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Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 22 juillet 2022, 2209602

Mots clés
règlement • requête • tiers • transfert • ressort • résidence • astreinte • réexamen • possession • rapport • requérant • requis • statuer

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
  • Numéro d'affaire :
    2209602
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Satisfaction partielle
  • Nature : Décision
  • Avocat(s) : DJEMAOUN
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête, des mémoires et des pièces complémentaires, enregistrés les 5 juillet 2022, 18 juillet 2022 et 21 juillet 2022, M. C A, représenté par Me Djemaoun, demande au tribunal : 1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 2°) d'annuler l'arrêté du 24 juin 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a prononcé son transfert aux autorités hongroises ; 3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 700 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté attaqué a été signé par une autorité dont la compétence n'est pas établie ; - il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ; - il méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; - le préfet n'établit pas que la comparaison de ses empreintes relevées dans le système Eurodac ferait ressortir qu'il a sollicité l'asile en Hongie et ne justifie pas que les autorités de ce pays ont été régulièrement saisies dans les délais impartis par le règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 d'une demande de reprise en charge, et ont fait connaître leur accord à cette demande ; - l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les articles 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs relevées en Hongrie ; - l'arrêté est entaché d'une erreur de droit, dès lors que sa situation n'entre pas dans le champ d'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, faute d'avoir déposé une demande d'asile en Hongrie et franchi irrégulièrement les frontières de ce pays. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2022, le préfet du Val-d'Oise informe le tribunal qu'il confirme l'arrêté attaqué et produit les pièces constitutives du dossier. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a désigné Mme B pour statuer sur les requêtes relevant de la procédure prévue à l'article L. 572-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Lorin, magistrat désigné ; - les observations de Me Djemaoun, représentant M. A, qui maintient les conclusions et moyens de la requête qu'il précise ; - et les observations de M. A, qui précise avoir dû fuir l'Ukraine où il s'était établi depuis la poursuite de ses études d'architecture et avait été mis en possession d'un titre de séjour. Le déclenchement du conflit armé dans ce pays a précipité son départ et s'il a traversé la Hongrie, il n'a jamais déposé de demande d'asile avant son arrivée en France ; - le préfet du Val-d'Oise n'étant ni présent, ni représenté ; La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience, à 11h 30.

Considérant ce qui suit

: 1. M. A, ressortissant irakien né le 26 novembre 1992, demande au tribunal d'annuler l'arrêté attaqué du 24 juin 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a prononcé son transfert aux autorités hongroises. Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle : 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président () ". 3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et eu égard à l'urgence qui s'attache à ce qu'il soit statué sur la requête de M. A, de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle. Sur les conclusions à fin d'annulation : 4. D'une part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etat membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride : " Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale par un ressortissant de pays tiers ou apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable () ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen ". Aux termes de l'article 7 de ce règlement relatif à la hiérarchie des critères : " 1. Les critères de détermination de l'État membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre. / 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre. () ". 5. D'autre part, aux termes de l'article 18 du même règlement : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : () / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; () ". 6. Il résulte des dispositions de l'article 7 du règlement précité que la détermination de l'Etat membre en principe responsable de l'examen de la demande de protection internationale s'effectue une fois pour toutes à l'occasion de la première demande d'asile, au vu de la situation prévalant à cette date. Les articles 8 à 15 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, réunis sous le chapitre III intitulé " critères de détermination de l'Etat membre responsable ", définissent les critères de détermination de l'Etat membre responsable d'une demande d'asile et fixent l'ordre dans lequel ces critères s'appliquent. L'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale est en principe l'Etat membre qui, à l'issue de l'examen des critères énoncés au chapitre III du règlement, est désigné sur le fondement de l'article 3 paragraphe 1 ou, à défaut, en application de l'article 3 paragraphe 2, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite. 7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise a saisi les autorités hongroises, le 1er avril 2022, d'une demande de reprise en charge de M. A sur le fondement du point b) de l'article 18-1 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 après avoir constaté, sur la base de la consultation du fichier " Eurodac ", que les empreintes de l'intéressé avaient été enregistrées le 1er mars 2022 en Hongrie en catégorie 1, soit en qualité de demandeur d'asile. En réponse à cette demande, le 8 avril 2022, les autorités hongroises ont expressément reconnu que les empreintes de M. A avaient été enregistrées à tort dans le fichier " Eurodac " en catégorie 1, dès lors qu'aucune demande de protection internationale n'avait été introduite, la Hongrie précisant également prendre les mesures nécessaires à l'effacement de cet enregistrement erroné. Il ressort de ce même courrier que M. A n'a pas franchi irrégulièrement les frontières de cet Etat depuis un pays tiers, mais a été autorisé à entrer sur le territoire hongrois, conformément à des dispositions législatives nationales relatives à l'admission et au droit de résidence des ressortissants de pays tiers pour des raisons humanitaires. En conséquence, les autorités hongroises ont expressément indiqué que la demande d'asile de M. A ne relevait pas de la responsabilité de l'Etat hongrois. En réponse à une demande de réexamen de la situation de M. A adressée le 29 avril 2022 par les autorités françaises aux autorités hongroises, ces autorités ont le 12 mai 2022, d'une part, confirmé les données factuelles tenant à son entrée régulière sur le territoire de cet Etat et à l'absence de dépôt d'une demande de protection internationale et, d'autre part, reconnu leur responsabilité à raison de son entrée sur le territoire de cet Etat pour des raisons humanitaires. 8. D'une part, il ressort de ce qui vient d'être exposé qu'en l'absence de demande d'asile enregistrée en Hongrie, le préfet du Val-d'Oise a commis une erreur de droit en décidant du transfert de M. A sur le fondement des dispositions du point b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. 9. D'autre part, il résulte des énonciations des points 4 à 6, qu'il appartenait aux autorités françaises de déterminer l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par M. A au regard des critères et suivant leur ordre d'examen lors du dépôt de la demande d'asile de l'intéressé présentée pour la première fois en France. Compte tenu des éléments relatifs à sa situation personnelle et dès lors que le requérant n'avait ni franchi irrégulièrement les frontières extérieures de la Hongrie en provenance de l'Ukraine, ni déposé de demande d'asile dans cet Etat, la France devait être regardée comme responsable de l'examen de sa demande en application des critères définis au chapitre III du règlement du 26 juin 2013 et de l'ordre d'examen de ces critères, la circonstance que M. A ait pu être autorisé à entrer sur le territoire de la Hongrie pour des raisons humanitaires sur le fondement de dispositions législatives étrangères au règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, étant sans incidence sur la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande de protection internationale. 10. Il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a prononcé son transfert aux autorités hongroises. Sur les conclusions à fin d'injonction : 11. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent jugement implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet du Val d'Oise, ou au préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence actuel de l'intéressé, d'enregistrer la demande d'asile de M. A en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés à l'instance : 12. M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Djemaoun de la somme de 900 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 112 du décret du 28 décembre 2020 et sous réserve de l'admission définitive de M. A à l'aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : M. A est admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Article 2 : L'arrêté du préfet du Val d'Oise du 24 juin 2022 est annulé. Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise, ou au préfet territorialement compétent, d'enregistrer la demande d'asile de M. A en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement. Article 4 : L'Etat versera une somme de 900 euros à Me Djemaoun, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 112 du décret du 28 décembre 2020 et sous réserve de l'admission définitive de M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. C A, à Me Djemaoun et au préfet du Val-d'Oise. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juillet 2022. Le magistrat désigné, signé C. B Le greffier, signé K. Dieng La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°220960

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