Chronologie de l'affaire
Conseil de Prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye 11 janvier 2021
Tribunal de Commerce de Versailles 23 février 2022
Cour d'appel de Versailles 10 novembre 2022

Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 10 novembre 2022, 22/01495

Mots clés Autres demandes relatives à un contrat de prestation de services · société · créance · procédure civile · contrat · requête · saisie · tribunal de commerce · référé · prud'hommes · recouvrement · conservatoire · sécurité sociale · principal · principe · condamnation

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro affaire : 22/01495
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Décision précédente : Tribunal de Commerce de Versailles, 23 février 2022
Président : Madame Nicolette GUILLAUME

Chronologie de l'affaire

Conseil de Prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye 11 janvier 2021
Tribunal de Commerce de Versailles 23 février 2022
Cour d'appel de Versailles 10 novembre 2022

Texte

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56Z

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 NOVEMBRE 2022

N° RG 22/01495 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VB2W

AFFAIRE :

[F] [V] [B] ÉPOUSE [M]

...

C/

S.A.S. WATERLOGIC FRANCE

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 23 Février 2022 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° RG : 2021R00264

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 10.11.2022

à :

Me Oriane DONTOT, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Bertrand LISSARRAGUE, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, après prorogation, dans l'affaire entre :

Madame [F] [V] [B] épouse [M]

née le 23 Juillet 1960 à [Localité 4] (92)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Monsieur [K] [M]

né le 15 Janvier 1960 à [Localité 5] (87)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20220183

Assistée par Me Damien MARY, avocat plaidant au barreau de Paris

APPELANTS

****************

S.A.S. WATERLOGIC FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

N° SIRET : 419 235 015

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2268455

Assistée par Maître Marine LALLEMAND, avocat plaidant au barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Septembre 2022, Madame Nicolette GUILLAUME, présidente ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Nicolette GUILLAUME, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d'un acte intitulé 'contrat de cession et de garantie' en date du 10 novembre 2017, les associés de la société Planète bleue, à savoir, M. [K] [M] et Mme [F] [V] [B] épouse [M], Mme [H] [M], Mme [Z] [M], M. [J] [M] et la société Vivlavie ont cédé la totalité de leurs actions à la société Waterlogic France, après quoi le 1er septembre 2018, la société Planète bleue a été absorbée par la société Waterlogic France.

Le contrat daté du 10 novembre 2017 contient au titre de garantie une clause indiquant : 'Les Garants s'engagent à concurrence de 72% pour Mme [M], et à concurrence de 28% pour M. [M], à indemniser l'acquéreur du montant de (...) tout dommage qui pourrait résulter de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail conclu directement ou indirectement entre la société et son prestataire de services M. [W] [E], et en particulier tout dommage lié à la possible requalification du contrat de prestations de services de ce dernier en contrat de travail'.

Par requête du 27 octobre 2017, M. [E] qui antérieurement au 6 octobre 2017, date de la fin de sa collaboration notifiée par la société Planète bleue, avait fourni des prestations à cette dernière au travers de ses sociétés Video Beuz et [E] Consulting, a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye aux fins d'obtenir la reconnaissance d'un contrat de travail et la condamnation de son employeur à lui payer diverses indemnités.

En appel du jugement du conseil de prud'hommes qui avait rejeté la demande de M. [E], cette cour par voie d'infirmation sur la compétence, a déclaré le conseil de prud'hommes compétent.

Par jugement rendu le 11 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye a essentiellement dit justifié le licenciement de M. [E] pour cause réelle et sérieuse, condamnant la société Waterlogic France à lui payer la somme de 59 322,11 euros au titre de diverses indemnités avec intérêts, outre celle de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et lui a ordonné l'établissement et la délivrance sous astreinte, de l'attestation pôle emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte et bulletins de paie pour la période du 5 octobre 2015 au 6 octobre 2017.

Ce jugement est définitif.

Des discussions menant à un désaccord sur le montant des sommes à payer à M. [E] et aux organismes sociaux, sont ensuite intervenues entre la société Waterlogic France et M. et Mme [M].

Puis, saisi par assignation délivrée le 26 novembre 2021 par la société Waterlogic France à M. et Mme [M] en paiement de la somme de 185 276,23 euros, M. et Mme [M] reconnaissant une créance de seulement 92 000 euros, par ordonnance rendue le 20 avril 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a :

- renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

- condamné Mme [M] à verser à la société Waterlogic France à titre de provision, en deniers ou quittance valable, 72 % de la somme de 101 864,41 euros, soit la somme de 73 342,38 euros, outre les intérêts de retard au taux d'intérêt légal à compter du 6 juillet 2021,

- condamné M. [M] à verser à la société Waterlogic France à titre de provision, en deniers ou quittance valable, 28 % de la somme de 101 864,41 euros, soit la somme de 28 522,03 euros, outre les intérêts de retard au taux d'intérêt légal à compter du 6 juillet 2021,

- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes en principal de la société Waterlogic France,

- débouté M. et Mme [M] de leur demande de mainlevée de toutes les saisies conservatoires pratiquées par la société Waterlogic France à leur encontre,

- condamné M. et Mme [M] au paiement de la somme de 2 500 euros chacun à la société Waterlogic France au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [M] aux dépens dont les frais de greffe s'élèvent à la somme de 81,20 euros.

M. et Mme [M] ont réglé la somme de 117 809,37 euros à la société Waterlogic France.

Entre-temps, au motif qu'elle aurait réglé à M. [E] la somme totale de 167 415,41 euros en exécution du jugement rendu le 11 janvier 2021 sans être remboursée par M. et Mme [M], la société Waterlogic France a saisi le tribunal de commerce de Versailles qui a autorisé par ordonnance sur requête rendue le 22 octobre 2021, une saisie à titre conservatoire sur leurs comptes bancaires d'un montant de 152 373,45 euros.

Saisi par acte d'huissier de justice délivré le 30 novembre 2021 par M. et Mme [M] à la société Waterlogic France en nullité de la requête et en rétractation de l'ordonnance rendue le 22 octobre 2021, par ordonnance contradictoire rendue le 23 février 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a :

- rejeté des débats les conclusions versées aux débats par la société Waterlogic France le 9 février 2022,

- dit n'y avoir lieu à la rétractation de l'ordonnance du tribunal de commerce de Versailles du 22 octobre 2021,

- autorisé la société Waterlogic France à saisir conservatoirement entre les mains de tout établissement bancaire toutes sommes, effets, avoirs ou valeurs dont Mme [M] est titulaire à l'égard dudit établissement bancaire, pour sûreté et conservation de la créance due par Mme [M] à la société Waterlogic France en application de la garantie spécifique conclue aux termes du contrat de cession d'action en date du 10 novembre 2017, soit la somme de 103 032,92 euros correspondant à 72 % de la créance de la société Waterlogic France qui n'a pu faire l'objet d'une saisie conservatoire faute de crédit suffisant sur le compte de Mme [M] ouvert dans les livres de la caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France,

- autorisé la société Waterlogic France à saisir conservatoirement entre les mains de tout établissement bancaire toutes sommes, effets, avoirs ou valeurs dont M. [M] est titulaire à l'égard dudit établissement bancaire, pour sûreté et conservation de la créance due par M. [M] à la société Waterlogic France en application de la garantie spécifique conclue aux termes du contrat de cession d'action en date du 10 novembre 2017, soit la somme de 40 068,36 euros correspondant à 28 % de la créance de la société Waterlogic France qui n'a pu faire l'objet d'une saisie conservatoire faute de crédit suffisant sur le compte de M. [M] ouvert dans les livres de la caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France,

- condamné M. et Mme [M] au paiement de la somme de 3 000 euros chacun à la société Waterlogic France au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [M] aux dépens,

- débouté M.et Mme [M] de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration reçue au greffe le 14 mars 2022, M. et Mme [M] ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, sauf en ce qu'elle a rejeté des débats les conclusions qui y été versées par la société Waterlogic France le 9 février 2022.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 19 septembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [M] demandent à la cour, au visa des articles 57, 114, 494, 496, 497, 874 et 875 du code de procédure civile, L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, L. 611-1 du code de la sécurité sociale et 1190 du code civil, de :

- relever que la requête de la société Waterlogic France était nulle en la forme ;

- relever que les conditions nécessaires d'une créance fondée en son principe et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement faisaient totalement défaut lors de la présentation de la requête par la société Waterlogic France ;

- relever que la société Waterlogic France a totalement méconnu le principe de non-rétroactivité de l'affiliation au régime général de l'indépendant requalifié en salarié ;

- relever que la société Waterlogic France n'a pas respecté les conditions de l'éventuel rattachement rétroactif ;

en conséquence,

- infirmer en totalité l'ordonnance rendue le 23 février 2022 par le tribunal de commerce de Versailles ;

- in limine litis, juger que la requête de la société Waterlogic France est nulle en la forme ;

- juger que la requête de la société Waterlogic France est de surcroît irrecevable ;

- rétracter l'ordonnance rendue le 22 octobre 2021 à la demande de la société Waterlogic France ;

- juger que la créance de la société Waterlogic France n'est pas fondée en son principe, ladite société faisant une interprétation totalement erronée des termes du jugement rendu le 11 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye et des règles de droit applicables en matière de sécurité sociale, créant ainsi son propre préjudice ;

- juger que l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance faisait totalement défaut ;

- juger que la société Waterlogic France fait une interprétation totalement erronée des termes du contrat de cession et de garantie en date du 10 novembre 2017, afin de tenter de mettre à la charge de M. et Mme [M] des sommes qu'ils ne sont aucunement tenus de régler ;

- débouter la société Waterlogic France de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

et en tout état de cause,

- les juger recevables et bien fondés en la totalité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- donner mainlevée des différentes mesures conservatoires ordonnées aux termes des ordonnances en date du 22 octobre 2021 et du 23 février 2022 ;

- condamner la société Waterlogic France à leur régler la totalité des frais, notamment ceux d'huissiers, que ces derniers ont dû exposer à la suite des différentes saisies qui ont été pratiquées sur leurs comptes bancaires à la suite des ordonnances en date des 22 octobre 2021 et 23 février 2022 rendues par le tribunal de commerce de Versailles ;

- condamner la société Waterlogic France à leur régler la somme de 6 000 euros que ces derniers ont dû régler en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la suite de l'ordonnance rendue le 23 février 2022 par le tribunal de commerce de Versailles ;

- condamner la société Waterlogic France à leur payer à chacun la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Waterlogic France aux entiers dépens de l'instance dont distraction au bénéfice de Maître Dontot conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 19 septembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Waterlogic France demande à la cour, au visa des articles 57 du code de procédure civile et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- confirmer l'ordonnance du 23 février 2022 en ce qu'elle :

- a dit n'y avoir lieu à la rétractation de l'ordonnance du tribunal de commerce de Versailles du 22 octobre 2022,

- a considéré qu'elle justifiait d'une créance fondée en son principe à l'encontre de M. et Mme [M] et de circonstances en menaçant le recouvrement

-l'a autorisée à saisir conservatoirement entre les mains de tout établissement bancaire toutes sommes, effets, avoirs ou valeurs dont M. et Mme [M] étaient titulaires à l'égard dudit établissement bancaire pour sureté et conservation de la créance due par ces derniers en application de la garantie spécifique conclue aux termes du contrat de cession d'action en date du 10 novembre 2022,

- a condamné M. et Mme [M] au paiement de la somme de 3 000 euros chacun à la société Waterlogic France application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la déclarer recevable en son appel incident ;

y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance du 23 février 2022 en ce qu'elle a limité le montant de sa créance à la somme de 180 056,26 euros et rejeté le surplus de ses demandes ;

statuant à nouveau :

- juger que sa créance est fondée en son principe à hauteur de la somme de 200 284,4 euros au principal, frais et accessoires y compris les intérêts à compter du 6 juillet 2021, date de la mise en demeure, sauf à parfaire ;

- juger que le solde de cette créance, compte tenu des règlements d'ores et déjà intervenus, en ce compris au titre des conversions des saisies en cours, s'élève à ce jour, à la somme de 83 411,82 euros, sauf à parfaire ;

en conséquence :

- l'autoriser à saisir conservatoirement entre les mains de tout établissement bancaire toutes sommes, effets, avoirs ou valeurs dont Mme [M] est titulaire à l'égard dudit établissement bancaire, pour sûreté et conservation de sa créance due par Mme [M] en application de la garantie spécifique conclue aux termes du contrat de cession d'action en date du 10 novembre 2017, au jour de la décision à intervenir, soit la somme de soixante mille deux-cent cinquante-huit et quatre-vingt-trois centimes (60 258,83) d'euros correspondant à 72% de sa créance qui n'a pas pu faire l'objet d'une saisie conservatoire faute de crédit suffisant sur le compte de Mme [M] ouverts dans les livres de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance d'Ile-de-France ;

- l'autoriser à saisir conservatoirement entre les mains de tout établissement bancaire toutes sommes, effets, avoirs ou valeurs dont M. [M] est titulaire à l'égard dudit établissement bancaire, pour sûreté et conservation de sa créance due par M. [M] en application de la garantie spécifique conclue aux termes du contrat de cession d'action en date du 10 novembre 2017, au jour de la décision à intervenir, soit la somme de vingt-trois mille quatre cent trente-trois et quatre-vingt-dix-neuf centimes (23 433,99) euros correspondant à 28% de sa créance qui n'a pas pu faire l'objet d'une saisie conservatoire faute de crédit suffisant sur le compte de M. [M] ouverts dans les livres de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance d'Ile-de-France ;

- débouter M. et Mme [M] de leur demande d'infirmation de l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Versailles le 23 février 2022 ;

- débouter M. et Mme [M] de leur demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées ;

- débouter M. et Mme [M] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner in solidum M. et Mme [M] à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2022.


MOTIFS DE LA DÉCISION :


Sur la dérogation au contradictoire

En page 60 de leurs conclusions, M. et Mme [M] prétendent que c'est seulement pour éviter un débat contradictoire qui aurait mis en lumière le caractère totalement infondé de sa créance que la société Waterlogic France a présenté une requête qui était en conséquence irrecevable, ce qui justifie que l'ordonnance soit rétractée.


Sur ce,


L'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que :

« Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire. »

Selon l'article R. 511-1 du même code :

« La demande d'autorisation prévue à l'article L. 511-1 est formée par requête.

Sauf dans les cas prévus à l'article L. 511-2, une autorisation préalable du juge est nécessaire.»

Il s'agit d'une disposition spécifique qui déroge à la règle générale.

L'article 875 du même code qui dispose que : 'Le président peut ordonner sur requête, dans les limites de la compétence du tribunal, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement' n'est donc pas applicable, de sorte que la société Waterlogic France n'avait pas à justifier de la dérogation au principe du contradictoire que la procédure de référé rétractation permet de ré-introduire.

Sur la régularité de la requête

M. et Mme [M] soutiennent que la requête est nulle en application de l'article 57 du code de procédure civile et de l'article 114 du même code, puisqu'elle les présente comme étant déjà saisis.

La société Waterlogic France conteste toute irrégularité et tout grief nécessaire aux effets d'une telle nullité.


Sur ce,


Selon l'article 57 du code de procédure civile :

'Lorsqu'elle est formée par le demandeur, la requête saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé. Lorsqu'elle est remise ou adressée conjointement par les parties, elle soumet au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.

Elle contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité :

- lorsqu'elle est formée par une seule partie, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;

- dans tous les cas, l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.

Elle est datée et signée.'

Selon l'article 114 du même code :

'Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.'

Il est exact que sur la première page de la requête, M. et Mme [M] apparaissent en qualité de 'débiteurs saisis'.

Le juge des requêtes a retenu que 'la créance (était) fondée en son principe et que la requérante (justifiait) de circonstances de nature à en menacer le recouvrement', que 'les requis' (et non pas 'les débiteurs saisis' ainsi qu'ils étaient maladroitement qualifiés), 'contestent une part importante de la créance tout en reconnaissant être débiteurs à l'égard de la société Waterlogic France, mais seulement à hauteur de la somme de 152 373,45 euros', et a autorisé la saisie à hauteur de cette somme.

Sans démonstration d'un grief et que cette qualification de 'débiteurs saisis' a eu une incidence sur l'autorisation donnée par le juge à procéder à la saisie, en présence d'autres éléments qui lui étaient favorables, cette demande sera rejetée et l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a jugé à cet égard.

Sur le fond

- Sur les caractéristiques de la créance

M. et Mme [M] prétendent que le principe de créance n'est pas acquis au motif que la société Waterlogic France a admis à tort sa condamnation par le jugement rendu le 11 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye et a décidé de son propre chef de l'exécuter en payant des sommes qui n'étaient pas dues au titre de cette condamnation.

Ils prétendent que la société Waterlogic France a payé des cotisations sociales, patronales et salariales pour un montant très supérieur à ce qui était dû. Ils soulèvent en effet un problème concernant l'affiliation rétroactive de M. [L] au régime général de la sécurité sociale qui selon eux est contestable, puisque ce dernier était affilié au régime de la sécurité sociale des indépendants.

Ils indiquent que l'ordonnance de référé rendue le 20 avril 2022 a jugé que la rétroactivité de la décision d'affiliation sur la période litigieuse n'était pas légale car contraire au principe de non-rétroactivité et que 'la contestation de (leur part) est sérieuse pour les sommes réclamées correspondantes à ces charges sociales susmentionnées'.

Ils prétendent que l'ordonnance de référé rendue le 20 avril 2022, en retenant au lieu de 180 056,23 euros (167 415,41 euros au titre des indemnités diverses, congés payés, cotisations salariales et patronales et intérêts de retard, et 12 640,82 euros au titre des frais de ses conseils), celle de 101 864,41 euros, à savoir 89 007,59 euros au titre des indemnités diverses, congés payés, cotisations salariales et patronales et intérêts de retard, et 12 856,82 euros au titre des frais, a adopté une position particulièrement proche de la leur.

Ils reprochent également à l'intimée d'avoir intégré dans l'assiette des cotisations sociales, des honoraires qui ont été versés à l'épouse de M. [E].

Ils contestent encore les frais qui leur sont réclamés en précisant qu'ils ne sont notamment pas tenus de régler les honoraires des propres conseils de l'intimée et en critiquant l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a jugé à ce titre.

Pour la société Waterlogic France sa créance est manifestement fondée en son principe à hauteur de 201 221,19 euros en principal (185 276,23 euros), frais et accessoire. Elle précise qu'aux termes de l'ordonnance de référé du 20 avril 2022, sa créance à l'encontre de M. et Mme [M], est désormais certaine à hauteur de 101 864,41 euros en principal.

Pour le surplus, elle soutient que la créance correspondant à la différence entre la somme qu'elle réclame à titre principal et celle de 101 864,41 euros, resterait manifestement fondée en son principe, invoquant les atermoiements et finalement, la reconnaissance dans différents courriers par M. et Mme [M] de leur créance à son égard à hauteur de 152 373,45 euros (pièce 21), somme à laquelle s'ajoutent les frais annexes. Elle invoque alors une reconnaissance de dette.

Selon l'intimée, sa créance reste après les différents paiements intermédiaires qui sont intervenus, manifestement fondée en son principe à hauteur de la somme de 83 411,82 euros, déduction faite des sommes d'ores et déjà réglées y compris les conversions des saisies en cours.

Elle entend faire valoir que ce montant est par ailleurs voué à augmenter puisque, dans la continuité du litige, M. [E] a fait procéder à sa convocation devant le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye le 13 avril 2022, aux fins de demander la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement et la communication sous astreinte, des 24 bulletins de paie couvrant la période du 5 octobre 2015 au 6 octobre 2017.

Elle prétend que les saisies conservatoires pratiquées ont déjà été converties en saisies attribution, rendant par conséquent leur mainlevée impossible.

La société Waterlogic France qui se dit avoir été obligée à une régularisation des cotisations sociales (salariales et patronales) liées à la requalification du contrat de travail de M. [E], allègue un versement à ce dernier de la somme de 167 415,41 euros (pièce 19) correspondant à :

- 19 940,76 euros au titre des sommes restant dues à M. [E] (arriérés de salaires et indemnités desquels ont été déduites les rémunérations d'ores et déjà réglées à l'intéressé) ;

- 47 383,38 euros au titre des cotisations salariales ;

- 100 091,27 euros au titre des cotisations patronales.

Elle soutient que le débat sur la non-rétroactivité de l'affiliation au régime général de la sécurité sociale de M. [E] n'a pas sa place dans cette instance et relève que le juge des référés n'a fait que retenir une contestation sérieuse sur ce point, au motif qu'un débat au fond était nécessaire, mais que pour autant le principe de créance est acquis pour les sommes qu'elle a versées au titre des cotisations patronales qui sont d'ordre public.

Selon la société Waterlogic France, aux termes du contrat de garantie, M. et Mme [M] avaient également l'obligation de rembourser les honoraires, de sorte qu'ils n'ont pas la possibilité d'écarter les frais de conseil qu'elle a engagés qui sont en lien direct avec le litige [E]. Elle réclame la somme de 17 680,82 euros à ce titre.

- Sur l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance

M. et Mme [M] rappellent que la charge de la preuve repose sur l'intimée.

Ils insistent sur l'erreur qui affecterait le montant qui leur était réclamé.

Ils admettent avoir refusé de payer, ce qui selon eux est insuffisant, mais contestent toute menace sur le recouvrement de la créance arguant au contraire de la solidité financière de leur position, travaillant tous les deux, arguant du prix de la cession litigieuse et de leur revenu fical annuel de référence de près de 200 000 euros.

Selon la société Waterlogic France au contraire, le recouvrement de sa créance est exposé à un péril manifeste du fait du refus persistant des appelants qui constitue une menace sérieuse depuis le début de l'appel en garantie, puisque le remboursement aurait dû intervenir le 3 août 2021 au plus tard.

Elle considère que le fait que « dans le cadre de la cession des titres de la société PLANETE BLEUE, Monsieur et Madame [M] et leurs enfants ont perçu près de 3.000.000,00 Euros, que les appelants sont propriétaires de leur maison et qu'ils travaillent tous les deux » et que « le revenu fiscal de référence de Monsieur et Madame [M], quant à lui, a été de 199.078,000 euros pour l'année 2020 et 191.395,00 euros pour l'année 2021 », constitue un facteur aggravant de leur attitude.

Elle rappelle que la saisie conservatoire autorisée à hauteur de 180 056,23 euros, n'a été fructueuse que pour 42 901,98 euros.


Sur ce,


Il est observé, que si les saisies conservatoires d'ores et déjà pratiquées en application de l'ordonnance du 23 février 2022 ont été converties en saisies attribution, la demande de mainlevée n'est pas pour autant sans objet au regard du montant de la saisie autorisée.

En vertu des dispositions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne justifiant d'une apparence de créance et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur.

Ce texte pose ainsi deux conditions cumulatives à l'autorisation de pratiquer une mesure

conservatoire de sorte que si l'une d'elle fait défaut, elle ne peut être permise.

Une condamnation définitive, telle que celle obtenue en référé le 20 avril 2022 dont il n'a pas été fait appel et qui a été exécutée, après la saisie conservatoire litigieuse, suffit à démontrer le caractère particulièrement fondé en son principe de la créance. Cependant, en vertu de ce titre, l'apparence de créance n'existe que pour le montant en principal retenu par le juge des référés et le montant des condamnations accessoires.

La condamnation globale de 101 864,41 euros retenue en principal comprend l'ensemble des condamnations pécuniaires prononcées par le jugement rendu le 11 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye ainsi que la somme de 24 259 euros au titre des charges patronales, 4 426,48 euros au titre des intérêts de droit depuis le 6 octobre 2017 et 12 856,82 euros de frais d'avocat.

Aux termes de cette ordonnance rendue en référé le 20 avril 2022, M. et Mme [M] sont également condamnés aux dépens et à payer la somme de 2 500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En vertu du fait constant, rappelé ci-dessus, à savoir le règlement par M. et Mme [M] de la somme de 117 809,37 euros à la société Waterlogic France, notamment à la suite de cette ordonnance, il reste à la cour d'apprécier l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe au jour où elle statue, mais uniquement sur le surplus de la créance alléguée.

À cet égard, il est observé que l'ordonnance rendue en référé le 20 avril 2022 a tranché, en la retenant, sur l'existence d'une contestation sérieuse sur 'le calcul des charges sociales (de l'ordre de 79 000 euros) rétroactivement sur les bulletins de paie couvrant la période du 5 octobre 2015 au 6 octobre 2017". Le juge des référés n'a pas seulement dit que cette question relevait du juge du fond, il a également motivé sa décision en disant qu' 'en l'espèce, M. [E] a cotisé au régime des travailleurs indépendants selon les pièces versées aux débats, en tant notamment que seul et unique associé de la société Video Beuz et Vidéo Productions qui a facturé ses prestations à Planète Bleue pendant la période litigieuse, avant la requalification du contrat'.

Dès lors, contrairement aux allégations de l'intimée, en raison de la reconnaissance de cette contestation sérieuse ainsi motivée, plus aucun principe de créance ne peut être reconnu pour des sommes versées au titre des cotisations patronales. N'a donc pas à être tranchée par la cour la question de fond de l'affiliation de M. [E] au régime général de sécurité sociale ou au régime social des indépendants.

Cette ordonnance rendue en référé le 20 avril 2022 qui lui est postérieure doit prévaloir sur le courriel de M. et Mme [M] daté du 17 juin 2021 et la lettre de M. et Mme [M] datée du 27 juillet 2021 dans laquelle ils indiquent : 'Nous attendons donc votre appel en garantie pour le montant déjà évoqué dans notre courriel du 17 juin dernier, à savoir : 152 373,45 €', dont il ne peut être considéré au regard des termes employés et des questions juridiques ci-dessus évoquées et non encore tranchées, qu'ils valent reconnaissance de dette. Les allégations en ce sens de la société Waterlogic France seront donc rejetées.

La même ordonnance a également tranché sur les frais d'avocat réclamés par la société Waterlogic France pour un montant de 17 860,82 euros, retenant une provision de 12 856,82 euros.

Enfin, il est observé que dans son courriel adressé le 27 avril 2022 par la société Waterlogic France à M. et Mme [M] (leur pièce 54), leur réclamant la somme de 117 809,37 euros finalement réglée le 3 mai 2022, étaient calculés les intérêts sur les sommes dues à cette date ainsi que les frais de recouvrement.

Dès lors, nonobstant les échanges entre les parties (pièce 21 de l'intimée notamment), le principe de créance ne peut être admis pour le surplus.

De surcroît, pour être admis à prendre une mesure conservatoire, la partie qui se prévaut d'une créance doit justifier de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

À cet égard, il est d'abord observé que l'absence d'une provision suffisante sur les comptes bancaires saisis, en présence d'un patrimoine suffisant qui n'est pas démenti, n'est pas synonyme d'une menace et n'est que la manifestation du refus de M. et Mme [M], certes en partie au moins injustifié dans un premier temps, de régler leur créance.

Or dès à présent, la résistance de M. et Mme [M] à procéder au paiement de l'intégralité de leur dette s'explique aisément par le désaccord sur son montant, le juge des référés leur ayant partiellement donné raison sur la portée de leurs contestations. Dans ces conditions, leur refus finalement vaincu ne peut suffire, en l'absence de tout autre élément d'information sur la faiblesse de leurs capacités de remboursement, pour caractériser la mise en péril de la créance.

L'ordonnance querellée sera donc infirmée et il convient de rétracter l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce le 22 octobre 2021 et d'ordonner la main levée des saisies conservatoires pratiquées en exécution.

Sur les demandes accessoires

M. et Mme [M] étant accueillis en leur recours, l'ordonnance sera également infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société Waterlogic France ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

Il est en outre inéquitable de laisser M. et Mme [M] la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. La société Waterlogic France sera en conséquence condamnée à leur verser la somme 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt vaut titre exécutoire de la créance de restitution des appelants pour les sommes qu'ils auraient versées en exécution de l'ordonnance infirmée, sans qu'il soit nécessaire de prononcer à l'encontre de l'intimée une condamnation à rembourser les sommes ainsi perçues sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance rendue le 23 février 2022 en ses chefs critiqués,

Statuant à nouveau,

Ordonne la rétractation de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce le 22 octobre 2021,

Ordonne la main levée des saisies conservatoires pratiquées en exécution de l'ordonnance rendue le 22 octobre 2021,

Y ajoutant,

Condamne la société Waterlogic France à payer à M. et Mme [M] la somme totale de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Dit que la société Waterlogic France supportera la charge des dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par les avocats qui en ont fait la demande.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Nicolette GUILLAUME, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,