Tribunal de grande instance de Paris, 24 novembre 2005, 2004/02510

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2004/02510
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : FAMOUS
  • Classification pour les marques : CL03 ; CL18 ; CL25
  • Numéros d'enregistrement : 3013489
  • Parties : N (Nasrallah) ; MERCURE INTERNATIONAL SARL / STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER SA ; SOME LOVE SARL

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS 3ème chambre 2ème section N°RG: 04/02510 JUGEMENT rendu le 24 Novembre 2005 Assignation du : 04 Février 2004 DEMANDEURS Monsieur Nasrallah N représenté par SCP COURTOIS LEBEL & ASSOCIES, agissant par Me Arnaud C, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire P 44 S.A.R.L. MERCURE INTERNATIONAL [...] représenté par- SCP COURTOIS LEBEL & ASSOCIES, agissant par Me Arnaud C, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire P 44 DÉFENDEURS La SA STOCK J. B JENNYFER [...] Zone Industrielle des Vignes 93000 BOBIGNY représentée par Me Emmanuelle HOFFMAN-ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire D405 La S.A.R.L. SOME LOVE [...] représenté par Me Stéphane LILTI, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire Cl 133 COMPOSITION DU TRIBUNAL : Claude V, Vice-Présidente Véronique RENARD, Vice Présidente Michèle P, Vice- Présidente. assistées de Caroline LARCHE, Greffier DÉBATS A l'audience du 12 Octobre 2005 tenue en audience publique devant Mme RENARD, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile. JUGEMENT Prononcé en audience publique Contradictoire en premier ressort FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Monsieur Nasrallah N est titulaire de la marque "FAMOUS" déposée à l'INPI le 10 mars 2000 et enregistrée sous le n" 00 3 013 489 en classes 3, 18 et 25. Selon contrat du 3 janvier 2003 régulièrement inscrit au Registre National des Marques, la société MERCURE INTERNATIONAL bénéficie d'une licence exclusive d'exploitation de cette marque. Ayant été informé de la commercialisation par les boutiques à enseigne JENNYFER de vêtements reproduisant selon eux la dénomination FAMÔUS, et après avoir fait dresser le 7 janvier 2004 procès verbal de constat dans les locaux de la boutique JENNYFER située [...] et fait pratiquer le 26 janvier 2004 une saisie-contrefaçon au siège social de la société JENNYFER situé à Bobigny, Monsieur N et la société MERCURE INTERNATIONAL ont fait assigner, selon actes d'huissier du 4 février 2004, la société STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER et son fournisseur la société SOME LOVE en contrefaçon et en concurrence déloyale sur le fondement des article L 711-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle ainsi que 1382 du Code Civil pour obtenir, outre des mesures d'interdiction sous astreinte, de publication et d'affichage, le paiement, avec exécution provisoire, de la somme de 150.000 euros (soit 75.000 x 2) à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par conclusions en date du 23 février 2005, la société SOME LOVE invoque la nullité pour défaut de caractère distinctif de la marque opposée ainsi que la déchéance pour défaut d'exploitation ; elle conteste les griefs de contrefaçon et de concurrence déloyale qui lui sont reprochés pour s'opposer à l'ensemble des demandes et solliciter à titre reconventionnel le paiement de la somme de 15.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 6.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par conclusions en date du 23 juin 2005, Monsieur Nasrallah N et la société MERCURE INTERNATIONAL, après avoir réfuté les arguments en défense, ont repris l'intégralité de leurs prétentions sauf à demander au surplus que soient écartées des débats les pièces 10 à 12 visées par la société STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER à l'appui de ses conclusions régularisées le 12 mai 2005 qui ne leur auraient pas été communiquées. Par conclusions en date du 7 juillet 2005, la société STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER reprend les mêmes arguments concernant la déchéance et la nullité de la marque n° 00 3 013 489 ; elle s'oppose également à l'ensemble des demandes en contestant les griefs de contrefaçon et de concurrence déloyale qui lui sont reprochés et sollicite et tout état de cause la garantie de la société SOME LOVE de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; à titre reconventionnel elle réclame paiement de la somme de 10.000 euros de dommages- intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 juillet 2005.

MOTIFS DE LA DECISION

: Sur le rejet des débats des pièces 10 à 12 visées par la société STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER a l'appui de ses conclusions régularisées le 12 mai 2005. Attendu que ces pièces ont finalement été communiquées aux demandeurs ; qu' il n'y a donc pas lieu de les écarter des débats ; Sur la validité de la marque "FAMOUS" n° 00 3 013 4 89 Attendu que la marque "FAMOUS" n° 00 3 013 489 a ét é déposée le 10 mars 2000 pour désigner les produits de parfumerie, cosmétiques, cuir et imitation du cuir, malles et valises, parapluies, vêtements , chaussures et chapellerie des classes 3, 18 et 25 ; Qu'il convient de relever au préalable que les sociétés défenderesses ne sont recevables à solliciter la nullité de la marque "FAMOUS" n° 00 3 013 489 qu'en ce qu'elle désigne les vêtements de la classe 25 qui sont les seuls produits opposés dans le cadre de la présente procédure ; Attendu qu'aux termes de l'article L 711 -2 du Code de la Propriété Intellectuelle, sont dépourvues de caractère distinctif les dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ainsi que les dénominations qui peuvent servir à en désigner une caractéristique; Que la distinctivité de la marque doit être apprécié en mars 2000, date de son dépôt, et par rapport à la perception que pouvait en avoir non pas les professionnels de l'habillement mais le grand public auquel sont destinés les produits visés à l'enregistrement de la marque; Attendu qu'il résulte du certificat d'enregistrement que la marque n° 00 3 013 489 est une marque dénominative; Que le terme "FAMOUS" est la traduction en langue anglaise du mot français "célèbre" ; qu'il n'est pas démontré en défense en quoi cet adjectif, serait descriptif pour identifier des vêtements ou une quelconque de leurs caractéristiques ; Attendu qu'il n'est pas plus établi qu'en 2000 il était courant et usuel d'employer le mot "FAMOUS" pour désigner des vêtements, le fait que cette désignation soit utilisée à titre de dénomination sociale par des sociétés périgourdine ou bordelaise étant parfaitement inopérant; Qu'enfin la société SOME LOVE ne peut se prévaloir de droits antérieurs qui appartiendraient à des tiers ; Attendu qu’il s'ensuit que la dénomination FAMOUS n'est pas descriptive ni de l'espèce et de la destination des vêtements désignés au dépôt ; Que la marque n° 00 3 013 489 est donc valable au s ens de l'article précité ; Sur la déchéance Attendu qu'aux termes de l'article L 714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, "Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ; La déchéance peut être demandée par toute personne intéressée"; Que le délai de cinq ans commence à courir à compter de la publication de l'enregistrement au BOPI ; Que celle-ci ayant été effectuée en l'espèce le 8 septembre 2000, la marque FAMOUS n'était de ce fait susceptible d'encourir aucune déchéance au jour de la demande soit le 23 juin 2004 pour la société SOME LOVE et le 6 août 2004 pour la société STOCK J B JENNYFER, ni même au jour de la clôture des débats ; Que la demande en déchéance sera en conséquence rejetée sans qu'il soit nécessaire d'examiner les arguments des sociétés défenderesses quant à l'exploitation de la marque faite par la société MERCURE INTERNATIONAL ; Sur la contrefaçon Attendu que les termes en présence n' étant pas identiques dans tous les éléments qui les composent, "FAMOUS" d'une part et "FAMOUS 55" d'autre part, la demande doit être appréciée au regard de l'article L 713-3 b) du Code de la Propriété Intellectuelle aux termes duquel "sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement"; Qu'il convient donc de rechercher au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les marques et les signes et entre les produits désignés, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; Attendu qu'en l'espèce il ne peut être sérieusement contesté que les produits saisis sont identiques aux produits visés par l'enregistrement de la marque n" 00 3 013 489 en ce qu'ils visent des vêtements et qu'ils s'adressent à une clientèle similaire ; Attendu qu'il est constant que l'appréciation de la similitude des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants ; Qu'en l'espèce l'inscription incriminée "FAMOUS 55" reprend dans une position d'attaque le terme "FAMOUS" auquel l'ajout d'un nombre, fréquemment utilisé dans le domaine vestimentaire, et en l'occurrence 55, ne fait pas perdre ni son individualité ni son caractère essentiel dominant ; que l'adjonction de ce nombre lui confère en effet l'aspect d'une déclinaison de la marque "FAMOUS" ; Attendu dans ces conditions que la reprise de ladite marque dans le signe en cause est susceptible d'amener le public à croire en l'existence de liens commerciaux directs entre les parties et ainsi à attribuer une origine commune aux produits respectivement proposés ; Qu'il s'ensuit que les actes de contrefaçon par imitation au sens de l'article précité sont caractérisés ; Sur la concurrence déloyale Attendu que la reprise par les sociétés défenderesses de la dénomination "FAMOUS" sur leurs propres articles, selon le même graphisme et dans la même configuration que ceux utilisés par la société MERCURE INTERNATIONAL qui commercialise les produits revêtus de la marque opposée depuis le 3 janvier 2003 en vertu d'un contrat de licence exclusive et avant cette date avec l'autorisation du titulaire de la marque, constituent en outre des actes de concurrence déloyale à rencontre de cette dernière; Sur les mesures réparatrices Attendu qu'il sera fait droit à la mesure d'interdiction sollicitée dans les termes définis au dispositif de la présente décision ; Attendu qu'au cours des opérations de saisie , ont été remis à l'huissier instrumentaire des bons de commande adressés par la société JENNYFER à la société SOME LOVE le 18 octobre 2003 pour des quantités de 1.000 et 1.500 pièces contrefaisantes ainsi que des factures correspondant à ces commandes, l'une en date du 10 décembre pour 1.020 pièces, et l'autre du 16 décembre 2003 pour 1464 pièces à un prix unitaire de 3,98 euros HT ; que les robes litigieuses étaient vendus chez JENNYFER à un prix avant solde de 11,90 euros ; que la société JENNYFER bénéficie d'un réseau d'environ 300 points de vente et présente sur son site Internet accessible à l'adresse www.jennyfer.com le modèle de robe litigieux; Que compte tenu de ces éléments et de l'atteinte portée à la marque FAMOUS de par sa banalisation manifeste, il sera accordée à Monsieur N la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon et celle de 30.000 euros à la société MERCURE INTERNATIONAL du fait des actes de concurrence déloyale ; Attendu enfin qu'il convient d'ordonner, à titre de dommages-intérêts complémentaires, la publication du dispositif de la présente décision selon les modalités qui seront précisées au dispositif de la présente décision ; Que ces mesures étant suffisantes à réparer l'entier préjudice subi, il n'y pas lieu de faire droit en outre à la demande d'affichage de la décision sur le lieu d'exploitation du fonds de commerce des défenderesses qui est par ailleurs sollicitée ; Sur les autres demandes Attendu que la société SOME LOVE ne conteste pas devoir sa garantie totale à la société STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER ; Attendu que la nature de l'affaire et l'ancienneté du litige justifient l'exécution provisoire de la présente décision; Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des demandeurs la totalité des frais irrépétibles et qu'il convient de leur allouer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Attendu que les défendeurs qui succombent ne peuvent voir leur demande reconventionnelle prospérer et supporteront les dépens ;

PAR CES MOTIFS

: Le Tribunal, statuant en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort, - Déclare sans objet la demande de rejet de pièces. - Rejette les actions en nullité et en déchéance de la marque FAMOUS n° 00 3 013 489 dont Monsieur Nasrallah N est titulaire. - Dit que les sociétés STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER et SOME LOVE, en offrant à la vente et en commercialisant les vêtements objet du procès verbal de constat du 7 janvier 2004 et de la saisie-contrefaçon du 26 janvier 2004, ont commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque FAMOUS n° 00 3 013 489. - Dit que les sociétés STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER et SOME LOVE ont en outre commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société MERCURE INTERNATIONAL. En conséquence, - Interdit aux sociétés STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER et SOME LOVE la poursuite de ces agissements sous astreinte de 100 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision. - Condamne in solidum les sociétés STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER et SOME LOVE à payer à Monsieur Nasrallah N la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la contrefaçon. - Condamne in solidum les sociétés STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER et SOME LOVE à payer à la société MERCURE INTERNATIONAL la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la concurrence déloyale. - Condamne in solidum les sociétés STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER et SOME LOVE à payer à Monsieur Nasrallah N et à la société MERCURE INTERNATIONAL ensemble la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Autorise Monsieur Nasrallah N et la société MERCURE INTERNATIONAL à faire publier le dispositif de la présente décision dans deux revues, journaux ou périodiques de leur choix et aux frais in solidum des défenderesses, sans que le coût de chaque insertion n'excède, à la charge de celles-ci, la somme de 3.500 euros HT. - Dit que la société SOME LOVE doit garantir la société STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER de la totalité des sommes mises à sa charge en principal, frais et accessoires; Ordonne l'exécution provisoire. Rejette le surplus des demandes. Condamne in solidum les sociétés STOCK J. BOUTIQUE JENNYFER et SOME LOVE aux dépens. Dit qu'au regard de l'appel en garantie cette condamnation suivra le sort des condamnations principales.