Chronologie de l'affaire
INPI 19 février 2010
Cour d'appel de Bordeaux 31 janvier 2011

Cour d'appel de Bordeaux, 31 janvier 2011, 2010/01741

Mots clés procédure · recours contre décision directeur INPI · opposition à enregistrement · moyen nouveau · marque communautaire · imitation · risque de confusion · secteur géographique · public pertinent · consommateur d'attention moyenne · substitution · mot · langue régionale · similitude phonétique · prononciation · adjonction · mot final · nom géographique · structure différente · calligraphie · pouvoir évocateur · opposition fondée

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro affaire : 2010/01741
Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : MOUCHOU ; Muxu d'Itxassou
Classification pour les marques : CL30 ; CL32 ; CL33
Numéros d'enregistrement : 4569976 ; 3650087
Décision précédente : INPI, 19 février 2010, N° 09-2606
Parties : MUXU ET MACARONS SARL / E (Jean-Michel) ; DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'INPI

Chronologie de l'affaire

INPI 19 février 2010
Cour d'appel de Bordeaux 31 janvier 2011

Texte

COUR D'APPEL DE BORDEAUX ARRÊT DU : 31 JANVIER 2011

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A N° de rôle : 10/01741

Décision déférée à la cour : décision rendue le 19 février 2010 (N° OPP 09-2606/JYC) par le Directeur Général de l' Institut National de la Propriété Industrielle de PARIS suivant déclaration de recours en date du 17 mars 2010

DEMANDERESSE : SARL MUXU ET MACARONS, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis 9 rue Gambetta 64500 SAINT JEAN DE LUZ représentée par la SCP LE BARAZER & D'AMIENS, avoués à la Cour, et assistée de MaîtreJean-Benoit SAINT-CRICQ, avocat au barreau de BAYONNE

DEFENDEURS : Jean Michel ELCAURHANDIETA absent, non représenté, régulièrement convoqué (AR signé)

DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE, domicilié en cette qualité au siège social sis 26 bis rue de Saint Pétersbourg 75800 PARIS représenté par Caroline LE PELTIER, chargée de mission munie d'un pouvoir régulier

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 06 décembre 2010 en audience publique, devant la cour composée de : Marie-Paule LAFON, président, Jean-Paul ROUX, président, Jean-Claude SABRON, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier

ARRÊT : -réputé contradictoire -prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Faits et procédure

antérieure : Monsieur Jean Michel Elcaurhandieta a déposé le 12 mai 2009 la demande d'enregistrement n°09 3 650 087 portant sur le sign e verbal `Muxu d'Itxassou'. Ce signe est présenté comme destiné à distinguer les produits suivants : "café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farine et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir ; sandwiches, pizzas ; crêpes (alimentation) ; biscuiterie ; gâteaux ; biscottes ; sucreries ; chocolat ; boissons à base de cacao, de café, de chocolat ou de thé ; bières ; eaux minérales et gazeuses ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons ; limonades ; nectars de fruit ; sodas ; apéritifs sans alcool ; boissons alcooliques (à l'exception des bières) ; cidres ; digestifs (alcools et liqueurs) ; vins ; spiritueux ; extraits ou essences alcooliques".

Le 30 juillet 2009, la société Muxu et Macarons a formé opposition à l'enregistrement de cette marque, sur la base de la marque communautaire Mouchou, déposée le 13 octobre 2005 et enregistrée sous le n° 4 569 976 pour désigner des "café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever, sel, vinaigre ; épices ; glace à rafraîchir ; produit de pâtisserie à base d'amandes".

Par décision en date du 19 février 2010, le Directeur de l'INPI a rejeté l'opposition au motif qu'une partie des produits de la demande d'enregistrement sont certes identiques et similaires à ceux de la marque antérieure mais que le signe contesté ne constituait pas l'imitation de la marque antérieure.

Procédure devant la cour d'appel :

Par déclaration en date du17 mars 2010, la SARL Muxu et Macarons a formé un recours contre cette décision dans des conditions de forme qui ne sont pas contestées.

A l'appui de son recours, elle soutient que :

-la marGt;Muxu d'Itxassou" est une imitation de la marque "musu" qui signifie baiser, marque européenne déposée par les époux Girardot, le terme "mouchou' étant la traduction phonétique en français du terme basque "muxu" de telle sorte que l'imitation phonétique est parfaite au titre de la marque Mouchou qu'elle a personnellement déposée -la volonté parasitaire délibérée de Monsieur Elcaurhandieta n'est pas contestable dès lors que la marque litigieuse adopte la même phonétique conformément aux usages de la langue basque et la même signification que la marque Mouchou

-les termes mouchou, muxu et musu désignent la même spécialité culinaire régionalement connue de la Maison Paries établie au Pays Basque

-le terme d'Itxassou ne saurait non plus être utilisé comme marque en ce qu'il s'agit du nom d'une collectivité qui conformément à l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle ne peut être adopté comme marque -la marque déposée 'Muxu' porte également atteinte à sa raison sociale mais également à son nom commercial et à une enseigne connue sur l'enEitoire national qui inclut le terme 'Muxu'

-Monsieur Elcaurhandieta sera condamné au paiement de la somme de 3 000 euros aularticle 700 du code de procédure civile.

Monsieur le Directeur Général de l'INPI réplique que :

-dès lors que le risque de confusion entre deux marques nationales s'apprécie en adoptant le point de vue d'un consommateur français de culture moyenne et qui, par conséquent, n'est pas nécessairement familier des sonorités de la langue basque, aucune confusion, qu'elle soit visuelle, phonétique ou intellectuelle, ne saurait être constatée entre la marque "muxu d'Itxassou" et "mouchou"

-visuellement, des distinctions apparaissent en ce que l'une des marques est composée de deux termes et l'autre d'un seul terme, les termes 'muxu' et 'mouchou' présentant eux-mêmes de fortes différences visuelles

-phonétiquement, la marque 'mouchou' présente un rythme en deux temps et des sonorités longues et fluides alors que le signe contesté présente un rythme en cinq temps avec une prononciation heurtée en raison des lettres X et U

-intellectuellement, pour le consommateur moyen de nationalité française peu familier de la langue basque, aucun rapprochement entre les termes ne saurait être opéré du point de vue de leur signification

-l'allégation portant sur le risque de "volonté parasitaire délibérée" ne saurait être prise en compte dans le cadre de cette procédure

-le présent recours étant un recours en annulation, sans effet dévolutif, la Cour n'a pas à apprécier des pièces qui n'ont pas été soumises à l'appréciation du Directeur de l'INPI, aussi la démonstration relative à la notoriété de la marque antérieure ne saurait-elle être prise en compte

-en tout état de cause, la portée du droit de marque étant de nature nationale, la notoriété d'une marque ne saurait être prise en compte au seul niveau régional

-les allégations relatives à l'interdiction d'utilisation du nom de la commune d'Itxassou ne sauraient être prises en considération en ce qu'elles relèvent uniquement des pouvoirs du juge du fond dans le cadre du contentieux de l'annulation et en tout état de cause, cette interdiction suppose de démontrer une atteinte au nom, à l'image ou à la renommée de la collectivité territoriale dont le nom est utilisé

-le recours sera donc rejeté. Monsieur Jean-Michel Elcaurhandieta régulièrement convoqué n'a déposé aucun mémoire.

Le Ministère Public a indiqué par avis écrit s'en rapporter.

Motifs : Par ailleurs, compte tenu de la portée nationale du droit des marques, la connaissance de la marque ne saurait se limiter à un niveau local ou régional et doit concerner à tout le moins une partie substantielle du territoire français.

Également le risque de confusion entre les marques doit effectivement s'apprécier en fonction d'un consommateur français de culture moyenne raisonnablement informé et attentif.

L'examen comparatif auquel la cour doit se livrer impose préalablement de prendre en considération le fait que 'Muxu' 'Musu' ou 'Mouchou' constituent des termes basques dérivés signifiant tous baiser mais dont l'usage s'est répandu de les appliquer indifféremment à des pâtisseries connues sous la dénomination de macaron.

Le terme 'Mouchou' constitue la traduction phonétique française de 'Muxu' ce qui permet à l'évidence de considérer que leur similarité auditive est perceptible par tout consommateur potentiel français qui ne peut ignorer les particularismes originaux de base de la langue basque aux termes desquels le X se prononce 'ch' et le U 'ou' qui lui seront d'ailleurs rappelés constamment à l'occasion de tout contact avec le Pays Basque.

Ces éléments interdisent donc de considérer que le terme d'attaque 'Muxu' dans la marque contestée présente une différence phonétique avec celui de 'Mouchou'.

L'adjonction des termes 'd'Itxassou' à celui de 'Muxu' ne fait que renforcer cette volonté d'identification au Pays Basque sans pour autant leur conférer le caractère distinctif évoqué par l'INPI même si l'on prend en compte leur calligraphie et leur longueur.

D'autre part dans la marque contestée le mot 'Muxu' est davantage de nature à favoriser la curiosité du consommateur potentiel que les mots 'd'Itxassou' dont la consonance plus complexe à prononcer assure une large publicité à la localité basque qu'ils désignent sur le territoire national.

L'ensemble de ces éléments doit conduire à considérer que la marque contestée 'Muxu d'Itxassou' constitue une imitation non déguisée d'une marque déposée depuis le 13 octobre 2005 qui distribue des pâtisseries dénommées macarons au-delà d'un marché strictement local en se fondant sur des références de tradition basque de qualité reconnues aux produits fabriqués dans cette région sur l'ensemble du territoire français.

Les formes empruntées par cette imitation sont de nature à favoriser une confusion manifeste avec la marque antérieure qui dislroduits similaires à ceux au profit desquels est envisagée la protection du signe contesté.

Il convient donc de déclarer la société Muxu et Macarons bien fondée en son opposition et d'annuler la décision de Monsieur le Directeur Général de l'INPI du 19 février 2010.

LEande en outre d'allouer à la société Muxu et Macarons la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens du présent recours demeureront à la charge de Monsieur Jean-Michel Elcaurhandieta.

Par ces motifs



La Cour,

Déclare la société Muxu et Macarons bien fondée en son recours. Ele='margin- top:0cm;margin-right:2.0pt;margin-bottom:9.0pt;margin-left: 0cm;text-align:justify;line- height:normal'>Prononce l'annulation de la décision de Monsieur le Directeur Général de l'INPI en date du 19 février 2010.

Condamne Monsieur Jean Michel Elcaurhandieta à payer à la SEcarons la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Dit que les dépens du présent recours demeureront à la charge de Monsieur Elcaurhandieta et en accorde distraction à la SCP Le Barazer - d'Amiens avoué en application de l'article 699 du code de procédure civile.