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Conseil d'État, Chambres réunies, 8 février 2023, 456014

Chronologie de l'affaire

Conseil d'État
8 février 2023
Tribunal administratif de Nîmes
9 juillet 2021

Synthèse

  • Juridiction : Conseil d'État
  • Numéro d'affaire :
    456014
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Rejet
  • Publication : Inédit au recueil Lebon
  • Nature : Décision
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Nîmes, 9 juillet 2021
  • Identifiant européen :
    ECLI:FR:CECHR:2023:456014.20230208
  • Identifiant Légifrance :CETATEXT000047110693
  • Rapporteur : Mme Myriam Benlolo Carabot
  • Rapporteur public :
    Mme Esther de Moustier
  • Président : M. Jacques-Henri Stahl
  • Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT
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Résumé

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Texte intégral

Vu les procédures suivantes : L'association " commission des citoyens pour les droits de l'homme " (CCDH) a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le directeur général du centre hospitalier universitaire de Nîmes, sur sa demande tendant à la communication d'une copie du registre de contention et d'isolement de l'établissement correspondant à l'année 2017 et du rapport annuel établi pour cette même année et, d'autre part, d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de Nîmes de lui communiquer les documents demandés, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1904150 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision refusant la communication de ces documents et a enjoint au centre hospitalier universitaire de Nîmes de les communiquer à l'association, sans occultation de l'identifiant anonymisé du patient pour ce qui concerne le registre de contention et d'isolement, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. 1° Sous le n° 456014, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 27 août, 29 septembre et 3 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier universitaire de Nîmes demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de l'association CCDH la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 2° Sous le n° 457111, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 septembre et 3 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier universitaire de Nîmes demande au Conseil d'Etat de surseoir à l'exécution du même jugement du tribunal administratif de Nîmes. .................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du centre hospitalier universitaire de Nîmes, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de l'association " commission des citoyens pour les droits de l'homme " ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 janvier 2023, présentée par l'association " commission des citoyens pour les droits de l'homme " ;

Considérant ce qui suit

: 1. Le pourvoi et la requête du centre hospitalier universitaire de Nîmes sont dirigées contre le même arrêt. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision. Sur le pourvoi : 2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le centre hospitalier universitaire de Nîmes, saisi d'une demande de l'association " commission des citoyens pour les droits de l'homme " (CCDH) tendant à la communication d'une copie du registre de contention et d'isolement de l'année 2017 et du rapport annuel de la même année rendant compte des pratiques de contention et d'isolement observées dans cet établissement, lui a opposé une décision de refus. Le centre hospitalier universitaire de Nîmes se pourvoit en cassation contre le jugement du 9 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes, faisant droit à la demande de l'association, a annulé sa décision de refus et lui a enjoint de communiquer ces documents en occultant les éléments permettant d'identifier les patients et les personnels de santé, mais sans occultation de l'identifiant " anonymisé " du patient et des mentions relatives au début, à la fin et à la durée des mesures d'isolement et de contention. 3. D'une part, aux termes de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". Aux termes de l'article L. 311-6 du même code : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical (...) ; 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice ". Enfin, aux termes de l'article L. 311-7 de ce code : " Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ". 4. D'autre part, l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable en 2017, dispose que : " L'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée. Leur mise en œuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin. (...) / Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l'article L. 3222-1. Pour chaque mesure d'isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date et son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l'ayant surveillée. Le registre, qui peut être établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires. / L'établissement établit annuellement un rapport rendant compte des pratiques d'admission en chambre d'isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l'évaluation de sa mise en œuvre. Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers prévue à l'article L. 1112-3 et au conseil de surveillance prévu à l'article L. 6143-1 ". 5. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, qui prévoient, d'une part, que le registre de contention et d'isolement doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires et, d'autre part, que le rapport annuel rendant compte de ces pratiques est transmis pour avis à la commission des usagers et au conseil de surveillance de l'établissement, n'ont ni pour objet ni pour effet de soustraire ces documents aux règles fixées par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives au droit d'accès aux documents administratifs. Il s'ensuit que c'est sans erreur de droit que le tribunal administratif, qui a suffisamment motivé sa décision, a jugé les dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration applicables au litige qui lui était soumis. 6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le registre de contention et d'isolement comporte des mentions qui ne sont pas soumises à occultation préalable avant leur communication, telles que les dates, les heures et la durée de chaque mesure de contention forcée ou d'isolement. Le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'une erreur de qualification juridique en jugeant que le contenu du registre de contention et d'isolement du centre hospitalier ne se réduisait pas à des mentions non communicables ne peut donc qu'être écarté. 7. En troisième lieu, toutefois, les éléments permettant d'identifier les patients doivent, en application des articles L. 311-6 et L. 311-7 du code des relations entre le public et l'administration, être occultés préalablement à la communication du registre de contention et d'isolement, afin de ne pas porter atteinte au secret médical et à la protection de la vie privée, comme doivent également l'être celles permettant d'identifier les soignants, afin d'éviter que la divulgation d'informations les concernant puisse leur porter préjudice. 8. Dans le cas où l'identité des patients a fait l'objet d'une pseudonymisation, laquelle ne permet l'identification des personnes en cause qu'après recoupement d'informations, il appartient au juge administratif d'apprécier si, eu égard à la sensibilité des informations en cause et aux efforts nécessaires pour identifier les personnes concernées, leur communication est susceptible de porter atteinte à la protection de la vie privée et au secret médical. En l'espèce, compte tenu de la nature des informations en cause, qui touchent à la santé mentale des patients, et du nombre restreint de personnes pouvant faire l'objet d'une mesure de contention et d'isolement, facilitant ainsi leur identification, alors au demeurant que les autorités énumérées à l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique peuvent accéder à l'ensemble des informations figurant sur les registres et contrôler l'activité des établissements concernés, l'identifiant dit " anonymisé " figurant dans ces registres, qu'il s'agisse, selon la pratique du centre hospitalier, de " l'identifiant permanent du patient " (IPP) ou d'un identifiant spécialement défini, doit être regardé comme une information dont la communication est susceptible de porter atteinte à la protection de la vie privée et au secret médical. Cet identifiant n'est donc communicable qu'au seul intéressé en vertu des dispositions de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le centre hospitalier est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Nîmes a entaché sa décision d'erreur de qualification juridique des faits en lui enjoignant de communiquer à l'association requérante le registre demandé sans occultation préalable de l'identifiant " anonymisé " du patient. 9. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé en tant seulement qu'il a annulé le refus opposé par le centre hospitalier universitaire de Nîmes à la demande de communication du registre des mesures d'isolement et de contention prises au sein de cet établissement au cours de l'année 2017 sans occultation de l'identifiant anonymisé du patient et qu'il lui a enjoint de procéder à la communication de cet identifiant. 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans cette mesure, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 11. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que l'identifiant du patient inscrit au registre de contention et d'isolement constitue une information qui ne peut être communiquée qu'à l'intéressé. Par suite, la demande de l'association requérante tendant à ce que cet identifiant soit communiqué sans occultation préalable ne peut qu'être rejetée. Sur la requête à fin de sursis à exécution : 12. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête du centre hospitalier universitaire de Nîmes tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif. Sur les frais des instances : 13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées dans les deux instances par l'association " commission des citoyens pour les droits de l'homme " et par le centre hospitalier universitaire de Nîmes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

-------------- Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 9 juillet 2021 est annulé en tant qu'il a annulé le refus opposé par le directeur du centre hospitalier universitaire de Nîmes de communiquer à l'association " Commission des citoyens pour les droits de l'homme " le registre des mesures d'isolement et de contention établi au titre de l'année 2017 sans occultation préalable de l'identifiant " anonymisé " du patient et qu'il a enjoint au centre hospitalier universitaire de communiquer ce document sans procéder à une telle occultation. Article 2 : Les conclusions présentées par l'association " commission des citoyens pour les droits de l'homme " tendant à ce que le registre des mesures d'isolement et de contention établi au titre de l'année 2017 soit communiqué sans occultation préalable sont rejetées. Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°457111 tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes. Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le centre hospitalier universitaire de Nîmes et par l'association " commission des citoyens pour les droits de l'homme " sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier universitaire de Nîmes et à l'association " commission des citoyens pour les droits de l'homme ". Délibéré à l'issue de la séance du 23 janvier 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Nicolas Polge, conseillers d'Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 8 février 2023. Le président : Signé : M. Jacques-Henri Stahl La rapporteure : Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot La secrétaire : Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana

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