AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Y... Normant, demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 2 novembre 1993 par la cour d'appel de Limoges (chambre sociale), au profit de la société Art Bloc, société à responsabilité limitée, dont le siège social est ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article
L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 12 mars 1997, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire rapporteur, MM. Ferrieu, Finance, conseillers, MM. Boinot, Soury, Besson, conseillers référendaires, M. Terrail, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Mme Z..., au service de la société Art Bloc en qualité de secrétaire depuis mai 1988, a été licenciée pour faute grave le 17 février 1990; qu'estimant que cette mesure injustifiée était intervenue alors qu'elle se trouvait en état de grossesse, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages intérêts pour licenciement abusif, d'une indemnité de préavis, d'une demande en paiement des salaires dus pendant la période couverte par la nullité, ainsi que d'une demande de reclassement avec rappel de salaire ;
Sur le premier moyen
:
Attendu que, Mme Z... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que la cour d'appel a retenu les affirmations de la société Art Bloc qui n'étaient pourtant étayées par aucun élément de preuve, la perte de confiance devant être motivée par des éléments objectivement établis et de nature fautive; que Mme Z... avait fourni, dans ses écritures, les explications détaillées justifiant chaque contact téléphonique avec M. X..., directeur commercial de la société, par des raisons professionnelles liées à son activité normale de secrétaire, ceci étant confirmé par une attestation de M. X...; qu'en tout état de cause, l'article
L.122-14-3 du Code du travail prévoit que, si un doute subsiste, il profite au salarié; que ce faisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale en ne répondant pas aux moyens présentés par Mme Z... et l'arrêt déféré ne repose pas sur un motif véritable, répondant aux exigences de l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant relevé que la salariée faisait, pour ses besoins personnels, un usage abusif du téléphone de l'entreprise a décidé dans l'exercice du pouvoir qu'elle tient de l'article
L. 122-14-3 du Code du travail, par une décision motivée que le licenciement procédait d'une cause réelle et sérieuse; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen
:
Attendu que, Mme Z... fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à se voir reconnaître un droit à reclassement, alors, selon le moyen, que Mme Z... avait indiqué de manière détaillée, tant dans ses écritures de première instance que d'appel, les tâches qu'elle devait réaliser dans la société; que la cour d'appel ne pouvait statuer sans avoir vérifié les éléments avancés par Mme Z...; qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir produit la preuve de ses affirmations, alors que, seule la société Art Bloc détient l'ensemble des documents administratifs et comptables pouvant apporter une telle preuve; que le fait non contesté par la société Art Bloc que Mme Z... était la seule employée administrative de la société aurait dû amener la cour d'appel à s'interroger sur qui aurait pu être l'auteur des travaux invoqués s'ils n'avaient pas été effectués par elle; que la cour d'appel n'a pas répondu au moyen présenté par Mme Z... concernant le sort fait à sa demande de revalorisation de qualification et de rémunération présentée par lettre datée du 2 février 1990 que son employeur a reçue le 10 février 1990 et à laquelle il a immédiatement répondu par courrier daté du 12 février 1990, ignorant la revendication présentée mais convoquant Mme Z... à un entretien préalable en vue de son licenciement; et alors, d'autre part, que la société Art Bloc, en ayant embauché immédiatement après le départ de Mme Z..., une salariée intérimaire avec une rémunération correspondant à celle revendiquée par elle, a admis le bien-fondé de son argumentation et fait la démonstration de la nécessité d'une telle qualification pour occuper un tel emploi ;
Mais attendu, qu'appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté, sans inverser la charge de la preuve, que la salariée ne justifiait pas de ce qu'elle aurait occupé un emploi effectif justifiant une qualification supérieure à celle qui lui était attribuée; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais,
sur le deuxième moyen
:
Vu l'article
L. 122-25-2 du Code du travail ;
Attendu que, pour rejeter la demande de salaires qui auraient dû être perçus pendant la période couverte par la nullité du licenciement, la cour d'appel a énoncé que pour pouvoir prétendre au bénéfice de la législation protectrice de la maternité, l'employée doit notifier à son employeur soit par lettre recommandée, soit directement contre décharge, un certificat médical attestant de son état et ce au plus tard dans le délai de quinze jours suivant la date de notification du licenciement ; qu'en la cause, il est constant que Mme Z... n'a jamais justifié auprès de son employeur d'un état de grossesse médicalement constaté ;
Attendu cependant, qu'est nul le licenciement d'une femme enceinte, si l'état de grossesse de la salariée a été porté à la connaissance de l'employeur ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait relevé que, dans ses écritures, l'employeur reconnaissait que, lors de l'avertissement qu'il lui avait adressé le 3 novembre 1989, la salariée avait invoqué un état de grossesse de deux mois, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
:
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de salaires dus pendant la période couverte par la nullité du licenciement, l'arrêt rendu le 2 novembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite l'arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne la société Art Bloc aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Art Bloc ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.