Inc., les sociétés anglaises Merck Sharp & Dohme Limited et Intervet Limited et la société néerlandaise Intervet International B.V. pour manquement par la première de ces sociétés à l'accord de coexistence de 1970 et en contrefaçon de marques anglaises et internationales désignant le Royaume-Uni ; Que le 11 mars 2013, elle a encore initié une procédure en Allemagne à l'encontre des sociétés américaines Merck Sharph & Dohme Corp. Et Merck & Co. Inc. et la société allemande Merck Sharp & Dohme GmbH en contrefaçon de marques communautaire et allemande et atteinte à sa dénomination sociale ; Qu'invoquant un lien de connexité entre ces procédures, les sociétés MSD France et a. ont demandé au juge de la mise en état de surseoir à statuer jusqu'à ce que soit rendue une décision définitive par la Hight court of justice en Grande Bretagne ; Considérant que dans son ordonnance du 10 avril 2014, celui-ci a : • rejeté la demande de sursis à statuer, • condamné les sociétés MSD France et a. à payer aux sociétés Merck KgaA et a. La somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, • condamné in solidum les sociétés MSD France aux dépens de l'incident ; Que l'affaire a été fixée pour être plaidée au fond le 11 septembre 2015 ; Considérant que le juge allemand n'a pas donné suite à la demande de sursis à statuer dont il était également saisi ; Considérant que par décision du 21 novembre 2014, statuant sur question préliminaire, la High Court of Justice, Chancery Division a jugé que la loi applicable à l'accord de coexistence est la loi allemande ; qu'aucun recours n'a été interjeté contre cette décision ; qu'une audience au fond a été fixée le 20 avril 2015 ; - sur la recevabilité de l'appel : Considérant que, se fondant sur les dispositions de l'article 776, alinéa 2, du code de procédure civile, édictant que les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d'appel qu'avec le jugement statuant sur le fond, les sociétés Merck KgaA et a. concluent à l'irrecevabilité de l'appel ; qu'elles soutiennent que les dispositions spéciales de l'article 776, alinéa 3, du code de procédure civile, qui, en renvoyant implicitement à l'article 380 du même code, réservent la possibilité de former immédiatement appel de l'ordonnance en matière de sursis à statuer aux décisions octroyant un tel sursis, ont pour effet de faire revenir les décisions rejetant le sursis dans le principe général selon lequel elles ne peuvent être frappées d'appel qu'avec le jugement sur le fond ; Mais considérant que les sociétés MSD France et a. font justement valoir que la demande de sursis à statuer constituant une exception de procédure, il y a lieu, en cas de rejet d'une telle demande, de faire application de l'article 776, alinéa 4, 2°, du code de procédure civile, en vertu duquel les décisions statuant sur une exception de procédure sont susceptibles d'appel immédiat, dans les quinze jours à compter de leur signification ; qu'il convient donc de déclarer l'appel recevable ; - sur la demande de retrait du rôle : Considérant que le retrait du rôle ne pouvant être ordonné, en application de l'article 382 du code de procédure civile, que lorsque toutes les parties en font la demande écrite et motivée, cette demande, formée uniquement par les sociétés MSD France et a, doit être rejetée ; - sur le sursis à statuer : Considérant que les sociétés MSD France fondent leur demande de sursis à statuer sur l'article 28 du règlement UE 44/2001, aux termes duquel : ' l. Lorsque des demandes connexes sont pendantes devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer. (...) 3. Sont connexes, au sens du présent article, les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. ' ; Qu'elles font valoir, en substance, que les parties aux différentes procédures anglaise, française et allemande sont toutes liées par l'Accord de coexistence qui gouverne le signe 'MERCK' à travers le monde, que les actions sont fondées sur les mêmes faits de contrefaçon de marque, qui résulterait de l'utilisation de la marque MERCK sur internet sans le consentement du groupe allemand Merck, que cette question dépend directement de l'interprétation de l'étendue de l'Accord de coexistence, et notamment ce qui serait considéré comme constituant un consentement selon la loi applicable, et qu'il est donc important d'attendre que la High Court of Justice, Chancelery Division, première juridiction saisie, se soit prononcée sur ce point ; que le sursis à statuer permettrait, selon elles, tenant compte du risque de changement de calendrier de la juridiction anglaise, d'éviter des décisions contradictoires concernant l'interprétation de l'Accord de coexistence, difficiles à mettre en œuvre, de sorte qu'il est d'une bonne administration de la justice de l'ordonner ; Qu'en réponse, les sociétés Merck KgaA et a. soutiennent que les conditions d'application de l'article 28 du règlement UE 44/2001 ne sont pas réunies, les demandes invoquées dans les procédures française et anglaise ne s'inscrivant pas dans une même situation de fait et de droit (parties différentes ; actes de contrefaçon commis sur des territoires différents et portant sur des marques différentes ; pas de manquement à l'Accord de coexistence invoqué devant la juridiction française), de sorte qu'il n'existe aucun risque de contrariété entre les décisions des juges français et anglais ; qu'elles observent, que, quand bien même l'Accord de coexistence serait invoqué en défense, il ne nécessite pas d'interprétation et qu'en tout état de cause, le juge français est le seul à pouvoir statuer sur la loi qui lui est applicable et son interprétation dans le cadre de la procédure française ; qu'elles ajoutent qu'il est techniquement possible de limiter géographiquement les accès à internet ; qu'elles en concluent que le sursis à statuer est injustifié et ne ferait qu'aggraver leur préjudice ; Considérant, ceci exposé, que s'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne, qu'il suffit, pour qu'il y ait connexité entre deux demandes au sens de l'article 28 du règlement UE 44/2001, que leur instruction et leur jugement séparés comportent le risque d'une contrariété de décisions, sans qu'il soit nécessaire qu'ils comportent le risque de conduire à des conséquences juridiques s'excluant mutuellement (arrêt Tartry, 6 décembre 199 ; C-406/92), encore faut-il que cette divergence s'inscrive dans le cadre d'une même situation de fait et de droit (arrêt Roche Nederland E.A., 13 juillet 2006 ; C- 539-03) ; Qu'en l'espèce, force est de constater que les parties défenderesses dans les procédures française et anglaise, sont - nonobstant leur appartenance à un même groupe - différentes, que les actes de contrefaçon reprochés, en ce qu'ils ont été mis en œuvre dans des Etats différents, sont - bien que de même nature - différents, et portent sur des marques, certes protégeant toutes le signe 'MERCK' -sous une forme dénominative ou semi-figurative -, mais correspondant à des titres distincts, soumis, comme les actes de contrefaçon eux-mêmes, à des lois nationales différentes ; Que, par ailleurs, alors que, contrairement à la procédure initiée au Royaume-Uni, aucune violation de l'Accord de coexistence n'est invoquée par les sociétés Merck KgaA et a. dans la procédure initiée en France, les sociétés MSD France et a., qui l'invoquent en défense, n'explicitent pas en quoi, selon elles, il serait nécessaire d'en interpréter les termes pour savoir si celui-ci les autorise à faire usage du signe 'Merk' sur internet à destination du public français ; Que les deux procédures ne s'inscrivent donc pas dans une même situation de fait et de droit ; qu'en l'absence de lien de connexité au sens de l'article 28 précité, les conditions d'application de ce texte ne sont pas remplies et les sociétés MSD France et a. ne sont pas fondées à l'invoquer pour solliciter un sursis à statuer ; Considérant qu'au demeurant, à supposer même qu'il soit prudemment admis, comme l'a fait le juge de la mise en état, que le tribunal français pourrait être amené à tenir compte de l'accord de 1970 dans l'appréciation des droits des parties et de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, les sociétés MSD France et a., il n'apparaît pas d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l'attente de la 'décision finale' de la High Court of Justice, Chancery Division, alors que celle-ci a déjà - dans une décision non frappée de recours - désigné la loi allemande comme loi applicable, qu'il n'est pas non plus explicité en quoi celle-ci est susceptible d'être interprétée dans plusieurs sens, que les sociétés MSD France et a. admettent en tout état de cause que le juge français n'est pas tenu de suivre la décision anglaise, qu'il n'est pas démontré que l'exécution de solutions divergentes se heurterait à une impossibilité technique et qu'au surplus, le calendrier de procédure français a été adapté tant que faire se peut pour tenir compte du calendrier de procédure anglais ; Qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance qui a rejeté la demande de sursis à statuer ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions, Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejetons la demande des sociétés MSD France et a. et les condamnons in solidum à payer aux sociétés Merck KgaA et a. la somme de 15 000 €, Condamnons in solidum les sociétés MSD France et a. aux dépens.