Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème Chambre, 16 mars 2023, 21NC00422

Mots clés
sci • société • requête • rectification • tiers • amortissement • immobilier • immeuble • interprète • production • rapport • reconnaissance • recouvrement • rejet • requis

Chronologie de l'affaire

Conseil d'État
6 mars 2024
Cour administrative d'appel de Nancy
16 mars 2023
Tribunal administratif de Strasbourg
12 janvier 2021

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
  • Numéro d'affaire :
    21NC00422
  • Type de recours : Autres
  • Dispositif : Rejet
  • Nature : Décision
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Strasbourg, 12 janvier 2021
  • Identifiant Légifrance :CETATEXT000047318424
  • Rapporteur : M. Marc AGNEL
  • Rapporteur public :
    Mme STENGER
  • Président : M. MARTINEZ
  • Avocat(s) : KRETZ
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure : La société civile immobilière (SCI) du Forum a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre des années 2012. Par un jugement n° 1907297 du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 15 février 2021 et un mémoire enregistré le 4 février 2023, la SCI du Forum, représentée par Me Kretz, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de l'imposition contestée ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que l'administration, afin de lui refuser la déduction des amortissements, a estimé que le bien immobilier acquis en 1996, pourtant constamment loué depuis dix-neuf années, ne faisait pas partie de son actif immobilisé au titre des années 2005 à 2011 mais de son stock de marchand de biens alors que le projet de revendre ce bien a été abandonné depuis l'année 2000 ainsi que l'a rappelé la résolution de l'assemblée générale annuelle de l'année 2012 ; en vertu de l'instruction BOI 4 A-13-05 du 30 décembre 2005 (désormais BOI-BIC-CHG-20-10-10 n° 60 au 13 octobre 2014), opposable à l'administration en vertu de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'immeuble utilisé pour être loué à des tiers, comme en l'espèce, doit être inscrit à l'actif immobilisé ; la jurisprudence du Conseil d'Etat est d'ailleurs en ce sens que le bien utilisé pour être loué doit être inscrit à l'actif immobilisé alors même qu'il devrait être revendu passé un certain délai ; l'administration ne saurait invoquer l'autorité de chose jugée par cette cour le 29 janvier 2015 dès lors que les circonstances de fait ne sont pas les mêmes et il y a lieu de rappeler que la décision d'abandonner le projet de revente a été porté à la connaissance de l'administration fiscale par courrier du 30 mai 2005. Par un mémoire enregistré le 9 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique. Ont été entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A... ; - les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique ; - et les observations de Me Kretz, représentant la SCI du Forum.

Considérant ce qui suit

: 1. La SCI du Forum, dont les bénéfices sont imposables de plein droit à l'impôt sur les sociétés, a, lors de l'acquisition le 31 octobre 1996 d'un immeuble à usage d'hôtel-restaurant situé à Schiltigheim (Bas-Rhin), opté pour le régime des marchands de biens prévu à l'article 1115 du code général des impôts, permettant, dans sa rédaction alors en vigueur, l'exonération de droits d'enregistrement sous réserve de revendre ce bien dans un délai de quatre ans. L'immeuble ayant été donné à bail à une société commerciale chargée d'en assurer l'exploitation, la SCI du Forum l'a immobilisé à l'actif de son bilan et a procédé à un amortissement comptable à compter de la date de l'acquisition du bien. L'administration, estimant que l'immeuble acquis dans une perspective de revente, dans le cadre d'une activité de marchand de biens, aurait dû être comptabilisé comme un élément de stock, a remis en cause les amortissements pratiqués au titre des exercices clos en 2001, 2002 et 2003 et a réintégré, dans les résultats du premier exercice contrôlé non prescrit, le montant de la sous-évaluation de l'actif résultant des amortissements comptabilisés entre 1996 et 2000. Par arrêt du 29 janvier 2015, devenu définitif, cette cour a admis le bien-fondé de ces rectifications en rejetant l'appel formé par la SCI du Forum contre le jugement du 30 septembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg avait rejeté ses demandes tendant à la décharge des impositions supplémentaires correspondantes. A la suite d'une nouvelle vérification de comptabilité, portant sur les années 2012 à 2015, l'administration a réintégré dans le résultat de l'exercice clos en 2012, premier exercice non prescrit, le montant de la sous-évaluation de l'actif résultant des amortissements comptabilisés entre 2005 et 2011. La SCI du Forum a été assujettie en conséquence de cette rectification à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2012 et 2013 à la suite d'une proposition de rectification du 10 décembre 2015, notifiée selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. Les observations de la société des 4 janvier et 2 février 2016 ont été partiellement admises par lettre du 23 février 2016. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 15 septembre 2019 conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 16 janvier 2017. La réclamation préalable de la société relative à l'année 2012 a été rejetée le 17 juillet 2019. La SCI du Forum relève appel du jugement du 12 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2012. En ce qui concerne l'application de la loi fiscale : 2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur à la date des redressements contestés, applicable à la détermination des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés en application de l'article 209 du même code : " 1.(...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes de l'article 39 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la même date, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation ". 3. La SCI du Forum, dont l'objet social lui permet d'exercer à la fois l'activité de négoce immobilier et l'exploitation par bail de biens immobiliers, soutient qu'elle a renoncé dès l'année 2000 à revendre l'immeuble en litige et qu'elle a décidé d'en poursuivre l'exploitation directe en le donnant en location, justifiant ainsi l'immobilisation de ce bien à son actif. Toutefois, contrairement à ce que soutient la société requérante, sa lettre du 30 mai 2000 n'informe pas l'administration de l'abandon du projet de revente de l'immeuble, ainsi que le relève d'ailleurs l'arrêt du 29 janvier 2015 ci-dessus analysé, mais affirme au contraire sa détermination à poursuivre l'exercice de la profession de marchand de biens et sa volonté de revendre l'immeuble avec profit, après avoir redressé la gestion de l'hôtel, exploité par une société ayant les mêmes associés, en soulignant la nécessité de poursuivre la réalisation de ce projet sur une période de plusieurs années. Il résulte ainsi de l'instruction que la SCI du Forum avait engagé devant le juge judiciaire une procédure qui s'est conclue par un arrêt du 26 mai 2005 de la cour d'appel de Colmar, devenu définitif, reconnaissant que l'immeuble en litige avait été acquis dans une perspective de négoce. L'intention de changer la destination de l'immeuble, initialement acquis dans une perspective de négoce, ne résulte pas davantage de la seule contestation par la SCI du Forum, au cours de la procédure d'imposition puis de la procédure contentieuse, de la rectification des résultats des exercices clos en 2001, 2002 et 2003 dès lors que, dans ses observations du 4 janvier 2005 comme dans sa réclamation du 14 août 2006, elle se borne à reprocher à l'administration d'avoir tiré la conséquence de la reconnaissance de sa qualité de marchand de biens, après l'avoir initialement contestée, sans se prévaloir du changement de destination de l'immeuble. La demande présentée le 18 février 2007 devant le tribunal administratif de Strasbourg comme la requête d'appel devant la cour administrative de Nancy formée le 12 novembre 2010 revendiquent la qualité de marchand de biens de la requérante en soutenant que l'intention de revendre l'immeuble ne faisait pas obstacle à son amortissement pendant sa durée d'utilisation. Il résulte ainsi de cette circonstance que la société requérante ne saurait utilement faire valoir qu'il n'existe aucune tentative de commercialisation de l'immeuble au cours de cette période. Si l'administration a finalement admis le changement de destination de l'immeuble à compter de l'année 2012, en se fondant sur une décision de l'assemblée générale ordinaire des associés du 12 avril 2012, la société requérante ne saurait utilement invoquer le caractère rétroactif de cette décision à la date du courrier du 30 mai 2000 ci-dessus analysé, dès lors que ce courrier ne manifeste pas un tel changement d'affectation du bien, ainsi qu'il a été dit. Par suite, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction qu'avant le 12 avril 2012 l'immeuble litigieux ait été affecté à une autre destination que sa revente, un tel changement de destination ne pouvant résulter de la seule location de manière continue pendant de nombreuses années, en l'absence de tout autre élément objectif. En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi : 4. La société requérante entend invoquer sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales le bénéfice de l'instruction sous référence BOI 4-A-13-05 n° 6 au 30 décembre 2005, selon laquelle " un élément sera inscrit à l'actif immobilisé soit s'il est utilisé dans la production ou la fourniture de biens ou de services, soit pour être loué à des tiers ". Toutefois, le passage de cette instruction, laquelle ne concerne que l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif et non pas un changement de destination d'un élément d'actif déjà présent, ne saurait être interprété en ce sens que tout bien loué devrait être inscrit à l'actif immobilisé et non pas dans les stocks, les auteurs de l'instruction, rédigée à la suite de l'adoption du nouveau plan comptable général, ayant pris soin de préciser que la distinction entre immobilisation et stocks demeurait inchangée et qu'il convenait de se référer aux dispositions de l'article 38 nonies de l'annexe III au code général des impôts ainsi qu'à la documentation administrative de base de la série 4 C-2 en vigueur. Par suite, la SCI du Forum n'est pas fondée à invoquer cette instruction qui ne contient pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application ci-dessus. 5. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI du Forum n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI du Forum est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du Forum et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient : M. Martinez, président de chambre, M. Agnel, président assesseur, Mme Brodier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023. Le rapporteur, Signé : M. AgnelLe président, Signé : J. Martinez Le greffier, Signé : J-Y. Gaillard La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier, J-Y. Gaillard N° 21NC00422 2