AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de Me ROUVIERE, avocats en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par
:
- X... Maamar, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 8e chambre, en date du 2 novembre 2005, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de
Philippe Y... du chef de diffamation publique envers un particulier ;
Vu le mémoire produit, en demande et en défense ;
Sur le moyen
unique de cassation, pris de la violation des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881,
593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé
Philippe Y... du chef de la prévention et a débouté Maamar X... de l'ensemble de ses demandes ;
"aux motifs que les passages considérés comme diffamatoires à son égard ne le mettent nullement en cause personnellement et directement puisque s'appliquant à la librairie et à l'association Muslim Association ; que la première partie de l'article, relative aux faits d'escroquerie, de blanchiment et de terrorisme, dans laquelle apparaissent les phrases litigieuses, porte essentiellement, comme le rappelle le titre et le sous-titre reprochés, sur la fermeture d'une librairie à la suite d'une enquête relative à une vaste affaire d'escroquerie et de blanchiment impliquant la Muslim Association, organisation antisioniste et pro-palestinienne, directement mise en cause dans l'article ; d'ailleurs dans cette première partie, le nom de Maamar X... n'apparaît qu'à une seule reprise, comme auteur d'ouvrages vendus dans cette librairie, c'est à dire de personnage ayant oeuvré à la promotion de la librairie islamique et de l'islam en qualité d'auteur ; que les termes visés dans la plainte initiale ne lui imputent aucun fait précis et déterminé de relation avec les activités occultes de l'association ; qu'aucun des propos apparaissant dans la seconde partie du texte, où pourtant Maamar X... est directement mis en cause à titre personnel, n'a été relevé par le plaignant ; que les premiers juges ne pouvaient, comme ils l'ont fait, étendre leur saisine à l'ensemble de l'article alors que les imputations mentionnées dans la plainte initiale concernent une association et de multiples sociétés sans qu'à aucun moment il ne soit question parmi celles-ci de Maamar X... ;
"alors, d'une part, qu'il n'est pas nécessaire, pour que la diffamation publique envers un particulier soit caractérisée, que la personne visée soit nommée ou expressément désignée, dès lors que son identification est rendue possible par des termes du discours ou de l'écrit ou par des circonstances extrinsèques qui éclairent ou confirment cette désignation de manière à la rendre évidente ; qu'il résulte en l'espèce de l'écrit incriminé que l'imputation visée par la plainte, selon laquelle " 300 000 euros auraient été ainsi blanchis via 47 comptes bancaires " constituait la conclusion d'une enquête sur l'activité de l'association Muslim Association et que Maamar X... est " considéré comme le principal animateur de Muslim Association" laquelle est une " nébuleuse de sociétés bidon ont pu servir à soutenir financièrement des islamistes incarcérés dans le cadre d'affaire terroristes " ; qu'il résulte en outre du même écrit que " dans le collimateur des RG l'association a fréquemment changé de domiciliation " et qu' " en effet Maamar M, son frère Hadj et leurs lieutenants avaient déjà été mis en cause dans des affaires à caractère terroriste " ; que dès lors, présenté comme le principal animateur d'une association soupçonnée de pratiquer des opérations de blanchiment, Maamar X... était identifiable dans l'écrit incriminé comme étant la personne par laquelle " 300 000 euros auraient été ainsi blanchis via 47 comptes bancaires " ; qu'en conséquence, la cour d'appel a violé les articles
29 et
32 de la loi du 29 juillet 1881 ;
"alors en tout état de cause qu'en se bornant à relever que Maamar X... n'apparaît que comme l'auteur d'ouvrages vendus dans la librairie sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée par la partie civile (conclusions, p. 3, 1) et les termes du jugement infirmé (p. 8, 6), si le passage présentant Maamar M. comme le " principal animateur de Muslim Association ", association soupçonnée comme " ayant pu servir à soutenir financièrement des islamistes incarcérés dans le cadre d'affaires terroristes " ne l'identifiait pas comme la personne par laquelle " près de 300 000 euros auraient ainsi été blanchis en deux ans via 47 comptes bancaires ", la Cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision ;
"alors enfin qu'en excluant que le plaignant puisse se prévaloir de passages non visés dans la plainte pour démontrer être la personne visée par l'imputation diffamatoire, la cour d'appel a violé les articles
29 et
32 de la loi du 29 juillet 1881" ;
Attendu qu'il résulte
de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Maamar X... a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique, à la suite de la publication d'un article paru dans le journal "Le Parisien", sous l'intitulé "Terrorisme" et le titre "La librairie cachait une officine de blanchiment", le désignant sous le nom de "Maamar M.", en raison du titre de celui-ci et d'un passage indiquant que "par le biais de multiples sociétés ouvertes grâce à des prête-noms, près de 300 000 euros auraient été ainsi blanchis en deux ans via 47 comptes bancaires" ; que, renvoyé devant le tribunal correctionnel,
Philippe Y..., directeur de publication, a été condamné de ce chef ; qu'appel a été interjeté par le prévenu, la partie civile et le ministère public ;
Attendu que, pour infirmer le jugement, relaxer le prévenu et débouter Maamar X... de toutes ses demandes, l'arrêt relève, à bon droit, que les passages argués de diffamation par ce dernier ne le mettent nullement en cause personnellement et directement, et s'appliquent à la librairie et à l'association Muslim, personne morale au nom de laquelle Maamar X... ne prétend pas agir ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article
567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, Mme Ménotti conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;