Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 16 novembre 2023, 22/00322

Mots clés
Contrats • Prêt d'argent, crédit-bail (ou leasing), cautionnement • Prêt - Demande en nullité du contrat ou d'une clause du contrat • prêt • prescription • contrat • déchéance • banque • préjudice

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Grenoble
16 novembre 2023
Cour de cassation
15 juin 2022
Tribunal de commerce de Gap
19 novembre 2021
Cour de cassation
14 octobre 2021

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
  • Numéro de pourvoi :
    22/00322
  • Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
  • Nature : Arrêt
  • Décision précédente :Cour de cassation, 14 octobre 2021
  • Identifiant Judilibre :656988b88d601c83182c194f
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Résumé

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Texte intégral

N° RG 22/00322 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LGNU C4 Minute : Copie exécutoire délivrée le : la SELARL FOURNIER AVOCAT la SELARL EYDOUX MODELSKI AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT

DU JEUDI 16 NOVEMBRE 2023 Appel d'une décision (N° RG 2020J58) rendue par le Tribunal de Commerce de GAP en date du 19 novembre 2021 suivant déclaration d'appel du 19 janvier 2022 APPELANTE : Mme [E] [W] de nationalité Française [Adresse 5] [Localité 2] représentée par Me Virginie FOURNIER de la SELARL FOURNIER AVOCAT, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Jérémie BOULAIRE, membre de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI INTIMÉE : S.A. CAISSE D'EPARGNE CEPAC Banque Coopérative régie par les articles L.512-85 et suivants du Code Monétaire et Financier, SA à Directoire et Conseil d'Orientation et de surveillance au capital de 1.100.000.000, immatriculée au Registre du Commerce des Sociétés de MARSEILLE, sous le numéro 775.559.404, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 4] [Localité 1] représentée par Me Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre, M. Lionel BRUNO, Conseiller, Mme Raphaele FAIVRE, Conseillère, DÉBATS : A l'audience publique du 15 septembre 2023, M. BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Anne Burel, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour. Faits et procédure : 1. Le 23 février 2009, [E] [W] a souscrit auprès de la Caisse d'Epargne Cepac un prêt destiné à l'acquisition d'un bien immobilier sis à [Localité 3], d'un montant de 124.903,48 euros, amortissable en 252 mensualités au taux d'intérêt nominal de 5,10%, soit un TEG de 5,90'%. Invoquant par la suite des anomalies, elle a assigné le prêteur le 2 juin 2020 devant le tribunal de commerce de Gap, afin notamment de constater que les intérêts ont été calculés sur la base d'une année de 360 jours de sorte que cette clause est abusive et doit être écartée'; de constater que les frais de la période de préfinancement n'ont pas été intégrés au TEG de sorte que ce taux est erroné'; d'ordonner en conséquence la substitution du taux légal au taux conventionnel depuis la souscription du prêt, et de condamner la banque à établir de nouveaux tableaux d'amortissement, ou la restitution des sommes perçues à tort. 2. Par jugement du 19 novembre 2021, le tribunal de commerce de Gap a': - déclaré irrecevable comme prescrite l'action de [E] [W] aux fins de voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et leur substitution par «'le taux d'intérêt dans le prêt n°2573508» que lui a accordé la Caisse d'Epargne Cepac'; - déclaré irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité de [E] [W] envers la Caisse d'Epargne Cepac'; - débouté la Caisse d'Epagne Cepac de sa demande reconventionnelle de condamnation au paiement par [E] [W] de la somme de 10.000 euros pour procédure abusive'; - condamné [E] [W] à payer à la Caisse d'Epargne Cepac la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile'; - condamné [E] [W] aux entiers dépens de la procédure. 3. [E] [W] a interjeté appel de cette décision le 19 janvier 2022, en toutes ses dispositions, reprises dans son acte d'appel. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 6 juillet 2023.

Prétentions et moyens

de [E] [W]': 4. Selon ses conclusions remises le 6 décembre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 1907, 1147, 1231 et suivants du code civil, des articles L.313-1 et suivants, R.313-1 et suivants, de l'article L.312-33 désormais codifié à l'article L.341-34 du code de la consommation': - de déclarer ses demandes recevables et bien fondées ; - de constater que l'offre de prêt du 10 février 2009 émise par la société Caisse d'Epargne Cepac renferme une clause ayant pour objet et pour effet d'exclure de l'assiette du coût total prévisionnel du crédit le coût du préfinancement; - de constater que la liquidation du coût total prévisionnel du crédit procède d'une clause abusive; - de la réputer non écrite et d'en écarter l'application; - de prononcer l'annulation de la stipulation d'intérêts du contrat initial souscrit par la concluante; - en tout état de cause, de prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt Primo Ecureuil Modulable n° 1420779 souscrit auprès de la société Caisse d'Epargne Cepac'; - de condamner la société Caisse d'Epargne Cepac à payer à la concluante la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle; - de condamner l'intimée à payer à la concluante la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile; - de rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la société Caisse d'Epargne Cepac; - de condamner l'intimée aux entiers dépens de l'instance. L'appelante expose': 5. - sur la recevabilité de ses demandes, que le prêt a été souscrit selon offre du 10 février 2009, soit plus de cinq ans avant l'introduction de l'instance'; que cependant, l'action n'est pas prescrite, puisque par application de l'article L212-1 du code de la consommation, les clauses abusives figurant dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels sont réputées non écrites, alors que le juge doit en écarter l'application d'office, selon la Cour de Justice de l'Union Européenne et l'arrêt de la Cour de Cassation du 14 octobre 2021'; que l'effectivité de cette protection implique que l'action tendant à faire échec à une clause abusive ne soit pas soumise à la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil'; que l'arrêt de la Cour de Cassation du 15 juin 2022 indique que le délai de prescription ne court à compter de l'acceptation de l'offre que si l'emprunteur était à même de déceler par lui-même, à la seule lecture de l'offre, l'erreur affectant le calcul du TEG'; 6. - que l'intimée est mal fondée à soutenir que le report du point de départ du délai de prescription confère à celui-ci un caractère potestatif, puisque selon la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, le report du point de départ de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de 20 ans à compter du jour de la naissance du droit'; 7. - que le principe de l'égalité des armes prévu par l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme implique que le juge doit s'assurer que chacune des parties soit en mesure d'agir et de se défendre dans les mêmes conditions'; que concernant un prêt immobilier, le prêteur peut toujours agir pendant toute la durée du prêt, en bénéficiant à chaque impayé d'un report du point de départ de la prescription'; que cela doit réciproquement conduire à maintenir au profit du consommateur la même possibilité d'agir même si le prêt a été souscrit plusieurs années auparavant'; 8. - qu'en l'espèce, l'offre de prêt prévoit une clause selon laquelle les intérêts périodiques sont calculés sur une année de 360 jours'; que le contrat exclut certaines composantes concernant le coût de la phase de préfinancement'; qu'il en résulte ainsi un déséquilibre significatif au préjudice du consommateur, concernant l'information donnée puisque le consommateur ne peut apprécier le surcoût qui peut résulter de la phase de préfinancement'; qu'il en résulte que 15,02'% du coût du crédit a été occulté'; que le contrat ne peut être perçu comme clair et compréhensible en raison de l'occultation du coût du préfinancement'; 9. - que la banque a ainsi manqué à ses obligations, alors qu'en raison de sa qualité de dispensateur de crédit, elle n'est pas un professionnel comme les autres, bénéficiant de la confiance de son client'; que tout contrat doit être négocié, formé et exécuté de bonne foi, ce qui est d'ordre public, alors que le contrat oblige également à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi'; qu'en l'espèce, l'intimée n'a pas respecté son obligation de loyauté puisqu'elle ne pouvait ignorer que sa présentation occultait certaines composantes du coût du crédit'; 10. - concernant la période de préfinancement, que l'article L313-1 du code de la consommation, en vigueur jusqu'au 1er mai 2011, a prescrit que pour les prêts faisant l'objet d'un amortissement échelonné, le taux effectif global doit être calculé en tenant compte des modalités de l'amortissement de la créance'; que les frais déterminables doivent être intégrés, comme dans le cas des intérêts intercalaires'résultant de la période de préfinancement'; qu'en l'espèce, le contrat a stipulé une période de préfinancement de 24 mois, de sorte que le coût afférent devait être intégré au TEG, ce qui n'a pas été le cas, puisqu'une clause a exclu ce coût du taux d'intérêt'; 11. - que si l'intimée soutient que l'intégration du coût de la période de préfinancement aurait pour effet de minorer le taux du TEG, cet argument est artificiel puisque cela consiste à allonger la durée de l'amortissement à concurrence de la période de préfinancement pour le calcul des intérêts, alors qu'il convient également de prendre en compte les primes d'assurance'; que le TEG doit ainsi être calculé sur la base de la seule durée d'amortissement'; 12. - que l'article L312-8 du code de la consommation, dans sa version applicable jusqu'au 1er septembre 2010, dispose que l'offre de prêt doit prévoir le coût total du crédit, ce que ne mentionne pas le contrat en cause'puisque le coût du prêt a été occulté'; 13. - que l'intimée a également occulté le coût de l'assurance des biens financés, puisque si l'article 9 du contrat a imposé que l'immeuble affecté à la garantie du prêt soit assuré par l'emprunteur pour une somme égale à sa valeur réelle auprès d'une compagnie notoirement solvable, le choix de l'assureur appartenant à l'emprunteur, ce n'est qu'en 2012, soit postérieurement à la conclusion du prêt, que la Cour de Cassation a changé sa position à ce titre, en excluant que les frais d'une assurance incendie entrent dans le champ de calcul du TEG'; qu'il était admis antérieurement que ces frais en faisaient partie'; 14. - considérant le calcul des intérêts, qu'il doit être effectué sur la base d'une année civile, et non sur 360 jours'; que si la Cour de Cassation estime que l'erreur en résultant doit atteindre un certain seuil, comme un dixième, ce seuil s'avère en pratique impossible à atteindre, ce qui méconnaît l'exigence du caractère réellement dissuasif des sanctions et de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union'; que ce revirement de la Cour de Cassation est contraire au droit au procès équitable, alors qu'en stipulant cette clause, l'intimée a manqué à son obligation de loyauté'; 15. - que l'ensemble de ces vices affectent ainsi gravement le contrat de prêt, alors que la directive 2014/17/EU du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel indique que les sanctions doivent être efficaces, proportionnées et dissuasives'; qu'en conséquence, l'intimée doit être déchue de tout droit au paiement des intérêts, ainsi que condamnée au paiement de dommages et intérêts, en raison du préjudice moral subi par la concluante du fait de la prise de conscience d'avoir été trompée de la contrainte de vendre sa résidence principale, au prix de 85.000 euros alors que le prix d'acquisition était de 125.153,29 euros. Prétentions et moyens de la Caisse d'Epargne Cepac': 16. Selon ses conclusions remises le 30 janvier 2023, elle demande à la cour, au visa des articles 9, 14, 16 et 122 du code de procédure civile, des articles 2224 et 1304 du code civil, des articles L.312-33, R.313-1 du code de la consommation, de l'ordonnance 2019-740 du 17 juillet 2019': - de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de madame [W] en annulation de la stipulation des intérêts conventionnels'; en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite son action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels et son action en responsabilité engagée envers la concluante'; en ce qu'il a déclaré que l'action sur le fondement de la clause abusive est prescrite'; - de débouter dans ces conditions madame [W] de l'ensemble de ses demandes'; - y ajoutant, de condamner madame [W] au paiement de la somme de 10.000 euros pour procédure abusive en application des dispositions de l'article 1240 du code civil'; - de la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. 17. La Caisse d'Epargne demande subsidiairement': - de déclarer que le taux effectif global a été valablement calculé et prend en compte tous les frais connus et déterminables au moment de l'émission de l'offre de prêt'; - de déclarer que la clause 30/360, clause d'équivalence financière, n'est pas une clause abusive'; - de déclarer que les intérêts conventionnels ont été dûment calculés sur une année civile'; - de débouter dans ces conditions madame [W] de son action en annulation de la stipulation des intérêts conventionnels'; - de débouter madame [W] de son action en déchéance du droit aux intérêts'; - de débouter madame [W] de son action fondée sur la clause abusive, et en responsabilité'; - de la débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes et prétentions financières. 18. Elle sollicite, à titre infiniment subsidiaire: - de déclarer que la seule sanction d'un TEG erroné mentionné dans l'offre de prêt est la déchéance du droit aux intérêts laissant au juge un pouvoir d'appréciation dans la sanction'; - de déclarer que madame [W] n'a subi aucun préjudice'; - de débouter en conséquence madame [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en l'absence de préjudice subi'; - de la débouter de son action en responsabilité pour manquement au devoir de loyauté'; - de la condamner aux entiers dépens distraits au profit de maître Modelski, avocate, en ce compris les frais et dépens de première instance. La Caisse d'Epargne soutient': 19. - à titre liminaire, que l'appelante n'est pas fondée en son action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels, puisque selon l'article L312-33 du code de la consommation en vigueur lors de la conclusion du contrat, la seule sanction est la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, ce qu'a repris l'article L341-1'; en outre, que la Cour de Cassation sanctionne le calcul du taux d'intérêts sur une base autre que l'année civile à la condition que l'inexactitude en résultant excède une décimale, position maintenue dans un arrêt du 16 juin 2021; 20. - sur la prescription de l'action de l'appelante, que le tribunal a justement retenu que l'article 2224 du code civil doit recevoir application'; que le point de départ de la prescription ne peut être fixé à la date du rapport d'expertise, puisque cela reviendrait à donner un caractère potestatif à ce délai et à rendre l'action imprescriptible'; que le délai de prescription court ainsi à compter de l'acceptation de l'offre selon l'arrêt du 1er mars 2017 rendu par la Cour de Cassation, qui a permis à l'appelante de constater l'erreur invoquée, y compris concernant la période de préfinancement, que l'offre de prêt a expressément exclue du calcul du TEG ; 21. - s'agissant de la prescription applicable en matière de clause abusive, qu'aucun texte n'indique que l'action afférente serait imprescriptible'; que la clause 30/360 n'est pas abusive au sens de l'article L132-1 du code de la consommation, en l'absence de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, selon la jurisprudence établie par la Cour de Cassation et rappelée dans son arrêt du 2 février 2022'; 22. - que l'action en responsabilité est également prescrite, puisque le dommage résultant de l'inexactitude prétendue du TEG et du coût total du crédit s'est réalisé au jour de la formation du contrat par l'effet de l'acceptation de l'offre'; que l'article 2224 du code civil est ainsi applicable'; 23. - subsidiairement, sur le fond, que l'offre mentionne bien le coût total du crédit, avec ses assurances et accessoires'; que l'appelante ne démontre pas l'existence d'une erreur de plus d'une décimale, alors que la seule présence d'une clause «'lombarde'» est insuffisante; que le calcul effectué sur une période de 30 jours par mois est équivalent à celui effectué sur une année civile'; 24. - s'agissant de la période de préfinancement, que si sa durée maximale est prévue dans l'offre de prêt, elle peut être réduite, de sorte qu'il n'est pas possible pour la banque de déterminer, lors de l'émission de l'offre, les dates de déblocage des fonds et le montant des intérêts, puisque les déblocages résultent de l'initiative de l'emprunteur'; que les frais de cette période n'ont ainsi pas à être intégrés dans le calcul du TEG'; que toute jurisprudence, en raison de son caractère déclaratif, s'applique de plein droit aux situations en cours'; 25. - en outre, qu'intégrer les frais de la période de préfinancement revient à minorer le TEG, puisque la durée du prêt s'en trouve allongée d'autant'; que le TEG majoré de 1,36'% comme indiqué dans le rapport d'expertise communiqué par l'appelante est ainsi erroné'; qu'en l'espèce, le TEG ressortirait à 5,84'% en intégrant la période de préfinancement, contre le taux de 5,90'% mentionné dans l'offre de prêt'; 26. - s'agissant de l'assurance des biens financés, que son coût n'a pas à être intégré dans le calcul du TEG, ne s'agissant pas d'une condition de l'octroi du prêt, mais d'exécution du contrat'; 27. - en tout état de cause, que le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation concernant les conséquences de la déchéance du droit aux intérêts, qui peut être ainsi partielle'; que l'emprunteur ne peut solliciter de réparation qu'en raison du préjudice subi et justifié'; que la mention du TEG a pour objectif de permettre à l'emprunteur de comparer l'offre avec d'autres propositions, de sorte que le préjudice subi est au plus une perte de chance de contracter à de meilleurs conditions'; que la sanction est limitée à la déchéance du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, et non l'annulation de la clause d'intérêt avec sa substitution par le taux légal, sanction qui n'est pas susceptible de modération par le juge'; que le prononcé d'une sanction n'est qu'une faculté que la loi remet à la discrétion du juge selon l'arrêt du 10 octobre 2018'; 28. - que la demande de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros au titre d'un manquement de la concluante à son obligation de loyauté est mal fondée, la concluante n'ayant commis aucune faute'; 29. - reconventionnellement, que les actions fondées sur un TEG augmentent en raison de l'idée erronée selon laquelle les banques seraient déloyales et que les TEG seraient faux'; que l'intention de nuire de l'appelante est évidente. ***** 30. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

: 1) Concernant la recevabilité de l'action de madame [W]': 31. Selon le tribunal, si madame [W], selon une interprétation d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne, soutient que l'action ne saurait être prescrite au bout de 5 ans, s'inscrivant, sinon de façon imprescriptible, du moins et au visa de l'article 2232 du code civil, dans un délai butoir de 20 ans, cependant, en matière de délai de prescription et en l'absence de réglementation de l'Union en la matière, les modalités visant à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l'Union relèvent de l'ordre juridique interne de chaque état membre, dans la mesure où elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union. 32. Le tribunal a relevé que la situation de madame [W], qui invoque un TEG erroné et demande la déchéance des intérêts conventionnels et leur remplacement par le taux d'intérêt légal, est clairement prévue par l'article 2224 du code civil qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'; que dans le cadre d'une action en responsabilité pour clause abusive, le même article du code civil trouve son application dans le cadre d'une recherche en responsabilité contractuelle ou délictuelle du consommateur envers le professionnel'; que tel est le cas de l'action en responsabilité de madame [W] fondée sur le fait que le TEG appliqué devait être calculé sur une civile et non sur l'année lombarde, c'est-à-dire un TEG calculé sur 365 jours au lieu de 360 jours. 33. Concernant le point de départ de la prescription, le tribunal a exposé qu'il convient de rechercher à quel moment madame [W] a pu prendre connaissance des erreurs invoquées'; qu'elle indique avoir constaté des anomalies dans les documents contractuels, ce dont elle a fait part à la banque'; qu'elle indique également avoir confié la mission à un expert de procéder à des investigations approfondies. Il a retenu que madame [W] ne donne aucun élément de preuve quant à la date à laquelle elle aurait constaté ces anomalies ni à quelle date elle aurait confié cette mission à l'expert'; qu'elle ne produit pas un rapport ou a minima un avis qu'aurait selon toute vraisemblance dû rendre l'expert. Le tribunal a ainsi recherché si les erreurs invoquées étaient apparentes, décelables par madame [W], dès l'origine, à la signature du contrat de prêt, et qu'en l'espèce, les deux seules pièces fournies par les deux parties sont l'offre de prêt immobilier et le tableau d'amortissement contractuel. Il a constaté que tous les éléments d'appréciation du caractère erroné ou non du TEG étaient présents dès l'origine, et que les erreurs invoquées étaient donc décelables sur les documents d'origine, sans qu'il soit nécessaire d'appliquer des formules mathématiques complexes, cela qu'il s'agisse de la référence à l'année lombarde (30/360) ou à l'absence des frais et intérêts de préfinancement dans le calcul du TEG. En conséquence, le tribunal a considéré que le point de départ du délai de prescription de l'action intentée par madame [W] doit être fixé au 23 février 2009, date de la signature des documents contractuels, et que l'assignation ayant été faite le 2 juin 2020, soit plus de onze après, l'action intentée par madame [W] est prescrite depuis le 23 février 2014. 34. La cour relève que l'action de madame [W] repose sur une clause estimée par elle abusive. Selon la Cour de Justice de l'Union Européenne, le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Selon son arrêt du 10 juin 2021 (n°C-776/19), 'l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription. Pour la Cour de Cassation, la demande tendant à voir une clause abusive réputée non écrite, qui ne s'analyse pas en une demande d'annulation, n'est pas soumise à la prescription ('Com.'8 avr. 2021,'n°19-17.997 et Civ. 1re,'30 mars 2022,'n°19-17.996). 35. Il en résulte, ainsi que soutenu par l'appelante, que son action visant à voir reconnaître la clause concernant le calcul des intérêts abusive, n'est pas soumise à un délai de prescription, dès lors que cette action tend à voir constater son caractère non écrit et à en écarter l'application. Concernant la demande de dommages et intérêts formée en outre par madame [W], la cour constate qu'elle n'est que la conséquence de la demande tendant à voir déclarer la clause abusive. Cette demande n'est ainsi pas soumise au délai de prescription quinquennale, s'inscrivant dans la nécessité d'assurer l'effectivité de la prohibition des clauses abusives dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels. 36. En conséquence, sans qu'il soit nécessaire de plus amplement statuer, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a déclaré l'action de l'appelante prescrite. 2) Sur le fond': 37. Le contrat de prêt a stipulé un taux fixe de 5,10'%, concernant tant la période de préfinancement que la période d'amortissement. La durée de la période de préfinancement a été fixée à 24 mois, et le montant des intérêts dus pendant ce délai n'a pas été déterminé. En conséquence, si une prime d'assurance mensuelle de 43,72 euros a été prévue, le montant total de l'échéance due pendant la période de préfinancement n'a pas été déterminé. Le TEG de 5,90'% n'a concerné ainsi que la période d'amortissement, ce que l'offre a mentionné expressément. 38. Cette offre a également stipulé que les intérêts sont calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours. Il s'agit d'une clause dite «'lombarde'». 39. La cour constate, concernant cette clause concernant tant la phase de préfinancement que d'amortissement, qu'il s'agit de l'utilisation d'une base normalisée pour le calcul des intérêts, et donc du taux applicable, le taux de chaque période mensuelle étant égal au douzième du taux conventionnel annuel. Ce calcul opéré sur une base 30/360 est équivalent à celui effectué sur l'année civile, soit sur une base 30,41666/365 ( le montant journalier des intérêts est de 0,0833333'% dans les deux cas, la différence intervenant à partir de la huitième décimale). Il n'est pas justifié d'une différence effective des intérêts ainsi calculés dans le tableau d'amortissement. Le «'rapport d'expertise'» produit par l'appelante ne peut être retenu, s'agissant d'un document établi unilatéralement à la demande de madame [W], alors que le juge, devant faire respecter le principe du contradictoire, ne peut asseoir sa décision sur un tel rapport, lequel n'est corroboré par aucun autre élément. Il en résulte que madame [W] est mal fondée à soutenir que cette clause est abusive, la preuve d'un déséquilibre significatif n'étant pas rapportée. 40. Concernant la période de préfinancement, les conditions générales ont stipulé qu'il s'agit de la période comprise entre la date d'acceptation de l'offre par l'emprunteur et celle fixée comme point de départ de l'amortissement. Les intérêts intercalaires seront prélevés mensuellement à terme échu, sinon à l'expiration de la période d'anticipation, ou ajoutés au capital initial, le total de ces intérêts et ce capital constituant alors le montant du prêt amortissable. Si au terme de la période d'anticipation, le prêt n'est pas totalement versé, le prêt passera automatiquement en amortissement sur la base du capital versé. 41. Il ne résulte de ces stipulations aucun déséquilibre significatif au détriment du consommateur, l'objet de la période de préfinancement étant au contraire de rendre possible la concrétisation de son projet immobilier (notamment le séquestre des fonds chez le notaire chargé de la vente, afin qu'il puisse régulariser l'acte authentique en constatant le paiement du prix et éventuellement procéder à la purge des inscriptions existant du fait du vendeur). Cette période de préfinancement n'est pas une prérogative unilatérale du prêteur, mais de l'emprunteur, lequel reste maître de l'avancement de son projet d'acquisition. En raison de l'impossibilité pour la banque de prévoir la durée de ce préfinancement, sur laquelle elle n'a aucune maîtrise, il en résulte qu'elle ne peut calculer le montant des intérêts et des primes d'assurances dus pendant cette période et les intégrer au TEG. 42. En l'espèce, il résulte du tableau d'amortissement produit par l'appelante que cette période de préfinancement a porté sur un mois, et seule la somme de 136,54 euros a été perçue au titre du paiement des intérêts intercalaires et de la prime d'assurance. L'amortissement normal du prêt a ensuite débuté. 43. En outre, comme soutenu par l'intimée, l'intégration du coût de la période de préfinancement impose de prendre en compte la durée de cette période pour le calcul du TEG, ce qui a pour effet de rallonger la durée d'amortissement du prêt. En fonction de cet allongement, l'appelante ne rapporte pas la preuve que le TEG ait été erroné à son désavantage. En conséquence, madame [W] est également mal fondée à soutenir que le calcul de cette période de préfinancement, sans inclusion des intérêts dans le calcul du TEG, constitue une clause abusive. Le contrat a été rédigé dans des termes clairs et compréhensibles, et le tableau d'amortissement remis à l'emprunteur a détaillé clairement les différents éléments concernant le remboursement des intérêts, des frais et du capital emprunté, y compris concernant la période de préfinancement, puisqu'il a été établi le 6 mars 2009, postérieurement à la date de l'offre de prêt. 44. L'appelante est également mal fondée à invoquer les dispositions de l'ancien article L312-8 du code de la consommation concernant le coût total du crédit, puisque par hypothèse, le coût de la période de préfinancement, ne relevant pas de la maîtrise du prêteur, ne peut être déterminé lors de l'émission de l'offre de prêt. 45. S'agissant du coût de l'assurance du bien financé, la cour constate que l'article 9 des conditions générales de l'offre de prêt n'a pas imposé cette garantie comme condition d'octroi du prêt. Le choix de l'assureur appartient à l'emprunteur, qui réglera directement les primes à cet assureur. Il en résulte que le calcul du TEG n'avait pas à prendre en compte les primes d'assurances payées directement à un tiers au contrat de prêt, d'autant que cet élément ne dépendait pas de la banque, mais de madame [W]. 46. Il s'ensuit qu'aucune disposition ne permet de constater que la banque a mal calculé le montant du TEG, ni qu'elle a manqué à ses obligations d'information de l'emprunteur et de loyauté. La preuve d'une clause abusive constituant un déséquilibre significatif au préjudice de l'appelante n'est pas rapportée. En conséquence, madame [W] est mal fondée à invoquer un préjudice subi du fait de l'attitude de la banque. Statuant à nouveau, la cour déboutera ainsi l'appelante de l'ensemble de ses demandes. 3) Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de l'intimée': 47. Concernant la demande reconventionnelle de la Caisse d'Epargne Cepac visant le paiement de la somme de 10.000 euros pour procédure abusive, le tribunal a dit qu'elle n'apporte pas la preuve d'avoir subi un dommage ou préjudice du fait de la procédure intentée par madame [W]. La cour ne peut que confirmer ces motifs. Le jugement déféré sera ainsi confirmé sur ce point. 48. Madame [W] succombant en son appel sera condamnée à payer à l'intimée la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi, Vu l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, les articles 1907, 1147, 1231, 2224 du code civil, les articles L212-1, L313-1 et suivants, L312-33 du code de la consommation, l'article L110-4 du code de commerce'; Infirme le jugement déféré en ce qu'il a': - déclaré irrecevable comme prescrite l'action de [E] [W] aux fins de voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et leur substitution par «'le taux d'intérêt dans le prêt n°2573508» que lui a accordé la Caisse d'Epargne Cepac'; - déclaré irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité de [E] [W] envers la Caisse d'Epargne Cepac'; Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour; statuant à nouveau'; Déclare l'action de madame [W] recevable, mais mal fondée'; Déboute en conséquence madame [W] de l'ensemble de ses demandes'; y ajoutant, Condamne madame [W] à payer à la Caisse d'Epargne Cepac la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile'; Condamne madame [W] aux dépens exposés en cause d'appel, dont distraction au profit de maître Modelski, avocate ; SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La Greffière La Présidente
Note...

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