Tribunal de grande instance de Paris, 5 février 2016, 2014/11490

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2014/11490
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE ; MARQUE
  • Classification pour les marques : CL1 ; CL2 ; CL3 ; CL4 ; CL5 ; CL6 ; CL7 ; CL8 ; CL9 ; CL10 ; CL11 ; CL12 ; CL13 ; CL14 ; CL15 ; CL16 ; CL17 ; CL18 ; CL19 ; CL20 ; CL21 ; CL22 ; CL23 ; CL24 ; CL25 ; CL26 ; CL27 ; CL28 ; CL29 ; CL30 ; CL31 ; CL32 ; CL33 ; CL34 ; CL35 ; CL36 ; CL37 ; CL38 ; CL39 ; CL40 ; CL41 ; CL42 ; CL43 ; CL44 ; CL45
  • Numéros d'enregistrement : 1524958 ; 3977077 ; DM/076977 ; DM/078340-1
  • Parties : CHANEL SAS / LYDIA SARL

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 5 février 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 14/11490 Assignation du 23 juillet 2014 DEMANDERESSE Société CHANEL SAS [...] 92200 NEUILLY SUR SEINE représentée par Maître Pascal CHADENET de la SELEURL Pascal Chadenet Avocat, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0372 ? Me Gérard D, avocat au barreau de PARIS. DÉFENDERESSE Société LYDIA, SARL [...] 93300 AUBERVILLIERS représentée par Me Antoine PINEAU –BRAUDEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0260 COMPOSITION DU TRIBUNAL Arnaud D. Vice-Président Carine G. Vice-Président Florence BUTIN Vice-Président assisté de Marie-Aline P. Greffier DEBATS À l'audience du 02 novembre 2015 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La société CHANEL qui exploite la maison de haute couture, parfum et articles de luxe "CHANEL" est propriétaire notamment des marques françaises figuratives : 1) n° 1524958 du 18 avril 1989, renouvelée selon déclarations des 27 janvier 1999 et 29 janvier 2009, pour désigner notamment des «produits en [Cuir et imitations du cuir] non compris clans d'autres classes » (classe 18) 2) n° 3977077 déposée le 24 janvier 2013 pour désigner notamment des « Sacs à mains ; pochettes en cuir .portefeuilles » (classe 18), des «fermoirs de ceintures, boucles [accessoires d'habillement ] non en métaux précieux » (classe 26) et des « fermetures pour sacs métalliques » (classe 6). qui se présentent toutes deux ainsi : et qui bénéficient selon elle d'une notoriété exceptionnelle en France et dans le monde. Elle est également propriétaire des dessins et modèles suivants : - Dessin et modèle international, désignant notamment la France, enregistré le 8 septembre 2011 sous le n° DM/076977, pour désigner un «fermoir » qui est décrit comme suit « Le fermoir se caractérise par une forme spécifique rectangulaire sur laquelle apparaissent dans une impression de relief plusieurs éléments carrés et rectangulaires » : - Dessin et modèle international, désignant notamment la France, enregistré le 7 mai 2012 sous le n° DM/078340 pour désigner un « sac » qui est décrit comme suit « Les sacs se présentent sous une forme générale rectangulaire, associant des éléments lui donnant un caractère nouveau et individuel : un fermoir rectangulaire ouvragé, présentant dans ses côtés gauche et droit des éléments parallélépipédiques et en son centre une pièce cylindrique : une chaîne associant un élément métallique et un élément textile ou en cuir ; Sur les bords des faces avant et arrière du sac, des surpiqûres créant une succession d'éléments tubulaires » : elle indique commercialiser ce modèle ainsi que des déclinaisons de celui-ci dans une gamme de produits de maroquinerie appelée BOY. Elle revendique également des droits d'auteur sur la forme originale du sac BOY et sur chacun des produits constituant une déclinaison de ce modèle d'origine. De surcroît certains de ces articles comportent un fermoir et/ou un rabat matelassé revêtu en son centre de la marque figurative précitée. La société indique être également titulaire des droits d'auteur sur un sac référencé Saison : I2P2 A67081: Ayant été informée que la brigade de surveillance intérieure des douanes de Gennevilliers avait procédé en application des articles L.716-8 et L. 521-14 du code de la propriété intellectuelle à la retenue en douanes d'articles (sacs à main, pochettes, portefeuilles et boucles-fermoirs), susceptibles de constituer des contrefaçons de la marque "CHANEL", au nombre de 6.183. après réévaluation par les douanes de son comptage initial qui faisait état de 6.967 articles, et ayant appris par informations communiquées que ces articles étaient détenus et vendus par la société LYDIA sise [...] où avait eu lieu un contrôle, la société CHANEL, dûment autorisée par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 20 juin 2014, a fait procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux des douanes où se trouvaient ces articles soupçonnés de contrefaçon qui a permis la saisie descriptive de ces articles. C'est dans ces conditions que par acte du 23 juillet 2014, elle a fait assigner la société LYDIA en contrefaçon de ses marques figuratives et de ses modèles internationaux précités ainsi que de ses droits d'auteur sur ces modèles en vue d'obtenir, outre l'indemnisation de son préjudice, des mesures d'interdiction, de communication d'information, de publication de confiscation et destruction. Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique pour l'audience de mise en état du 29 septembre 2015, la société CHANEL, après avoir réfuté les arguments de la défenderesse, adresse les demandes suivantes au Tribunal : - DÉCLARER la société CHANEL recevable en ses demandes, et y faisant droit. - VALIDER la saisie-contrefaçon opérée le 23 juin 2014 par Me Fabienne L, huissier de justice. - DIRF ET JUGER qu'en détenant en vue de la vente les sacs et fermoirs retenus par les services des Douane le 10 juin 2014, et saisis entre ses mains le 23 juin 2014, la société LYDIA a commis des actes de contrefaçon de la marque figurative objet des enregistrements français n° 1524958 et n° 3977077. des modèles internationaux de fermoir n° DM/076977 et de sac n° DM/078340, ainsi que des droits d'auteur dont la société CHANEL est investie sur les modèles de sacs et de fermoir. - DIRE ET JUGER que la société LYDIA s'est, de plus, rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme distincts des actes de contrefaçon. - FAIRE DEFENSE à la société LYDIA de renouveler ces actes sous astreinte de 200 euros par article importé, fabriqué, détenu, offert en vente ou vendu en violation de cette interdiction et de 500 euros par jour de retard à se conformer à cette injonction. - ORDONNER à la société LYDIA, avant toute décision au fond, de communiquer à la société CHANEL sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir sur ce point, tous les documents et informations permettant de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon (à savoir les produits portant les références D 223, D 224, D 225, MP 217, MP 218, MP 219, et les boucles sans référence), et notamment : - les nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs de ces produits, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants le cas échéant : - les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que le prix obtenu pour les produits litigieux. - CONDAMNER la société LYDIA à payer à la société CHANEL une indemnité de deux cent mille euros (200.000 euros), toutes causes de préjudices confondues, sauf à parfaire au vu des éléments d'évaluation sollicités au titre des articles L. 331-1 -2, L 521 -5. et L.716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle. - AUTORISER la société CHANEL, à titre de complément de réparation, à faire publier, par extraits ou par résumés, le jugement à intervenir dans trois journaux ou périodiques de son choix, aux frais de la société LYDIA dans la limite de dix mille euros hors taxes (10.000 euros HT.) par insertion. - CONDAMNER la société LYDIA à payer à la société CHANEL une somme de 15.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. - ORDONNER la destruction des articles saisis se trouvant entre les mains de la Douane. - ORDONNER la confiscation de tous articles ou documents contrefaisants se trouvant en la possession de la société LYDIA, ou détenus pour son compte, et leur remise à la société CHANEL aux fins de destruction. - ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir. - CONDAMNER la société LYDIA aux dépens, qui comprendront notamment les frais de la saisie-contrefaçon du 23 juin 2014, et qui pourront être recouvrés directement contre elle par Me Gérard D, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile. La société CHANEL expose notamment que : - l'invocation de la violation du principe du contradictoire n'est pas fondée, les photographies des articles versées aux débats étaient d'excellente qualité et permettent de faire les comparaisons qui s'imposent, cette exigence n'a pas de sens s'agissant de la contrefaçon de dessins et modèles et de marque qui s'apprécient par comparaison au titre déposé : la société LYDIA a pu dans ses écritures procéder aux comparaisons qu'elle jugeait utile, preuve du caractère inopérant de ce moyen. - les deux O entrecroisés présentent la même impression d'ensemble et la prise en compte des éléments dominants de chaque signe, notamment la présence d'un fuseau à l'entrecroisement des lettres, l'assemblage de deux arcs de cercle, tendent à réduire les différences de perception : la notoriété des marques figuratives Chanel pour des articles de maroquinerie crée un risque de confusion renforcé par le positionnement sur les articles du signe second qui est identique à celui de marques invoquées sur les produits CHANEL : - les différences entre les modèle de fermoir des articles saisis et le modèle protégé sont secondaires par rapport à la ressemblance recherchée : il y a une même impression d'ensemble ; - les sacs litigieux sont identiques aux déclinaisons du modèle de sac opposé, ou au modèle de sac lui-même ou créent un risque de confusion par remplacement sur les articles du signe second qui est le même que celui de la marque chanel apposé sur les articles opposés ; - les sacs incriminés présentent le même aspect d'ensemble avec la même combinaison des mêmes éléments caractéristiques et originaux des sacs protégés au titre du droit d'auteur : - la reprise d'une gamme entière de six articles différents ayant des articles homologues CHANEL manifeste la recherche d'un effet de gamme et la volonté de se placer dans le sillage de la société CHANEL pour bénéficier de ses investissements et de sa notoriété : - les articles ont été saisis par les douanes après importation sur le territoire puisque la saisie est consécutive à un contrôle opéré dans les locaux du magasin de la société LYDIA : - il s'agit d'un reliquat d'un stock vraisemblablement plus important : - les préjudices résultent des atteintes aux droits privatifs de la société Chanel sur ses marques, du détournement illicite de la notoriété de la marque, de l'atteinte au pouvoir distinctif" de la marque, des gains manqué en raison de la désaffection des consommateurs résultant de la présence sur le marché de produits qui reprennent les codes des articles de la société Chanel et leur font perdre leur caractère exclusif. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 mai 2015, la société LYDIA qui a pour activité l'importation et l'exportation de produits de prêt à porter, chaussures, accessoires de mode, articles en cuir et fourrure, et qui exploite un magasin, demande, en ces termes, au tribunal de : - DIRE ET JUGER que l'absence de communication par la société CHANEL des pièces originales constitue une violation manifeste du principe de la contradiction ; À titre très subsidiaire : - CONSTATER l'absence de toute contrefaçon de marque, de dessins et modèles et de droit d'auteur : - CONSTATER l'absence de toute concurrence déloyale ou parasitisme : - CONSTATER, à titre infiniment subsidiaire, l'absence de tout préjudice commercial ou moral :

En conséquence

. - DEBOUTER la société CHANEL de l'intégralité de ses demandes : - CONDAMNER la société CHANEL à payer à la société LYDIA la somme de 6.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : Elle fait valoir pour l'essentiel que : - la société CHANEL qui ne produit aux débats aucun article original ni les produits argués de contrefaçon, mais uniquement des photographies ne permettant pas d'effectuer utilement des comparaisons, et qui a refusé de les communiquer malgré la demande de la défenderesse, a violé le principe du contradictoire : le tribunal n'étant pas en mesure d'apprécier les prétentions de la société CHANEL, rejettera les demandes de celle-ci ; - à titre subsidiaire la contrefaçon n'est pas établie car les signes utilisés sont constitués d'un double O entrecroisé et non d'un C à l'endroit et d'un C à l'envers entrecroisés comme dans les marques invoquées: - il existe également des différences de police et de taille de caractère des "o" entrecroisés qui les différencient encore davantage des marques figuratives opposées : - s'agissant de la contrefaçon de dessins et modèles, la présence sur les articles visés du signe formé de deux "O" écarte le risque de confusion : Les éléments essentiels dont il est fait grief qu'ils soient repris dans certains articles argués de contrefaçon ne sont pas propres à la société CHANEL :. - les différences existant entre les articles argués de contrefaçon et les articles de la demanderesse excluent également la contrefaçon au titre du droit d'auteur : - il n'y a pas de concurrence déloyale et parasitaire par effet de gamme en raison des différences existantes entre les modèles ; les produits commercialisés par la société LYDIA et ceux de la société CHANEL ne visent pas . du faite de la différence de prix et de qualité, la même clientèle, il n'y a donc pas de situation de concurrence ; - aucun préjudice n'est établi, les produits n'ayant pas été vendus. L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2015 MOTIFS Sur le manquement au principe du contradictoire la société LYDIA soutient qu'en refusant de communiquer des pièces originales malgré ses demandes, la société CHANEL porterait atteinte au principe du contradictoire de sorte que ses demandes ne sauraient prospérer. S'agissant des pièces arguées de contrefaçon, elles ont été retenues en douanes à la suite d'un contrôle dans les locaux de la défenderesse de sorte que cette dernière ne peut prétendre ignorer leurs caractéristiques. En outre, la société CHANEL établit que les sacs saisis ont été mis à disposition de la partie adverse dans ses bureaux. S'agissant des pièces originales, il convient de rappeler que les contrefaçons de marque et de dessin et modèles s'apprécient par rapport à la marque et au dessin et modèle tel qu'ils sont déposés et non par rapport à l'exploitation qui en est faite, laquelle peut simplement servir à illustrer le raisonnement mais ne peut fonder la décision. Par ailleurs, des photographies en couleur des différents articles invoqués ainsi que de extraits de catalogues dans lesquels ils figurent sont versés aux débats ainsi que les fiches techniques de ces articles qui comportent également une photographie. Dès lors, des éléments de preuves des faits allégués sont versés aux débats. Il appartient au tribunal d'en apprécier la pertinence et la suffisance, mais cela ne constitue pas une atteinte au principe du contradictoire. Les demandes à ce litre de la société LYDIA seront rejetées, sur la contrefaçon de marque L'article L.7I3-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que "Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du publie : (....) b) l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement. " Au visa de cet article, la société CHANEL soutient que les articles ayant fait l'objet de la saisie en douane sont revêtus d'un signe formé de deux "O" entrecroisés qui constituent une contrefaçon de ses marques n°1524958 et 3977077 en ce que ces signes désignent des produits identiques à ceux visés dans l'enregistrement des marques et que les signes en présence produisent une impression d'ensemble similaire. La société LYDIA oppose que l'usage de signes construits de lettres symétriques entrelacées est fréquent comme le montrent les marques GUCCI formées d'un logo constitué d'un double G ou les marques FENDI formées de deux F tête-bêche ou encore de la marque GIVENCHY construite avec quatre G, qu'il est impossible de percevoir les signes attaqués comme représentant un double C alors que tel est le cas des marques CHANEL qui sont opposées. Elle procède à une comparaison des signes utilisés sur chaque article argué de contrefaçon avec le signe tel qu'exploité sur l'article qu'on lui oppose au titre de la contrefaçon pour conclure à des différences significatives. Cependant, il convient de rappeler que le signe protégé est celui qui est enregistré comme marque. Le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 23 juin 2014 énonce que les échantillons des trois modèles de sac à main, des deux modèles de portefeuilles, du modèle de porte-monnaie et du modèle de boucle métallique sont revêtus pour les sacs à main sur leur fermoir et pour les autres articles de manière purement décorative de deux 0 entrecroisés. Il n'est pas contestable que les sacs à main et les portefeuilles concernés sont identiques ou très similaires car ayant la même fonction et la même nature aux produits "sac à main", "pochettes en cuir", et "portefeuilles" visés en classe 18 de la marque 3977077. Les boucles métalliques sont aux "fermetures pour sac métallique" également visés dans l'enregistrement de cette même marque en classe 6. Enfin, les sacs à mains, portefeuilles et porte-monnaie sont similaires compte tenu de leur caractère complémentaire "aux cuir et imitation cuir, produits en ces matières non compris dans d'autres classes" visés dans l'enregistrement de la marque n° 1527958. L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants; En l'occurrence, les signes en présence sont visuellement similaires, puisque hormis le fait que les O entrelacés sont fermés tandis que les C sont ouverts, ce qui est une différence différence négligeable, ils présentent les mêmes proportions et sont entrecroisés de manière identique en formant à cette intersection une ellipse ouverte. Les différences d'épaisseur ou d'apparence du trait qui existent sur les signes apposés sur les portefeuilles référencé MP 217 et MP 218 et sur le porte -monnaie référencé MP 219, par rapport à la marque, sont négligeables au regard des éléments communs notamment l'ellipse centrale et la proportion d'ensemble identique. D'un point de vue conceptuel, les signes sont décrits par facilité pour le signe litigieux comme des O entrelacés et pour les marques invoquées, comme des C entrelacés. Toutefois l'aspect dans les deux cas nés stylisé des signes et pour ce qui concerne les marques de la demanderesse, l'imbrication d'un C et d'un C inversé font qu'en réalité la perception est celle d'un signe abstrait et non de deux lettres emmêlées. Dès lors les différences sont négligeables. Enfin pour la même raison les signes en présence sont imprononçables. Ainsi la forte similitude visuelle et l'identité ou à tout le moins la forte similitude des produits concernés créent un risque de confusion pour le consommateur qui risque d'attribuer l'origine des produits sur lesquels sont apposés les signes argués de contrefaçon à la société CHANEL et ce d'autant plus que les marques contrefaites présentent une distinctivité accrue par la notoriété de la marque. La contrefaçon des marques n°1524958 et 3977077 est donc établie. Sur la contrefaçon de dessins et modèles L’article L. 513-5 du Code de la propriété intellectuelle dispose : "La protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente " a) contrefaçon de dessins et modèles internationale n° DM/076977 désignant notamment la France, ainsi décrit « Le fermoir se caractérise par une forme spécifique rectangulaire sur laquelle apparaissent dans une impression de relief plusieurs éléments carrés et rectangulaires » Les fermoirs des sacs à mains référencés D 223 et D 224 et des boucles métalliques litigieux constituent selon la demanderesse des contrefaçons de son modèle de fermoir n° DM/076977. La société LYDIA oppose que le centre de du fermoir est différent en ce que celui du modèle est constitué de deux demi cercles en forme de C alors que ceux des articles argués de contrefaçon sont formés de O entrelacés ce qui produirait une impression visuelle d'ensemble différente. Toutefois, hormis leur centre, les fermoirs litigieux sont identiques au modèle protégé en ce qu'ils reproduisent une pièce rectangulaire comportant sur ses petits côtés, aux quatre coins, des pièces carrées en relief identiques et en leur centre des pièces carrées ou rectangulaires qui débordent à l'extérieur de la pièce rectangulaire de support. Le centre du fermoir protégé au titre de modèle international est en réalité formé d'un rond en relief entoure de deux demi cercles qui se font face de part et d'autre du rond. Ces différences apparaissent négligeables dès lors que le motif central dans les deux cas est une figure arrondie et que le reste du fermoir qui contribue principalement à lui donner son caractère propre est parfaitement identique, et ce d'autant plus que le créateur du modèle dispose d'une grande liberté pour concevoir un fermoir, de sorte que les similitudes l'emportent sur les différences secondaires pour produire sur l'observateur averti une impression d'ensemble qui n'est pas différente. La contrefaçon du modèle international n° DM/076977 est donc constituée. b) contrefaçon du modèle international désignant notamment la France n° DM/ 078340 Selon la demanderesse les éléments caractéristiques du modèle de sac ainsi protégé qui se caractériseraient par : - une forme générale rectangulaire. - un rabat couvrant intégralement la face avant du sac. - le fermoir rectangulaire ouvragé, disposé au milieu du bord inférieur du rabat, et constitué d'une plaque rectangulaire sur les petits côtés de laquelle sont disposés, en quinconce, deux tenons de section carrée encadrant un tenon de section rectangulaire, et en son centre un motif rond entouré par deux demi-cercles en forme de « C » disposés face à face : - une chaîne associant un élément métallique et un élément textile ou en cuir: - sur les bords des faces avant et arrière du sac. des surpiqûres créant une succession d'éléments tubulaires. ou godrons. se retrouveraient à l'identique dans les deux modèles de sac à main litigieux référencés D223 et D 224. Toutefois le critère de la contrefaçon en matière de dessins et modèles ne repose pas sur la reprise d'une combinaison des caractéristiques essentielles telles que le titulaire du modèle veut les définir mais sur le fait que l'impression visuelle d'ensemble produite par le produit argué de contrefaçon auprès d'un observateur averti n'est pas différente de celle du modèle déposé. En l'espèce, la société LYDIA fait valoir ajuste titre que l'impression visuelle d'ensemble produite n'est pas identique. L'aspect quadrillé et matelassé du rabat du sac à main dans les articles litigieux, l'absence des éléments tubulaires nettement marqués les distinguent aux yeux de l'observateur averti du modèle protégé. En outre la fixation de la sangle du sac à main référencé D223, différente de celle du modèle, et la présence de renforts d'aspect métallique aux coins du rabat donnent un aspect visuel différent. Le sac à main référencé D224 présente également des renforts décoratifs sur les coins du rabat, ainsi qu'une forme générale rectangulaire qui le distinguent nettement du modèle de la demanderesse. Enfin, l'invocation par la demanderesse de ce que les articles litigieux seraient quasi identiques à des déclinaisons qu'elle commercialise du modèle protégé est inopérante puisque d'une part c'est au regard du modèle telle que déposé que s'apprécie la contrefaçon et que d'autre part la démonstration que les articles ainsi invoqués seraient des déclinaisons du modèle protégé n'est pas faite, tant il existe de différences d'aspect entres ces articles et le modèle déposé opposé par la société CHANEL. En conséquence les demandes au titre de la contrefaçon du modèle n° DM/ 078340 seront rejetées. Sur la contrefaçon au titre du droit d'auteur La société CHANEL soutient qu'elle est titulaire des droits d'auteur sur les différents modèles de sacs et de fermoir de sa collection "BOY" qui ont été divulgués sous son nom et commercialisés sous la marque CHANEL dans les boutiques de la marque et chez, les distributeurs agréés. Elle indique que ce sac créé en 2011 présenterait entre autre les éléments caractéristiques suivants : - une forme générale rectangulaire. - un rabat couvrant intégralement la face avant du sac. - le fermoir rectangulaire ouvragé, disposé au milieu du bord inférieur du rabat, et constitué d'une plaque rectangulaire sur les petits côtés de laquelle sont disposés, en quinconce, deux tenons de section carrée encadrant un tenon de section rectangulaire, et en son centre un motif rond entouré par deux demi-cercles en forme de « C » disposés face à Face, ou de l'emblème de la Maison CHANEL constitué de deux « C » entrecroisés : - une chaîne associant un élément métallique et un élément textile ou en cuir: - sur les bords des faces avant et arrière du sac, des surpiqûres créant une succession d'éléments tabulaires, ou godrons. Cependant, ainsi que le fait valoir la société LYDIA, la société CHANEL ne verse pas aux débats d'exemplaire des articles dont elle demande qu'ils soient protégés au titre du droit d'auteur. En outre les extraits de catalogues comme les fiches techniques qu'elle produit, d'une part ne constituent que des vues partielles de ces articles, et parfois de qualités insuffisantes pour appréhender leurs caractéristiques propres, et d'autre part portent sur de multiples sac à mains qui bien que rassemblés sous l'appellation "BOY" et présentant quelques caractéristiques communes, se distinguent les uns des autres par des éléments essentiels de sorte que leur originalité ne saurait être appréciée globalement pour tous, comme le sollicite la demanderesse, mais ne peut que faire l'objet d'une appréciation différenciée et individualisée, ce que ne permettent pas ses conclusions et ses pièces. En conséquence les demandes à ce titre seront rejetées. la société CHANEL fait valoir par ailleurs qu'elle est titulaire de droits d'auteur sur un sac référencé Saison : 12P2 A67081 qui présenterait entre autres les éléments caractéristiques suivants : - une forme générale rectangulaire. - un rabat couvrant approximativement les deux tiers de la face avant du sac. et dont le bord inférieur légèrement concave, comporte un empiècement arrondi sur lequel est placé un fermoir à tourniquet orné du logo de la Maison CHANEL, en forme de monogramme constitué de deux « C » entrecroisés - une chaîne métallique dans les maillons de laquelle est entrelacé un ruban textile ou en cuir : - un corps de sac en cuir matelassé selon des surpiqûres formant une succession de lignes régulières verticales. Toutefois, là encore, la demanderesse s'appuie pour présenter le sac à main uniquement sur une photographie et une fiche technique ne donnant qu'une vue partielle du sac, sans produire aux débats d'exemplaire de l'article et sans invoquer précisément de preuves d'exploitation de celui-ci dans ses catalogues. .Aussi les éléments produits sont insuffisants pour statuer sur les demandes à ce titre qui seront de ce fait rejetées. Sur la concurrence déloyale et le parasitisme La société CHANEL fait valoir que le procès-verbal de saisie-contrefaçon établirait que la société LYDIA détenait en vue de la vente une gamme de six articles de types différents et complémentaires - sacs à main, pochettes porte-cartes et porte - monnaie - qui en reprenant systématiquement son "vocabulaire esthétique" protégé par le droit des marques, le droit des dessins et modèles communautaires, et/ou le droit d'auteur, et en étant des produits "homologues" à des articles authentiques CHANEL, créerait un effet de gamme, grâce auquel la société défenderesse se placerait dans le sillage de la société CHANEL en bénéficiant sans bourse délier de ses investissements de conception et promotionnels, en évitant de surcroît les aléas du marché en ne retenant que les articles CHANEL rencontrant le succès commercial. Il sera rappelé que la concurrence déloyale tout comme le parasitisme trouvent leur fondement dans l'article 1382 du Code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Par ailleurs la demande en concurrence déloyale ou en parasitisme doit reposer sur des agissements distincts de ceux qui ont été retenus pour établir la contrefaçon. Comme le fait valoir à juste titre la société LYDIA, les divers articles que la société CHANEL oppose n'appartiennent pas à une même gamme de produits et sont disparates. Aussi les articles litigieux identifiés lors de la saisie-contrefaçon, hormis le fait qu'ils sont revêtus des deux O entrelacés contrefaisant les marques CHANEL, ne forment pas une gamme qui reproduirait ou évoquerait une gamme de produit CHANEL. Au surplus pour établir que les produits litigieux seraient les "homologues" de produits de la société CHANEL, celle-ci invoque des produits pour lesquels elle ne fournit qu' une photographie représentant le produit accompagnée d'une référence, insérés dans les conclusions, mais sans aucune pièce venant prouver qu'il sont commercialisés par elle. Ainsi, la société CHANEL qui n'établit pas de faits distincts de ceux retenus au titre de la contrefaçon de marque, échoue à démontrer que des actes de concurrence déloyale et parasitaire ont été commis à son préjudice. Elle est donc déboutée de ses demandes à ce titre. Sur les mesures réparatrices La société CHANEL demande à titre indemnitaire, tout chef de préjudice confondu, une somme de 200.000 euros. Elle fait valoir que l'importation en vue de la commercialisation des 6.183 sacs, portefeuilles et fermoirs porte en elle-même atteinte à ses droits de propriété intellectuelle et que les articles en cause ont été appréhendés par les douanes alors qu'ils se trouvaient déjà dans les locaux de la société LYDIA et non au cours d'opération de dédouanement. Enfin, elle soutient que la quantité d'articles saisis ne peut constituer qu'un minimum par rapport à la totalité des articles contrefaisants importés en vue de commercialisation, ceci étant étayé par l'absence de communication d'informations par la société LYDIA sur l'origine des produits et les quantités reçues ou commandées, informations qui étaient pourtant demandées dans l'assignation. La société LYDIA soutient qu'en l'absence de preuve de commercialisation des produits, la société CHANEL ne démontre aucun préjudice résultant d'une atteinte commerciale ou patrimoniale à ses droits. Les articles L 521-7 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle prévoient que : "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° les conséquences économiques négatives de la contrefaçon dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée : 2° le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui a retirées de l'atteinte aux droits." En l'espèce, en l'absence de preuve de commercialisation auprès du public et de vente effective des articles contrefaisant, il n'est démontré ni gain manqué ni perte subie, ni bénéfices réalisés par l'auteur de l'infraction. Toutefois l'importation en vue de la commercialisation et l'introduction sur le marché de gros et semi gros de 6183 articles contrefaisant les marques et le modèle internationale n° DM/076977 dont la société CHANEL est titulaire, portent atteinte aux droits privatifs de cette dernière et constituent de ce fait une conséquence économique négative qu'il y a lieu d'indemniser à hauteur de la somme de 30.000 euros, en tenant compte du fait que l'absence de communication d'information par la société LYDIA ne permet pas de connaître avec certitude l'ampleur exacte de la contrefaçon ni l'existence éventuelle d'actes de commercialisation. Il a lieu de faire droit à la demande de destruction des articles saisis se trouvant entre les mains des douanes, ainsi qu'aux mesures d'interdiction sollicitées dans les conditions précisées au dispositif. Ces mesures étant suffisantes pour réparer le préjudice et éviter le renouvellement des actes de contrefaçon, le surplus des mesures sollicitées est rejeté. Sur les demandes relatives aux frais du litige et aux conditions d'exécution de la décision La société LYDIA, partie perdante, sera condamnée aux dépens qui, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, pourront être recouvrés directement contre elle par Maître Gérard D pour ceux dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision. En outre elle doit être condamnée à verser à la société CHANEL, qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 4.000 euros. Les circonstances de l'espèce ne justifient pas le prononcé de l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort : - DIT que la société CHANEL n'a pas porté atteinte au principe du contradictoire. - DIT qu'en important et en détenant en vue de leur commercialisation des articles de maroquinerie et des boucles d'aspect métallique revêtus d'un signe constitué de deux "O" entrelacés, la société LYDIA a commis des actes de contrefaçon des marques française n° 1 52458 et n° 3977077 au préjudice de la société CHANEL : - DIT qu'en important en vue de leur commercialisation des boucles d'aspect métallique constituées d'une pièce rectangulaire comportant en son centre deux "O" entrelacés et sur ses petits cotés en relief, aux quatre coins des pièces carrées en relief identiques les unes aux autres et au centre de ces petits côtés des pièces carrées ou rectangulaires qui débordent à l'extérieur de la pièce rectangulaire de support, ainsi que des articles incorporant ce modèle de fermoir, la société LYDIA a commis des actes de contrefaçon du modèle international n° DM/076977 au préjudice de la société CHANEL : - INTERDIT à la société LYDIA de renouveler ces agissements et ce sous astreinte de 300 euros par infraction constatée à partir de la signification du jugement : - DIT que le Tribunal se réserve liquidation des astreintes : -CONDAMNE la société LYDIA à payer à une somme de 30.000 euros au titre du préjudice résultant des actes de contrefaçon : - ORDONNE la destruction des 6.183 articles placés en retenue douanière par la brigade de surveillance inférieure des Douanes de Gennevilliers, et ce aux frais de la société LYDIA : - REJETTE le surplus des demandes : - CONDAMNE la société LYDIA aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile : - CONDAMNE la société LYDIA à payer une somme de 4.000 euros à la société CHANEL au titre de l'article 700 du code de procédure civile : - DIT n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision.