Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Rennes 15 avril 2015
Cour administrative d'appel de Nantes 04 mai 2017

Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 4 mai 2017, 15NT02209

Mots clés taxe · impôts · substitution · opérations · service · commissions · activité · coefficient · déduction · finances · groupement d'intérêt économique · vente · crédits · négociation · réseau

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro affaire : 15NT02209
Type de recours : Autres
Décision précédente : Tribunal administratif de Rennes, 15 avril 2015, N° 1204136
Président : Mme AUBERT
Rapporteur : Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public : M. JOUNO
Avocat(s) : SELARL AA&C

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Rennes 15 avril 2015
Cour administrative d'appel de Nantes 04 mai 2017

Texte

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement d'intérêt économique (GIE) Masters France a demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2010.

Par un jugement n° 1204136 du 15 avril 2015, le tribunal administratif de Rennes a déchargé le GIE Masters France de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 juillet 2015 et 11 mars 2016, le ministre chargé des finances demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 avril 2015 ;

2°) de rétablir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge du GIE Masters France au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2010.

Il soutient que :

- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire dès lors que le mémoire en réplique du GIE Masters France a été adressé à la direction régionale des finances publiques de Loire-Atlantique le vendredi 27 février 2015 au lieu de la direction de contrôle fiscal Ouest qui ne l'a reçu effectivement que le 23 mars 2015 ; ce délai ne lui permettait pas d'y répondre avant l'audience publique du 5 mars 2015 ;

- les commissions versées par les organismes de crédit au GIE Masters France rémunèrent une activité de négociation de contrats de prêts et finance l'activité principale de promotion du groupement ; cette modalité de paiement a été décidée par les membres du réseau Masters France ; dans l'hypothèse où les commissions rémunèrent une activité commerciale distincte de l'activité principale, la perception de produits exonérés ne relève pas d'une activité accessoire au sens de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts ; il n'est pas démontré, en l'absence de comptabilité distincte par secteurs d'activité, que les charges engagées pour obtenir les commissions sont inférieures à 10 % des charges grevées de taxe sur la valeur ajoutée payées par le groupement ; par conséquent, les commissions doivent être retenues dans le calcul de coefficient de taxation ;

- à titre subsidiaire, si les sommes encaissées par le GIE Masters France ne rémunèrent pas la négociation de crédits, elles n'ont pas le caractère de commissions et n'entrent pas dans les prévisions du c de l'article 261 du code général des impôts ; les rappels de taxe doivent alors être maintenus, par voie de substitution de base légale, sur le fondement des dispositions des articles 256 et 266 du code général des impôts ; cette substitution de base légale ne prive d'aucune garantie le GIE Masters France dès lors que la remise en cause du régime d'exonération prévue par le c de l'article 261 du code général des impôts ne relève pas de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- la notification de rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée le 18 décembre 2015, à la suite d'une vérification de comptabilité de l'exercice clos en 2012 du groupement, ne constitue pas une prise de position formelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2016, le GIE Masters France, représenté par MeA..., conclut au rejet du recours et à ce que soit mis à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre chargé des finances ne sont pas fondés ;

- la substitution de base légale demandée par le ministre le prive de la garantie tenant à la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- il se prévaut d'une prise de position formelle de l'administration dans la proposition de rectification du 18 décembre 2015 sur le fondement de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant le GIE Masters France.

1. Considérant que le groupement d'intérêt économique (GIE) Masters France réunit vingt entreprises spécialisées dans la vente, le financement, la réparation et la location de campings-cars et a pour objet la promotion du réseau Masters qu'il assure en éditant des catalogues publicitaires, un magazine Masters Info disponible dans les points de vente, des brochures intitulées Carnets de France distribuées aux clients et en engageant des dépenses de publicité pour l'ensemble du réseau ; que ses ressources financières proviennent du droit d'entrée de 15 000 euros payé par les membres de son réseau, de la vente de matériel promotionnel à ces derniers et de commissions dites " remises de fin d'année " versées par les organismes financiers partenaires du réseau en contrepartie de la transmission de demandes de crédit établies par les membres du réseau pour leurs clients ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité du groupement, l'administration a limité le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en estimant que son activité de commissionnaire relevait des dispositions de l'article 261 C du code général des impôts relatives aux opérations d'octroi et de négociation de crédits et a modifié en conséquence le coefficient de taxation calculé selon la méthode prévue par les dispositions réglementaires prises pour l'application du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts ; que le ministre de l'économie et des finances relève appel du jugement du 15 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande du GIE Masters France tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2010 au motif que les dépenses d'amont engagées par le groupement ne pouvaient être regardées comme affectées à une activité de négociation de crédits exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, même en tant que prolongement direct, permanent et nécessaire de son activité taxable ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Considérant, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel / (...) " ; qu'aux termes de l'article 261 C du même code : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les opérations bancaires et financières suivantes : / a. L'octroi et la négociation de crédits (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 266 du même code : " La base d'imposition est constituée : / a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services (...) par toutes les sommes reçues ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre de son activité de promotion des véhicules proposés par ses membres, le GIE Masters France mentionne les possibilités offertes à leurs clients potentiels de souscrire des crédits auprès des organismes financiers qui lui versent des commissions, notamment par la publication d'encarts dans le magazine Masters Infos et à l'occasion de certains événements commerciaux où ces organismes partenaires proposent des taux préférentiels de crédit ; qu'alors même que le montant de ces commissions est calculé sur la base du total des crédits octroyés par ces organismes sur les ventes conclues par l'ensemble des membres du réseau Masters, le GIE Masters France ne peut être regardé comme exerçant une activité d'octroi et de négociation de crédits au sens du a du 1° de l'article 261 C du code général des impôts ; que, dès lors, le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'absence d'activité de négociation de crédits du groupement pour prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de celui-ci ;

4. Considérant toutefois que le ministre de l'économie et des finances demande en appel et à titre subsidiaire la substitution du I de l'article 256 et du a du 1 de l'article 266 du code général des impôts au a du 1° de l'article 261 C du même code au motif que les commissions versées au GIE Masters France par les organismes financiers rémunèrent une prestation de promotion de leurs offres de crédit par le groupement ; que l'existence d'une telle prestation étant établie, il y a lieu de procéder à cette substitution de base légale qui ne prive le contribuable d'aucune garantie, la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires n'étant pas compétente pour connaître de la question de la qualification des commissions, laquelle constitue le seul point en litige ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération / (...) " ; qu'aux termes de l'article 273 du même code : " 1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. / Ils fixent notamment : / (...) / - les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction " ; qu'aux termes de l'article 206 de la même annexe : " I.- Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / (...) / III.- 1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. / (...) / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. / (...) / 3° Pour l'application des dispositions du 1°, il est fait abstraction du montant du chiffre d'affaires afférent : / (...) / b. Au produit des opérations immobilières et financières accessoires exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée. Sont considérées comme accessoires les opérations qui présentent un lien avec l'activité principale de l'entreprise et dont la réalisation nécessite une utilisation limitée au maximum à 10 % des biens et des services grevés de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquis. (...) " ;

6. Considérant que les pièces du dossier ne permettent pas de déterminer le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutés dus par le GIE Masters France compte tenu de la modification du coefficient de déduction applicable résultant de la requalification des commissions versées par les organismes financiers effectuée dans le cadre de la substitution de base légale mentionnée au point 4 du présent arrêt ; que, dès lors, il y a lieu de renvoyer le groupement devant l'administration fiscale pour qu'il soit procédé au calcul des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dus, le cas échéant, au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article et L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que le GIE Masters France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :



Article 1er : La base des rappels de taxe sur la valeur ajoutée éventuellement dus par le GIE Masters France au titre de la période du 1er juin 2008 au 31 octobre 2010 est arrêtée au vu du coefficient de déduction tel qu'il sera déterminé après prise en compte des commissions versées au GIE Masters France lesquelles rémunèrent des prestations de service en application du I de l'article 256 et du a du I de l'article 266 du code général des impôts.

Article 2 : Le GIE Masters France est renvoyé devant l'administration fiscale pour le calcul des rappels de taxe sur la valeur ajoutée éventuellement dus au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2010 selon les modalités mentionnées à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 avril 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions du GIE Masters France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au groupement d'intérêt économique (GIE) Masters France et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- Mme Chollet, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 mai 2017.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

S. Aubert

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT02209