Cour d'appel de Bordeaux, 19 février 2007, 06/005300

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Texte intégral

ARRÊT

RENDU PAR LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX -------------------------- Le : 19 février 2007 PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A No de rôle : 06/05300 S.C.E.A. LES DEMOISELLES, prise en la personne de son représentant légal Monsieur Bertrand Pierre René X..., gérant, domicilié en cette qualité au siège social, c/ I.N.P.I. LA SOCIETE CHAMPAGNE VRANKEN Nature de la décision : AU FOND Grosse délivrée le : aux avoués Rendu par mise à disposition au Greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450-2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile, Le 19 février 2007 Par Monsieur Alain COSTANT, Président, en présence de Madame Chantal SERRE, Greffier, La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A, a, dans l'affaire opposant : S.C.E.A. LES DEMOISELLES, prise en la personne de son représentant légal Monsieur Bertrand Pierre René X..., gérant, domicilié en cette qualité au siège social, sis 33350 SAINT MAGNE DE CASTILLON représentée par la SCP BOYREAU ET MONROUX, avoués à la Cour et assistée de Me A. LINDER, avocat au barreau de BORDEAUX Demanderesse au recours contre une décision rendue par le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle de PARIS le 17 avril 2002 suivant requête en date du 13 mai 2002, à : Monsieur le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Insdustrielle (l'INPI), demeurant 26 bis rue de Saint-Pétersbourg - 75800 PARIS CEDEX 08 représenté par Mademoiselle Mathilde MECHIN, Chargée de mission, munie d'un pouvoir régulier Société CHAMPAGNE VRANKEN agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège sis 17 avenue de Champagne - 51200 EPERNAY représentée par la SCP LABORY-MOUSSIE & ANDOUARD, avoués à la Cour et assistée par Maître Olivier BASSET, avocat au barreau de PARIS Défendeurs au recours, Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique, le 15 Janvier 2007 devant : Monsieur Alain COSTANT, Président, Monsieur Jean-Claude SABRON, Conseiller, Madame Elisabeth LARSABAL, Conseiller, Assistés de Madame Chantal SERRE, Greffier, Et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats ; ***** ** Par décision du 17 avril 2002, le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle (ci-après l'INPI) a reconnu justifiée l'opposition no 01-3876 de la S.A. CHAMPAGNE VRANKEN du 10 octobre 2001 à la demande d'enregistrement no 01 3 110 976 de la S.C.E.A. LES DEMOISELLES portant sur le signe verbal "CHATEAU DES DEMOISELLES". La S.C.E.A. LES DEMOISELLES a formé un recours contre cette décision le 13 mai 2002. Après que l'affaire ait été renvoyée les 31 mars 2003 et 26 janvier 2004 pour transaction, plaidoiries ou radiation, elle était radiée à l'audience du 04 octobre 2004. Elle était remise au rôle sur la demande de réinscription au rôle de la S.C.E.A. LES DEMOISELLES en date du 03 octobre 2006. Dans ses observations récapitulatives jointes à sa demande de remise au rôle, la S.C.E.A. LES DEMOISELLES, demande à la Cour, déclarant recevable et bien fondé son recours contre la décision du Directeur Général de l' INPI du 17 avril 2002, de : à titre principal, - annuler la décision du Directeur Général de l' INPI en ce que l'opposition formée par la S.A. CHAMPAGNE VRANKEN est irrecevable faute d'intérêt légitime à agir et constitue en tout état de cause un abus de droit; subsidiairement, - constater qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les marques litigieuses et de dire que l'opposition n'est pas fondée ; - dans tous les cas annuler la décision du 22 janvier 2002 ; - condamner la S.A. CHAMPAGNE VRANKEN à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre tous les dépens.

Elle soutient que

la S.A. CHAMPAGNE VRANKEN n'a aucun intérêt légitime à agir compte tenu de la coexistence entre les deux marques qu'elle avait précédemment admise montrant l'absence d'atteinte à ses droits antérieurs. Elle ajoute que l'opposition est abusive alors qu'elle n'est pas dirigée contre un signe constituant une imitation illicite d'une marque antérieure mais contre une marque reposant sur le nom incontestable et reconnu d'une exploitation viticole depuis presque 100 ans et aussi accessoire du droit de propriété. Elle soutient subsidiairement qu'il n'existe aucun risque de confusion au regard des produits désignés par les marques en cause, la marque de la S.A. CHAMPAGNE VRANKEN s'appliquant à des vins de champagne alors que sa propre marque vise des vins d'appellation d'origine contrôlée "Côtes de Castillon" et qui ont ainsi une nature et une provenance différentes, ce qui fait qu'ils ne sont pas concurrents. Elle fait par ailleurs valoir que s'il existe une similitude entre les signes en cause elle n'est pas de nature à entraîner un risque de confusion en raison de leurs structures totalement différentes au plan visuel, phonétique et intellectuel. L' INPI demande à la Cour de rejeter le recours. Elle fait tout d'abord valoir que l'opposition était bien recevable dès lors que le titulaire d'une marque enregistrée a un intérêt légitime à défendre son droit sur celle-ci, alors que l'usage antérieur ne concerne que l'action en contrefaçon. Elle soutient par ailleurs que les marques en cause désignant des produits similaires, en l'occurrence des vins, et qu'au sein de celles-ci le terme "DEMOISELLE" revêt un caractère distinctif et dominant, il existe un risque de confusion incontournable dans l'esprit du consommateur. La S.A. CHAMPAGNE VRANKEN, dans ses observations récapitulatives déposées au Greffe le 14 décembre 2006, demande à la Cour de confirmer la décision du Directeur Général de l' INPI et de condamner la S.C.E.A. LES DEMOISELLES aux dépens. Elle dénie toute coexistence ou tolérance relativement aux marques en cause alors que l'usage toléré ne peut s'appliquer à un nouveau dépôt. Elle ajoute que le but de son opposition légitime est de protéger sa marque "LA DEMOISELLE" contre une marque imitante sur laquelle la S.C.E.A. LES DEMOISELLES ne peut invoquer un droit antérieur, motif pris d'un "nom incontestable", le droit à la marque s'acquérant par l'enregistrement. Elle fait valoir qu'en présence de produits identiques ou à tout le moins similaires, la S.C.E.A. LES DEMOISELLES n'était pas fondée à invoquer une différence de nature, d'élaboration ou d'appellation, le terme définitif et prépondérant "DEMOISELLE" est bien de nature à susciter un risque de confusion dans l'esprit du public. Le Ministère Public auquel le dossier a été communiqué a déclaré s'en rapporter à justice. Motif de la décision Attendu qu'il est constant que la S.A. CHAMPAGNE VRANKEN est titulaire de la marque "LA DEMOISELLE" déposée le 19 novembre 1985, enregistrée sous le no 1 331 236 et régulièrement renouvelée le 25 août 1995 pour désigner en classe 33 des vins de provenance française à savoir champagne ; que le 03 juillet 2001 la S.C.E.A. des vignobles DAUT a sollicité l'enregistrement de la marque "Château des Demoiselles" pour désigner en classe 33 des vins d'appellation d'origine contrôlée "Côtes de Castillon" provenant de l'exploitation exactement dénommée Château des Demoiselles; Attendu alors qu'aux termes de l'article L.712-4 du Code de la propriété intellectuelle "pendant le délai mentionné à l'article L.712-3, opposition à la demande d'enregistrement peut être faite par le propriétaire d'une marque enregistrée, ou déposée antérieurement, ou bénéficiant d'une date de priorité antérieure ou par le propriétaire d'une marque antérieure notoirement connue", la S.C.E.A. LES DEMOISELLES ne saurait soutenir que la S.A. CHAMPAGNE VRANKEN, propriétaire de la marque antérieure "LA DEMOISELLE" régulièrement enregistrée et renouvelée, serait dépourvue d'intérêt à agir et se rendrait coupable d'un abus de droit alors qu'elle a bien un intérêt légitime à défendre ses droits sur la marque dont elle est titulaire contre des marques qu'elle estime imitantes ; Attendu que la S.C.E.A. LES DEMOISELLES n'est pas plus fondée à contester la similarité entre les produits auxquels s'appliquent les marques en cause, justement retenue dans sa décision par le Directeur Général de l' INPI, dès lors que ces produits appartiennent à la catégorie générale des vins ; qu'il est à cet égard indifférent que les produits visés par la marque antérieure soient des champagnes produits dans la seule région ayant droit à cette appellation alors que les produits pour lesquels la demande d'enregistrement de marque est sollicitée sont des vins d'appellation d'origine contrôlée "Côtes de Castillon", issus de la région bordelaise ; que la différence de nature ou d'appellation des produits n'entraîne pas une absence de similarité entre ceux-ci qui ferait que des vins blancs ou rosés ne seraient pas des produits similaires au vin rouge ; Attendu par ailleurs alors que le droit sur la marque s'acquiert par l'enregistrement, la S.C.E.A. LES DEMOISELLES n'est pas plus fondée à invoquer une marque antérieure dont l'absence de renouvellement a entraîné la perte totale des droits sur le signe ou une dénomination apparaissant dans l'ouvrage des éditions FERET sur les vins de BORDEAUX et variant par ailleurs dans le temps "aux Demoiselles", "cru les Demoiselles" et "château des Demoiselles" ; Attendu que pour déterminer si dans l'esprit du consommateur il existe un risque de confusion il convient de comparer les signes en cause dans leur globalité tout en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ; que si les deux marques ont en commun le mot "Demoiselle", qui est incontestablement distinctif comme étant parfaitement arbitraire au regard des produits désignés, il ne saurait à lui seul générer un risque de confusion entre les signes en cause dont la construction est totalement différente, ce qui fait qu'il n'existe aucun risque de confusion tant au plan visuel que phonétique ; que dans la marque antérieure le terme "DEMOISELLE" est précédé de l'article défini "LA" porté tout comme le précédent en majuscules d'imprimerie qui constitue l'attaque de la marque ; que dans la marque dont l'enregistrement est sollicité dans laquelle les mots sont au contraire tous portés en minuscules, l'attaque est constituée par le mot "Château", qui s'il n'est pas en lui-même distinctif au regard des produits qu'il désigne, des vins, se fond en l'espèce dans un ensemble complexe indissociable en ce qu'il est un château bien particulier de celui "des Demoiselles" ce qui rend ainsi cette marque distinctive dans sa complexité et fait qu'elle ne saurait être confondue avec la marque antérieure bien distincte "LA DEMOISELLE" ; Attendu qu'il convient dès lors, faisant droit au recours de la S.C.E.A. LES DEMOISELLES, d'annuler la décision du Directeur Général de l' INPI; Attendu enfin que l'équité commande nullement qu'il soit fait application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR Reçoit la S.C.E.A. LES DEMOISELLES en son recours et le dit bien fondé. Annule la décision du Directeur Général de l' INPI du 17 avril 2002. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Dit que le présent arrêt sera notifié au Directeur Général de l' INPI et aux parties par les soins du Greffe. Le présent arrêt a été signé par Monsieur Alain COSTANT, Président, et par Madame Chantal SERRE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.