Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Versailles 08 avril 2008
Cour de cassation 28 octobre 2009

Cour de cassation, Chambre sociale, 28 octobre 2009, 08-42803

Mots clés contrat · reclassement · société · licenciement · travail · accident du travail · activité · économique · emploi · licenciement pour motif économique · rendaient · maintien · postes · cessation · impossibilité

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 08-42803
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 08 avril 2008
Président : M. Trédez (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles 08 avril 2008
Cour de cassation 28 octobre 2009

Texte

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 avril 2008), que Mme X..., engagée le 28 février 1983 par la société Draftex, aux droits de laquelle se trouve la société Snappon, a été victime d'un accident du travail le 13 septembre 2002 ; que la salariée, en arrêt de travail à compter de cette date, a été licenciée le 5 juillet 2004 pour motif économique ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nul le licenciement et de l'avoir condamné à payer à la salariée une somme à titre de dommages intérêts à ce titre, alors, selon le moyen :

1°/ que la lettre de licenciement pour motif économique d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu suite à un accident du travail est suffisamment motivée dès lors qu'elle énonce les circonstances rendant impossible le maintien du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement adressée à la salariée rappelait que «compte tenu de la situation financière et industrielle largement obérée de la société», il avait «été décidé de cesser l'activité de Snappon SA (…), la cessation de l'activité de Snappon SA entraînant la suppression de l'ensemble des postes qui y existent» ; qu'en retenant la nullité du licenciement prononcé à l'encontre de Mme X... au motif que la lettre de licenciement n'énonçait pas expressément que ces circonstances « rendaient impossible le maintien du contrat de travail», la cour d'appel a violé les articles L. 1226 9 et L. 1233 16 du code du travail (anc. L. 122 32 2 et L. 122 14 2) ;

2°/ que caractérisent l'impossibilité de maintenir le contrat de travail la cessation de toute activité de l'entreprise et la suppression corrélative de l'ensemble des postes existants, outre l'échec des tentatives de reclassement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que «la lettre de licenciement vis ait les difficultés économiques, la cessation de l'activité, la suppression de tous les postes existants dont celui de la salariée ainsi que le refus de la salariée de la proposition de reclassement du 17 juin 2004» ; qu'en affirmant ensuite que ce courrier ne précisait pas en quoi ces circonstances rendaient impossible le maintien du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1226 9 et L. 1233 16 du code du travail (anc. L. 122 32 2 et L. 122 14 2), ensemble l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232 6 et L. 1226 9 du code du travail que l'employeur, lorsqu'il licencie un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, est tenu de préciser, dans la lettre de licenciement, le ou les motifs pour lesquels il se trouve dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail au cours des périodes de protection dont bénéficie ce salarié, l'existence d'un motif économique ne caractérisant pas à elle seule, cette impossibilité ;

Et attendu que, procédant à l'interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, de la lettre de licenciement du 5 juillet 2004 visant, sans se référer à l'existence de circonstances rendant impossible le maintien du contrat de travail, un licenciement pour motif économique, la cour d'appel en a exactement déduit que le licenciement était nul ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Snappon aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Snappon et condamne celle ci à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Snappon

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit nul le licenciement de Madame Françoise X... et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société SNAPPON à payer à la salariée la somme de 20.000 à titre de dommages et intérêts en réparation du caractère illicite du licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2006, outre la somme de 2.000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE :

« Les parties s'accordent à reconnaître que le contrat de travail de Madame X... était suspendu à raison de l'accident de travail survenu le 13 septembre 2002 à la date à laquelle elle a été licenciée, le certificat de prolongation datant du 25 juin 2004 ayant prolongé son arrêt de travail jusqu'au 25 juillet 2004.

Madame X... ne conteste pas les difficultés économiques alléguées par la société SNAPPON dans la lettre de licenciement mais fait valoir d'une part que le licenciement est nul au regard de l'article L.122-32-2 du Code du travail et qu'à tout le moins le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, aux motifs que l'employeur n'établit pas l'impossibilité de maintenir le contrat de travail et qu'il n'a pas respecté son obligation de reclassement au regard de son état de santé.

Sans qu'il soit donc besoin de reproduire l'énoncé de l'ensemble des difficultés économiques y figurant, la lettre de licenciement du 5 juillet 2004, qui fixe les termes du litige, est ensuite ainsi rédigée :

‘Cette situation catastrophique rend impérative une rationalisation des activités industrielles de GDX afin de tenter de retrouver un équilibre financier nécessaire à la poursuite de son activité.

Compte tenu de la surcapacité de production affectant à des degrés divers les sociétés de GDX en France, il a été envisagé de réduire la capacité industrielle globale en l'adaptant au niveau d'activité tant actuel que prévisible afin de réduire les coûts qui ne sont plus en rapport avec le chiffre d'affaires généré.

Dans ce cadre, compte tenu de sa situation financière et industrielle largement obérée et globalement plus défavorable que celle des autres entités de GDX en France, il a été décidé de cesser l'activité de SNAPPON SA et de fermer le site de Chartres. Cette mesure s'accompagnera d'un recentrage de l'activité de GDX sur les deux autres sociétés du groupe en France qui seront respectivement spécialisées, pour l'une, dans les productions en série de forts volumes et, pour l'autre, dans les productions en petits volumes.

La cessation de l'activité de SNAPPON SA entraîne la suppression de l'ensemble des postes qui y existent à ce jour dont le vôtre et, dans la mesure où vous avez refusé la proposition de reclassement que nous vous avions faite en date du 17 juin 2004, nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique'.

L'article L.122-32-2 du Code du travail institue une protection particulière en faveur du salarié dont le contrat est suspendu à la suite d'un arrêt de travail provoqué par un accident du travail ou par une maladie professionnelle puisque l'employeur ne peut résilier le contrat de travail que s'il justifie d'une faute grave ou de l'impossibilité dans laquelle il se trouve pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie de maintenir ledit contrat.

Il résulte de la combinaison des articles L.122-14-2 et L.122-32-2 du Code du travail que l'employeur, lorsqu'il licencie un salarié dont le contrat est suspendu à la suite d'un arrêt de travail provoqué par un accident du travail ou une maladie professionnelle, est tenu de préciser, dans la lettre de licenciement, le ou les motifs non liés à l'accident ou à la maladie professionnelle pour lesquels il se trouve dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail, l'existence d'un motif économique de licenciement ne caractérisant pas, à elle seule, cette impossibilité.

En outre, conformément à l'article L.321-1 du Code du travail, le licenciement économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi de catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise, ou, si l'entreprise appartient à un groupe, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement doivent être écrites, précises et personnalisées.

La suspension du contrat de travail ne libère pas l'employeur de l'obligation de reclassement prévue par cet article et la société SNAPPON ne se défend pas d'avoir eu à respecter cette obligation, la société SNAPPON faisant partie du groupe GenCorp qui comptait plusieurs sociétés appartenant au même secteur d'activité dénommé ‘division GDX automobile'.

En l'espèce, la lettre de licenciement, si elle vise les difficultés économiques, la cessation de l'activité, la fermeture du site de Chartres, la suppression de tous les postes existants dont celui de la salariée ainsi que le refus de la salariée de la proposition de reclassement du 17 juin 2004, ce qui ne serait en tout cas de nature qu'à justifier le caractère réel et sérieux du motif économique invoqué, n'énonce ni que ces circonstances rendaient impossible le maintien du contrat de travail ni a fortiori ne précise en quoi ces seules circonstances rendaient impossibles le maintien du contrat de travail.

Le licenciement est donc nul et le jugement qui en a décidé autrement sera infirmé. »

1. ALORS QUE la lettre de licenciement pour motif économique d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu suite à un accident du travail est suffisamment motivée dès lors qu'elle énonce les circonstances rendant impossible le maintien du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement adressée à la salariée rappelait que « compte tenu de la situation financière et industrielle largement obérée de la société », il avait « été décidé de cesser l'activité de SNAPPON SA (…), la cessation de l'activité de SNAPPON SA entraînant la suppression de l'ensemble des postes qui y existent » ; qu'en retenant la nullité du licenciement prononcé à l'encontre de Madame X... au motif que la lettre de licenciement n'énonçait pas expressément que ces circonstances « rendaient impossible le maintien du contrat de travail », la Cour d'appel a violé les articles L.1226-9 et L.1233-16 du Code du travail (anc. L.122-32-2 et L.122-14-2) ;

2. ALORS en outre QUE caractérisent l'impossibilité de maintenir le contrat de travail la cessation de toute activité de l'entreprise et la suppression corrélative de l'ensemble des postes existants, outre l'échec des tentatives de reclassement ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément relevé que « la lettre de licenciement vis ait les difficultés économiques, la cessation de l'activité, la suppression de tous les postes existants dont celui de la salariée ainsi que le refus de la salariée de la proposition de reclassement du 17 juin 2004 » ; qu'en affirmant ensuite que ce courrier ne précisait pas en quoi ces circonstances rendaient impossible le maintien du contrat de travail, la Cour d'appel a violé les articles L.1226-9 et L.1233-16 du Code du travail (anc. L.122-32-2 et L.122-14-2), ensemble l'article 1134 du Code civil.

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