COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 septembre 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10479 F
Pourvoi n° Q 21-15.921
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION
DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 SEPTEMBRE 2022
La société
La Brasserie du Fino, société par actions simplifiée, dont le siège est Centre commercial Carrefour, [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-15.921 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant à la société Groupe Flo, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Groupe Flo a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société
La Brasserie du Fino, de la SCP
Spinosi, avocat de la société Groupe Flo, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation du pourvoi principal annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014
, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour :
REJETTE
le pourvoi principal ;
Condamne la société
La Brasserie du Fino aux dépens ;
En application de l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société
La Brasserie du Fino et la condamne à payer à la société Groupe Flo la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux
MOYENS ANNEXES
à la présente décision
Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société
La Brasserie du Fino.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Brasserie du Fino fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté ses demandes de nullité du contrat de franchise conclu avec la société Groupe Flo, de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes et de l'avoir condamnée à payer à la société Groupe Flo la somme de 18 000 € au titre du solde du droit d'entrée ;
1°) ALORS QUE l'existence du réseau de franchise, caractérisée par la mise à disposition d'une enseigne, d'une marque et d'un savoir-faire spécifique, est une condition essentielle du contrat de franchise, de sorte que toute information de nature à faire douter de cette existence est nécessairement déterminante du consentement du franchisé ; qu'en l'espèce
la Brasserie du Fino faisait valoir qu'elle s'était engagée afin d'exploiter le concept développé par le Groupe Flo sous l'enseigne « Le Comptoir de Maître Kanter », censé être adapté aux spécificités locales et dans lequel devaient être servies des spécialités corses, concept qui se distinguait donc de celui de « La Taverne de Maître Kanter », brasseries spécialisées dans la gastronomie alsacienne, et que c'était sur la base de ce concept particulier qu'elle avait obtenu les financements nécessaires à son exploitation, de sorte qu'en omettant de lui fournir les informations imposées par l'article
L. 330-3 du code de commerce relatives à « l'importance du réseau d'exploitant », le Groupe Flo lui avait dissimulé l'information déterminante relative à l'inexistence du réseau de franchise « Le comptoir de Maître Kanter », avec les particularités qu'il impliquait ; que dès lors, en retenant, pour écarter tout dol de la part du Groupe Flo, que
la Brasserie du Fino se bornait à affirmer que, si le Groupe Flo lui avait fourni les informations imposées par l'article
L. 330-3 du code de commerce elle aurait pu choisir en connaissance de cause d'intégrer le réseau, mais n'établissait pas le caractère déterminant de la réticence d'information, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce caractère déterminant ne résultait pas du fait que l'information retenue portait sur l'existence même du réseau spécifique « Le comptoir de Maître Kanter », en faisant croire à l'exposante qu'elle bénéficierait d'un concept spécifique et cohérent avec son territoire d'implantation quand il était en réalité un réseau mort-né, contrairement à ce que le groupe Flo lui avait indiqué et laissé penser, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016 ;
2°) ALORS, en tout état de cause, QUE l'erreur sur l'existence du réseau de franchise auquel un franchisé s'apprête à adhérer, caractérisé par la mise à disposition d'une enseigne, d'une marque et d'un savoir-faire spécifiques, porte nécessairement sur la substance même de la chose objet du contrat ; qu'en l'espèce,
la Brasserie du Fino faisait valoir qu'elle s'était engagée afin d'exploiter le concept développé par le Groupe Flo sous l'enseigne « Le Comptoir de Maître Kanter », censé être adapté aux spécificités locales et dans lequel devaient être servies des spécialités corses, concept qui se distinguait donc de celui de « La Taverne de Maître Kanter », brasseries spécialisées dans la gastronomie alsacienne, et que c'était sur la base de ce concept particulier qu'elle avait obtenu les financements nécessaires à son exploitation, de sorte qu'en omettant de lui fournir les informations imposées par l'article
L. 330-3 du code de commerce relatives à « l'importance du réseau d'exploitant », le Groupe Flo lui avait dissimulé l'information déterminante relative à l'inexistence du réseau de franchise « Le comptoir de Maître Kanter », avec les particularités qu'il impliquait, ce qui lui aurait révélé que ce réseau auquel elle adhérait, était en réalité mort-né ; que dès lors, en se bornant à énoncer que le défaut d'information précontractuelle ne suffisait pas à caractériser une erreur sur la substance même de la chose, sans rechercher si l'information retenue ne portait pas, en l'occurrence, sur une qualité substantielle du contrat de franchise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1110 du code civil ;
3°) ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel, la Brasserie Fino faisait valoir que l'erreur quant à l'existence du concept développé sous l'enseigne prétendument nationale « Le Comptoir de Maître Kanter », concept censé être adapté aux spécificités locales et sur la base duquel elle avait fait établir le budget prévisionnel, avait engendré un surcoût lié aux travaux supplémentaires imposés par le Groupe Flo, de l'ordre de 157 718 €, un préjudice d'exploitation lié à une ouverture tardive de 189 203 € et était à l'origine d'un manque à gagner de 194 927 € sur la première année par rapport à ce que prévoyait le budget prévisionnel ; que dès lors, en énonçant, pour considérer qu'elle n'établissait pas l'existence d'une erreur causée par le défaut de remise de l'information précontractuelle, qu'elle n'invoquait aucune difficulté ou erreur, qu'il s'agisse de ses perspectives de développement ou de sa situation financière au regard du budget prévisionnel qu'elle avait établi, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la Brasserie Fino, en violation des articles
4 et
5 du code de procédure civile ;
4°) ALORS, enfin, QUE dans ses conclusions d'appel,
la Brasserie du Fino faisait valoir que la franchise développée par le Groupe Flo sous l'enseigne « Le Comptoir de Maître Kanter », à laquelle elle avait choisi d'adhérer, présentait l'intérêt d'être adaptée aux spécificités locales et permettait donc notamment de servir des spécialités corses, de sorte que, malgré des enseignes proches, il se distinguait clairement de celui de « La Taverne de Maître Kanter », brasseries spécialisées dans la gastronomie alsacienne, qui n'était pas adapté à ses besoins ; que dès lors, en se bornant à constater que rien n'interdisait au franchiseur de décliner un même concept original sous les deux enseignes « Le Comptoir de Maître Kanter » et « La Taverne de Maître Kanter » et que la preuve de l'existence d'un savoir-faire particulier, exploité sous l'enseigne « La Taverne de Maître Kanter » était apportée, sans répondre au moyen selon lequel le concept « Le Comptoir de Maître Kanter » avait été présenté au franchisé comme étant distinct de celui de « La Taverne de Maître Kanter », la cour d'appel a violé l'article
455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
La société Brasserie du Fino fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
ALORS QUE le franchiseur qui a manqué à son obligation d'information doit réparer le dommage que ce manquement a causé au franchisé même, en l'absence d'annulation du contrat de franchise ; qu'en l'espèce, il est constant que le groupe Flo n'a remis à l'exposante ni le DIP, ni aucun autre document d'information précontractuelle (arrêt p 5 § 5) et que le manuel de savoir-faire n'a pas produit aux débats (p 7 § 3), de sorte qu'en cet état, la cour d'appel ne pouvait refuser de faire droit à la demande en paiement de dommages et intérêts de
la Brasserie du Fino, sans rechercher, comme elle y était invitée par cette dernière, si les fautes commises par le Groupe Flo n'avaient pas causé à l'exposante des préjudices délictuels particuliers, indépendants de la nullité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles
L. 330-3 du code de commerce et
1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.