Tribunal de grande instance de Paris, 1 octobre 2010, 2009/12103

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2009/12103
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE ; MARQUE
  • Marques : COMPTOIR DES COTONNIERS
  • Numéros d'enregistrement : 070129
  • Parties : CREATIONS NELSON SA (exploitant sous l'enseigne COMPTOIR DES COTONNIERS) / EURODIF ; JUST ADDICT

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARISJUGEMENT rendu le 01 Octobre 2010 3ème chambre 2ème sectionN°RG: 09/12103 DEMANDERESSES.A.S CREATIONS NELSON exploitant sous l'enseigne"COMPTOIR DES COTONNIERS"[...]75009 PARIS représentée par Me Philippe BESSIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0804 DEFENDERESSESSociété EURODIF[...]75009 PARISreprésentée par Me Roland PEREZ de la SELARL GOZLAN PEREZ & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P310 Société JUST ADDICT, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal, M. Daniel Z,[...]75011 PARISreprésentée par Me Emmanuelle HOFFMAN ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0610 COMPOSITION DU TRIBUNAL Véronique R, Vice-Président, signataire de la décisionEric H, Vice-PrésidentSophie CANAS. Jugeassistés de Jeanine ROSTAL, FFGreffier, signataire de la décision DEBATS A l'audience du 09 Juillet 2010tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé par remise de la décision au greffeContradictoireen premier ressort FAITS. PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES La société par actions simplifiée CREATIONS NELSON expose exploiter la marque prétendument notoire "COMPTOIR DES COTONNIERS" par le biais d'un réseau de 207 points de vente en France à l'enseigne éponyme. Elle indique être titulaire des droits d'auteur sur un modèle de veste dénommé TWIGGY, créé pour son compte par l'une de ses salariés le 04 janvier 2007, déposé auprès de l'INPI le 15 janvier 2007, enregistré sous le numéro 070129 (reproduction 26-1) et commercialisé dès le 07 mars 2007. Ayant appris que la société par actions simplifiée EURODIF proposait à la vente dans ses magasins à enseigne EURODIF une veste reproduisant selon elle les caractéristiques de son propre modèle, la société CREATIONS NELSON a fait pratiquer le 25 avril 2008 une saisie-contrefaçon au siège de ladite société, sis [...] 9ème, ainsi que dans la boutique à enseigne EURODIF située 6-8-10 rue Saint Ferréol à MARSEILLE (13), et, ces opérations ayant permis d'établir que la société à responsabilité limitée JUST ADDICT en était le fournisseur, elle a fait procéder le 29 avril 2008 à une saisie-contrefaçon au siège de cette dernière, situé [...] llème, et dans son magasin sis [...] (93). C'est dans ce contexte que la société CREATIONS NELSON, a selon acte d'huissier en date du 07 mai 2008, fait assigner les sociétés EURODIF et JUST A devant le Tribunal de Commerce de PARIS en contrefaçon de droits d'auteur et de dessin et modèle et en concurrence déloyale et parasitaire pour obtenir, outre des mesures d'interdiction sous astreinte, de destruction et de publication, paiement de dommages-intérêts ainsi que d'une indemnité fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile. Par jugement rendu le 26 juin 2009, le Tribunal de Commerce de PARIS s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire et les parties devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS. Dans ses conclusions récapitulatives signifiées le 08 mars 2010, la société CREATIONS NELSON demande au Tribunal, au visa des articles L.111-1 et suivants, L.335-2 et suivants et L.521-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, de :- dire et juger que les sociétés EURODIF et JUST A se sont rendues coupables de contrefaçon de droits d'auteurs lui appartenant relatifs à la veste TWIGGY,- dire et juger que les sociétés EURODIF et JUST A se sont rendues coupables de contrefaçon de modèle déposé le 15 janvier 2007 à l'INPI sous le n° 070129, publié le 23 mars 2007 et lui appartenant,- dire qu'il existe également des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire constituant à tout le moins une faute dans les termes de l'article 1382 du Code civil, - dire également que la société JUST ADDICT a commis des actes distincts supplémentaires de concurrence déloyale ou à tout le moins une faute dans les termes de l'article 1382 du Code civil en dissimulant la masse contrefaisante,en tout état de cause,- faire interdiction aux défenderesses sous astreinte définitive de 1.500 euros par infraction constatée de détenir, d'offrir, vendre des produits contrefaisants, - ordonner la saisie et la destruction de tous produits, documents, ou supports contrefaisants appartenant à la défenderesse et ce, en tous lieux où ils se trouveraient,- condamner les sociétés EURODIF et JUST A in solidum à lui payer les sommes suivantes :* 250.000 euros à titre de dommages-intérêts du fait des actes decontrefaçon* 100.000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la concurrencedéloyale et parasitaire- condamner la société JUST ADDICT à lui payer la somme supplémentaire de100.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du faitde la concurrence déloyale et parasitaire résultant de la dissimulation manifeste dela masse contrefaisante,- ordonner à titre de supplément de dommages-intérêts la parution aux frais desdéfenderesses condamnées in solidum du dispositif du jugement à intervenir danscinq journaux de son choix et dans la limite de 5.000 euros HT par insertion, soit25.000 euros HT au total,- dire que la chambre du Tribunal saisie se déclarera compétente pour liquider l'astreinte,- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,- débouter les sociétés EURODIF et JUST A de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,- à titre très subsidiaire, "et au cas où par extraordinaire le Tribunal estimerait que la veste vendue par les sociétés EURODIF et JUST A ne constituerait pas la contrefaçon de la veste TWIGGY, il lui plaira de dire que cette copie servile constitue à tout le moins un acte de concurrence déloyale en condamnant les défenderesses aux mêmes sommes que ci-dessus mentionnées, sur le seul fondement de la concurrence déloyale",- condamner les défenderesses in solidum au paiement de la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant notamment les frais de saisie.Dans ses dernières écritures en date du 08 décembre 2009, la société EURODIFentend voir : à titre principal,- dire et juger que le modèle TWIGGY revendiqué n'est pas un modèle nouveau, qu'en tout état de cause, il ne possède pas de caractère propre, et qu'il est dénué de toute originalité,- dire et juger que la société CREATIONS NELSON ne rapporte pas la preuve que la société EURODIF, simple distributeur de produits finis, qui justifie que toutes les précautions d'usage ont été prises auprès du fournisseur de la veste incriminée avant l'achat, ait commis une faute justifiant sa condamnation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,en conséquence,- dire et juger que les conditions exigées pour la protection du modèle TWIGGYrevendiqué par les livres I, III et V du Code de la Propriété Intellectuelle ne sont pasréunies,- ordonner la nullité de l'enregistrement de ce modèle auprès de l'INPI,- débouter la société CREATIONS NELSON de ses demandes, tant au titre de lacontrefaçon qu'au titre de la concurrence déloyale, - condamner la société CREATIONS NELSON à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, à titre subsidiaire, et pour le cas où le Tribunal estimerait que le modèle TWIGGY revendiqué est protégeable et que des actes de contrefaçon de ce modèle ont été commis,- dire et juger que la société CREATIONS NELSON ne rapporte pas la preuve qu'elle ait commis des actes de concurrence déloyale qui soient distincts des actes reprochés au titre de la contrefaçon,- débouter la société CREATIONS NELSON de ses demandes au titre de la concurrence déloyale, à titre infiniment subsidiaire,- constater que la société CREATIONS NELSON ne justifie ni de la réalité, ni de l'étendue du dommage qu'elle prétend avoir subi,en conséquence,- débouter la société CREATIONS NELSON de ses prétentions,- dire et juger n'y avoir lieu à faire publier le dispositif du jugement à intervenir, et débouter la société CREATIONS NELSON de ses demandes à ce titre, en tout état de cause,- dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée à se prévaloir du non- respect par la société JUST ADDICT des obligations contractuelles par elle souscrites envers la société UOCR,en conséquence,- condamner la société JUST ADDICT à la garantir de l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au bénéfice de la société CREATIONS NELSON et à lui rembourser l'intégralité des frais et honoraires qu'elle a dû exposer pour la défense de ses droits dans le cadre du litige,- condamner la société JUST ADDICT à lui verser la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Dans le dernier état de ses écritures en date du 20 mai 2010, la société JUST ADDICT, faisant valoir que le modèle TWIGGY revendiqué est dépourvu d'originalité et de nouveauté, et partant insusceptible de protection sur le fondement des livres I et V du Code de la Propriété Intellectuelle, et estimant pour le surplus qu'aucun acte de concurrence déloyale ne peut lui être reproché et que la société CREATIONS NELSON ne rapporte nullement la preuve du préjudice qu' elle prétend avoir subi, conclut au débouté de cette dernière de l'ensemble de ses demandes, entend voir prononcer l'annulation du dépôt de modèle n° 070129 et sollicite enfin l'allocation de la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile . L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mai 2010.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur le caractère protégeable du modèle TWIGGY * Au titre du droit d'auteur Attendu que les dispositions de l'article L.112-1 du Code de la Propriété Intellectuelle protègent par le droit d'auteur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales ; Que selon l'article L. 112-2, 14° du même Code, son t considérées notamment comme oeuvres de l'esprit les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure ;Attendu en l'espèce que le modèle de veste dénommé "TWIGGY" se caractériseselon la demanderesse comme suit :"- il s agit d'une veste en vinyle avec un volume en trapèze comportant deux pochespassepoilées dans les coutures sur le devant- sur le devant figurent quatre gros boutons lesquels s'inscrivent dans des surpiqûres se terminant en flèche- des surpiqûres caractéristiques existent départ et d'autre du vêtement- deux empiècements se trouvent au niveau des épaules- le col de la veste n’est pas bord à bord mais écarté- une patte de boutonnage se trouve à l'extrémité des deux manches- à l'arrière, au niveau du milieu du dos se trouve un pli creux- le col, les empiècements épaules, les pattes de boutonnages sur le milieu devant et les manches, les coutures côtés du devant et les poches possèdent une double surpiqûre" ; Que pour en contester l'originalité, les sociétés défenderesses font en substance valoir que le modèle revendiqué n'est pas le résultat d'une activité créatrice dès lors qu'il ne fait que reprendre les caractéristiques de modèles de veste de type paletot créés dans les années 1950-1960, notamment par les couturiers André C, Yves SAINT LAURENT, Jean P, Pierre C, Cristobal B ou encore Jeanne L, et qu'il s'inscrit de surcroît dans une tendance générale de la mode actuelle, constituant selon le site internet accessible à l'adresse www.7sur7.be dont un extrait est versé aux débats un "incontournable de l'automne 2007-2008" ; Qu'il résulte en effet de l'examen des pièces produites à l'appui de leur argumentation, et notamment des divers extraits datés du magazine mensuel L'OFFICIEL, que les vestes paletot commercialisées dans les années 1950-1960 étaient de manière générale de forme trapézoïdale, qu'elles comportaient sur le devant de gros boutons ainsi que, parfois, des poches passepoilées, qu'elles avaient le plus souvent un col écarté et présentaient en outre pour certaines - notamment le modèle créé par André C reproduit sur L'OFFICIEL d'octobre 1964 et le modèle proposé dans la revue MODES ET TRAVAUX de janvier 1962- des surpiqûres ainsi qu'une patte de boutonnage à l'extrémité des deux manches ; Que si la société CREATIONS NELSON relève ajuste titre qu'aucun de ces modèles ne reproduit, dans une même combinaison, l'ensemble des caractéristique du modèle TWIGGY qu'elle entend opposer dans le cadre de la présente instance en contrefaçon et qu'aucun d'entre eux ne constitue donc une antériorité de toute pièce, il convient néanmoins de rappeler que la notion d'antériorité est indifférente en droit d'auteur, seule la preuve du caractère original étant exigée comme condition de l'octroi de la protection au titre du livre I du Code de la Propriété Intellectuelle ; Qu'il appartient dès lors à celui qui se prévaut de ces dispositions de justifier non pas de la nouveauté du modèle revendiqué, mais de ce que celui-ci présente une physionomie propre qui traduit un parti pris esthétique et reflète l'empreinte de la personnalité de son auteur ; Or attendu que la société CREATIONS NELSON, qui ne se livre dans ses écritures qu'aune analyse des antériorités produites en défense pour en conclure à l'existence de différences avec le modèle qu'elle revendique, ne fait ainsi nullement la démonstration de ce que la veste TWIGGY porterait la marque de l'apport intellectuel de l'auteur et révélerait son effort créatif ; Que l'attestation de sa styliste, en date du 21 avril 2008 et qu'elle verse aux débats en pièce n° 3, est à cet égard parfaitement inopéra nte, Mademoiselle Brigitte C se contentant de décrire les caractéristiques du vêtement dont s'agit, ci-dessus énumérées, sans d'une quelconque manière exposer son processus de création et les choix que, le cas échéant, elle a entendu faire pour lui conférer une esthétique particulière ; Qu'il s'ensuit que le modèle de veste TWIGGY, qui reprend des éléments connus dans une combinaison dont l'originalité n'est pas établie, ne saurait bénéficier de la protection instaurée par le livre I du Code de la Propriété Intellectuelle. * Au titre des dessins et modèles Attendu qu'aux termes de l'article L.511-2 du Code de la Propriété Intellectuelle,"seu/ peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre" ; Que selon l'article L.511-3 du même Code, "Un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou de la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n 'a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par les détails." ; Que l'article L.511-4, alinéa 1er, dudit Code dispose qu' "un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu’il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée''' ; Attendu en l'espèce que les sociétés EURODIF et JUST A, reprenant une argumentation similaire à celle développée sur le terrain du droit d'auteur et se référant aux antériorités ci-dessus examinées, considèrent que le modèle de veste TWIGGY déposé auprès de l'INPI le 15 janvier 2007, enregistré sous le numéro 07 0129 (reproduction n° 26-1) et publié le 23 mars 20 07 - dont les caractéristiques ont été précédemment énumérées - n'est pas nouveau, les vestes créées dans les années 1950-1960 divulguant selon elles ses principales caractéristiques et ne s'en différenciant que par des détails insignifiants, ou qu'il est à tout le moins dénué de caractère propre ; Que cependant il a été dit que les modèles invoqués par les défenderesses ne constituent pas des antériorités de toutes pièces ; Qu'ils ne sauraient dès lors priver de nouveauté le modèle opposé, les différences que chacun d'entre eux présente avec ce dernier ne pouvant être qualifiées de simples détails au sens des dispositions susvisées ; Qu'en revanche, les antériorités produites, qui ainsi qu'il a été dit sont des vestes paletot de forme trapézoïdale, comportant sur le devant de gros boutons ainsi que, parfois, des poches passepoilées, avec le plus souvent un col écarté et, s'agissant du modèle créé par André C reproduit sur L'OFFICIEL d'octobre 1964 et du modèle proposé dans la revue MODES ET TRAVAUX de janvier 1962, des surpiqûres ainsi qu'une patte de boutonnage à l'extrémité des deux manches, sont de nature à susciter chez l'observateur averti une même impression d'ensemble que celle dégagée par le modèle revendiqué ; Attendu que le modèle de veste TWIGGY enregistré sous le n°07 0129 (reproduction n° 26-1 ) ne présente donc pas un caractère propre et n'est pas en conséquence susceptible de protection au titre du livre V du Code de la Propriété Intellectuelle ; Qu'il y a lieu dès lors, en application de l'article L.512-4 du même Code, de déclarer nul son enregistrement. - Sur la contrefaçon Attendu que la société CREATIONS NELSON ne pourra qu'être déboutée de ses demandes formées de ce chef, le modèle qu'elle invoque au soutien de son action ne bénéficiant, comme il a été indiqué plus haut, ni de la protection au titre du droit d'auteur, ni de celle au titre des dessins et modèles. - Sur la concurrence déloyale et le parasitisme Attendu que la société CREATIONS NELSON fait en premier lieu valoir, tant à titre principal qu'à titre subsidiaire, que les sociétés EURODIF et JUST A se sont rendues coupables d'actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire consistant selon elle à copier servilement son modèle, à le commercialiser à un vil prix - soit un prix public de 29,99 euros pratiqué par la société EURODIF et un prix de gros de 9,60 euros HT pratiqué par la société JUST ADDICT, alors que la veste TWIGGY est vendue au prix de 120 euros TTC dans les magasins à enseigne COMPTOIR DES COTONNIERS -, à avoir repris un effet de gamme compte tenu de la déclinaison en trois coloris (marron, noir et blanc), à avoir employé le même tissu vinyle et à avoir commercialisé ces produits dès la saison hiver 2007 (en réalité hiver 2007/2008), soit immédiatement après la saison printemps/été 2007 lors de laquelle elle a elle- même lancé son vêtement ; Qu'elle estime que les sociétés défenderesses ont ainsi profité indûment de sa notoriété et des ses investissements ; Que ces dernières soutiennent à bon droit que la reprise des caractéristiques d'un modèle non protégé et la pratique d'un prix inférieur ne peuvent à elles seules constituer, dans un contexte de liberté de la concurrence et des prix, des actes fautifs au sens de l'article 1382 du Code civil; Qu'elles relèvent également ajuste titre que l'effet de gamme incriminé ne peut pas plus être considéré comme fautif dès lors que la société CREATIONS NELSON ne justifie pas avoir commercialisé son propre modèle dans les coloris en cause ; Qu'il n'en demeure pas moins qu'en offrant à la vente et en vendant un modèle de veste dont il convient à stade d'indiquer qu'il présente l'ensemble des caractéristiques du modèle TWIGGY opposé, de surcroît dans la même matière vinyle, quelques mois seulement après sa commercialisation dans les boutiques à enseigne COMPTOIR DES COTONNIERS, et alors que la société CREATIONS NELSON justifie de l'importance des dépenses qu'elle engage chaque année pour assurer la promotion de ses produits, les sociétés EURODIF et JUST A se sont ainsi volontairement placées dans le sillage de cette dernière pour tirer profit, sans bourse délier, de ses investissements ; Que de tels actes de parasitisme sont constitutifs d'une faute ; Attendu que la société CREATIONS NELSON reproche en second lieu à la société JUST ADDICT d'avoir dissimulé la masse contrefaisante, en ne remettant lors des opérations de saisie-contrefaçon à l'huissier instrumentaire que les factures relatives aux vestes litigieuses fourmes à la société EURODIF alors que son gérant avait reconnu en avoir "vendu et facturé une grosse quantité à la société EURODIF entre autres clients" ; Que cependant, à supposer même qu'un tel comportement puisse être qualifié d'acte de concurrence déloyale, il y a lieu de relever que la prétendue dissimulation d'éléments comptables n'est pas établie en l'espèce, les déclarations du gérant recueillies par téléphone par l'huissier, dans le cadre de ses opérations de saisie- contrefaçon diligentées au siège de la société JUST ADDICT, étant à cet égard insuffisantes ; Que cette demande ne saurait donc être accueillie. - Sur les mesures réparatrices Attendu qu'il sera fait droit à la mesure d'interdiction sollicitée dans les conditions qui seront définies ci-après ; Que celle-ci étant suffisante à faire cesser les actes illicites, il n'y a pas lieu de faire droit à la mesure de destruction qui est en outre sollicitée ; Attendu que les factures remises par les défenderesses à l'huissier, à la suite des opérations de saisie-contrefaçon diligentées en leurs locaux, révèlent que la société JUST ADDICT a fourni à la société EURODIF 2.210 pièces du modèle de veste incriminé, lesquelles ont été facturées au prix unitaire de 9,60 euros HT puis commercialisées dans les magasins à enseigne EURODIF au prix public de 29,99 euros TTC ; Que la société EURODIF indique que seules 1257 pièces ont été vendues, le surplus ayant été immédiatement retiré de la vente compte tenu de l'instance encours, et qu'elle aurait ainsi réalisé un chiffre d'affaires d'un montant de 37.697,43 euros et un bénéfice de 12.321,90 euros ; Que la demanderesse justifie quant à elle que les vestes TWIGGY étaient vendues dans les boutiques à enseigne COMPTOIR DES COTONNIERS au prix de 120 euros TTC et que sa marge brute sur cet article s'élevait à la somme de 83,10 euros ; Qu'il y a lieu en considération des ces éléments d'allouer à la société CREATIONS NELSON la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de parasitisme commis à son encontre ; Attendu enfin qu'il y a lieu d'ordonner, à titre de dommages-intérêts complémentaires, la publication du dispositif du présent jugement, ce selon les modalités qui seront précisées au dispositif de la présente décision. - Sur la garantie contractuelle Attendu que la société EURODIF, pour solliciter la garantie de son fournisseur, invoque les dispositions du "cahier des charges fournisseurs'" de la société U.O.C.R., dans les droits de laquelle elle est subrogée, et auquel la société JUST ADDICT a adhéré par acte signé en avril 2007 ; Mais attendu que le paragraphe h intitulé "garantie" stipule que "le fournisseur garantit U.O.C.R. d'une façon absolue contre toutes les revendications de marques de commerces ou de fabriques, de modèles et dessins ou de brevets qui pourraient être introduites par un tiers'" et ajoute qu' "en conséquence, le fournisseur supportera tous les frais relatifs aux instances engagées dans ce cadre et supportera l'intégralité des condamnations et autres indemnités (transactionnelles ou non) qui pourraient être mises à la charge d'U.O.C.R." ; Que ces dispositions contractuelles ne sauraient donc trouver à s'appliquer en l'espèce, seuls des actes de concurrence déloyale ayant été retenus ; Que la demande en garantie sera donc rejetée. - Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive Attendu que la société JUST ADDICT ne pourra qu'être déboutée de sa demande formée de ce chef, l'action engagée par la société CREATIONS NELSON à son encontre ayant partiellement prospéré. - Sur les autres demandes Attendu qu'il y a lieu de condamner in solidum les sociétés EURODIF et JUST A, parties perdantes, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et qui comprendront les frais de saisie- contrefaçon ; Qu'en outre, elles doivent être condamnées sous la même solidarité à verser à la société CREATIONS NELSON, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de 1 ' article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 4.000 euros ; Qu'elles ne pourront dès lors qu'être déboutées de leurs demandes sur ce fondement ; Attendu que les circonstances de l'espèce justifient le prononcé de l'exécution provisoire, qui est en outre compatible avec la nature du litige.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort, - DIT que le modèle de veste TWIGGY commercialisé par la société CREATIONS NELSON ne peut bénéficier de la protection au titre des livres I et V du Code de la Propriété Intellectuelle ; En conséquence, - DEBOUTE la société CREATIONS NELSON de ses demandes au titre de la contrefaçon ; - DECLARE nul l'enregistrement n° 07 0129 (reproducti on n° 26-1) du modèle de veste TWIGGY déposé auprès de l'INPI le 15 janvier 2007; - DIT que la présente décision, une fois devenue définitive, sera transmise, par les soins du greffier saisi à la requête de la partie la plus diligente, à Monsieur l Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle pour inscription au Registre National des Dessins et Modèles ; - DIT qu'en commercialisant un modèle de veste reprenant l'ensemble des caractéristiques du modèle de veste TWIGGY, de surcroît dans la même matière vinyle, quelques mois seulement après sa commercialisation dans les boutiques à enseigne COMPTOIR DES COTONNIERS, les sociétés EURODIF et JUST A ont commis des actes de parasitisme au préjudice de la société CREATIONS NELSON ; - FAIT INTERDICTION aux sociétés EURODIF et JUST A de poursuivre de tels agissements, ce sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement ; - DIT que le Tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte ; - CONDAMNE in solidum les sociétés EURODIF et JUST A à payer à la société CREATIONS NELSON la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts ; - AUTORISE la publication du dispositif du présent jugement dans trois journaux ou revues au choix de la demanderesse et aux frais in solidum des défenderesses, sans que le coût de chaque publication n'excède, à la charge de celles-ci, la somme de 3.500 euros H.T. ; - DEBOUTE la société EURODIF de sa demande en garantie formée à rencontre de la société JUST ADDICT ; - DEBOUTE la société JUST ADDICT de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive ; - CONDAMNE in solidum les sociétés EURODIF et JUST A à payer à la société CREATIONS NELSON la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; - REJETTE le surplus des demandes ; - CONDAMNE in solidum les sociétés EURODIF et JUST A aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et qui comprendront les frais de saisie-contrefaçon ; - ORDONNE l'exécution provisoire.