Cour d'appel de Chambéry, 3 janvier 2012, 11/00106

Mots clés contrat · vente · FIAT · procédure civile · société · gestion · convention · nullité · honoraires · mandat · immobilier · rapport · factures · gérant · condamnation

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro affaire : 11/00106
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Président : Monsieur Billy

Texte

CB/ MV

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

chambre civile-première section

Arrêt du Mardi 03 Janvier 2012

RG : 11/ 00106

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON LES BAINS en date du 18 Novembre 2010, RG 08/ 827

Appelants

La SARL FIAT LUX,
dont le siège social est sis 11 Boulevard Carnot-74200 THONON-LES-BAINS
M. Jean-Chirstophe X...,
es qualité de liquidateur de la Société FIAT LUX
demeurant...-74200 THONON-LES-BAINS

représentés par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Cour
assistés de la SCP FAVRE-ESCOUBES, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS

Intimée

La SARL TIT,
dont le siège social est sis 13 Place Jules Mercier-74200 THONON-LES-BAINS

représentée par la SCP FORQUIN-RÉMONDIN, avoués à la Cour
assistée de la SELCA MOULINIER-DULATIER & ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON

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COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 22 novembre 2011 avec l'assistance de Madame Vidal, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Monsieur Billy, Président de chambre,

- Monsieur Leclercq, Conseiller

-Monsieur Morel, Conseiller.

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Attendu que la Sarl Tit, représentée par monsieur Guy Y..., monsieur Jean-Christophe X... et la Sarl Marélé II, représentée par son gérant monsieur Z..., ont convenu le 2 avril 2003 de constituer une société pour réaliser une opération de promotion immobilière, le contrat prévoyant que la Sarl Tit se voyait confier la gestion en bénéficiant d'honoraires de gestion de 3 % HT du montant des ventes TTC et d'honoraires de commercialisation de 6 % HT avec charge de reverser une commission de 5 % HT à l'agence immobilière Altitude immobilier ;
Que, au nom de la Sarl Fiat lux en formation, il a été confié par contrat du 15 octobre 2003 la commercialisation du programme, soit la vente de 15 appartements en l'état futur d'achèvement, à la Sarl Tit, réitérant la précision d'une " commission irréductible de six pour cent hors taxes " payée par le vendeur aussitôt la réalisation de la vente ;
Que la Sarl Fiat lux a été constituée le 24 août 2004, son gérant étant monsieur X... ;
Que le Tribunal de grande instance de Thonon les Bains, statuant comme tribunal de commerce, a, par jugement du 18 novembre 2010, ordonné la disjonction entre la demande de paiement relative au mandat de vente et celle relative au contrat du 2 avril 2003, renvoyé les débats sur la seconde demande en invitant avant dire droit les parties à fournir toutes explications, rejeté les exceptions d'irrecevabilité de la demande et de nullité de la convention du 15 octobre 2003, condamné la Sarl Fiat lux à payer à la Sarl Tit 110. 431, 76 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 avril 2008, ordonné la capitalisation des intérêts et l'exécution provisoire, rejeté la demande reconventionnelle en garantie, et condamné la Sarl Fiat lux à payer à la Sarl Tit 1. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que la Sarl Fiat lux en a interjeté appel par déclaration du 14 janvier 2011 ;
Attendu que, exposant qu'elle a été dissoute par décision d'assemblée générale extraordinaire du 4 avril 2011, que monsieur X..., son liquidateur, est intervenu volontairement en première instance, que la convention du 2 avril 2003 ne lie pas Fiat lux, que la Sarl Tit a finalement reconnu qu'elle ne pouvait pas invoquer cette convention pour exiger le paiement d'honoraires de gestion par Fiat lux, que la Sarl Tit ne justifie pas avoir réalisé des prestations de gestion à son profit, que ces honoraires correspondent en réalité à des activités d'entremise et de gestion d'immeubles soumises à la loi du 2 janvier 1970 et son décret d'application du 20 juillet 1972 convenues et donc frappées d'une nullité d'ordre public, que le mandat de vente n'a pas de limitation dans le temps, qu'en outre les deux sociétés avaient alors le même dirigeant, monsieur Guy Y... et qu'il s'agissait donc d'une convention réglementée, que Fiat lux n'avait pas de personnalité morale à la date du 15 octobre 2003 et ne pouvait pas donner un mandat de gestion, que le contrat de vente avec exclusivité conclu entre les sociétés Fiat lux et Tit immobilier n'a pas été régularisé par cette dernière, et qu'il est nul pour comporter une clause de renouvellement sans limitation dans le temps et constituer une convention réglementée sans respect de la procédure de contrôle et d'autorisation de l'article L 223-19 du code de commerce, que monsieur Y... en tant que gérant avait l'obligation de soumettre à l'assemblée générale de Fiat lux un rapport spécial sur la convention de gestion immobilière et les mandats de vente litigieux, ce qu'il n'a pas fait, que ces conventions ont été préjudiciables à Fiat lux qui n'a pas pu négocier auprès de concurrents des rémunérations inférieures, la Sarl Fiat lux et monsieur X... en sa qualité de liquidateur amiable, demandent de débouter la Sarl Tit, de la condamner à restituer les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire, à lui rembourser 131. 941, 53 € de neuf factures d'honoraires de commercialisation et subsidiairement à la garantir des demandes présentées par elle, et de condamner la Sarl Tit à lui payer 5. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que, alléguant qu'elle a exécuté la commercialisation prévue et que Fiat lux a perçu l'intégralité des prix de vente pour plus de 4. 000. 000 €, qu'elle a perçu ses neuf premières factures, soit 131. 941, 53 €, mais, suite à un litige entre elle et monsieur X..., sans rapport avec l'affaire, ses six dernières factures, 110. 431, 76 €, sont restées impayées, qu'elle-même a payé toutes les factures de Altitude immobilier, soit 196. 937, 10 €, que l'article L 225-38 du code de commerce ne la concerne pas, que l'article L 223-19 ne prévoit aucune nullité, qu'il n'existait pas d'immeuble à louer au moment de la convention, qu'elle n'était pas chargée de louer ou gérer l'immeuble mais de le vendre, que sa mission était de gestion de chantier, dont la substance est une assistance à maîtrise d'ouvrage avec une rémunération classique, que la gestion technique du chantier a ultérieurement été transférée à la société Boca d'oro, appartenant à monsieur X..., elle-même conservant la gestion administrative, et les honoraires de gestion étant partagés par moitié sans nouvelle convention écrite, qu'aucune disposition n'impose d'écrit pour une mission de gestion de chantier, que la société Bocca d'oro a été intégralement payée, que l'exception de nullité ne peut pas être soulevée contre un contrat ayant reçu exécution et est donc ici irrecevable, la Sarl Tit conclut à la confirmation de la condamnation prononcée par le jugement, à la condamnation de la Sarl Fiat lux à lui payer en outre 70. 642, 38 € d'honoraires de gestion outre intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2007 et capitalisation, et à lui payer 6. 000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive et 4. 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que les dernières conclusions, qui ne contiennent aucun élément nouveau, en dehors de la demande de la Sarl Tit de dommages et intérêts pour procédure abusive à laquelle la Sarl Fiat lux a répondu, sont parfaitement recevables ;
Attendu que la mission de gestion contenue dans la convention du 2 avril 2003 ne pouvait qu'être liée à l'objet de ladite convention, laquelle précise que " cette convention concerne l'opération immobilière de Châtel : (terrain De A...) ;
Qu'il en résulte qu'il s'agissait de gestion de l'opération immobilière et non de gestion d'un immeuble, et qu'en outre elle était limitée dans le temps par l'objet même de l'opération qui était la vente des appartements, son montant étant d'ailleurs fonction des prix de vente ;
Que, au moment de cette convention, la société Fiat lux n'était pas constituée et n'avait apparemment même pas de nom et qu'il ne peut pas s'agir d'une convention réglementée de ce fait ;
Que les parties conviennent que ce n'est pas en vertu de l'accord du 2 avril 2003 que la demande s'adresse à la société, à qui la convention est inopposable, et qu'il s'agit donc d'un contrat verbal ;
Attendu que la facture d'honoraires de gestion ne peut constituer un titre de créance à elle seule, mais seulement en ce qu'elle est la conséquence de ce contrat passé entre la Sarl Fiat lux et la Sarl Tit ;
Que s'il s'agit d'une convention réglementée, la Sarl Tit étant associée dans la Sarl Fiat lux, il appartenait au gérant de cette dernière de faire approuver par l'assemblée un rapport sur cette convention ;
Que, en toute hypothèse, il résulte de l'article L 223-19, alinéa 4, du code de commerce que " les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s'il y a lieu pour l'associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société " ;

Qu'il appartient donc à la société Fiat lux de régler la facture d'honoraires de gestion, et de prouver, si elle estime que ce contrat a eu des conséquences préjudiciables pour elle, la nature et l'étendue de ces conséquences, ce qu'elle ne fait pas ;
Que sa demande de garantie doit donc être rejetée ;
Attendu que, sur la réalisation de la mission, la Sarl Tit produit une grosse quantité de courriers (pièce 30), émis à son en-tête, démontrant son intervention auprès des participants divers à la construction et appels de fonds et correspondances avec les acquéreurs qui justifient de la réalité de son travail ;
Que, dès lors, la demande de ce chef, dont le montant repose sur la facture 33/ 2007 du 25 mai 2007, et qui correspond exactement à 1, 5 % des prix des ventes est justifiée et le jugement sera réformé ;
Attendu que les mêmes motifs peuvent être retenus sur la validité du mandat de vendre les appartements ;
Que, spécifiquement, l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté totalement ou en partie ;
Qu'il est constant que, d'une part, la Sarl Tit a effectivement réalisé la vente de tous les quinze appartements prévus au programme, qu'elle a établi les compromis et que la Sarl Fiat lux a signé les ventes authentiques correspondant à ces compromis, et que d'autre part elle demande le paiement des honoraires convenus pour les six dernières ventes, les neuf premières ayant donné lieu au versement des honoraires convenus conformément aux factures émises sur la base du taux de rémunération précisé dans la convention du 15 octobre 2003 ;
Que, si les engagements de ce contrat, signé d'ailleurs uniquement par messieurs Z... et X..., mais non par monsieur Y..., gérant de la Sarl Tit qui en demande l'exécution, n'ont pas été repris dans les statuts ni dans une assemblée générale unanime et ne s'imposaient donc pas à la Sarl Fiat lux, il est manifeste qu'ils ont fait l'objet d'un assentiment de celle-ci dès lors qu'il a reçu partiellement exécution, valant pour le moins un contrat verbal ;
Que, dès lors, le jugement doit être confirmé sur ce point ;
Attendu qu'il en résulte également que la Sarl Fiat lux doit être déboutée de sa demande de restitution des honoraires de commercialisation déjà payés ;
Attendu qu'il convient de rappeler que, en toute hypothèse et si la Sarl Fiat lux n'avait pas dû les sommes réclamées, ce sont monsieur X... et la Sarl Marélé II qui devraient, personnellement et dans la mesure de leurs parts, respecter les engagements du 2 avril 2003 et du 15 octobre 2003 ;
Attendu que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée en l'absence de justification d'un préjudice distinct des frais de procès exposés ;

PAR CES MOTIFS


Statuant publiquement et contradictoirement,
Réformant,

Condamne la Sarl Fiat lux à payer à la Sarl Tit la somme de 70. 642, 38 € (SOIXANTE DIX MILLE SIX CENT QUARANTE DEUX EUROS TRENTE HUIT CENTS) au titre des honoraires de gestion avec les intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2008 et capitalisation conformément à l'article 1154 du code de procédure civile,
Confirme les autres dispositions du jugement,
Condamne la Sarl Fiat lux à payer à la Sarl Tit la somme de 4. 000 € (QUATRE MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Forquin Remondin.

Ainsi prononcé publiquement le 03 janvier 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Claude Billy, Président de Chambre, et Marina Vidal, Greffier.

Le Greffier, Le Président,