Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Versailles 28 novembre 2007
Cour de cassation 05 mai 2009

Cour de cassation, Chambre sociale, 5 mai 2009, 08-40397

Mots clés contrat · preuve · qualification · travail · modification · salarié · procédure civile · société · licenciement · absence · procédure Civile · rapport · changement · sérieuse · poste

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 08-40397
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 28 novembre 2007
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles 28 novembre 2007
Cour de cassation 05 mai 2009

Texte

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 novembre 2007), que Mme X... a été engagée le 20 juillet 1998 par la société Ernst & Young Audit au droit de laquelle vient le GIE Ernst & Young en qualité d'assistante marketing et knowledge ; qu'elle occupait en dernier lieu le poste de chef de produit marketing ; qu'elle a été licenciée par lettre du 24 décembre 2003 pour manque de rigueur et de professionnalisme et défaut d'adaptation à l'évolution de ses fonctions ; que contestant le bien fondé de son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que le GIE Ernst & Young fait grief à l'arrêt d'avoir dit le licenciement de Mme X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir en conséquence condamné à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient au salarié qui allègue une modification de son contrat de travail par une évolution de ses fonctions de rapporter la preuve que ses nouvelles fonctions ne correspondent pas à sa qualification professionnelle ; qu'en l'espèce, en dispensant Mme X... de rapporter cette preuve et en lui reprochant de ne pas démontrer que les dernières fonctions exercées par Mme X... ne modifiaient pas son niveau de responsabilité et qu'elles correspondaient à sa qualification, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en présence d'un salarié qui se prétend victime d'une modification de son contrat de travail par un changement de ses fonctions, il appartient au juge de procéder à l'analyse des éléments de preuve qui lui sont soumis afin de vérifier concrètement si les nouvelles fonctions données au salarié correspondent ou non à sa "qualification" ; qu'en l'espèce, en se bornant à déduire la prétendue modification du contrat de travail de Mme X... d'un simple changement de titre et de coefficient intervenu sur les fiches de paie de Mme X... à compter du 1er janvier 2003, la cour d'appel n'a caractérisé aucune modification du contrat de travail en violation des articles 1134 du code civil, L. 1221-1 (ancien article L. 121-1) du code du travail ;

3°/ que la volonté du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail peut se déduire d'un ensemble d'éléments distincts de la seule poursuite du contrat et notamment des appréciations portées par le salarié lui-même dans le cadre de ses évaluations annuelles; qu'en l'espèce, il résultait du procès-verbal de l'évaluation annuelle de Mme X... pour l'année 2003, que celle-ci avait déclaré : "Je suis contente de mon nouveau poste (...) J'espère continuer dans cette voie" ; qu'en décidant qu'il ne serait pas justifié d'un accord de la salariée concernant ses nouvelles fonctions, sans s'expliquer comme elle y était pourtant invitée sur cette pièce déterminante que la salariée avait elle-même versé aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 1221-1 (ancien article L. 121-1) et L. 1222-1 (ancien article L. 120-4) du code du travail ;

4°/ que s'agissant de reprocher à une salariée son absence de professionnalisme (manque de rigueur, inattentions répétées, défaut d'organisation, fautes d'orthographe, de ponctuation ou de style) détachable de tout rapport direct avec les fonctions exercées, la cour d'appel ne pouvait refuser d'en vérifier le bien fondé au motif que les fonctions de l'intéressée auraient été modifiées, sans méconnaître les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile, L. 1232-1 et L. 1235-1 (ancien article L. 122-14-3) du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que les fonctions de chef de produit marketing occupées en dernier lieu par la salariée constituaient un accroissement de son niveau de responsabilité par comparaison à celles d'assistante knowledge pour lesquelles elle avait été engagée, de sorte que les nouvelles tâches qui lui étaient confiées réalisaient un changement de sa qualification professionnelle, a pu décider, sans inverser la charge de la preuve, que l'employeur avait procédé à une modification du contrat de travail de l'intéressée ;

Et attendu qu'après avoir rappelé que la modification du contrat de travail ne peut être opposée au salarié que s'il l'a acceptée et que cette acceptation ne résulte pas de la seule exécution du contrat aux conditions modifiées, la cour d'appel, qui a constaté l'absence d'accord exprès de la salariée, a exactement décidé que l'employeur, qui lui faisait effectuer des tâches ne relevant pas de sa qualification professionnelle pour laquelle elle avait été engagée, ne pouvait lui reprocher les erreurs, à les supposer établies, commises dans son travail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Ernst & Young aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ernst & Young à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt

Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour le GIE Ernst & Young.

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit le licenciement de Madame Sabine X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné le GIE Ernst & Young à lui verser la somme de 21.000 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Aux motifs qu' « il n'est pas contesté qu'à compter du 1er janvier 2003 Mme X... a occupé le poste de chef de produit marketing, coefficient 385, tels que figurant sur ses bulletins de paie ; qu'il n'est pas démontré que les dernières fonctions qu'elle a ainsi exercées étaient d'un même niveau de responsabilité que celles relatives au poste d'assistante et correspondaient à la même qualification ; qu'il s'ensuit que la décision de l'employeur a transformé les attributions de la salariée, en changeant sa qualification professionnelle, ce qui caractérisait une modification du contrat de travail ; que la preuve d'un accord sur la modification du contrat de travail ne peut résulter de la seule poursuite de l'exécution du contrat de travail et de l'acceptation sans réserve des bulletins de paye par la salariée ; qu'à supposer établie la réalité des griefs reprochés à Mme X..., ceux-ci ne sauraient fonder le licenciement dès lors qu'ils concernent de nouvelles fonctions confiées à l'intéressée sans qu'il soit justifié de l'accord de celle-ci à cet égard ; qu'en conséquence le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'il n'est pas contesté qu'il doit être fait application de l'article L.122-14-4 du Code du Travail compte tenu de l'effectif de l'entreprise au moment du licenciement et de l'ancienneté de la salariée ; que compte tenu des éléments de la cause, il y a lieu de fixer à 21.000 le montant de l'indemnité due à Mme X... en réparation du préjudice qu'elle a subi» ;

1/ Alors que, d'une part, il appartient au salarié qui allègue une modification de son contrat de travail par une évolution de ses fonctions, de rapporter la preuve que ses nouvelles fonctions ne correspondent pas à sa qualification professionnelle ; qu'en l'espèce, en dispensant Madame X... de rapporter cette preuve et en reprochant à l'employeur de ne pas démontrer que les dernières fonctions exercées par Madame X... ne modifiaient pas son niveau de responsabilité et qu'elles correspondaient à sa qualification (arrêt, p.5, al.5), la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du Code Civil et 9 du Code de Procédure Civile ;

2/ Alors que, d'autre part, en présence d'un salarié qui se prétend victime d'une modification de son contrat de travail par un changement de ses fonctions, il appartient au juge de procéder à l'analyse des éléments de preuve qui lui sont soumis afin de vérifier concrètement si les nouvelles fonctions données au salarié correspondent ou non à sa « qualification » ; qu'en l'espèce, en se bornant à déduire la prétendue modification du contrat de travail de Madame X... d'un simple changement de titre et de coefficient intervenu sur les fiches de paie de Madame X... à compter du 1er janvier 2003, la Cour d'appel n'a caractérisé aucune modification du contrat de travail en violation des articles 1134 du Code Civil, L.1221-1 (anc. L.121-1) du Code du Travail ;

3/ Alors que, de troisième part et subsidiairement, la volonté du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail peut se déduire d'un ensemble d'éléments distincts de la seule poursuite du contrat, et notamment des appréciations portées par le salarié lui-même dans le cadre de ses évaluations annuelles ; qu'en l'espèce, il résultait du procès verbal de l'évaluation annuelle de Madame X... pour l'année 2003, que celle-ci avait déclaré : « je suis contente de mon nouveau poste (…) j'espère continuer dans cette voie » ; qu'en décidant qu'il ne serait pas justifié d'un accord de la salariée concernant ses nouvelles fonctions, sans s'expliquer comme elle y était pourtant invitée (conclusions du GIE Ernst & Young, p.7, al. 7 à dernier) sur cette pièce déterminante que la salariée avait elle-même versé aux débats, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du Code civil, L.1221-1 (anc. L.121-1) et L.1222-1 (anc. L.120-4) du Code du Travail ;

4/ Alors que, de quatrième part et de toute façon, s'agissant de reprocher à une salariée son absence de professionnalisme (manque de rigueur, inattentions répétées, défaut d'organisation, fautes d'orthographe, de ponctuation ou de style) détachable de tout rapport direct avec les fonctions exercées, la Cour d'appel ne pouvait refuser d'en vérifier le bien fondé au motif que les fonctions de l'intéressée auraient été modifiées, sans méconnaître les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de Procédure Civile, L.1232-1 et L.1235-1 (anc. L.122-14-3) du Code du Travail.