Vu la procédure suivante
:
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Editions Moreau a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre années 2010, 2011 et 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés et des amendes prononcées à son encontre sur le fondement de l'article
1736 du code général des impôts au titre des mêmes années.
Par un jugement n° 1818840 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2020, la SARL Editions Moreau, représentée par Me Dumont, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1818840 du 24 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre années 2010, 2011 et 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés et des amendes prononcées à son encontre sur le fondement de l'article
1736 du code général des impôts au titre des mêmes années.
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Editions Moreau soutient que :
S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :
- elle n'a pas été préalablement informée du contrôle par la réception d'un avis de vérification incluant la charte du contribuable vérifié, l'accusé de réception produit ne comportant ni le cachet de la poste faisant foi, ni une date de présentation, ni le nom de la personne signataire, ni la signature du gérant, et elle n'a a fortiori pas disposé d'un délai suffisant entre l'envoi de cet avis et le début des opérations de contrôle, en méconnaissance des dispositions des articles
L. 47 et
L. 10 du livre des procédures fiscales, des dispositions des articles
L. 211-2 et
L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration, des principes du respect des droits de la défense et de l'égalité des armes garantis par la jurisprudence constitutionnelle et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des documentations administratives référencées 4 G-223 n° 5 du 15 mai 1993, BOI-IS-DECLA-30-40-20-20 n° 150 du 12 septembre 2012, BOI-IS-DECLA-30-10-40 n° 260 du 12 septembre 2012, 13L-1513 n° 19 du 1er avril 1995, BOI-CF-IOR-10-30-20 du 27 février 2014 n° 20 et n° 120, BOI-CF-PGR-20-10-20 du 22 mai 2015 n° 60 et 110 ;
- l'obligation d'assurer un débat oral et contradictoire avant l'envoi de la proposition de rectification n'a pas été respectée en méconnaissance des articles 13 et 14 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 14 du pacte sur les droits civils et politiques, des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des droits de la défense garantis par la jurisprudence constitutionnelle et européenne et en tant que principe général du droit, des dispositions des articles
L. 13,
L. 47 et
L. 52 du livre des procédures fiscales, des dispositions de l'article
L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, et de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;
- elle n'a pas été rendue destinataire des pièces obtenues par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication alors qu'elle en avait fait la demande en méconnaissance des dispositions de l'article
L. 76 B du livre des procédures fiscales et cette irrégularité substantielle a porté atteinte aux droits de la défense au sens des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, des articles
L. 57 et
R. 57-1 du livre des procédures fiscales, de l'article
L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration en raison, notamment, de nombreuses informations manquantes, imprécisions, incohérences en contradiction avec les principes de loyauté, de cohérence, de sécurité juridique et de confiance légitime ; cette irrégularité est substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales et a porté atteinte aux droits de la défense ;
- la réponse aux observations du contribuable est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article
L. 57 du livre des procédures fiscales et de la documentation administrative référencée 13 L-1514 n° 37 du 1er juillet 2002 reprise au BOI-CF-IOR-10-50-20 du 12 septembre 2010 n° 430 et s. et alors que la réponse doit intervenir avant l'expiration du délai de reprise prorogé dans les conditions prévues par l'article
L. 189 du livre des procédures fiscales conformément aux réponses ministérielles Voilquin (Sénat, 28 mai 1992, p. 1214 n° 20366) et Coussain (AN, 5 juillet 1993, p. 1910, n° 9) et ne peut se fonder sur l'acceptation de certains redressements par l'avocat qui l'assistait au cours de la procédure ; cette irrégularité est substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales et a porté atteinte aux droits de la défense ;
- la décision de rejet de sa réclamation préalable est insuffisamment motivée et n'est pas intervenue dans un délai raisonnable en méconnaissance des dispositions de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978, de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, des dispositions des articles
L. 211-2, L. 211-3, L. 211-5, et
L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration, des dispositions de l'article
R. 198-10 du livre des procédures fiscales, de la circulaire du Premier ministre du 28 septembre 1987, des documentations administratives référencées BOI-CTX-PREA-10-80-20 du 12 septembre 2012 n° 50 et BOI-CTX-PREA-10-80-20 du 27 décembre 2016 n° 50 ; cette irrégularité est substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales et a porté atteinte aux droits de la défense ;
- l'administration n'a pas adressé au moins une mise en demeure avant toute imposition d'office ;
- l'ensemble de ces irrégularités méconnaît les droits de la défense garantis par la jurisprudence constitutionnelle, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne notamment ses articles 47 et 48, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et en tant que principe général du droit et ces irrégularités sont substantielles au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- l'avis de mise en recouvrement est insuffisamment motivé en méconnaissance des stipulations de l'article 296 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 45 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article
L. 265 du livre des procédures fiscales, de la circulaire du Premier ministre du 28 septembre 1987, et de la documentation administrative référencée BOI-REC-PREA-10-10-20 du 17 juillet 2015 n° 90 ; cette irrégularité est substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales et a porté atteinte aux droits de la défense ;
S'agissant du bien-fondé des impositions :
- la charge de la preuve incombe à l'administration dès lors qu'elle n'a pas accepté les redressements conformément à la documentation administrative référencée BOI-CF-IOR-10-50-20 du 4 octobre 2017 ;
- elle justifie d'une comptabilité régulière et probante ;
- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée sont infondés dès lors que l'administration a méconnu les dispositions de l'article 297 A-II du code général des impôts quant à la prise en compte des variations de stocks dans le calcul de la marge ;
- l'administration n'était pas habilitée à procéder à une reconstitution de marge pour l'ensemble de l'année et devait effectuer les calculs de marge en déterminant la marge mois par mois ;
- en ce qui concerne les variations de comptes clients, les corrections apportées sont erronées, la partie du chiffre d'affaires soumise à la taxe sur la valeur ajoutée sur son montant total hors taxes étant très marginale par rapport à celle qui relève de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;
- l'administration a manqué à son devoir de loyauté en retenant finalement un rappel de taxe collectée de 20 086 euros alors qu'elle avait retenu dans la réponse aux observations du contribuable la somme de 18 542 euros ;
- les recettes correspondant au rappel de taxe sur la valeur ajoutée résultant du compte " vente de timbres " ont déjà été soumises à l'impôt sur les sociétés et ne peuvent faire l'objet d'un rehaussement au titre du profit sur le trésor, sauf à l'imposer deux fois sur la même somme ;
- l'administration a manqué à son devoir de loyauté en retenant finalement un montant de profit sur le trésor de 31 191 euros au titre de l'année 2012 alors qu'elle avait retenu une somme de 29 647 euros dans la réponse aux observations du contribuable ;
S'agissant des pénalités :
- en conséquence de ce qui précède, les pénalités ne sont pas fondées ;
- les intérêts de retard ne font pas l'objet d'une motivation suffisante en application des dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 reprises dans le code des relations entre le public et l'administration ; cette irrégularité est substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales et a porté atteinte aux droits de la défense ;
- le taux des intérêts de retard est excessif et doit être réduit au taux de l'intérêt légal dès lors que les intérêts ont le caractère de punition et que la modération des intérêts est admise en vertu des dispositions des articles
L. 62 et
L. 247 du livre des procédures fiscales ;
- les intérêts de retard méconnaissent l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la jurisprudence européenne ;
- la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée dès lors que la preuve d'un manquement délibéré n'est pas apportée ;
- la pénalité prononcée en application de l'article 1736 I 1 du code général des impôts est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative référencée 12 C-1-00 et 13 N-1-00 du 10 février 2000 et des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle n'est pas applicable en l'absence de demande de régularisation ;
- l'administration fiscale a méconnu le principe de non cumul des sanctions en lui infligeant des intérêts de retard, la majoration de 40 % pour manquement délibéré et l'amende de 50 % pour défaut de déclaration et de ce fait le principe du respect des droits de la défense, le droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la jurisprudence du Conseil Constitutionnel et celle de la Cour européenne des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir que les moyens invoqués par la SARL Editions Moreau ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des postes et des communications électroniques ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article
R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
:
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Editions Moreau, qui exerce une activité de de ventes par correspondance aux particuliers de timbres, cartes postales et billets de banque de collection, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre de cette même période assortis des intérêts de retard, de majorations et amendes ont été mis en recouvrement. La société relève appel du jugement du 24 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article
L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (...) " et aux termes de l'article
L. 10 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) / Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié (...) ".
3. Lorsque le destinataire d'une décision administrative soutient que l'avis de réception d'un pli recommandé portant notification de cette décision à l'adresse qu'il avait lui-même indiqué à l'administration n'a pas été signé par lui, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli en cause. La SARL Editions Moreau soutient qu'elle n'a pas été destinataire d'un avis de vérification et de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié avant l'engagement de la vérification de comptabilité et n'a dès lors pas disposé d'un délai suffisant pour se préparer au contrôle entre l'envoi d'un tel avis et le début des opérations. Toutefois, l'administration a produit, devant les premiers juges, une copie de cet avis en date du 9 septembre 2013 informant l'intéressée de l'engagement d'une vérification de comptabilité en ce qui concerne ses déclarations fiscales au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 avec une date de première intervention fixée au 2 octobre 2013 et faisant état de la présence en annexe de la charte (millésime mai 2013). L'administration produit également une copie de l'accusé de réception correspondant, adressé à la société, comportant une date de distribution au 16 septembre 2013, les mentions " 3927 + charte 05 13 " ainsi qu'une signature. Si la SARL Editions Moreau soutient que l'avis de réception n'a pas été signé par le gérant, seul habilité à recevoir les courriers qui lui sont adressés, et fait valoir que le pli a pu être reçu par le concierge de l'immeuble ou un employé présent tôt le matin, elle ne l'établit pas par la seule production de la copie de la carte d'identité du gérant faisant apparaître une signature différente alors qu'au demeurant, il est constant que le jour de la réception de cet avis de vérification, l'expert-comptable de la société a demandé au vérificateur de décaler l'horaire du premier rendez-vous fixé au 2 octobre 2013. En outre, la circonstance qu'aucune date de présentation n'est mentionnée alors que le pli a été remis lors de sa première présentation et qu'en tout état de cause, aucune obligation en ce sens n'est prévue au code des postes et des communications électroniques, est sans incidence, tout comme celle qu'aucun tampon de La Poste n'a été apposé sur cet avis de réception dès lors qu'une telle apposition ne figure pas au nombre des informations devant figurer sur la preuve de distribution conformément à la règlementation postale, telle qu'elle résulte de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article
R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux, dans sa rédaction alors applicable. Dès lors et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise avant dire-droit, la SARL Editions Moreau n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas reçu avant le début des opérations de contrôle, et en tout état de cause dans un délai suffisant, l'avis de vérification accompagné de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié. Par suite, les moyens tirés, de ce fait, de la méconnaissance des dispositions des articles
L. 47 et
L. 10 du livre des procédures fiscales, ne peuvent qu'être écartés. Il en va de même, en tout état de cause, des dispositions des articles
L. 211-2 et
L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration, des principes du respect des droits de la défense et de l'égalité des armes garantis par la jurisprudence constitutionnelle et des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article
L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Lorsque la vérification de comptabilité a été effectuée dans les propres locaux de l'entreprise, si celle-ci allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'elle ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, il lui appartient de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.
5. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 6 décembre 2013 que les opérations de vérification de comptabilité ayant donné lieu aux redressements en litige se sont déroulées du 2 octobre 2013 au 28 novembre 2013 dans les locaux de la société en présence de M. B..., directeur marketing dûment mandaté par le gérant et que les rehaussements et rappels envisagés ont été discutés à plusieurs reprises lors de douze interventions sur place et exposés lors de la réunion de synthèse le 28 novembre 2013, en présence du gérant, du directeur du marketing et de l'expert-comptable de la société. Dans ces conditions, il appartient à la société requérante d'établir que le service se serait refusé à un débat oral et contradictoire. Si la SARL Editions Moreau soutient qu'elle n'a pas bénéficié d'un tel débat sur les pièces comptables obtenues dans le cadre du droit de communication et au motif qu'aucun écrit n'est venu matérialiser l'existence d'un tel débat oral et contradictoire, il résulte de la proposition de rectification que de multiples échanges ont eu lieu sur la comptabilité de l'entreprise et les pièces comptables sans d'ailleurs qu'à ce stade la société ait été privée de la possibilité de contester les affirmations et conclusions du vérificateur. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que ce dernier se soit refusé à tenir compte de pièces de nature comptable qu'aurait produites la société. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée d'un débat et oral contradictoire. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance, pour ce motif, des dispositions des articles
L. 13,
L. 47 et
L. 52 du livre des procédures fiscales et de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié doivent être écartés, ainsi que, en tout état de cause, des articles 13 et 14 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions de l'article 14 du pacte sur les droits civils et politiques et des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des droits de la défense garantis par la jurisprudence constitutionnelle et européenne et en tant que principe général du droit, et des dispositions de l'article
L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article
L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article 57 ou de la notification prévue à l'article 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". La méconnaissance, par l'administration, des obligations d'information et, le cas échéant, de communication prévues par ces dispositions affecte les impositions pour lesquelles elle a utilisé les renseignements et documents en cause, que ce soit pour conduire la procédure d'imposition ou pour déterminer le montant de l'impôt.
7. La SARL Editions Moreau soutient qu'elle n'a pas eu communication des pièces obtenues par l'administration dans le cadre de son droit de communication et que la procédure d'imposition est entachée, pour ce motif, d'irrégularité. D'une part, s'il n'incombe pas à l'administration, en application des dispositions précitées du livre des procédures fiscales, de communiquer d'office au contribuable les documents ainsi obtenus et utilisés, celle-ci a transmis à la société, à la suite de la demande de cette dernière présentée le 31 janvier 2014, les pièces qu'elle a obtenues dans le cadre de son droit de communication et listées au point II.B de la proposition de rectification, en annexe à sa réponse aux observations du contribuable en date du 27 mars 2014, soit avant la mise en recouvrement des impositions en litige. D'autre part, si la requérante fait valoir que l'administration ne lui a pas transmis les contrats et factures obtenues auprès de la SARL Sasim Dynagest gestion, il résulte de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable que cette société n'a pas fourni les documents et il ne résulte pas de l'instruction que les rehaussements et rappels seraient fondés en définitive sur de telles pièces. Enfin, il résulte de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable que les pièces concernant la société MPID et la société Sako Khatchikian ont été fournies par la société elle-même au cours des opérations de vérification, ce que celle-ci ne conteste pas sérieusement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article
L. 76 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article
L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. " et aux termes de l'article
R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article
L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.
9. Si la SARL Editions Moreau fait valoir que la proposition de rectification du 6 décembre 2013 serait insuffisamment motivée, il ne résulte pas des termes de ce document que tel serait le cas. En effet, contrairement à ce qu'elle soutient, la proposition de rectification énonce de façon suffisamment précise les motifs de droit et de fait sur lesquels le service s'est fondé pour apprécier la co-gérance de fait du directeur du marketing, remettre en cause le caractère probant de la comptabilité et opérer les redressements en cause, sans que des explications supplémentaires aient été requises. L'existence d'imprécisions, d'incohérences et d'arguments injustifiés ou erronés ainsi que la méconnaissance alléguée de prises de position antérieures de l'administration sont en tout état de cause sans incidence sur le caractère suffisant ou non de la motivation retenue. Dès lors, le moyen soulevé à ce titre ne peut qu'être écarté, y compris, en tout état de cause, en ce qu'il fait valoir la méconnaissance des dispositions de l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article
L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
10.
En cinquième lieu, en vertu de l'article
L. 57 du livre des procédures fiscales précité, la réponse par laquelle l'administration rejette les observations du contribuable doit être motivée. L'administration est tenue de répliquer aux observations produites par le contribuable sans être toutefois tenue de répondre à tous les arguments formulés par ce dernier. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 57 A du même livre dans sa rédaction alors en vigueur : " En cas de vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un contribuable exerçant une activité industrielle ou commerciale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 526 000 € s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou à 460 000 € s'il s'agit d'autres entreprises ou d'un contribuable se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 460 000 €, l'administration répond dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable faisant suite à la proposition de rectification mentionnée au premier alinéa de l'article L. 57. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaut à une acceptation des observations du contribuable. / Le délai de réponse mentionné au premier alinéa ne s'applique pas en cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. ".
11. La SARL Editions Moreau fait valoir que la réponse aux observations du contribuable serait également insuffisamment motivée, en raison de diverses imprécisions, de l'absence de réponse point par point à ses arguments, de l'impossibilité de retenir une quelconque acceptation des rappels ou rehaussements de son avocat et de l'absence de transmission des pièces obtenues par l'administration dans le cadre de son droit de communication. D'une part, il ressort des énonciations de la réponse apportée par l'administration le 27 mars 2014 aux observations que la SARL Editions Moreau avait présentées par courrier du 31 janvier précédent et lors d'un rendez-vous du 11 mars 2014, que ce document répond aux éléments avancés par le contribuable, par une argumentation de droit et de fait suffisamment précise pour permettre à l'intéressé de la comprendre et de poursuivre, s'il s'y croit fondé, une contestation. Si, à cet égard, ce document fait état des documents produits et des éléments avancés par la société requérante mais maintient la position initiale du service au vu des constats précédemment opérés sur un certain nombre de points, cette circonstance n'est pas de nature à traduire une insuffisance de motivation alors que, comme indiqué précédemment, le service n'était pas tenu de répliquer à tous les arguments invoqués. D'autre part, la circonstance que la réponse aux observations du contribuable prenne note de l'acceptation de l'avocat de la société concernant certains rappels et rehaussements n'est pas davantage de nature à révéler une insuffisance de motivation. Enfin, la société requérante n'est en tout état de cause pas fondée à se prévaloir de l'absence de transmission des documents obtenus par l'administration dans le cadre de son droit de communication, eu égard à ce qui a été dit au point 7. Dès lors, la réponse aux observations du contribuable satisfait à l'exigence de motivation posée par l'article
L. 57 du livre des procédures fiscales. En outre, celle-ci est intervenue dans le délai de 60 jours prévu par les dispositions de l'article L. 57 A du même livre.
12. En sixième lieu, aux termes de l'article
L. 66 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Sont taxés d'office : (...) / 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article
L. 68 ; / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ". Les articles
L. 67 et
L. 68 du livre des procédures fiscales imposent la notification d'une mise en demeure au contribuable n'ayant pas satisfait à ses obligations déclaratives, avant d'engager la procédure de taxation d'office ou d'évaluation d'office prévue aux 1°, 2°, 4° et 5° de l'article L. 66.
13. Si la société requérante fait valoir que l'administration ne lui a pas adressé au moins une mise en demeure avant toute imposition d'office, il résulte de l'instruction que les impositions en litige ont été établies selon la procédure de redressement contradictoire et non à la suite d'une procédure de taxation d'office. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté comme inopérant.
14. En septième lieu, aux termes de l'article
R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article
L. 57 ou à la notification prévue à l'article
L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...) ".
15. L'avis de mise en recouvrement des impositions litigieuses émis le 15 décembre 2014 comporte toutes les mentions exigées par les dispositions précitées et mentionne, en particulier, pour chaque imposition les montants et les périodes concernées en distinguant les droits, les intérêts, les majorations ainsi que les amendes. Il fait en particulier référence à la proposition de rectification du 6 décembre 2013, à la réponse aux observations du contribuable du 27 mars 2014 ainsi qu'à la lettre d'information du 22 octobre 2014 qui notifie, en dernier lieu, le montant des redressements mis en recouvrement tels que ceux-ci ont été acceptés par courrier du 16 octobre précédent adressé par le représentant de la société requérante, et qui a été reçue par la société requérante le 23 octobre 2014 ainsi qu'en atteste l'avis de réception communiqué par l'administration devant les premiers juges. En outre, il ne résulte pas des dispositions précitées que l'avis de mise en recouvrement doive nécessairement mentionner en complément la base légale de chaque imposition, des majorations et amendes. Dès lors et en dépit de la circonstance que la lettre du 6 mai 2014 n'est pas visée dans l'avis de mise en recouvrement, cet avis de mise en recouvrement est régulier au regard des prescriptions de la loi fiscale.
16. En huitième lieu, l'insuffisance de motivation et le délai d'intervention de la décision de rejet de la réclamation préalable sont insusceptibles d'avoir une incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé des impositions, cette décision n'ayant pour objet que de lier le contentieux. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance, pour ces motifs, des dispositions de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978, de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, des dispositions des articles
L. 211-2,
L. 211-3,
L. 211-5 et
L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration ainsi que des dispositions de l'article
R. 198-10 du livre des procédures fiscales ne peuvent en tout état de cause qu'être écartés comme inopérants.
17. En neuvième lieu, la SARL Editions Moreau fait valoir que la procédure d'imposition menée aurait méconnu les droits de la défense en ce que le principe du contradictoire, l'égalité des armes, le caractère équitable de la procédure auraient eux-mêmes été méconnus, dès lors qu'elle n'a pas été mise à même de présenter utilement ses observations. Toutefois, elle n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé, alors qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que la proposition de rectification était suffisamment motivée, conformément à l'article
L. 57 du livre des procédures fiscales, d'autre part, que la requérante a été informée des renseignements obtenus dans le cadre du droit de communication exercé et obtenu communication des documents issus de l'exercice de ce droit, conformément à sa demande et à l'article
L. 76 B du même livre et, enfin, qu'elle a disposé d'un délai suffisant pour présenter ses observations conformément à l'article
R. 57-1 de ce livre. Dans ces conditions, ne peuvent en tout état de cause qu'être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des principes susmentionnés tels qu'ils résultent notamment de la jurisprudence constitutionnelle, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne notamment ses articles 47 et 48, de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et du principe général des droits de la défense.
18. En dixième lieu, la SARL Editions Moreau n'est pas fondée à invoquer différents points de la documentation administrative de base, de diverses instructions administratives, circulaires ou réponses ministérielles relatifs à la procédure d'imposition, visés ci-dessus, qui sont exclus du champ d'application de la garantie contre les changements de doctrine figurant à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. De même, doit être écarté comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles
L. 312-2 et 3 du code des relations entre le public et l'administration eu égard à l'existence des dispositions spécifiques et plus précises du livre des procédures fiscales mentionnées ci-avant.
19. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède qu'aucun des moyens soulevés par la SARL Editions Moreau pour contester, sur le terrain de la loi fiscale, la régularité de la procédure d'imposition dont elle a fait l'objet ne pouvant prospérer, le moyen tiré de ce que les irrégularités dont la procédure serait entachée sont substantielles au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales et portent atteinte aux droits de la défense ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
20. Aux termes de l'article R. 194-1 du code général des impôts : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ". Il résulte de l'instruction que la société, par l'intermédiaire de son conseil, a accepté de manière expresse et non équivoque les rehaussements et rappels maintenus à son encontre par un courrier du 16 octobre 2014. Par suite, la charge de la preuve du caractère exagéré des rectifications en litige lui incombe. A cet égard, la SARL Editions Moreau n'est pas fondée à invoquer différents points de la documentation administrative de base, relatifs à la procédure contentieuse, qui sont exclus du champ d'application de la garantie contre les changements de doctrine figurant à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ces différents points ne donnant en tout état de cause pas une interprétation différente de la loi fiscale.
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité comme non probante :
21. La société requérante fait valoir que c'est à tort qu'après avoir relevé neuf irrégularités comptables, le vérificateur a estimé que la comptabilité de la société n'était pas sincère et régulière. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que l'administration ait tiré des conséquences, sur le plan fiscal, de ces seules constatations figurant en titre liminaire de la proposition de rectification, en particulier en procédant à une reconstitution de recettes. Par suite, le moyen tiré de ce que la comptabilité de la société serait probante doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
22. Aux termes de l'article 297 A du code général des impôts : " I. - 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. (...) / II. - La base d'imposition définie au I peut être déterminée globalement, pour chacune des périodes couvertes par les déclarations mentionnées à l'article 287, par la différence entre le montant total des livraisons et le montant total des achats de biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité effectués au cours de chacune des périodes considérées. / Si au cours d'une période le montant des achats excède celui des livraisons, l'excédent est ajouté aux achats de la période suivante. / Les assujettis revendeurs qui se placent sous ce régime procèdent à une régularisation annuelle en ajoutant la différence entre le stock au 31 décembre et le stock au 1er janvier de la même année aux achats de la première période suivante, telle que définie au deuxième alinéa, si cette différence est négative, ou en la retranchant si elle est positive. / Cette modalité de calcul de la base d'imposition ne fait naître, au profit des assujettis revendeurs, aucun droit à restitution de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de ces opérations. (...) ".
23. En premier lieu, la SARL Editions Moreau soutient que l'administration a méconnu ces dispositions en retenant la différence entre le stock au 31 décembre et le stock au 1er janvier pour déterminer la marge de l'année considérée et non en vue de déterminer la marge de l'année suivante. Il résulte toutefois des dispositions précitées que la méthode appliquée par l'administration fiscale correspond à celle prévue par ces dispositions, la prise en compte de la variation de la valeur du stock en année N-1 étant prévue en complément lorsque le contribuable procède à la détermination globale de sa base d'imposition en application du II de l'article 297 A et ayant conduit en l'espèce l'administration, après une observation du contribuable sur ce point, à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2012 supérieur à celui retenu dans la réponse aux observations du contribuable dans la limite du montant notifié dans la proposition de rectification.
24. En deuxième lieu, la SARL Editions Moreau soutient qu'en procédant à une reconstitution de la marge, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, pour l'ensemble de chacune des années vérifiées, l'administration a méconnu les dispositions précitées du II de l'article 297 A du code général des impôts en retenant des périodes d'imposition différentes de celles prévues par le législateur. Toutefois, contrairement à ce que fait valoir la société, ces dispositions n'imposaient pas au vérificateur de procéder à une reconstitution mois par mois de la marge soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.
25. En troisième lieu, si la société requérante fait valoir que des erreurs ont été commises en ce qui concerne les variations de comptes clients, elle n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de l'existence de telles erreurs.
26. En dernier lieu, la SARL Editions Moreau soutient que l'administration a manqué à son devoir de loyauté et a commis une erreur dans les montants corrigés au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée en 2012, le rappel figurant dans la proposition de rectification d'un montant de 20 086 euros ayant été ramené à 18 542 euros dans la réponse aux observations du contribuable avant d'être finalement relevé à la somme de 20 086 euros. Toutefois l'administration fait valoir, sans être sérieusement contredite, que cette évolution fait suite aux observations présentées par le conseil de la société qui n'a pu être induite en erreur, la réponse aux observations du contribuable ne constituant pas, en tout état de cause, une prise de position formelle opposable à l'administration au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. En outre, il résulte de l'instruction que le montant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de l'année 2012 mis en recouvrement correspond à celui initialement notifié à la société dans la proposition de rectification. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
27. La SARL Editions Moreau soutient que c'est à tort que le service a retenu les recettes correspondant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur marge au nombre de ceux qui pouvaient faire l'objet d'un rehaussement au titre du profit sur le Trésor, ce mode de calcul conduisant à une double imposition dès lors que la TVA sur la marge avait déjà été incluse dans les produits soumis à l'impôt sur les sociétés. Toutefois la société, sur laquelle repose la charge de la preuve, ne démontre pas l'existence de cette double imposition, alors qu'au demeurant, l'administration a accordé la cascade en réduisant le rehaussement à l'impôt sur les sociétés d'un montant égal au profit de taxe.
28. Si la société requérante fait également valoir que l'administration a manqué à son devoir de loyauté en retenant un montant de profit sur le trésor de 31 191 euros au titre de l'année 2012 alors qu'elle avait ramené ce montant à la somme de 29 647 euros dans la réponse aux observations du contribuable, un tel moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 26.
29. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Editions Moreau n'est pas fondée à demander la décharge des impositions en litige.
Sur les intérêts et pénalités :
En ce qui concerne la demande de décharge à titre principal des intérêts de retard et pénalités :
30. Il résulte de ce qui précède que, la SARL Editions Moreau n'ayant pas établi l'irrégularité de la procédure d'imposition ou l'absence de bien-fondé des redressements, elle n'est pas fondée à demander la décharge des intérêts de retard et pénalités par voie de conséquence de la décharge des redressements, en droits, auxquels elle a été assujettie.
En ce qui concerne les intérêts de retard :
31. Aux termes du I. de l'article
1727 du code général des impôts : " Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) ".
32. En premier lieu, la SARL Editions Moreau soutient que l'application de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 précité du code général des impôts constituerait une sanction dans la mesure où son taux est excessif. Toutefois, l'intérêt de retard prévu par ces dispositions, qui s'applique indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable, vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales. Si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. La référence au taux de l'intérêt légal ou au taux de l'intérêt pratiqué sur le marché monétaire ou obligataire, ne constitue pas une référence plus pertinente pour établir le caractère manifestement excessif du taux de l'intérêt appliqué au requérant. Par suite, cette majoration ne revêtant pas le caractère d'une sanction, l'intéressée ne peut utilement se prévaloir de l'absence de motivation des intérêts de retard qui ont été mis à sa charge, de la méconnaissance, pour ce motif, des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 reprises dans le code des relations entre le public et l'administration et de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ainsi que d'une méconnaissance des droits de la défense.
33. En deuxième lieu, pour les motifs rappelés au point précédent, la SARL Editions Moreau ne peut utilement se prévaloir du caractère excessif, selon elle, de ces intérêts de retard, ni soutenir qu'ils créeraient un enrichissement sans cause pour le Trésor, faire valoir qu'il incomberait au juge d'en moduler le taux et, à tout le moins, de le ramener au niveau du taux annuel de l'intérêt légal. Elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir de la modération des intérêts admise en vertu des dispositions des articles
L. 62 et
L. 247 du livre des procédures fiscales, ces dispositions ne permettant pas en tout état de cause au juge de moduler le taux d'intérêt, pas plus que de la circonstance, au demeurant non établie, que la société aurait été privée d'un débat oral et contradictoire ou de celle qu'elle n'aurait pas été invitée à régulariser sa situation, l'administration n'ayant aucune obligation en ce sens dans le cadre de la procédure d'imposition mise en œuvre.
34. En dernier lieu, la SARL Editions Moreau ne peut pas, en tout état de cause, invoquer les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne sont pas applicables au litige relatif aux intérêts de retard, qui ne résulte ni d'une accusation en matière pénale ni d'une contestation portant sur des droits et obligations de caractère civil. Ainsi, la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge des intérêts de retard.
En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :
35. Aux termes de l'article
1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entrainent une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
36. Si la SARL Editions Moreau soutient que l'administration n'apporte pas la preuve de sa mauvaise foi, il y a lieu d'écarter le moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges au point 23 du jugement entrepris.
En ce qui concerne l'amende de 50 % prévue par l'article
1736 du code général des impôts :
37. Aux termes du 1 du I de l'article
1736 du code général des impôts : " Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l'article 240 et au 1 de l'article 242 ter et à l'article 242 ter B. L'amende n'est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. (...) ".
38. Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations. ". Ces dispositions imposent à l'administration d'énoncer les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision d'infliger une sanction fiscale.
39. D'une part, dans sa proposition de rectification du 6 décembre 2013, l'administration a indiqué le fondement légal, le fait générateur et la base de la sanction encourue en cas de défaut de désignation des bénéficiaires de dividendes. La société n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'amende n'est pas suffisamment motivée. Ainsi, les moyens tirés, pour ce motif, de la méconnaissance de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
40. D'autre part, les dispositions précitées ne subordonnent pas, contrairement à ce qu'allègue la requérante, le prononcé de l'amende à l'envoi d'une demande de régularisation demeurée sans effet. Par ailleurs, s'il résulte de l'instruction qu'une régularisation est intervenue, celle-ci est sans incidence sur le bien-fondé de l'amende infligée et il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges au point 27 du jugement entrepris, eu égard au caractère tardif de la régularisation effectuée.
En ce qui concerne le cumul de pénalités :
41. La SARL Editions Moreau fait valoir que le service aurait irrégulièrement procédé à l'application cumulative des sanctions prévues aux articles
1727,
1729 et
1736 du code général des impôts. Toutefois et d'une part, pour les motifs rappelés au point 32, l'intérêt de retard ne peut être regardé comme constituant une sanction. D'autre part, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la majoration de l'article 1729 et l'amende de l'article 1736 ne sanctionnent pas les mêmes manquements. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration lui a appliqué cumulativement des sanctions, ni en conséquence qu'un tel cumul conduit à un montant total disproportionné. Les moyens tirés de la méconnaissance, à ce titre, de l'article 1er du premier protocole annexé à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la jurisprudence constitutionnelle, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et du principe de respect des droits de la défense ne peuvent qu'être écartés.
42. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Editions Moreau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Editions Moreau est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Editions Moreau et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (Service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 27 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Fullana, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 10 juin 2022.
La rapporteure,
M. FULLANA Le président,
S. CARRERELa greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03849