Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Bordeaux 11 mars 2014
Cour administrative d'appel de Bordeaux 10 mai 2016

Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 10 mai 2016, 14BX01386

Mots clés société · contrat · indemnité · montant · pénalités · imposable · retraite · travail · lien de subordination · mauvaise foi · société anonyme · requête · décharge · impôt · cessation

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro affaire : 14BX01386
Type de recours : Contentieux fiscal
Décision précédente : Tribunal administratif de Bordeaux, 11 mars 2014, N° 1202328
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur : Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public : M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET BELLIARD - NOUANI

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Bordeaux 11 mars 2014
Cour administrative d'appel de Bordeaux 10 mai 2016

Texte

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...Labatut ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de les décharger du supplément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2007, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1202328 du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 7 mai 2014, 23 septembre 2014 et 17 novembre 2014, M. et Mme Labatut, représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 mars 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de M. et MmeB....


Considérant ce qui suit

:

1. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a constaté que M. et Mme Labatut n'avaient pas déclaré dans leurs revenus imposables des années 2006 et 2007 l'indemnité de départ à la retraite qu'avait décidé de verser en 2006 le conseil d'administration de la société anonyme Compagnie de gestion et de placements Immobiliers (CGP) à Mme Labatut, président directeur général de la société. M. et Mme Labatut ont fait l'objet d'un rehaussement dans la catégorie des traitements et salaires d'un montant de 10 000 euros pour l'année 2006 et de 110 000 euros pour l'année 2007. Ils relèvent appel du jugement du 11 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de la seule année 2007.

Sur la régularité du jugement :

2. Si les requérants soutiennent que les premiers juges ont fait application des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts dans leur version applicable antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, alors qu'ils devaient se fonder sur les dispositions applicables aux années d'imposition en litige, cette erreur matérielle est cependant sans incidence sur la régularité du jugement attaqué dès lors que le " manquement délibéré " sanctionné par le nouveau texte recouvre la " mauvaise foi " visée par le texte antérieur et que ni le taux ni l'assiette de la pénalité n'ont changé.

3. M. et Mme Labatut soutiennent également que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé en ce qui concerne les pénalités mises à leur charge. Cependant, les premiers juges, en relevant que l'administration établissait la mauvaise foi du contribuable en faisant état de la qualité de président directeur général de Mme Labatut et de l'importance des sommes éludées, ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81 et des dispositions suivantes. / Ne constituent pas une rémunération imposable : (...) / 4° La fraction des indemnités de mise à la retraite qui n'excède pas : / a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de cinq fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ; (...) / 2. Constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter. Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, seule la fraction des indemnités qui excède les montants définis aux 3 et 4 du 1 est imposable ".

5. Il résulte de l'instruction que Mme Labatut a été nommée présidente directrice générale de la société CGP à compter du 1er juillet 2003, succédant alors à son époux. Il a été mis fin à cette fonction à l'issue de l'assemblée générale extraordinaire tenue le 21 juin 2006, au cours de laquelle a été décidée la transformation de la société en société à responsabilité limitée, dont M. Labatut a été nommé gérant. Préalablement à ce changement statutaire, M. et Mme Labatut détenaient respectivement 80,4% et 19 % du capital de la société, dont l'activité consistait à détenir des participations dans des SCI. Par décision également adoptée le 21 juin 2006, le conseil d'administration de la société a décidé la mise à la retraite de Mme Labatut pour ses 65 ans, soit le 24 août 2006, et le versement à l'intéressée d'une " indemnité d'un montant brut égal à deux ans de salaire de l'année 2005, soit 120 000 euros ". Les requérants soutiennent que cette indemnité a été versée à Mme Labatut dans le cadre de la rupture du contrat de travail la liant à la SA CGP et se trouvait donc exclue, en application des dispositions précitées du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, de son revenu imposable.

6. Mme Labatut ne peut se prévaloir d'un contrat de travail écrit conclu avec la SA CGP, et ni la production de bulletins de salaires sur la période considérée, ni les termes de la décision du conseil d'administration du 21 juin 2006, qui mentionne une mise à la retraite en qualité de " directeur salarié " à compter du jour des 65 ans de l'intéressée, ne suffisent à établir la réalité d'un contrat de travail, alors surtout que Mme Labatut était, en sa qualité de président directeur général de la société durant cette période, mandataire social. Il est en effet nécessaire dans ce cas que soit établie la réalité des activités salariées que l'intéressée aurait exercées en plus de ses fonctions de mandataire social, étant précisé que le critère essentiel du contrat de travail est l'existence d'un lien de subordination juridique, caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des directives et d'en contrôler l'exécution.

7. Si Mme Labatut soutient qu'elle exerçait une activité salariée de négociatrice immobilière, consistant à négocier des ventes auprès des locataires acquéreurs et à soutenir ces locataires pour l'obtention d'un prêt, elle ne produit aucun élément ou document de nature à établir la réalité de cette allégation. S'agissant des fonctions administratives et comptables que l'intéressée soutient avoir exercées, elle ne fait état d'aucun élément permettant de conclure qu'elles auraient constitué l'exercice d'une profession distincte des tâches lui incombant en sa qualité de président directeur général. De plus, aucun élément n'a été versé au dossier permettant de regarder Mme Labatut comme ayant été placée dans un lien de subordination à l'égard de la société, alors qu'elle en possédait avec son époux la quasi-totalité des parts. Dans ces conditions, et dès lors que Mme Labatut n'établit pas qu'elle aurait exercé au sein de l'entreprise, en sus des activités lui incombant en sa qualité de président directeur général d'une société anonyme ne comportant pas d'autres salariés, une profession distincte justifiant l'allocation d'une rémunération spécifique, et qu'il a par ailleurs été mis fin à son mandat social le 21 juin 2006, l'indemnité de 120 000 euros qui lui a été versée à l'occasion de la cessation de son activité entre dans le champ des dispositions susmentionnées du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts et doit donc, à ce titre, être incluse dans le revenu imposable de M. et Mme Labatut.

8. En deuxième lieu, il résulte des dispositions combinées des articles 12, 83 et 156 du code général des impôts que les sommes à comprendre dans l'assiette de l'impôt sur le revenu sont celles qui, au cours de l'année d'imposition, ont été mises à la disposition du contribuable, par voie, soit de paiement, soit d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré ou aurait pu effectuer, en droit ou en fait, un prélèvement au plus tard le 31 décembre de ladite année.

9. Il résulte de l'instruction qu'une somme de 120 000 euros a été inscrite sur un compte de charges à payer, en tant qu'indemnité de départ à la retraite due à Mme Labatut, le 24 août 2006. L'administration fait valoir, sans être contredite, qu'à la clôture de l'exercice 2006, la trésorerie de la société CGP ne lui permettait pas de s'acquitter envers Mme Labatut de la partie de l'indemnité restant due au 31 décembre 2006, compte tenu de l'acompte de 10 000 euros d'ores et déjà versé. Elle soutient, par ailleurs, sans être davantage contredite, que la société CGP a eu un résultat déficitaire en 2006, devait faire face, au 31 décembre de cette année, à des dettes fiscales et sociales d'un montant de 110 275 euros, ainsi qu'à d'autres dettes d'un montant de 9 855 euros, et qu'elle n'a pu s'acquitter de l'indemnité due à Mme Labatut qu'en raison du recouvrement d'une créance d'un montant de 190 000 euros, au cours de l'année 2007. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que Mme Labatut n'a pu, en fait, opérer le prélèvement de la somme de 110 000 euros avant le 31 décembre 2006. Cette somme n'ayant, par suite, pas été réellement mise à disposition de Mme Labatut en 2006, ne pouvait être incluse dans ses revenus imposables au titre de cette année et a donc été à juste titre imposée au titre de l'année 2007.

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts: " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

11. L'administration, à laquelle il incombe d'apporter la preuve du bien-fondé de l'application des pénalités au titre de l'année 2007, fait valoir que M. et Mme Labatut ont participé à la réunion du conseil d'administration du 21 juin 2006 au cours de laquelle a été adoptée la résolution prévoyant le versement à Mme Labatut d'une indemnité de départ à la retraite d'un montant de 120 000 euros, qu'ils détenaient la quasi-totalité du capital de la société, dont Mme Labatut était par ailleurs président directeur général, et que la cessation par cette dernière de ses fonctions de mandataire social, consécutive au changement de la forme sociale de la société que l'intéressée avait par ailleurs validé par son vote, ne pouvait être regardée comme une cessation forcée au sens des dispositions du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts. Ces circonstances ne suffisent toutefois pas à établir, dans les circonstances de l'espèce, que M. et Mme Labatut auraient délibérément manqué à leurs obligations en estimant que Mme Labatut avait la qualité de directeur salarié et en s'abstenant de déclarer l'indemnité de départ à la retraite qui a été versée au cours de l'année 2007. Il y a lieu, en conséquence, de prononcer la décharge des pénalités qui leur ont été infligées au titre de cette année.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme Labatut ne sont fondés à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux que dans la mesure où celui-ci a rejeté leur demande tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré mises à leur charge au titre de l'année 2007, pour un montant de 14 547 euros.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions qu'ils ont présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :



Article 1er : M. et Mme Labatut sont déchargés des pénalités mises à leur charge, en application de l'article 1729 du code général des impôts, au titre de l'année 2007.

Article 2 : Le jugement n° 1202328 du 11 mars 2014 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme Labatut est rejeté.

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N°14BX01386