Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Nantes 29 août 2014
Cour administrative d'appel de Nantes 22 septembre 2015

Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 22 septembre 2015, 14NT02613

Mots clés résidence · territoire · obligation · quitter · assignation · délai · vie privée · portant · représentation · préfet · étranger · volontaire · départ · promesse · ressort

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro affaire : 14NT02613
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nantes, 29 août 2014, N° 1407336
Président : M. PEREZ
Rapporteur : M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public : M. DELESALLE
Avocat(s) : LE FLOCH

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Nantes 29 août 2014
Cour administrative d'appel de Nantes 22 septembre 2015

Texte

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 25 août 2014 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le Maroc comme pays de destination et l'a assigné à résidence jusqu'à exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1407336 du 29 août 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2014, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 août 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 août 2014 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le Maroc comme pays de destination ;

3°) d'annuler l'arrêté du 25 août 2014 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique l'a assigné à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;

5°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui restituer son passeport ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle ne mentionne pas d'élément concernant sa vie privée, et traduit ainsi l'absence d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- le préfet a, en outre, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- il justifie, en effet, d'une présence habituelle et continue sur le territoire français depuis 10 ans et du soutien ferme d'un employeur, qui lui a consenti une promesse d'embauche le 18 août 2014 ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire, qui ne vise que le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est insuffisamment motivée et traduit l'absence d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- il ne comprend pas les raisons pour lesquelles il ne présenterait pas de garanties de présentation suffisantes pour se voir accorder un délai de départ volontaire, alors que ces garanties sont regardées comme suffisantes pour son assignation à résidence ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie de garanties de représentation indéniables et d'une intégration professionnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui la fonde ;

- la décision portant assignation à résidence méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, dès lors qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations, notamment quant à la fréquence de l'obligation de pointage qui lui a été faite ;

- cette décision d'assignation à résidence, qui ne prévoit aucune durée maximale, est, par ailleurs, entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est également entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 551-1 du même code, dès lors qu'il n'est pas possible de déterminer si l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français a été notifié préalablement à l'arrêté portant assignation à résidence.

Par ordonnance du 7 janvier 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 19 février 2015 à 16 heures.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 septembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public.

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique.

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Millet a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. A...B..., ressortissant marocain, relève appel du jugement du 29 août 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 25 août 2014 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le Maroc comme pays de destination et l'a assigné à résidence jusqu'à exécution de la mesure d'éloignement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen personnel de la situation de M. B...doit être écarté ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) " ; et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...). " ;

4. Considérant que si M.B..., entré irrégulièrement en France en septembre 2003, soutient qu'il réside sur le territoire national de manière continue depuis plus de dix ans et justifie d'une intégration professionnelle, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire, sans enfant, et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent notamment son père, ses trois soeurs et l'un de ses frères ; que, par ailleurs, les éléments qu'il invoque, notamment l'existence d'une promesse d'embauche du 18 août 2014, antérieure de seulement quelques jours à la décision contestée, ne sont pas suffisants pour justifier de l'insertion sociale et professionnelle du requérant au sein de la société française ; qu'ainsi, eu égard notamment à ses conditions de séjour en France, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique, qui a apprécié l'atteinte qui aurait été portée au droit au respect de la vie privée de l'intéressé, contrairement à ce que ce dernier prétend, aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

5. Considérant, en premier lieu, que la décision portant refus de délai de départ volontaire, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen personnel de la situation de M. B...doit être écarté ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ;

7. Considérant que si M. B...soutient, à juste titre, qu'il justifiait de garanties de représentation suffisantes pour se voir accorder un délai de départ volontaire, ce qu'admet d'ailleurs le préfet, il est, toutefois, constant que l'intéressé est entré irrégulièrement en France et qu'il ne justifie pas avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour consécutivement à la promesse d'embauche dont il se prévaut ; que, dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique a pu, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation, refuser un délai de départ volontaire à M. B...en application des dispositions du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ces dernières dispositions ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : / (...) / 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) " ;

10. Considérant qu'il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment du III de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions administratives plaçant des étrangers en rétention administrative ou les assignant à résidence ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision d'assignation à résidence ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'assignation à résidence en litige serait illégale faute d'avoir été précédée du recueil des observations de M. B...doit être écarté ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ; et qu'aux termes de l'article L. 512-3 de ce code : " Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai de départ volontaire qui lui a été accordé ou, si aucun délai n'a été accordé, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français. " ;

12. Considérant que le choix de la durée de l'assignation à résidence n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique ; que si l'arrêté contesté se borne à indiquer que M. B...sera astreint à résidence jusqu'à l'exécution de la mesure d'éloignement, il vise néanmoins l'article L. 561-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, il doit être regardé, ainsi que l'a jugé à bon droit le premier juge, comme fixant une durée d'assignation à résidence n'excédant pas quarante-cinq jours, conformément audit article ; qu'en outre, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'assignation à résidence est applicable, si aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, " dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français " ; qu'il ressort à cet égard des pièces du dossier que M. B...a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et d'une mesure d'assignation à résidence concomitantes ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire n'aurait pas été notifiée préalablement à l'assignation à résidence doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1990 :

15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :



Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le22 septembre 2015.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

A. PÉREZLe greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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