Chronologie de l'affaire
Tribunal de Grande Instance de Lyon 10 novembre 2011
Cour d'appel de Lyon 27 septembre 2012

Cour d'appel de Lyon, 27 septembre 2012, 2011/08199

Mots clés procédure · recevabilité · intervention volontaire · dirigeant · cédant d'éléments d'actif · intérêt à agir · action en paiement du juste prix · transaction · renonciation au droit d'agir · saisine de la CNIS · prescription · prescription quinquennale · créance de nature salariale · invention de salarié · qualité d'inventeur · invention hors mission attribuable · juste prix · critères · utilité industrielle et commerciale de l'invention · apport du salarié · production de pièces -

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro affaire : 2011/08199
Domaine de propriété intellectuelle : BREVET
Numéros d'enregistrement : FR0309764
Décision précédente : Tribunal de Grande Instance de Lyon, 10 novembre 2011, N° 2008/15297
Parties : PROCÉDÉS ÉQUIPEMENTS POUR LES SCIENCES ET L'INDUSTRIE SA (PRESI) / R (Jean) ; G (Lucien, intervenant volontaire)

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Grande Instance de Lyon 10 novembre 2011
Cour d'appel de Lyon 27 septembre 2012

Texte

COUR D'APPEL DE LYON ARRET DU 27 Septembre 2012

1ère chambre civile A R.G : 11/08199

Décision du tribunal de grande instance de Lyon Au fond du 10 novembre 2011 Dixième chambre RG : 08/15297

APPELANTE : SA PROCEDES EQUIPEMENTS POUR LES SCIENCES ET L'INDUSTRIE (PRESI) [...] Tavernolles 38320 BRIE-ET-ANGONNES représentée par la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER, avocats au barreau de LYON assistée de la SELARL DUBOIS - GUMUSCHIAN & ROGUET, avocats au barreau de GRENOBLE

INTIME : Jean R représenté par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocats au barreau de LYON assisté de la SELARL OSTIAN C QUENARD, avocats au barreau de GRENOBLE

INTERVENANT VOLONTAIRE : Lucien G représenté par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de LYON assisté de la SCP VANDENBUSSCHE BENHAMOU ET ASSOCIES, avocats au barreau de GRENOBLE

Date de clôture de l'instruction : 14 Juin 2012

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Juin 2012

Date de mise à disposition : 27 Septembre 2012

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Michel GAGET, président - François MARTIN, conseiller - Philippe SEMERIVA, conseiller assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l'audience, Michel GAGET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile. Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du 10 novembre 2011 du tribunal de grande instance de Lyon qui rejette la fin de non-recevoir tenant à l'existence d'une transaction entre les parties, qui condamne la société Presi à rétribuer Jean R pour son invention par un juste prix et qui condamne avant-dire droit la société Presi à produire des justificatifs permettant d'établir ce juste prix, aux motifs que Jean R est bien l'inventeur du produit et que la mission d'invention n'était pas prévue par son contrat de travail ;

Vu la déclaration d'appel formée par la société Presi le 7 décembre 2011 ;

Vu les conclusions du 20 février 2012 de la société Presi qui conclut à l'irrecevabilité de la demande de Jean R et à la prescription de son action, qui demande la réformation du jugement et la condamnation de Jean R à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au motif que l'invention brevetée est une invention de mission et qu'aucune rémunération supplémentaire n'est due faute de preuve du caractère exceptionnel de l'invention ;

Vu les conclusions de Jean R du 14 juin 2012 qui conclut à l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de Lucien G et à la confirmation du jugement, ainsi qu'à la condamnation de la société Presi et de Lucien G à lui payer 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au motif qu'il est l'inventeur du produit litigieux, que cette invention a eu lieu hors du cadre des missions qui lui étaient confiées, et qu'il a donc droit à un juste prix en contrepartie de l'attribution des droits de propriété tirés du brevet à la société Presi ;

Vu les conclusions du 1er juin 2012 de Lucien G qui conclut à l'irrecevabilité de la demande de Jean R et qui demande la réformation du jugement et la condamnation de Jean R à lui payer la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au motif que Jean R n'est pas l'inventeur du produit, qu'à défaut il est intervenu dans le cadre d'une mission confiée par son employeur, et qu'enfin il ne peut prétendre qu'à la fixation d'un prix symbolique ;

Vu l'ordonnance de clôture du 14 juin 2012 ;

Les conseils des parties ont présenté à l'audience du 14 juin 2012 leurs observations orales après le rapport de Monsieur le Président Michel Gaget.

DECISION

La société Presi, créée en 1961, exerce une activité de fabrication de machines procédant au contrôle qualité de la structure de métaux.

Jean R a été embauché en 1968 en tant qu'acheteur dans cette société, en charge de l'achat des consommables. En 2003, Jean R a essayé de trouver un produit complémentaire à la gamme des supports de polissage commercialisés par la société, à savoir un système de maintien du support de polissage sans adhésif.

Ce dernier a trouvé un produit de base dénommé 'caoutchouc silicone auto-adhésif' auprès d'un fournisseur. Il a ensuite, avec l'aide de tests réalisés par la société Presi, transformé ce produit afin de le rendre utilisable et commercialisable.

Ce produit a été commercialisé dans le catalogue 2004 de la société Presi sous la dénomination 'Reflex Fix'.

Jean R a été licencié par la société Presi le 23 mars 2004.

Le brevet d'invention a été déposé le 8 août 2003 par la société Presi qui a mentionné comme inventeurs Lucien G et Jean R.

La société Presi a formulé une demande de brevet européen le 3 août 2004, mentionnant Lucien Grisel et Jean R comme inventeurs.

Jean R a donc demandé à être rétribué au titre de son invention.

Sur la recevabilité,

Jean R soulève l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de Lucien G, au motif qu'il ne démontre pas un intérêt à agir dans la procédure.

Lucien G estime en revanche qu'il a bien un intérêt à agir dans la procédure, dès lors qu'il était Président du Conseil d'administration de la société Presi et qu'il est tenu aujourd'hui d'une garantie d'actif et de passif à l'égard de la société ISI à laquelle il a cédé ses parts en 2006.

Il ressort des pièces fournies que Lucien G a cédé ses parts à la société ISI et qu'il s'est engagé par une garantie d'actif et de passif. La condamnation de la société Presi au paiement d'une rétribution à Jean R pourrait donc entraîner la mise en œuvre de cette garantie.

Lucien G présente donc un intérêt à agir, son intervention volontaire est recevable.

La société Presi et Lucien G soulèvent l'irrecevabilité de la demande de Jean R, dès lors que la transaction intervenue entre les parties dans le cadre du licenciement précisait que Jean R s'interdisait toute action judiciaire à l'encontre de la société Presi.

Ils soulignent que Jean R avait connaissance du brevet d'invention déposé au niveau national puisque le catalogue de 2004 mentionnait son existence et que la somme accordée dans la transaction soldait l'ensemble des comptes entre les parties à quelque titre que ce soit. En revanche, Jean R indique que la transaction signée avec la société Presi ne portait que sur son licenciement et qu'aucune mention n'était faite de l'existence d'un brevet d'invention.

En effet, il ressort du catalogue 2004 de la société Presi que l'existence d'un brevet pour la méthode 'reflex' n'apparaît pas. De plus, si la demande de brevet a été déposée en 2003 par la société Presi, la demande a été mise à disposition du public le 11 février 2005 et le brevet d'invention a été mis à disposition du public le 16 février 2007, soit postérieurement au licenciement de Jean R.

La transaction fournie par les parties stipule que 'Monsieur R Jean déclare expressément renoncer à toute action judiciaire, au regard de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail, et de façon plus générale, renoncer à toute prétention, réclamation action ou instance de quelque nature que ce soit, liée tant au litige, objet du présent protocole, qu'à l'exécution ou à la rupture de ses relations de travail à l'encontre de la société'.

Il ressort clairement des énonciations de la transaction que l'intention des parties était de régler le litige relatif au licenciement de Jean R et aux éventuelles contestations relatives à l'exécution ou à la rupture de son contrat de travail.

Un éventuel litige relatif à la rétribution d'une invention réalisée par le salarié n'est pas évoqué dans la transaction et n'a pas lieu d'être englobé dans l'expression 'liée tant au litige qu'à l'exécution ou à la rupture de ses relations de travail'.

La fin de non-recevoir est donc rejetée, le jugement est confirmé sur ce point.

Lucien G soulève également l'irrecevabilité de la demande de Jean R dès lors que celui-ci n'a pas respecté la conciliation obligatoire préalable à toute procédure, prévue par la convention collective métallurgie.

Mais l'article L611-7 du code de la propriété intellectuelle offre au salarié une option entre une action devant la commission de conciliation et le tribunal de grande instance.

La saisine de la commission de conciliation n'est donc pas obligatoire, d'autant que la convention collective prévoyant le recours à cette commission n'était plus opposable à Jean R lors de la naissance du litige, puisque celui-ci n'était plus salarié de l'entreprise.

L'action de Jean R est donc recevable.

La société Presi soulève également la prescription de l'action de Jean R, qui aurait eu connaissance du brevet le 8 août 2003, alors que la durée de prescription est de 5 ans pour les actions en paiement de salaire.

Mais l'activité inventive constitue une activité non salariée. N'ayant pas le caractère d'un salaire, le juste prix accordé en contrepartie de l'attribution de l'invention à l'employeur n'est pas soumis à la prescription quinquennale. En conséquence, l'action de Jean R n'est pas prescrite.

Sur le fond,

Vu l'article L611-7 du code de la propriété intellectuelle,

Lucien G et la société Presi soutiennent que Jean R a agi dans le cadre d'une mission qui lui a été explicitement confiée. De plus, ils avancent que ce dernier a travaillé en collaboration avec Monsieur G pour l'invention du produit.

Ils indiquent également que Jean R n'a pas inventé à lui seul ce produit, puisque d'autres salariés de l'entreprise, entre autres Mademoiselle D et Monsieur Martin, sont intervenus pour améliorer le produit et procéder aux tests nécessaires.

Mais il ressort du brevet d'invention que la société Presi a mentionné Jean R comme inventeur du produit. Aucun élément ne vient corroborer l'idée que cette inscription a eu lieu à titre honorifique comme le soutient la société Presi.

De plus, cette société ne rapporte pas la preuve d'une lettre de mission ou d'une mention dans le contrat de travail confiant à Jean R une mission de recherche et d'invention.

Sa qualification d'acheteur ne permet pas de supposer qu'il était amené dans l'exercice de ses fonctions à procéder à de telles inventions.

Lucien G lui-même souligne dans ses conclusions que Monsieur R n'a jamais eu d'activité inventive au titre de son contrat de travail.

Il n'est pas démontré que la société Presi a confié explicitement à Jean R une mission de recherche sur ce produit.

Cette invention a donc eu lieu hors mission.

En conséquence, l'employeur a le droit de se faire attribuer les droits attachés au brevet, mais il doit verser au salarié un juste prix, calculé tant en fonction des apports de l'un et l'autre que de l'utilité industrielle et commerciale de l'invention.

Jean R indique que l'intégralité des chiffres d'affaire réalisés sur les produits 'Reflex fix', 'Reflex pad', 'Reflex cap', 'Reflex mag', 'reflex nac', 'Reflex max' et 'Reflex med' doit être prise en compte puisque ces produits ont été modifiés pour être adaptés à ce nouveau produit.

La société Presi estime pour sa part que Jean R n'a pas rapporté la preuve que cette invention présente un intérêt exceptionnel pour la société, ce qui ne justifie pas qu'il bénéficie d'une rémunération supplémentaire.

Mais l'invention de Jean R ne pouvant être considérée comme une invention de mission, celui-ci ne peut pas obtenir une rémunération supplémentaire mais un juste prix prenant en compte son apport et l'utilité de l'invention. Il ressort des pièces fournies et notamment du catalogue 2008 que l'invention du 'Reflex Fix' a été utilisée dans les produits Reflex Pad, Reflex Cap, Reflex Mag et Reflex Nac, Reflex Mad et Med puisqu'il est précisé 'se pose sur Reflex Fix'.

C'est donc à juste titre et à bon droit que les premiers juges ont ordonné avant-dire droit la production des éléments permettant de fixer le juste prix dû à Jean R.

Il n'y pas lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

PAR CES MOTIFS



La Cour,

Déclare recevable l'intervention volontaire de Lucien G dans la présente procédure ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 10 novembre 2011 ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne solidairement la société Presi et Lucien G au paiement des dépens de première instance et d'appel ;

Autorise ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande à recouvrer les dépens d'appel dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.