AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., embauché le 21 février 1994 par la société Transports Cayon en qualité de chauffeur poids-lourds, a été licencié pour faute grave par lettre du 10 mars 1997 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen
:
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 4 juillet 2001) de l'avoir condamné à payer à M. X... des sommes à titre de prime d'ancienneté pour les mois de janvier et février 1997 et les congés payés afférents, alors, selon le moyen, que l'accord du 23 novembre 1996 constituant l'annexe à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires relative à l'accord sur le temps de service, les repos récupérateurs et la rémunération des personnels de conduite de marchandises "grands routiers" ou "longue distance", modifié par l'avenant n° 3 du 4 juillet 1996 prévoit une rémunération mensuelle professionnelle garantie de 8 376,00 francs pour les conducteurs ayant un coefficient 150 M et justifiant de plus de deux ans d'ancienneté ; qu'en application de cette règle, le salaire de base de M. X... était de 8 376,00 francs pour les mois de janvier, février, et mars 1997 et qu'ainsi, compte tenu de ses absences pendant cette période, il lui restait dû la somme de 157,99 francs et non 323,04 francs ;
qu'en décidant qu'il restait devoir la somme de 323,04 francs à M. X... sans préciser ni son salaire de base au titre du premier trimestre 1997, ni le nombre des jours d'absence, alors qu'un tel examen l'aurait conduite à considérer que le reliquat dû était de 157,99 francs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées, ensemble les articles 12 et 13 de l'annexe n° 1 "ouvriers" à la convention collective nationale des transports du 21 décembre
1950 et
1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'employeur n'avait pas contesté, devant la cour d'appel, le montant de la prime d'ancienneté ; que le moyen est nouveau et que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen
:
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. X... des sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents, alors, selon le moyen, qu'en décidant que la société Transports Cayon avait failli à l'obligation qui lui était faite par l'article
L. 212-11 du Code du travail en s'abstenant de fournir à la juridiction les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, comme n'ayant pas fourni les disques chronotachygraphes correspondant au travail effectué avant le 1er octobre 1995, bien que, selon l'article 14 du règlement CE n° 3 821-85 du 20 décembre 1985, l'entreprise de transport n'était, à l'époque des faits, tenue de conserver les feuilles d'enregistrement que pendant un an après leur utilisation, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
Mais attendu que l'employeur reste tenu dans la limite de la prescription quinquennale et en dépit des dispositions de l'article 14 du règlement CE n° 382-85 du 20 décembre 1985 de fournir au juge les éléments de preuve sur le nombre d'heures de travail effectuées ; que la cour d'appel, statuant sur les éléments de preuve dont elle disposait, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen
:
Attendu que l'employeur reproche à l'arrêt d'avoir considéré que le salarié avait été licencié en violation des dispositions de l'article
L. 122-32-2 du Code du travail et de l'avoir condamné à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que l'employeur peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée au cours des périodes de suspension du contrat de travail s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ; que le fait de s'engager sur une route départementale à une vitesse supérieure à 80 kilomètres/heure avec un ensemble routier de 19 tonnes pour rejoindre la destination prévue après avoir fait un détour par son domicile sans en avoir informé son employeur et, ne maîtrisant pas cet ensemble, de le renverser avec tout son chargement en occasionnant de graves dégâts matériels, caractérise une faute grave ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles
L. 122-6,
L. 122-8,
L. 122-9 et
L. 122-32-2 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir relevé qu'en application de l'article
L. 122-32-2 du Code du travail, l'employeur devait justifier d'une faute grave du salarié, a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, qu'une modification d'itinéraire justifiée par l'encombrement de la route et un accident de la circulation sans excès de vitesse, ne constituaient pas une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Transports Cayon aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Transports Cayon à payer à M. X... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille quatre.