Sur le pourvoi formé par la société civile immobilière du ..., dont le siège social est à Nanterre (Hauts-de-Seine), 41,rue des Trois Fontanot, représentée par son gérant en exercice, la société Progemo, société anonyme, dont le siège social est à Paris-La Défense 5 (Hauts-de-Seine), cedex 64, 4, place des Vosges,
en cassation d'un arrêt rendu le 12 décembre 1988 par la cour d'appel de Paris (23e chambre, section A), au profit de :
1°/ le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à Boulogne (Hauts-de-Seine), ..., représenté par son syndic en exercice, la société à responsabilité limitée Etude et gestion Mirabeau, dont le siège social est à Paris (17e), ...,
2°/ M. Abro Z...,
3°/ M. Henri Z...,
demeurant tous deux à Paris (8e), ...,
4°/ la Société nouvelle de construction et d'entretien (SNCE), dont le siège social est à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), ...,
5°/ l'Union des assurances de Paris (UAP), société anonyme, dont le siège social est à Paris (1er), 9, place Vendôme,
6°/ M. X..., demeurant à Paris (5e), ..., pris en sa qualité de syndic de la liquidation des biens de la société COMEPRIM,
défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 5 mars 1991, où étaient présents :
M. Senselme, président, M. Valdès, rapporteur, MM. B..., C..., Gautier, Peyre, Beauvois, Mlle Y..., M. Chemin, conseillers, MM. Garban, Chollet, Chapron, conseillers référendaires, M. Vernette, avocat général, Mme Prax, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Valdès, les observations de Me Choucroy, avocat de la SCI du ..., de la SCP Boré et Xavier, avocat du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à Boulogne, ..., de Me Boulloche, avocat des consorts Z..., de la SCP Rouvière, Lepitre et Boutet, avocat de l'UAP, les conclusions de M. Vernette, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi
Sur le premier moyen
:
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 1988), qu'ayant chargé d'une mission complète les architectes Abro et Henri Z..., la société civile immobilière du ... à
Boulogne-Billancourt, gérée par la société Comeprim, a, en 1976-1977, fait construire, avec le concours de la Société nouvelle de construction et d'entretien (SNCE), entreprise générale, un immeuble à usage d'habitation, qui a été vendu par lots en état futur d'achèvement ; que des infiltrations, affectant notamment le second sous-sol, étant apparues après réception, le syndicat des copropriétaires a fait assigner en réparation, sur le fondement de la garantie décennale, la société civile immobilière, les architectes et l'entreprise générale ; que la société Comeprim ayant été mise en état de liquidation des biens, le syndicat des copropriétaires a également fait assigner l'UAP, assureur "maître d'ouvrage" de la société civile immobilière ; Attendu que la société civile immobilière fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, en qualité de maître de l'ouvrage et vendeur d'immeuble à construire, à indemniser le syndicat des copropriétaires des désordres au second sous-sol, tout en lui refusant la garantie des constructeurs, alors, selon le moyen, "1°) que le maître de l'ouvrage fût-il promoteur, n'engagé sa responsabilité pour vices de construction qu'à la double condition, devant être constatée et caractérisée, qu'il se soit immiscé dans la construction concernée par le désordre et qu'il soit notoirement compétent en la matière ; que par compétence notoire, il faut entendre une compétence technique spécialisée relativement à l'ouvrage infesté du vice caché, à défaut de quoi il n'y a pas non plus immixtion fautive et qu'en l'espèce, il ne ressort pas des propres constatations de l'arrêt que le maître de l'ouvrage ait eu une compétence technique notoire en matière de fondation d'un immeuble sur deux sous-sols ; qu'une telle compétence notoire apparait du reste exclue du fait qu'il a fait appel aux services du cabinet spécialisé
A...
qui a exposé deux solutions techniques également possibles dont l'une a été retenue ; que l'arrêt est donc entaché d'un défaut de base légale par violation des articles
1792 et
2270 du Code civil et
1646-1 du même code dans leur rédaction issue de la loi du 3 janvier 1967 ; 2°) qu'en tout état de cause, les constructeurs ne peuvent s'exonérer de leurs obligations de réaliser un ouvrage conforme aux règles de l'art ou exempt de vices cachés pour la seule raison que le maître de l'ouvrage avait choisi, en connaissance des risques, parmi les solutions possibles, la solution la plus économique ; qu'ils doivent à tout le moins, même si une telle solution leur est imposée, faire des réserves expresses, en attirant tout spécialement l'attention du maître de l'ouvrage sur les conséquences découlant du choix de
celui-ci ; et qu'en l'espèce il y a eu carence des architectes et de l'entrepreneur à formuler des réserves sur la solution retenue par le maître de l'ouvrage dans le devis descriptif ; qu'en effet, ceux-ci auraient dû réitérer solennellement le risque d'inondation découlant du choix d'un cuvelage semi-étanche et
insister pour une installation efficace d'un système de pompe ; que l'arrêt a donc violé les articles
1147 et
1787 du Code civil" ;
Mais attendu
que la cour d'appel, qui a relevé que les infiltrations au second sous-sol provenaient d'un vice caché rendant l'immeuble impropre à sa destination, a légalement justifié sa décision en retenant exactement que ce vice affectant un gros ouvrage, la société civile immobilière, en sa qualité de vendeur d'immeuble en état futur d'achèvement, était tenue à garantie décennale envers le syndicat des copropriétaires, mais que les constructeurs s'exonéraient de la présomption de responsabilité pesant sur eux, dès lors que, compétente en matière de construction, la SCI s'était immiscée dans les travaux, en faisant dresser le devis descriptif par ses propres services techniques, en lançant les consultations d'entreprises, en remettant aux maîtres d'oeuvre un devis descriptif tous corps d'état, modifié après établissement d'un rapport d'étude des sols de fondation par le bureau d'étude
A...
et en choisissant la solution "d'inondabilité partielle des sous-sols" et en en déduisant qu'eu égard à la clarté et à la précision de ce rapport, il ne pouvait être reproché aux constructeurs d'avoir manqué à leur devoir de conseil et de n'avoir pas fait de réserves sur le mode de construction choisi de propos délibéré par le maître de l'ouvrage
Sur le deuxième moyen
:
Attendu que la société civile immobilière fait grief à
l'arrêt d'avoir mis hors de cause la compagnie UAP, assureur "maître d'ouvrage", alors, selon le moyen, "1°) que l'allégation que le désordre provient de l'absence d'un cuvelage est incompatible avec les constatations précédentes de l'arrêt relevant, à la suite de l'expert A..., qu'il y avait eu adoption d'un "cuvelage semi-étanche" avec "installation d'un système de barbacanes", alors que la meilleure solution eût été d'adopter un "cuvelage
étanche" ; que l'arrêt a donc violé les articles
455 et
458 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) qu'en tous cas, l'emploi d'un cuvelage semi-étanche, source de désordres, au lieu d'un cuvelage étanche, traduisait nécessairement un vice de conception couvert à l'article 2B 1°) des conditions générales de la police et non pas l'absence de travaux de parachèvement au sens de l'article 2 b de ces conditions générales ; que l'arrêt a donc faussement appliqué en la cause ce second texte au lieu d'appliquer le premier ; qu'il a ainsi violé l'article
1134 du Code civil ;
Mais attendu
qu'ayant constaté qu'en l'absence de cuvelage du second sous-sol, le parachèvement des travaux consistait dans la mise en place d'un tel ouvrage, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite, a, en écartant la garantie de l'UAP, fait une exacte application de l'article 2-b des conditions générales de la police prévoyant que ne sont pas couverts les travaux qui auraient dû être effectués pour parfaire la réalisation de la construction et dont l'absence d'exécution entraîne des dommages à l'ouvrage ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé
Sur le troisième moyen
:
Attendu que la société civile immobilière fait grief à
l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'indemnité à l'encontre de la société SNCE, alors, selon le moyen, "qu'il n'y a aucune mesure entre le solde minime des travaux dus à l'entrepreneur et retenu légitimement par le maître de l'ouvrage en raison de graves malfaçons généralisées affectant l'ensemble des copropriétaires et la somme non négligeable sequestrée à la demande d'un des copropriétaires, en raison de malfaçons concernant son appartement ; que l'arrêt n'a donc pas légalement justifié l'absence de préjudice du maître de l'ouvrage en relation de causalité avec la faute de l'entrepreneur et a ainsi violé l'article
1382 du Code civil" ;
Mais attendu
qu'ayant constaté que la société civile immobilière, qui avait été privée depuis décembre 1981 d'une fraction du prix d'acquisition d'un lot, séquestrée à la demande d'un copropriétaire en
raison de malfaçons et non-conformités affectant ce lot, s'était abstenue depuis la fin des travaux, en 1977, de payer une somme plus importante due à l'entrepreneur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;