Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Bastia 14 septembre 1995
Cour de cassation 16 juin 1998

Cour de cassation, Première chambre civile, 16 juin 1998, 95-21.066

Publié au bulletin
Mots clés postes telecommunications · responsabilité · lettres recommandées · ordre de réexpédition · inexécution · exonération · inexécution (non) · responsabilite delictuelle ou quasi delictuelle · faute · postes télécommunications · réexpédition de lettres recommandées · obligation de réexpédition d'un courrier · lien de causalité avec le dommage · obligation de réexpédition du courrier · destinataire du courrier non informé de la mise en demeure de son assureur · suspension de la garantie · assurance (règles générales) · primes · paiement · modalités · paiement par prélèvement automatique · découvert du compte · comportement fautif de l'assuré · non paiement · echéances impayées à raison du découvert du compte de l'assuré

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 95-21.066
Dispositif : Rejet
Publication : Publié au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel de Bastia, 14 septembre 1995

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Bastia 14 septembre 1995
Cour de cassation 16 juin 1998

Résumé

S'agissant de lettres recommandées, l'article L. 8 du Code des postes et télécommunications limite ou écarte la responsabilité de La Poste seulement dans le cas limitativement prévu de perte ou de vol.
Dès lors, La Poste qui manque à son engagement de réexpédier le courrier à son destinataire, lequel avait donné un ordre de réexpédition temporaire en payant une redevance spéciale, est tenue de réparer les conséquences de la négligence de son préposé qui n'avait pas consulté le fichier des ordres de réexpédition, de sorte qu'une lettre recommandée avait été renvoyée à son expéditeur.

Texte

Attendu que la société Acqua Cyrne Gliss (la société) a été victime, le 31 mai 1989, d'un attentat qui a endommagé ses installations ; que son assureur, la Samda, a invoqué la résiliation pour non-paiement des primes échues du contrat la garantissant ; que, soutenant que la mise en demeure de payer celles-ci, adressée par lettre recommandée, ne lui avait pas été remise du fait de l'inexécution de l'ordre de réexpédition temporaire du courrier qu'elle avait donné, la société a demandé à l'établissement public La Poste la réparation du préjudice consécutif à l'attentat ; que l'arrêt attaqué (Bastia, 14 septembre 1995) a relevé que, par suite d'une négligence du préposé qui n'avait pas consulté le fichier des ordres de réexpédition, la lettre recommandée expédiée par la Samda en janvier 1989 avait été renvoyée à son expéditeur et que cette négligence était constitutive d'une faute lourde de La Poste qui n'était tenue des conséquences dommageables de celle-ci qu'à hauteur de la moitié, compte tenu de la faute de la société ; que la cour d'appel a condamné La Poste à payer à la société une somme de 417 170 francs ;

Sur la première branche du moyen du pourvoi principal :

Attendu que La Poste reproche à la cour d'appel de s'être ainsi prononcée, alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions des articles L. 8 et L. 13 du Code des postes et télécommunications, dans leur rédaction antérieure à la loi du 2 juillet 1990, applicable en la cause, que l'administration des Postes et Télécommunications n'est tenue à aucune indemnité soit pour détérioration, soit pour spoliation des objets recommandés, soit en cas de retard dans la distribution ou de non-remise par exprès, la perte, sauf le cas de force majeure, donnant seule droit à une indemnité dont le montant est fixé par décret ; qu'ainsi, à défaut de perte de la lettre recommandée, La Poste ne pouvait être tenue à réparation envers le destinataire quand bien même elle n'aurait pas satisfait à l'ordre de réexpédition temporaire, de sorte que la cour d'appel, en statuant comme elle a fait, a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que, s'agissant de lettres recommandées, l'article L. 8 du Code précité limite ou écarte la responsabilité de La Poste seulement dans le cas de perte ou de vol ; qu'elle a relevé qu'en l'espèce, il s'agissait d'un manquement de La Poste à son engagement de faire suivre le courrier à son destinataire qui avait donné un ordre de réexpédition temporaire en payant une redevance spéciale ; que la cour d'appel en a exactement déduit que La Poste était tenue de réparer les conséquences de cette négligence ; qu'en sa première branche, le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième branches du même moyen :

Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir, en statuant comme elle a fait, d'une part, violé l'article 1147 du Code civil, le fait de renvoyer une lettre recommandée à son expéditeur en méconnaissance d'un ordre de réexpédition temporaire donné par le destinataire n'étant pas constitutif d'une faute lourde ouvrant à ce dernier droit à réparation ; et, d'autre part, violé les articles L. 8 et L. 13 du Code des postes et télécommunications, les dispositions légales limitant ou écartant la responsabilité de La Poste en matière d'objets recommandés ou de courriers exprès s'imposant même en cas de faute lourde ;

Mais attendu que, s'agissant d'un manquement à l'obligation de réexpédier le courrier selon l'ordre reçu, La Poste était tenue de sa simple faute, de sorte que la discussion introduite par le moyen est sans portée ; qu'en ses deuxième et troisième branches, celui-ci ne peut donc être accueilli ;

Sur la dernière branche de ce même moyen :

Attendu qu'il est enfin fait grief à la cour d'appel d'avoir statué comme elle a fait, alors que l'absence de respect d'un ordre de réexpédition donné par le destinataire d'une lettre recommandée mettant celui-ci en demeure de régler les échéances de primes d'assurance, sous peine de résiliation du contrat d'assurance, n'est pas causale du préjudice qu'aurait subi, du fait de la résiliation et de l'attentat survenu le 31 mai 1989, le destinataire, dont l'arrêt attaqué constate qu'il avait accepté le paiement des primes mensuelles par prélèvements automatiques sur son compte bancaire et aurait dû se préoccuper auprès de son assureur des incidents de paiement des primes survenus à compter du mois de décembre 1988 et dus à l'existence d'un découvert bancaire qu'il ne pouvait ignorer, de sorte qu'en décidant du contraire, la cour d'appel aurait violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que n'ayant pas reçu la mise en demeure de la Samda, qui rappelait les montants et les dates d'échéances ainsi que les dispositions de l'article L. 113-3 du Code des assurances sur les sanctions encourues et le délai au terme duquel la garantie serait suspendue, la société n'avait pu prendre les dispositions nécessaires pour s'acquitter en temps utile des échéances et que la suspension avait pris effet automatiquement le 31e jour après l'envoi de la lettre recommandée ; qu'elle a pu en déduire que la faute de La Poste avait causé un préjudice à la société ; qu'en sa quatrième branche, le moyen n'est donc pas fondé ;

Et sur l'unique moyen du pourvoi incident :

Attendu que la société Acqua Cyrne Gliss reproche à la cour d'appel d'avoir violé l'article 1382 du Code civil en prononçant un partage de responsabilité, alors que, selon le moyen, le fait pour un assuré, qui a pris les précautions nécessaires pour faire suivre son courrier, de ne pas se préoccuper de primes prélevées automatiquement sur son compte bancaire en l'absence de toute mise en demeure de l'assureur ne constitue pas une faute ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la société avait accepté le paiement des primes par prélèvement automatique sur son compte bancaire, mais que les échéances de décembre 1988 et janvier 1989 n'avaient pas été payées en raison du découvert du compte, bien que le responsable de la société pût à tout moment connaître la position exacte de ce compte et se préoccuper auprès de son assureur des prélèvements de primes convenus ; qu'elle a pu en déduire un comportement fautif de la société ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE les pourvois.