CIV. 2
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 janvier 2017
Rejet non spécialement motivé
M. PRÉTOT, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10040 F
Pourvoi n° S 16-11.648
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société KME France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2015 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section accidents du travail), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 7 décembre 2016, où étaient présents : M. Prétot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cadiot, conseiller rapporteur, M. Poirotte, conseiller, Mme Szirek, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société KME France ;
Sur le rapport de M. Cadiot, conseiller, l'avis de Mme Lapasset, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article
1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société KME France aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société KME France ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE
à la présente décision
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société KME France.
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les séquelles présentées par Monsieur [F] à la date du 24/05/2005 ont été correctement évaluées à 24%, et d'avoir refusé de prononcer l'inopposabilité de la décision d'attribution de ce taux ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la communication des pièces médicales : Que si l'article
R. 143-8 du code de la sécurité sociale impose à la caisse, dès le début de l'instance, de transmettre une copie des documents médicaux à l'employeur ou au médecin désigné par celui-ci, cette obligation ne petit porter que sur les documents qu'elle détient en vertu d'ile dérogation au secret médical prévue par la loi ; Qu'il y a lieu de rappeler que la caisse ne détient pas le rapport d'incapacité permanente établi, après examen de l'assuré, par le service. du contrôle médical, non plus que les autres pièces médicales visées à l'article R. 442-2 présentées par le salarié-victime au service du contrôle médical; En l'espèce que la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes a transmis le certificat médical initial en date du 17 mai 2005 établi par le Docteur [Y] de même que la fiche de liaison médico-administrative établie le 14 octobre 2005 par le Docteur [I] ; qu'il n'est pas établi que ses services administratifs soient en possession d'autres documents médicaux ;Que dès lors, la société KME FRANCE n'est pas fondée à lui reprocher un manquement aux prescriptions de l'article
R. 143-8 du code de la sécurité sociale. Par ailleurs que le droit de l'employeur à une procédure contradictoire ne revêt pas un caractère absolu dès lors qu'il doit être concilié avec le droit du salarié victime au respect du secret médical ; Qu'en vertu de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article
226-13 du code pénal et de l'article
L. 1110-4 du code de la santé publique, il ne peut être dérogé au secret médical que dans les cas expressément prévus par la loi ; Qu'à cet effet, l'article
L. 143-10 du code de la sécurité sociale dispose : "Le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puissent lui être opposées les dispositions de l'article
226-13 du code pénal, à l'attention du médecin expert ou du médecin consultant désigné par la juridiction compétente l'entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail permanente. A la demande de l'employeur, ce rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet."; Que, selon l'article
R. 143-33 du code de la sécurité sociale, "l'entier rapport médical mentionné à l'article
L. 143-10 comprend : 1° L'avis et les conclusions motivées données à la caisse d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente partielle à retenir ; 2° Les constatations et les éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé. Qu'il résulte de ces textes que la levée du secret médical ne vise que le rapport d'incapacité permanente partielle, lequel doit contenir non seulement l'avis et les conclusions données à la caisse (correspondant à la dernière page du rapport), mais également tous les éléments nécessaires à la discussion sur les séquelles évaluées (constituant le corps du rapport) ; Que la dérogation prévue par ces dispositions ne concerne pas l'ensemble des pièces médicales consultées par le médecin-conseil, notamment colles susceptibles d'avoir été présentées par l'assuré lors de son examen et qui constituent son dossier personnel ; qu'il n'est pas présumé que le médecin conseil dispose de ces pièces ; Dès lors que l'employeur n'est pas fondé à invoquer le défaut de communication de ces documents pour solliciter l'inopposabilité de la décision attributive de rente ; Que le principe de la contradiction a été respecté et que la garenne d'un procès équitable est assurée par la faculté reconnue per l'article
275 du code de procédure civile au médecin expert ou au médecin consultant désigné par la juridiction de solliciter les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission ; Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas justifié de faire droit à la demande d'inopposabilité reposant sur le défaut de communication de pièces médicales ; Sur le contenu des pièces médicales produites : Que le grief portant sur l'insuffisance des éléments donnés par te médecin conseil dans le rapport d'évaluation des séquelles concerne la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à l'appréciation de la Cour et ne peut donner lieu à inopposabilité de la décision attributive de rente ; convient dès lors de rejeter la demande ; S'agissant du taux d'incapacité permanente partielle : Qu'aux termes de l'article
L. 434-2 du code de la sécurité sociale, « le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle compte tenu du barème indicatif d'invalidité » ; Qu'à la date du 24 mai 2005, M. [O] [F] présentait une maladie professionnelle Numéro 42 pour laquelle les audiométries constituent les pièces principales permettant l'appréciation de l'incapacité permanente partielle ; Que l'audiogramme qui doit comprendre l'audiogramme tonal en conduction aérienne et en conduction osseuse et l'audiogramme vocal, se traduit par un tableau dans lequel sont récapitulées les données obtenues après mesure ; Que ce tableau permet de calcul le déficit de décibels sur l'oreille droite et sur l'oreille gauche ; Que le rapport d'incapacité permanente partielle en date dû. 7 février 2011 faisant état de ces données a été régulièrement transmis à la Société KME, et au médecin mandaté par elle, le Docteur [B], par lettre en date du 23 janvier 2015, En l'espèce, que le déficit acoustique dont il s'agit en la cause a ainsi été évalué selon les conditions du barème en audiométrie tonale en appliquant les coefficients de pondération sur les 4 fréquences de conversations ; Que le déficit ainsi constatable est de 41 dB à Droite et de 46,5 dB à gauche ; Que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments et en
se référant au guide barème réglementaire institué à cet effet, le taux d'incapacité permanente partielle pouvant être reconnu à l'assuré, soit 24 %, est licite ; Ainsi, au vu des éléments soumis à l'appréciation de la Cour, contradictoirement débattus et avec le médecin consultant dont elle adopte les conclusions, que les séquelles décrites ci-dessus justifiaient la reconnaissance d'un taux d'incapacité de 24 % à l'égard de la Société KME FRANCE » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte des articles
L. 143-10,
R. 143-32 et
R. 143-33 du Code de la sécurité sociale que la caisse et le service national du contrôle médical sont tenus de transmettre au médecin consultant désigné par la juridiction technique l'entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail permanente ; qu'aux termes de l'article
R. 143-33 du Code de la sécurité sociale, ce rapport doit comprendre l'ensemble des éléments d'appréciation sur lesquels le médecin conseil s'est fondé ; qu'au cas présent, il résultait des constatations de la CNITAAT que le bilan audiométrique sur lequel s'était appuyé le médecin conseil de la caisse pour évaluer le taux d'incapacité permanente partielle de Monsieur [F] n'avait pas été transmis à l'expert désigné par juridiction (Arrêt p. 6) ; qu'en refusant toutefois de prononcer l'inopposabilité au motif que « la dérogation prévue par ces dispositions [les articles
L. 143-10 et R.143-33] ne concerne pas l'ensemble des pièces médicales consultées par le médecin conseil (
) » (Arrêt p. 7), cependant que l'entier rapport médical doit comprendre tous les éléments sur lesquels le médecin s'est appuyé pour arrêter le taux d'incapacité de travail permanente, la CNITAAT a violé les articles
L. 143-10,
R. 143-32 et
R. 143-33 du Code de la sécurité sociale ensemble ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'il résulte des articles
L. 143-10,
R. 143-32 et
R. 143-33 du Code de la sécurité sociale que la caisse et le service national du contrôle médical sont tenus de transmettre au médecin consultant désigné par la juridiction technique l'entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail permanente ; qu'aux termes de l'article
R. 143-33 du Code de la sécurité sociale, ce rapport doit comprendre l'ensemble des éléments d'appréciation sur lesquels le médecin conseil s'est fondé ; que cette obligation de communication n'est pas subordonnée à la possession des documents par les services administratifs de la CPAM, qui ne constitue pas une condition d'application de l'article
L. 143-10 du Code de la sécurité sociale ; qu'au cas présent, en considérant que l'obligation de communication imposée par l'article L. 141-10 du Code de la sécurité sociale ne concerne pas les pièces « susceptibles d'avoir été présentées par l'assuré lors de son examen et qui constituent son dossier personnes » (Arrêt p. 7), la CNITAAT a violé les articles
L. 143-10,
R. 143-32 et
R. 143-33 du Code de la sécurité sociale en ajoutant une condition d'application qu'ils ne prévoient pas ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le principe de l'égalité des armes doit offrir à chaque partie à un procès une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions que ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; que le droit à une procédure équitable impose notamment à la CPAM et au service du contrôle médical de communiquer toutes les pièces médicales sur lesquelles son médecin conseil s'est fondée pour évaluer le taux d'incapacité permanente partielle, afin de donner une possibilité effective à l'employeur de discuter le bien-fondé de la décision ; qu'au cas présent, en se fondant exclusivement sur les données audiométriques rapportées par le médecin conseil dans son rapport, sans exiger que l'organisme de sécurité sociale et le service national du contrôle médical transmettent les courbes audiométriques sur lesquelles il s'était appuyée pour apprécier le taux d'incapacité, la cour d'appel a privé la société KME du droit à un recours effectif en ne la mettant pas en mesure de discuter l'appréciation du taux d'incapacité permanente partielle arrêté par la CPAM, et, partant, a violé les articles 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'à supposer que l'obligation de communication de l'entier rapport du médecin conseil pèse uniquement sur le service national du contrôle médical, il incombe à la CNITAAT de mettre en cause la CNAMTS pour trancher le litige ; qu'en confirmant le taux d'incapacité permanente partielle en l'absence des courbes audiométriques utilisées par le médecin conseil de la caisse, cependant qu'elle était saisie d'une contestation portant sur le bien-fondé de ce taux, et que ce litige ne pouvait être tranché sans qu'ait été mise en cause le service national du contrôle médical qui disposait de l'entier rapport médical nécessaire à sa fixation, la CNITAAT a violé les articles
331 et
332 du code de procédure civile et
L. 143-10 du Code de la sécurité sociale, ensemble les articles 6-1 de la Cour Européenne des Droits de l'Homme et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme ;
ALORS, ENFIN, QU' il résulte de l'article
R. 143-27 du Code de la sécurité sociale que « lorsque l'affaire n'est pas en état d'être jugée, le président de la section à laquelle elle a été confiée en assure l'instruction » ; que lorsqu'une contestation s'élève sur une décision attribuant un taux d'incapacité permanente partielle, l'article
L. 143-10 du Code de la sécurité sociale impose, avant que le litige ne soit tranché, que l'entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail permanente soit transmis au médecin désigné par la juridiction technique ;
qu'en l'absence de respect de cette formalité l'affaire n'est pas en état d'être jugée ; qu'au cas présent, en statuant sur la contestation de la société KME FRANCE, cependant qu'en l'absence de communication des courbes audiométriques qui faisaient partie de l'entier rapport médical l'affaire n'était
pas en état d'être jugée, et qu'il appartenait à la juridiction technique d'en assurer l'instruction, la CNITAAT a violé les articles
L. 143-10 et
R. 143-27 du Code de la sécurité sociale, ensemble les articles 6-1 de la Cour Européenne des Droits de l'Homme et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme.